The Project Gutenberg EBook of Les mutations du livre, by Marie Lebert This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. 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Le Projet Gutenberg 4. Des livres à vendre sur le web 5. Les auteurs tissent leur toile 6. Les éditeurs sur le réseau 7. La mue des bibliothèques 8. Une vaste encyclopédie 9. Le livre numérique 10. Les supports de lecture 11. Une information multilingue 12. De nombreux défis 13. Conclusion 14. Chronologie commentée 15. Remerciements 16. Commentaires 17. Sites et pages web 18. Index 1. EN QUELQUES MOTS «Les mutations du livre» est un livre de synthèse de 1971 à nos jours, basé sur le suivi de l'actualité francophone et internationale, et issu des multiples liens tissés sur la toile avec nombre de professionnels du livre au fil des ans. L’internet et les technologies numériques bouleversent le monde du livre. Imprimé sous de multiples formes depuis plus de cinq siècles, le livre se convertit. Si le livre imprimé a toujours sa place, d’autres supports se développent, et les habitudes de travail changent. On voit apparaître les textes électroniques, les bibliothèques numériques, les librairies en ligne, les éditeurs électroniques, les encyclopédies en ligne, les oeuvres hypermédias, les logiciels de lecture et les appareils de lecture dédiés. Le web devient une vaste encyclopédie et le patrimoine mondial est en cours de numérisation. Le papier électronique est pour bientôt. Basé sur une centaine d’entretiens, ce livre tente de faire le tour de la question. Il est complété par une chronologie détaillée et une liste de sites web. Marie Lebert est chercheuse et journaliste. Elle s’intéresse de près aux changements apportés par les technologies numériques dans le monde du livre et celui des langues. «Après De l'imprimé à Internet (00h00, 1999), Le Livre 010101 (NEF/Numilog, 1993-2003) et le Dictionnaire du NEF (2003-2007), la journaliste la plus assidue de la sphère cyberbibliophile nous livre un nouvel état des lieux de la révolution numérique engagée au milieu des années 90 dans le secteur du livre et de la culture. La chronologie méticuleuse et sourcée de Marie Lebert retend le fil d'Ariane que l'on croyait définitivement perdu avec le brouillage sémantique de ces dernières années.» (Marc Autret, juillet 2007) Ce livre est issu des multiples liens tissés sur le Net des études françaises (NEF), fondé en mai 2000 par Russon Wooldridge, professeur à l’Université de Toronto (Canada). Le NEF se veut d’une part «un filet trouvé qui ne capte que des morceaux choisis du monde des études françaises, tout en tissant des liens entre eux», d’autre part un réseau dont les «auteurs sont des personnes oeuvrant dans le champ des études françaises et partageant librement leur savoir et leurs produits avec autrui», deux belles définitions qui conviennent aussi à ce livre et aux nombreux entretiens, études et enquêtes qui l'ont précédé. L'ensemble de ces travaux est librement disponible en ligne sur le NEF. 2. INTRODUCTION L’internet et les technologies numériques bouleversent le monde du livre. Imprimé sous de multiples formes depuis plus de cinq siècles, le livre se convertit. Si le livre imprimé a toujours sa place, d’autres supports se développent, et les habitudes de travail changent. On voit apparaître les textes électroniques, les bibliothèques numériques, les librairies en ligne, les éditeurs électroniques, les encyclopédies en ligne, les oeuvres hypermédias, les logiciels de lecture et les appareils de lecture dédiés. Le web devient une vaste encyclopédie et le patrimoine mondial est en cours de numérisation. Le papier électronique est pour bientôt. Apparu en 1974, l’internet est d’abord un phénomène expérimental enthousiasmant quelques branchés. A partir de 1983, il relie les centres de recherche et les universités. Suite à l’apparition du web en 1990 et du premier navigateur en 1993, il envahit notre vie quotidienne. Les signes cabalistiques des adresses web fleurissent sur les livres, les journaux, les affiches et les publicités. La presse s’enflamme pour ce nouveau médium. La majuscule d’origine d’Internet s’estompe. Internet devient l’internet, avec un «i» minuscule. De nom propre il devient nom commun, au même titre que l’ordinateur, le téléphone, le fax et le minitel. La même remarque vaut pour le World Wide Web, qui devient tout simplement le web. Alors que leur vie professionnelle était relativement stable jusque-là, les professionnels du livre doivent composer avec un outil nouveau venu bousculer l’imprimé pluricentenaire. Antagonisme ou complémentarité? L’internet avale-t-il vraiment le monde de l’imprimé? L’internet révolutionne-t-il vraiment le monde du livre, au même titre que l’imprimerie en d’autres temps? Certains annoncent même la mort prochaine du papier traditionnel et son remplacement par le papier électronique. Au début des années 2000, des milliers d’oeuvres du domaine public sont en accès libre sur le web. Les libraires et les éditeurs ont pour la plupart un site web. Certains naissent directement sur le web, avec la totalité de leurs transactions s'effectuant via l’internet. De plus en plus de livres et revues ne sont disponibles qu’en version numérique, pour éviter les coûts d’une publication imprimée. L’internet devient indispensable pour se documenter, avoir accès aux documents et élargir ses connaissances. Le web devient une gigantesque encyclopédie, une énorme bibliothèque, une immense librairie et un médium des plus complets. De statique dans les livres imprimés, l’information devient fluide, avec possibilité d’actualisation constante. A ceci s’ajoute la mise au point de technologies numériques pour faire passer les oeuvres du papier à l’écran, pour concevoir des logiciels de lecture et pour mettre au point des appareils de lecture. Le livre imprimé doit désormais compter avec le livre numérique, qu’on peut lire sur son ordinateur, sur son assistant personnel (PDA), sur son téléphone ou sur un appareil dédié. Des écrivains explorent les possibilités offertes par l’hyperlien et le courriel pour créer des oeuvres d’un genre nouveau. Contrairement aux pronostics un peu rapides de quelques spécialistes enthousiastes, le livre imprimé n’est pas menacé pour autant, loin s’en faut, et il est un peu tôt pour pleurer la mort du papier. On a désormais deux supports - papier et numérique - au lieu d’un seul. Si les lecteurs sont maintenant nombreux à utiliser les ressources offertes par le numérique, peu d'entre eux sont devenus pour autant des adeptes du «zéro papier», et beaucoup restent amoureux du livre imprimé, à la fois pour son côté pratique et pour le plaisir de l’objet. Le livre imprimé a cinq siècles et demi. Le livre numérique a tout juste 35 ans. Il est né avec le Projet Gutenberg, créé en juillet 1971 par Michael Hart pour distribuer gratuitement les oeuvres du domaine public par voie électronique. Si on le réduit à son aspect commercial, il est né en mai 1998 avec la mise en vente des premiers titres numériques par les éditions 00h00. Signe des temps, en novembre 2000, la British Library met en ligne la version numérique de la Bible de Gutenberg, premier livre à avoir jamais été imprimé. Datant de 1454 ou 1455, cette Bible aurait été imprimée par Gutenberg en 180 exemplaires dans son atelier de Mayence, en Allemagne. 48 exemplaires, dont certains incomplets, existeraient toujours. La British Library en possède deux versions complètes, et une partielle. En mars 2000, dix chercheurs et experts techniques de l’Université Keio de Tokyo et de NTT (Nippon Telegraph and Telephone Communications) viennent travailler sur place pendant deux semaines pour numériser les deux versions complètes, légèrement différentes. Le présent livre se base à la fois sur le suivi de l’actualité et sur une centaine d’entretiens menés par courriel dans nombre de pays et sur plusieurs années, les mêmes personnes étant souvent interviewées plusieurs fois. Il ne prend malheureusement pas en compte - ou si peu - les vastes domaines que sont les manuels d’enseignement et les livres pour enfants. On ne parle donc ni du cartable électronique ni de Harry Potter, excepté pour son édition en braille. Les quelque 250 pages de ce livre ne peuvent couvrir les multiples facettes d’un sujet qui évolue sans arrêt. Tenter de faire le tour de la question ne signifie pas prétendre à l’exhaustivité, malheureusement. On s’est également efforcé d’éviter le jargon informatique réservé aux initiés, ce qui n’est pas toujours facile. Tout en restant modeste, parce que tenter de concilier analyse et synthèse est loin d’être évident. Et coller à l’actualité tout en gardant le recul nécessaire est souvent une gageure. Ce livre se veut francophone, sans souci de frontières. On privilégie les informations concernant l’ensemble de la Francophonie, plutôt que celles provenant d’un pays donné. Tout en accordant une large place à la communauté anglophone, pour des raisons évidentes, l’internet ayant débuté en Amérique du Nord avant de s’étendre au monde entier. On n’oublie pas non plus le grand pôle technologique qu’est l’Asie. Nombreuses sont les informations concernant l’ensemble de la planète, l’internet n’ayant pas de frontières. Autre originalité du présent livre, la quasi-totalité des informations émane de l’internet. Les premiers sites sont «épluchés» directement sur le web dès ses débuts, à l’époque où il est encore embryonnaire. Le travail se poursuit au fil des ans, en suivant l’actualité sur la vaste encyclopédie que devient le web. Les entretiens sont conduits via l’internet après avoir trouvé les courriels des personnes concernées sur leurs sites respectifs. Les échanges se poursuivent d’année en année, à distance et en personne. La totalité des entretiens, études, enquêtes et analyses est disponible en ligne sur le Net des études françaises (www.etudes-francaises.net/entretiens/), basé à l’Université de Toronto (Canada). 3. LE PROJET GUTENBERG [3.1. De 1971 à 2006 / Un pari sur 35 ans / Gestation puis persévérance / De dix à mille livres / De mille à dix mille livres / De dix mille à vingt mille livres // 3.2. La méthode adoptée // 3.3. La correction partagée // 3.4. Des collections multilingues // 3.5. Du passé vers l’avenir // 3.6. Chronologie] Si le livre imprimé a cinq siècles et demi, le livre numérique a tout juste 35 ans. Il est né avec le Projet Gutenberg, créé en juillet 1971 par Michael Hart pour diffuser gratuitement sous forme électronique les oeuvres littéraires du domaine public. Site pionnier à tous égards, le Projet Gutenberg est à la fois le premier site d’information sur un réseau encore embryonnaire et la première bibliothèque numérique. Longtemps considéré par ses détracteurs comme totalement irréaliste, le Projet Gutenberg compte 20.000 titres en décembre 2006, avec des dizaines de milliers de téléchargements quotidiens. A ce jour, personne n’a fait mieux pour mettre les classiques de la littérature mondiale à la disposition de tous, ni pour créer à moindres frais un immense réseau de volontaires de par le monde, sans gâchis de compétences ni d’énergie. 3.1. De 1971 à 2006 = Un pari sur 35 ans Les vingt premières années, Michael Hart numérise lui-même les cent premiers livres, avec l’aide occasionnelle de telle ou telle personne. Lorsque l’utilisation du web se généralise au milieu des années 1990, le projet trouve un second souffle et un rayonnement international. Tout en continuant de numériser des livres, Michael Hart coordonne désormais le travail de dizaines puis de centaines de volontaires de par le monde. Les collections atteignent 1.000 livres en août 1997, 2.000 livres en mai 1999, 3.000 livres en décembre 2000 et 4.000 livres en octobre 2001. Trente ans après ses débuts, le Projet Gutenberg fonctionne à plein régime. La barre des 5.000 livres est franchie en avril 2002, celle des 10.000 livres en octobre 2003, celle des 15.000 livres en janvier 2005 et celle des 20.000 livres en décembre 2006. Avec 360 nouveaux livres par mois, 38 sites miroirs dans de nombreux pays, plusieurs dizaines de milliers de téléchargements par jour et des milliers de volontaires toutes équipes confondues. Qu’ils aient été numérisés il y a trente ans ou qu’ils soient numérisés maintenant, tous les livres sont numérisés en mode texte, en utilisant l’ASCII (American standard code for information interchange) original sur sept bits, avec des règles précises pour le formatage. Grâce à quoi les textes peuvent être lus sans problème quels que soient la machine, la plateforme et le logiciel utilisés, y compris sur un PDA ou sur une tablette de lecture. Libre ensuite à chacun de convertir les livres dans d'autres formats, après avoir vérifié que les oeuvres sont également du domaine public dans le pays concerné. En janvier 2004, le Projet Gutenberg essaime outre-Atlantique avec la création du Projet Gutenberg Europe. A la mission originelle s’ajoute le rôle de passerelle entre les langues et les cultures, l’objectif étant une bibliothèque d’un million de livres d’ici 2015, avec de nombreuses sections nationales et linguistiques. Tout en conservant la même ligne de conduite, à savoir la lecture pour tous à moindres frais, par le biais du texte électronique gratuit, indéfiniment utilisable et reproductible. Et, dans un deuxième temps, la numérisation de l’image et du son, dans le même esprit. = Gestation puis persévérance Revenons aux tous débuts du projet. Alors étudiant à l’Université d’Illinois (Etats-Unis), Michael Hart se voit attribuer 100 millions de dollars de «temps machine» par le laboratoire informatique (Materials Research Lab) de son université. Le 4 juillet 1971, jour de la fête nationale, il saisit The United States Declaration of Independence (Déclaration de l’indépendance des Etats-Unis, signée le 4 juillet 1776) sur le clavier de son ordinateur. En caractères majuscules, puisque les caractères minuscules n’existent pas encore. Le texte électronique représente 5 Ko (kilo-octets). Mais l’envoi d’un fichier de 5 Ko à la centaine de personnes que représente le réseau de l’époque aurait fait imploser celui-ci, la bande passante étant infime. Michael Hart diffuse donc un message indiquant où le texte est stocké (sans lien hypertexte toutefois, puisque le web ne voit le jour que vingt ans après), suite à quoi le fichier est téléchargé par six personnes. Le Projet Gutenberg est né. Dans la foulée, Michael Hart décide de consacrer ce crédit-temps de 100 millions de dollars à la recherche des oeuvres du domaine public disponibles en bibliothèque et à la numérisation de celles-ci. Il décide aussi de stocker les textes électroniques de la manière la plus simple possible, au format ASCII, pour que ces textes puissent être lus sans problème quels que soient la machine, la plateforme et le logiciel utilisés. Au lieu d’un ensemble de pages reliées, le livre devient un texte électronique que l’on peut dérouler en continu, avec des lettres capitales pour les termes en italique, en gras et soulignés de la version imprimée. Peu après, il définit la mission du Projet Gutenberg: mettre à la disposition de tous, par voie électronique, le plus grand nombre possible d’oeuvres du domaine public. «Nous considérons le texte électronique comme un nouveau médium, sans véritable relation avec le papier», explique-t-il beaucoup plus tard, en août 1998. «Le seul point commun est que nous diffusons les mêmes oeuvres, mais je ne vois pas comment le papier peut concurrencer le texte électronique une fois que les gens y sont habitués, particulièrement dans les écoles.» Après avoir saisi The United States Declaration of Independence en 1971, Michael Hart poursuit ses efforts en 1972 en saisissant un texte plus long, The United States Bill of Rights (Déclaration des droits américaine). Cette Déclaration des droits comprend les dix premiers amendements ajoutés en 1789 à la Constitution des Etats-Unis (qui date elle-même de 1787), et définissant les droits individuels des citoyens et les pouvoirs respectifs du gouvernement fédéral et des Etats. En 1973, Michael Hart saisit The United States Constitution (Constitution des Etats-Unis) dans son entier. D’année en année, la capacité de la disquette augmente régulièrement (le disque dur n’existe pas encore), si bien qu'il est possible d’envisager des fichiers de plus en plus volumineux. Michael Hart entreprend la numérisation de la Bible, composée elle-même de plusieurs «livres», qui peuvent être traités séparément et occuper chacun un fichier différent. Il débute aussi la saisie des oeuvres complètes de Shakespeare, une pièce après l’autre, avec un fichier pour chaque pièce. Cette édition n'est d’ailleurs jamais mise en ligne, du fait d’une loi plus contraignante sur le copyright entrée en vigueur dans l’intervalle, et qui vise non pas le texte de Shakespeare, tombé depuis longtemps dans le domaine public, mais les commentaires et notes de cette édition. D’autres éditions annotées appartenant au domaine public sont mises en ligne quelques années après. Parallèlement, l’internet, qui était encore embryonnaire en 1971, débute véritablement en 1974, suite à la création du protocole TCP/IP (transmission control protocol / internet protocol). En 1983, le réseau est en plein essor. = De dix à mille livres En août 1989, le Projet Gutenberg met en ligne son dixième texte, The King James Bible. En 1990, les internautes sont au nombre de 250.000, et le standard en vigueur est la disquette de 360 Ko (kilo-octets). En janvier 1991, Michael Hart saisit Alice’s Adventures in Wonderland (Alice au pays des merveilles) de Lewis Carroll (paru en 1865). En juillet de la même année, il saisit Peter Pan de James M. Barrie (paru en 1904). Ces deux classiques de la littérature enfantine tiennent chacun sur une disquette standard. Arrive ensuite le web, opérationnel en 1991. Le premier navigateur, Mosaic, apparaît en novembre 1993. Lorsque l’utilisation du web se généralise, il devient plus facile de faire circuler les textes électroniques et de recruter des volontaires. Le Projet Gutenberg rode sa méthode de travail, avec la numérisation d’un texte par mois en 1991, deux textes par mois en 1992, quatre textes par mois en 1993 et huit textes par mois en 1994. En janvier 1994, le Projet Gutenberg fête son centième livre avec la mise en ligne de The Complete Works of William Shakespeare (Les oeuvres complètes de William Shakespeare). La production continue ensuite d’augmenter, avec une moyenne de 8 textes par mois en 1994, 16 textes par mois en 1995 et 32 textes par mois en 1996. Comme on le voit, entre 1991 et 1996, la production double chaque année. Tout en continuant de numériser des livres, Michael Hart coordonne désormais le travail de dizaines de volontaires. Depuis la fin 1993, le Projet Gutenberg s’articule en trois grands secteurs: a) «Light Literature» (littérature de divertissement), qui inclut par exemple Alice’s Adventures in Wonderland, Peter Pan ou Aesop’s Fables (Les Fables d’Esope) ; b) «Heavy Literature» (littérature «sérieuse»), qui inclut par exemple La Bible, les oeuvres de Shakespeare ou Moby Dick ; c) «Reference Literature» (littérature de référence), composée d’encyclopédies et de dictionnaires, par exemple le Roget’s Thesaurus. Cette présentation en trois secteurs est abandonnée par la suite. Le Projet Gutenberg se veut «universel», aussi bien pour les oeuvres choisies que pour le public visé, le but étant de mettre la littérature à la disposition de tous, en dépassant largement le public habituel des étudiants et des enseignants. Le secteur consacré à la littérature de divertissement est destiné à amener devant l’écran un public très divers, par exemple des enfants et leurs grands-parents recherchant le texte électronique de Peter Pan après avoir vu le film Hook, ou bien la version électronique d’Alice au pays des merveilles après avoir regardé l'adaptation filmée à la télévision, ou encore l’origine d’une citation littéraire après avoir vu un épisode de Star Trek. Pratiquement tous les épisodes de Star Trek citent des livres ayant leur correspondant numérique dans les collections du Projet Gutenberg. L’objectif est donc que tous les publics, qu’ils soient familiers ou non avec le livre imprimé, puissent facilement retrouver des textes entendus dans des conversations, des films, des musiques, ou alors lus dans d’autres livres, journaux et magazines. Les fichiers électroniques prennent peu de place grâce à l’utilisation du format ASCII. On peut facilement les télécharger par le biais de la ligne téléphonique. La recherche textuelle est tout aussi simple. Il suffit d’utiliser la fonction «recherche» présente dans n’importe quel logiciel. En 1997, la production est toujours de 32 titres par mois. En juin 1997, le Projet Gutenberg met en ligne The Merry Adventures of Robin Hood (Les aventures de Robin des Bois) de Howard Pyle (paru en 1883). En août 1997, il met en ligne son millième texte électronique, La Divina Commedia di Dante (La Divine Comédie de Dante, parue en 1321), dans sa langue d’origine, en italien. En août 1998, Michael Hart écrit: «Mon projet est de mettre 10.000 textes électroniques sur l’internet. (Ce sera chose faite en octobre 2003, ndlr.) Si je pouvais avoir des subventions importantes, j’aimerais aller jusqu’à un million et étendre aussi le nombre de nos usagers potentiels de 1,x% à 10% de la population mondiale, ce qui représenterait la diffusion de 1.000 fois un milliard de textes électroniques au lieu d’un milliard seulement.» = De mille à dix mille livres Entre 1998 et 2000, la moyenne est constante, avec 36 textes par mois. En mai 1999, les collections comptent 2.000 livres. Le 2.000e texte est Don Quijote (Don Quichotte) de Cervantès (paru en 1605), dans sa langue d’origine, en espagnol. Disponible en décembre 2000, le 3.000e titre est le troisième volume de A l’ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel Proust (paru en 1919), dans sa langue originale, en français. La moyenne passe à 104 livres par mois en 2001. Mis en ligne en octobre 2001, le 4.000e texte est The French Immortals Series (La série des Immortels français), dans sa traduction anglaise. Publié en 1905 par la Maison Mazarin (Paris), ce livre rassemble plusieurs fictions d’écrivains couronnés par l’Académie française, comme Emile Souvestre, Pierre Loti, Hector Malot, Charles de Bernard, Alphonse Daudet, etc. Disponible en avril 2002, le 5.000e texte est The Notebooks of Leonardo da Vinci (Les Carnets de Léonard de Vinci), qui datent du début du 16e siècle. Un texte qui, en 2008, se trouve toujours dans le «Top 100» des livres téléchargés. En 1988, Michael Hart choisit de numériser Alice’s Adventures in Wonderland et Peter Pan parce que, dans l’un et l’autre cas, leur version numérisée tient sur la disquette standard de l’époque de 360 Ko (kilo-octets). Quinze ans plus tard, en 2002, on dispose de disquettes de 1,44 Mo (mégaoctets) et on peut aisément compresser les fichiers en les zippant. Un fichier standard peut désormais comporter trois millions de caractères, plus qu’il n’en faut pour un livre de taille moyenne. Un roman de 300 pages numérisé au format ASCII représente un mégaoctet. Un livre volumineux représente deux fichiers ASCII, téléchargeables tels quels ou en version zippée. Cinquante heures environ sont nécessaires pour sélectionner un livre de taille moyenne, vérifier qu’il est bien du domaine public, le scanner, le corriger, le formater et le mettre en page. Quelques numéros de livres sont réservés pour l’avenir, par exemple le numéro 1984 (eBook #1984) pour le roman éponyme de George Orwell, publié en 1949, et qui est donc loin d’être tombé dans le domaine public. En 2002, les collections s’accroissent de 203 titres par mois. Au printemps 2002, elles représentent le quart des oeuvres du domaine public en accès libre sur le web, recensées de manière pratiquement exhaustive par l’Internet Public Library (IPL). Un beau résultat dû au patient travail de milliers de volontaires actifs dans plusieurs pays. 1.000 livres en août 1997, 2.000 livres en mai 1999, 3.000 livres en décembre 2000, 4.000 livres en octobre 2001, 5.000 livres en avril 2002, 10.000 livres en octobre 2003. Le 10.000e livre est The Magna Carta, qui fut le premier texte constitutionnel anglais, signé au début du 13e siècle. Entre avril 2002 et octobre 2003, les collections doublent, passant de 5.000 à 10.000 livres en dix-huit mois. La moyenne mensuelle est de 348 livres numérisés en 2003. Un CD «Best of Gutenberg» est disponible en août 2003 avec une sélection de 600 livres. En décembre 2003, date à laquelle le Projet Gutenberg franchit la barre des 10.000 livres, la quasi-totalité des livres (9.400 livres) est gravée sur un DVD. CD et DVD sont envoyés gratuitement à qui en fait la demande. Libre ensuite à chacun de faire autant de copies que possible et de les distribuer autour de soi. Dix mille livres. Un chiffre impressionnant quand on pense à ce que cela représente de pages scannées, relues et corrigées. Cette croissance rapide est due à l’activité de Distributed Proofreaders (DP), un site conçu en 2000 par Charles Franks pour permettre la correction partagée. Les volontaires choisissent un livre en cours de traitement pour relire et corriger une page donnée. Chacun travaille à son propre rythme. A titre indicatif, le site conseille de relire une page par jour. C’est peu de temps sur une journée, et c’est beaucoup pour le projet. = De dix mille à vingt mille livres En décembre 2003, les collections approchent les 11.000 livres. Plusieurs formats sont désormais présents, à commencer par les formats HTML, XML et RTF, le format principal (et obligatoire) restant l’ASCII. Le tout représente 46.000 fichiers, soit une capacité totale de 110 gigaoctets. Le 13 février 2004, date de la conférence de Michael Hart au siège de l’UNESCO à Paris, les collections comprennent très exactement 11.340 livres dans 25 langues différentes. En mai 2004, les 12.581 livres disponibles représentent 100.000 fichiers dans vingt formats différents, soit une capacité totale de 135 gigaoctets, destinée à doubler chaque année avec l’ajout de plus de 300 livres par mois (348 livres en 2003 et 338 livres en 2004). Parallèlement, le Project Gutenberg Consortia Center (PGCC), qui avait été lancé en 1997 pour rassembler des collections de livres numériques avec point d’accès unique, est officiellement affilié au Projet Gutenberg en 2003. Par ailleurs, à l’instigation du Projet Rastko, basé à Belgrade (Serbie), les activités du Projet Gutenberg Europe débutent en janvier 2004, avec la mise en ligne des cent premiers livres dans les mois qui suivent. La présence de plusieurs langues reflète la diversité linguistique prévalant en Europe. Cent langues sont prévues sur le long terme. En janvier 2005, le Projet Gutenberg fête ses 15.000 livres, avec la mise en ligne de The Life of Reason de George Santayana (paru en 1906). En juin 2005, le nombre de livres s’élève à 16.000 et 42 langues sont représentées. Le 3 août 2005, outre l’anglais (14.590 livres), six langues disposent d’un nombre de livres significatif: le français (578 livres), l’allemand (349 livres), le finnois (225 livres), le hollandais (130 livres), l’espagnol (105 livres) et le chinois (69 livres). Lancé en août 2001, le Project Gutenberg of Australia fête ses 500 livres en juillet 2005, tandis que le Project Gutenberg of Canada est en gestation, avec un suivi grâce à la liste PGCanada. Les choses sont en bonne voie pour un Projet Gutenberg au Portugal et aux Philippines. En décembre 2006, le Projet Gutenberg franchit la barre des 20.000 livres, dont 10.000 produits par Distributed Proofreaders depuis octobre 2000. La moyenne est de 346 nouveaux livres par mois en 2006. Le nombre de nouveaux livres pour l’année 2006 s’élève à 4.146 alors qu’il était de 3 186 pour l’année 2005. S'il a fallu 32 ans pour numériser les 10.000 premiers livres, entre juillet 1971 et octobre 2003, il n’a fallu que trois ans et deux mois, d’octobre 2003 à décembre 2006, pour numériser les 10.000 livres suivants. Le Project Gutenberg of Australia approche les 1.500 livres (c'est chose faite en avril 2007). Le Projet Gutenberg Europe compte 500 livres. La section Project Gutenberg PrePrints débute en janvier 2006 pour accueillir de nouveaux documents suffisamment intéressants pour être mis en ligne, mais ne pouvant être intégrés aux collections existantes sans traitement ultérieur par des volontaires, pour diverses raisons: collections incomplètes, qualité insuffisante, conversion souhaitée dans un autre format, etc. Cette section comprend 379 titres en décembre 2006. Le site Project Gutenberg News débute en novembre 2006 à l’instigation de Mike Cook, le nouvel éditeur de la lettre d’information hebdomadaire et mensuelle. Le site offre par exemple les statistiques de production hebdomadaires, mensuelles et annuelles depuis 2001. La production hebdomadaire est de 24 livres en 2001, 47 livres en 2002, 79 livres en 2003, 78 livres en 2004, 58 livres en 2005 et 80 livres en 2006. La production mensuelle est de 104 livres en 2001, 203 livres en 2002, 348 livres en 2003, 338 livres en 2004, 251 livres en 2005 et 346 livres en 2006. La production annuelle est de 1.244 livres en 2001, 2.432 livres en 2002, 4.176 livres en 2003, 4.058 livres en 2004, 3.017 livres en 2005 et 4.146 livres en 2006. 3.2. La méthode adoptée Qu’ils aient été numérisés il y a des années ou qu’ils soient numérisés maintenant, tous les livres sont numérisés en mode texte, en utilisant l’ASCII original. Présent dès les débuts de l’informatique et dénommé Plain Vanilla ASCII, cet ASCII sur sept bits traite 128 caractères, dont 97 caractères imprimables correspondant aux touches du clavier anglais ou américain (A-Z, a-z, chiffres, ponctuation et quelques symboles). Dans le cas de langues autres que l’anglais, on utilise des extensions de l’ASCII (appelées ISO-8859 ou ISO-Latin) prenant en compte les caractères accentués. Mais, même dans ce cas, le Projet Gutenberg propose systématiquement en complément une version ASCII sur sept bits sans accents. Sauf, bien entendu, dans le cas de langues non traduisibles en ASCII, comme le chinois, qui est encodé au format Big-5. Dénommé à juste titre le plus petit dénominateur commun, l’ASCII sur sept bits est le seul format compatible avec 99% des machines et des logiciels, et pouvant être converti dans d’autres formats. Il sera toujours utilisé quand d’autres formats auront disparu, à commencer par les formats éphémères liés à quelques tablettes de lecture commercialisées entre 1999 et 2003 et déjà disparues du marché. Il est l’assurance que les collections ne deviendront jamais obsolètes, et survivront aux changements technologiques des prochaines décennies ou même des prochains siècles. Il n’existe pas d’autre standard aussi largement utilisé pour le moment, y compris l’Unicode, système d’encodage «universel» créé en 1991. Le Projet Gutenberg propose toutefois certains livres dans d’autres formats, notamment dans les trois formats répandus que sont les formats HTML, XML et RTF. Des fichiers Unicode sont également présents. De plus, tout format proposé par tel ou tel volontaire (PDF, LIT, TeX et beaucoup d’autres) est généralement accepté, dans la mesure où un fichier ASCII est également présent. Pour une conversion à grande échelle dans un format donné, le relais est passé à d’autres organismes. Par exemple Blackmask Online, qui puise dans les collections du Projet Gutenberg pour proposer des milliers de livres gratuits dans huit formats différents, tous issus du format Open eBook (OeB). Ou encore Manybooks.net, qui convertit les collections du Projet Gutenberg dans des formats lisibles sur PDA. Ou encore GutenMark, un outil permettant de reformater les livres aux formats HTML et LaTEX pour une lecture plus attractive ou de les reformater au format PDF pour une impression à la demande. Ou encore MobileBooks, qui propose 5.000 livres en Java pour lecture sur l’écran d’un téléphone portable. Ou encore Bookshare.org, la grande bibliothèque numérique destinée aux personnes aveugles et malvoyantes résidant aux Etats-Unis. Bookshare.org utilise les collections du Projet Gutenberg pour offrir les classiques du domaine public au format braille et au format DAISY, qui permet l’écoute du livre sur synthèse vocale. En quoi consiste exactement le travail des volontaires, une fois reçue la confirmation que le livre est bien du domaine public? Il consiste à scanner le livre page après page, ce qui donne des fichiers numérisés en mode image, puis à utiliser un logiciel OCR (optical character recognition), qui permet de convertir chaque fichier image en un fichier texte. Il consiste ensuite à relire le contenu du fichier texte au regard de l’original (image scannée ou livre imprimé) en corrigeant les erreurs, à savoir dix erreurs par page en moyenne quand le logiciel OCR est de qualité. Le livre est relu et corrigé à deux reprises par deux personnes différentes. Les livres anciens sont parfois saisis ligne après ligne si le texte original manque de clarté. Certains volontaires préfèrent également taper eux-mêmes des textes courts ou des oeuvres qu’ils aiment particulièrement. Mais les livres sont le plus souvent scannés et «OCRisés», puis relus et corrigés. Contrairement à la numérisation en mode image (qui s’arrête à l’étape du scanner), la numérisation en mode texte permet la copie du texte, l’indexation, la recherche plein texte, l’analyse textuelle, une étude comparative entre plusieurs textes, etc. On peut aussi lancer une recherche à partir de la fonction «chercher» proposée par n’importe quel programme, sans logiciel de recherche intermédiaire. Le Projet Gutenberg dispose d’un moteur de recherche pour l’ensemble de ses collections, grâce à un partenariat avec Google, avec mise à jour mensuelle. Tout comme une recherche sur les métadonnées (auteur, titre, descriptif, mots-clés) grâce à un partenariat avec Yahoo!, avec mise à jour hebdomadaire. Pour la recherche avancée (Advanced Search), la recherche multicritères (auteur, titre, sujet, langue, catégorie, classification, format, numéro) inclut désormais un critère supplémentaire de recherche plein texte (Full Text), à titre expérimental. Les avantages de la numérisation en mode texte sont multiples. Les fichiers prennent peu de place et circulent d’autant plus facilement. Contrairement à d’autres formats, le téléchargement d’un livre au format texte ne requiert pas de bande passante large. Le fichier texte peut être copié à l’infini, et constituer la base de centaines de nouvelles versions numériques et imprimées, pour un coût pratiquement nul. A tout moment, on peut corriger les erreurs typographiques qui auraient pu subsister. Les lecteurs peuvent changer à volonté la taille et la police des caractères, ainsi que les marges ou le nombre de lignes par page. Le lecteur malvoyant peut grossir la taille des polices et le lecteur aveugle utiliser un logiciel de reconnaissance vocale. Tout ceci est nettement plus difficile, sinon impossible, avec nombre d’autres formats. Si la correction par deux personnes différentes permet de mettre en ligne un texte fiable à 99,9%, le but n’est pas pour autant de créer des éditions faisant autorité, ou d’épiloguer sans fin avec un lecteur pointilleux sur le bien-fondé ou non d’un signe de ponctuation tel que deux points à la place d’un point virgule entre deux propositions. Le Projet Gutenberg insiste régulièrement sur la nécessité de la relecture, qu’il juge essentielle. Utiliser directement des livres scannés puis convertis au format texte par un logiciel OCR, sans relecture, donne un résultat de bien moindre qualité, avec une fiabilité de 99% dans le meilleur des cas. L’étape de la relecture avec correction permet d’atteindre une fiabilité de 99,95%, un pourcentage élevé qui est aussi le standard de la Library of Congress. Le Projet Gutenberg s’inscrit donc dans une perspective assez différente de la bibliothèque de l’Internet Archive (qui héberge également les collections du Projet Gutenberg, en tant que deuxième site de distribution et site de sauvegarde). Dans le cas de l’Internet Archive, les livres sont scannés puis «OCRisés», mais ils ne sont pas relus par des correcteurs s’attachant à traquer les erreurs. Plus rapide et moins fiable quant au résultat, la numérisation des livres sans relecture est aussi la méthode adoptée par Google, Microsoft et bien d’autres pour leurs propres bibliothèques numériques. Disponible sur le site du Projet Gutenberg, le File Recode Service permet de convertir les fichiers d’un système d’encodage (ASCII, ISO-8859, Unicode, Big-5, etc.) à un autre. A l’avenir, un logiciel de conversion beaucoup plus puissant devrait permettre la conversion automatique dans bien d’autres formats (XML, HTML, PDF, TeX, RTF, BRF, etc.). Il sera également possible de choisir d’emblée la taille et la police des caractères, ainsi que le fonds d’écran. Une autre conversion très attendue est la conversion d’une langue à une autre par le biais d’un logiciel de traduction automatique. Une telle conversion pourrait être possible dans quelques années, quand ce type de logiciel aura gagné en qualité. 3.3. La correction partagée La croissance rapide des collections depuis 2001 est due à l’activité de Distributed Proofreaders, site lancé en octobre 2000 par Charles Franks pour gérer la correction partagée entre les volontaires. A l’origine, il s’agit seulement d’intensifier la production de livres du Projet Gutenberg. Mais le succès est tel que le site devient la principale source des collections. En 2002, Distributed Proofreaders est officiellement affilié au Projet Gutenberg. Les volontaires n’ont aucun quota à respecter. A titre indicatif, il est suggéré de relire une page par jour, si possible. Cela semble peu, mais une page multipliée par des centaines de volontaires représente un chiffre considérable. La progression est rapide. En 2003, une moyenne de 250 à 300 relecteurs quotidiens permet de produire entre 2.500 et 3.000 pages par jour, ce qui représente deux pages par minute. En 2004, la moyenne est de 300 à 400 relecteurs quotidiens produisant entre 4.000 et 7.000 pages par jour, à savoir quatre pages par minute. Distributed Proofreaders comptabilise un total de 3.000 livres en février 2004, 5.000 livres en octobre 2004, 7.000 livres en mai 2005, 8.000 livres en février 2006 et 10.000 livres en mars 2007, avec plusieurs milliers de volontaires dans le monde et une production de cinq livres par jour. Le site a pour but de permettre à plusieurs correcteurs de travailler simultanément au même livre, sur des pages différentes. Le volontaire commence par s’inscrire. Il reçoit des directives détaillées. Ces directives concernent par exemple les parties en gras, en italique et soulignées, ou les notes, qui sont toutes traitées de la même manière. Un forum permet de poser des questions et de demander de l’aide si nécessaire. Quand le volontaire se connecte au site, il sélectionne le livre de son choix à partir d’une liste donnée. Une page du livre choisi apparaît simultanément en deux versions: d’une part l’image scannée, d’autre part le texte issu de cette image, produit par un logiciel OCR. Le relecteur compare les deux versions et corrige les différences. Un logiciel OCR étant fiable à 99%, cela représente une moyenne de dix erreurs à corriger par page. La page est ensuite sauvegardée. Le relecteur peut soit cesser le travail, soit opter pour la correction d’une autre page. Tous les livres sont relus et corrigés deux fois de suite et, la deuxième fois, uniquement par des correcteurs expérimentés. Les pages corrigées sont ensuite formatées selon des règles précises et assemblées par d’autres volontaires pour obtenir un livre numérique. Durant tout le processus, un livre donné est suivi par un responsable (project manager) qui s’assure du bon déroulement des opérations. Après la mise en forme suit la mise en ligne, avec indexation (titre, sous-titre, numéro de l’ebook et format) puis catalogage (dates de naissance et de décès de l’auteur, classification de la Library of Congress, etc.). Les volontaires peuvent aussi travailler de manière indépendante, en s’adressant directement au Projet Gutenberg. Ils peuvent saisir leur livre préféré de bout en bout sur le traitement de texte de leur choix. Ils peuvent aussi scanner eux-mêmes un livre, le convertir en texte par le biais d’un logiciel OCR et faire les corrections nécessaires en comparant le résultat à l’original. Dans les deux cas, une deuxième relecture est faite par une autre personne. Toute participation est bienvenue, quelle que soit la méthode adoptée. Il est tout à fait possible de joindre des fichiers dans d'autres formats en complément du fichier ASCII. Aussi bien pour Distributed Proofreaders (DP-INT) que pour Distributed Proofreaders Europe (DP Europe), de nouveaux volontaires sont bienvenus, y compris pour les livres en français. La tâche est immense. Comme indiqué sur les deux sites, «DP ne s’attend pas à un engagement inconditionnel de votre part. Corrigez des textes aussi souvent que vous le voulez, et le nombre de pages que vous voulez. Nous encourageons les gens à corriger une page par jour, mais vous êtes tout à fait libre de faire ce qui vous plaît. Nous espérons que vous vous joindrez à notre mission de préserver "la littérature mondiale dans un format gratuit et disponible pour tous".» 3.4. Des collections multilingues Qu’en est-il exactement des langues? Dans un premier temps, le Projet Gutenberg est essentiellement anglophone, puisqu’il est basé aux Etats-Unis et qu’il sert en priorité la communauté anglophone nationale et internationale. En octobre 1997, Michael Hart annonce son intention d’intensifier la production de livres dans d’autres langues. Début 1998, le catalogue comprend quelques oeuvres en allemand, en espagnol, en français (dix titres), en italien et en latin. En juillet 1999, Michael Hart écrit: «J’introduis une nouvelle langue par mois maintenant, et je vais poursuivre cette politique aussi longtemps que possible.» Début 2004, 25 langues sont représentées. En juillet 2005, 42 langues sont représentées, dont l’iroquois, le sanscrit et les langues mayas. Outre l’anglais (14 548 livres le 27 juillet 2005), six langues disposent de plus de cinquante titres: le français (577 livres), l’allemand (349 livres), le finnois (218 livres), le hollandais (130 livres), l’espagnol (103 livres) et le chinois (69 livres). En décembre 2006, 50 langues sont représentées. Les langues comprenant plus de 50 titres sont l’anglais (17 377 livres le 16 décembre 2006), le français (966 titres), l’allemand (412 titres), le finnois (344 titres), le hollandais (244 titres), l’espagnol (140 titres), l’italien (102 titres), le chinois (69 titres), le portugais (68 titres) et le tagalogue (51 titres). La quantité de livres progresse rapidement pour chaque langue. Pour le français par exemple, sur 11 340 livres disponibles le 13 février 2004, on comptait seulement 181 livres en français. Sur 15 505 livres disponibles le 16 mai 2005, on compte 547 livres en français. Soit trois fois plus en quinze mois. Sur 19 996 livres disponibles le 16 décembre 2006, on compte 966 livres en français, soit un peu moins du double en dix-huit mois. Le mouvement devrait sensiblement s’accélérer avec le lancement du Projet Gutenberg Europe en janvier 2004. Les premiers titres disponibles dans la langue de Molière sont six romans de Stendhal et deux romans de Jules Verne, tous mis en ligne au début de 1997. Les six romans de Stendhal sont L’Abbesse de Castro, Les Cenci, La Chartreuse de Parme, La Duchesse de Palliano, Le Rouge et le Noir et Vittoria Accoramboni, et les deux romans de Jules Verne De la terre à la lune et Le tour du monde en quatre-vingts jours. A la même date, si aucun titre de Stendhal n’est disponible en anglais, trois romans de Jules Verne le sont : 20,000 Leagues Under the Seas (Vingt mille lieues sous les mers, mis en ligne en septembre 1994), Around the World in 80 Days (Le tour du monde en quatre-vingts jours, mis en ligne en janvier 1994) et From the Earth to the Moon (De la terre à la lune, mis en ligne en septembre 1993). Stendhal et Jules Verne sont suivis par Edmond Rostand avec Cyrano de Bergerac, mis en ligne en mars 1998. A la fin de 1999, le «Top 20», à savoir la liste des vingt auteurs les plus lus, mentionne Jules Verne à la onzième place, et Emile Zola à la seizième place. Ils sont toujours en bonne position dans le «Top 100» actuel. A titre anecdotique, le premier document illustré disponible toutes langues confondues est French Cave Paintings (Peintures des cavernes en France), mis en ligne dès avril 1995, avec une version XHTML ajoutée en novembre 2000. Il s’agit de quatre photos de peintures paléolithiques retrouvées dans une grotte de l’Ardèche (département de la région Rhône-Alpes). Ces photos sous droits ont été mises à la disposition du Projet Gutenberg par Jean Clottes, conservateur général du patrimoine, pour être largement diffusées. En 2004, le multilinguisme devient l’une des priorités du Projet Gutenberg, tout comme l’internationalisation. Michael Hart prend son bâton de pèlerin vers l’Europe, avec des étapes à Bruxelles, Paris et Belgrade. Le 12 février 2004, il donne une conférence au siège de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) à Paris. Le lendemain, toujours à Paris, il anime un débat à l’Assemblée nationale. La semaine suivante, il s’adresse au Parlement européen à Bruxelles. Puis il rend visite à l’équipe du Projet Rastko à Belgrade, pour soutenir la création du Projet Gutenberg Europe (PG Europe) et de Distributed Proofreaders Europe (DP Europe). Le lancement de DP Europe par le Projet Rastko en janvier 2004 représente une étape importante. DP Europe est calqué sur le site original de Distributed Proofreaders, pour gérer la relecture partagée du Projet Gutenberg Europe. Dès ses débuts, DP Europe est un site multilingue, qui prend en compte les principales langues nationales. En avril 2004, grâce à des traducteurs volontaires, le site de DP Europe est disponible en douze langues. L’objectif à moyen terme est soixante langues, et donc soixante équipes linguistiques, avec prise en compte de toutes les langues européennes. Quand il aura atteint sa vitesse de croisière, DP Europe devrait alimenter plusieurs bibliothèques numériques nationales et/ou linguistiques, par exemple le Projet Gutenberg France pour la France. Le but étant que chaque pays ou région ait son propre accès réseau autorisé (respectant la législation en vigueur dans le pays donné), qui sera un accès local au sein d’un réseau continental (dans le cas de la France, le réseau européen) et d’un réseau global (à l’échelle de la planète). Quelques mots maintenant sur le Projet Rastko, qui s’est porté volontaire pour un pari aussi fou, catalysant du même coup les bonnes volontés européennes à l’est comme à l’ouest. Fondé en 1997, le Projet Rastko est une initiative non gouvernementale à vocation culturelle et pédagogique. L’un de ses objectifs est la mise en ligne de la culture serbe. Il fait partie de la Balkans Cultural Network Initiative, un réseau culturel régional couvrant la péninsule des Balkans, située au sud-est de l’Europe. En mai 2005, Distributed Proofreaders Europe fête le centième livre numérisé par ses soins, avec mise en ligne de ces cent livres le mois suivant sur le site du Projet Gutenberg Europe. En décembre 2006, DP Europe comptabilise 400 livres numérisés. La règle utilisée pour définir le domaine public est l’équation «décès de l’auteur + 70 ans», qui correspond à la législation en vigueur dans l’Union européenne. DP Europe utilise l’Unicode pour pouvoir traiter des livres dans un grand nombre de langues. Créé en 1991 et largement répandu à partir de 1998, l’Unicode est un système d’encodage qui attribue un code unique à chaque caractère pour être en mesure de traiter toutes les langues, contrairement à l’ASCII qui ne peut traiter que l’anglais et quelques langues européennes. 3.5. Du passé vers l’avenir Le pari fait par Michael Hart en 1971 est donc réussi. Le Projet Gutenberg compte 10 livres en août 1989, 100 livres en janvier 1994, 1.000 livres en août 1997, 2.000 livres en mai 1999, 3.000 livres en décembre 2000, 4.000 livres en octobre 2001, 5.000 livres en avril 2002, 10.000 livres en octobre 2003, 15.000 livres en janvier 2005 et 20.000 livres en décembre 2006, avec une prévision d’un million de livres d’ici 2015. Mais les résultats du Projet Gutenberg ne se mesurent pas seulement à ces chiffres, qui restent assez modestes par rapport à la production imprimée. Les résultats se mesurent également à l’influence du projet, qui est considérable. Premier site d’information sur l’internet et première bibliothèque numérique, le Projet Gutenberg a inspiré bien d’autres bibliothèques numériques depuis, par exemple le Projekt Runeberg pour la littérature scandinave ou le Projekt Gutenberg-DE pour la littérature allemande, pour n’en citer que deux. Fondé en décembre 1992 par Lysator, un club informatique d’étudiants, en collaboration avec la Linköping University Library (Suède), le Projekt Runeberg regroupe 200 oeuvres appartenant à la littérature nordique. Créé en 1994, le Projekt Gutenberg-DE (désormais hébergé sur le site de l’hebdomadaire Der Spiegel) comprend 200 titres de littérature allemande et de littérature étrangère en allemand. La structure administrative et financière du Projet Gutenberg se limite au strict minimum, avec une devise qui tient en trois mots : «Less is more.» Michael Hart insiste régulièrement sur la nécessité d’un cadre aussi souple que possible laissant toute initiative aux volontaires, et la porte grande ouverte aux idées nouvelles. Le but est d’assurer la pérennité du projet indépendamment des crédits, des coupures de crédits et des priorités politiques et culturelles du moment. Pas de pression possible donc par le pouvoir et par l’argent. Et respect à l’égard des volontaires, qui sont assurés de voir leur travail utilisé pendant de nombreuses années, si ce n’est pour plusieurs générations, d’où l’intérêt d’un format numérique qui soit toujours valable dans quelques siècles. Le suivi régulier du projet est assuré grâce à une lettre d’information hebdomadaire et mensuelle et des forums de discussion. Les dons servent à financer des ordinateurs et des scanners, et à envoyer des CD et DVD gratuits à ceux qui en font la demande. Suite au CD «Best of Gutenberg» disponible en août 2003 avec une sélection de 600 titres et à un premier DVD disponible en décembre 2003 avec 9.400 titres, un deuxième DVD est disponible en juillet 2006 avec 17.000 titres sur les 19.000 titres que comprennent désormais les collections. Le contenu des CD et DVD est également téléchargeable sur le site de BitTorrent. Créé en 2000, le PGLAF (Project Gutenberg Literary Archive Foundation) emploie en tout et pour tout trois personnes à temps partiel. Chose souvent passée sous silence, Michael Hart est le véritable inventeur de l’ebook. Si on considère l’ebook dans son sens étymologique, à savoir un livre numérisé pour diffusion sous forme de fichier électronique, celui-ci aurait 35 ans et serait né avec le Projet Gutenberg en juillet 1971. Une paternité beaucoup plus réconfortante que les divers lancements commerciaux dans un format propriétaire ayant émaillé le début des années 2000. Il n’y a aucune raison pour que la dénomination «ebook» ne désigne que l’ebook commercial et soit réservée aux Amazon, Barnes & Noble, Gemstar et autres. L’ebook non commercial est un ebook à part entière, et non un parent pauvre, tout comme l’édition électronique non commerciale est une forme d’édition à part entière, et tout aussi valable que l’édition commerciale. En 2003, les etexts du Projet Gutenberg deviennent des ebooks, pour coller à la terminologie ambiante. En juillet 1971, l’envoi d’un fichier de 5 Ko (kilo-octets) à cent personnes aurait fait sauter l’embryon de réseau disponible à l’époque. En novembre 2002, le Projet Gutenberg peut mettre en ligne les 75 fichiers du Human Genome Project (Le séquençage du génome humain), chaque fichier se chiffrant en dizaines sinon en centaines de mégaoctets. Ceci peu de temps après sa parution initiale en février 2001, puisqu’il appartient d’emblée au domaine public. En 2004, la capacité de stockage des disques durs est telle qu’il serait possible de faire tenir l’intégralité de la Library of Congress sur un support de stockage coûtant 140 dollars US. Et quelques années seulement nous sépareraient d’une clé USB permettant de stocker l’intégralité du patrimoine écrit de l’humanité. Qu’en est-il des documents autres que l’écrit? En septembre 2003, le Projet Gutenberg se lance dans la diffusion de livres audio. En décembre 2006, on compte 367 titres lus par une synthèse vocale (Audio Book, computer-generated) et 132 titres lus par l’être humain (Audio Book, human-read). Le nombre de ces derniers devrait fortement augmenter dans un proche avenir. Par contre, les titres lus par une synthèse vocale ne devraient plus être stockés dans une section spécifique, mais réalisés à la demande à partir des fichiers électroniques existant dans les collections générales. Les lecteurs aveugles ou malvoyants pourront utiliser une commande vocale pour demander le texte de tel ou tel livre. Lancée à la même époque, la section The Sheet Music Subproject est consacrée aux partitions musicales numérisées (Music, Sheet). Elle est complétée par une section d’enregistrements musicaux (Music, recorded). Des sections sont également disponibles pour les images fixes (Pictures, still) et animées (Pictures, moving). Ces nouvelles collections devraient être développées dans les prochaines années. Mais la numérisation des livres reste prioritaire. Et la demande est énorme. En témoigne le nombre de téléchargements, qui se comptent désormais en dizaines de milliers par jour. A la date du 31 juillet 2005, on compte 37.532 fichiers téléchargés dans la journée, 243.808 fichiers téléchargés dans la semaine et 1.154.765 fichiers téléchargés dans le mois. A la date du 6 mai 2007, on compte 89.841 fichiers téléchargés dans la journée, 697.818 fichiers téléchargés dans la semaine et 2.995.436 fichiers téléchargés dans le mois. Courant mai, la nombre de téléchargements mensuels atteint la barre des trois millions. Ceci uniquement pour le principal site de téléchargement, ibiblio.org (basé à l’Université de Caroline du Nord, Chapel Hill, Etats-Unis), qui héberge aussi le site du Projet Gutenberg. Le deuxième site de téléchargement est l’Internet Archive, qui met également à disposition une capacité de stockage considérable. Un «Top 100» recense les cent titres et les cent auteurs les plus téléchargés dans la journée, dans la semaine et dans le mois. Le Projet Gutenberg dispose de 38 sites miroirs répartis dans de nombreux pays, et il en cherche d’autres. La circulation des fichiers se fait aussi en mode P2P (peer-to-peer), qui permet d’échanger des fichiers directement d’un utilisateur à l’autre. Les livres du Projet Gutenberg peuvent aider à combler la fracture numérique. Ils sont aisément téléchargeables sur PDA. Un ordinateur ou un PDA d’occasion ne coûte que quelques dollars ou quelques dizaines de dollars, en fonction du modèle. Certains PDA fonctionnent à l’énergie solaire, permettant la lecture dans les régions reculées et les pays en développement. Lorsque, dans une dizaine d’années, les collections atteindront un million de livres, on pourra peut-être bénéficier de leur traduction simultanée dans une centaine de langues. En utilisant la traduction automatique qui, d’ici là, pourrait avoir atteint un taux de fiabilité de l’ordre de 99%, un pourcentage dont on est encore loin. En 2004, le Projet Gutenberg était en lien avec un projet européen envisageant un logiciel de traduction automatique relayé par des traducteurs (non pas des machines, mais des êtres humains), sur un modèle comparable à la technologie OCR relayée par des correcteurs (non pas des logiciels, mais des êtres humains) pour offrir un contenu de grande qualité. 35 ans après les débuts du Projet Gutenberg, Michael Hart se définit toujours comme un fou de travail dédiant toute sa vie à son projet, qu’il voit comme étant à l’origine d’une révolution néo-industrielle. Il se définit aussi comme altruiste, pragmatique et visionnaire. Après avoir été traité de toqué pendant de nombreuses années, il force maintenant le respect. Au fil des ans, la mission du Projet Gutenberg reste la même, à savoir changer le monde par le biais de l’ebook gratuit indéfiniment utilisable et reproductible. L’objectif reste lui aussi le même, à savoir la lecture et la culture pour tous à moindres frais. Quant à la mission, elle se résume en quelques mots: «encourager la création et la distribution d’ebooks», par autant de personnes que possible, et par tous les moyens. Tout en prenant les virages nécessaires pour intégrer de nouvelles idées, de nouvelles méthodes et de nouveaux supports. D’après Michael Hart, le patrimoine écrit de l’humanité représenterait 25 millions de livres appartenant au domaine public, qui pourraient être collectés auprès des grandes bibliothèques nationales et régionales, à raison d’un exemplaire par livre, sans tenir compte des nombreuses éditions annotées et commentées. Si Gutenberg a permis à chacun d’avoir des livres grâce à l’invention de l’imprimerie, le Projet Gutenberg permet à chacun d’avoir une bibliothèque de livres grâce au stockage de ceux-ci sur un support numérique tenant dans un sac sinon dans une poche. Fin 2006, le Projet Gutenberg permet d'ores et déjà à chacun d’avoir une bibliothèque numérique de 20.000 livres, auxquels s’ajoutent les 75.000 livres provenant de diverses collections rassemblés par le Project Gutenberg Consortia Center (PGCC). Laissons le mot de la fin à Michael Hart, à qui je demandais en août 1998 quel était son meilleur souvenir. A l’époque, il répondait: «Le courrier que je reçois me montre combien les gens apprécient que j’aie passé ma vie à mettre des livres sur l’internet. Certaines lettres sont vraiment émouvantes, et elles me rendent heureux pour toute la journée.» Quelques années après, il confirme que sa réponse serait toujours la même. 3.6. Chronologie 1971 (juillet): Saisie par Michael Hart de The United States Declaration of Independence (ebook #1) et diffusion d’un message auprès des cent premiers usagers du réseau. Le Projet Gutenberg est né. 1972: Saisie de The United States Bill of Rights (ebook #2). 1973: Saisie de The United States Constitution (ebook #5). 1974-1988: Saisie de la Bible et de plusieurs pièces de Shakespeare. 1989 (août): The King James Bible (ebook #10). 1991 (janvier): Alice’s Adventures in Wonderland (ebook #11). 1991 (juin): Peter Pan (ebook #16). 1991: Numérisation d’un livre par mois. 1992: Numérisation de deux livres par mois. 1993: Numérisation de quatre livres par mois. 1993 (décembre): Constitution de trois grands secteurs: Light Literature, Heavy Literature, Reference Literature. 1994: Numérisation de huit livres par mois. 1994 (janvier): The Complete Works of William Shakespeare (ebook #100). 1995: Numérisation de 16 livres par mois. 1996-1997: Numérisation de 32 livres par mois. 1997 (août): La Divina Commedia di Dante, en italien (ebook #1000). 1997: Lancement du Project Gutenberg Consortia Center (PGCC). 1998-2000: Numérisation de 36 livres par mois. 1999 (mai): Don Quijote, de Cervantès, en espagnol (ebook #2000). 2000: Création de la Project Gutenberg Literary Archive Foundation (PGLAF). 2000 (octobre): Conception de Distributed Proofreaders par Charles Franks pour permettre la correction partagée. 2000 (décembre): A l’ombre des jeunes filles en fleurs (vol. 3), de Proust, en français (ebook #3000). 2001 (août): Création du Project Gutenberg of Australia. 2001 (octobre): The French Immortals Series, en anglais (eBook #4000). 2001: Numérisation de 104 livres par mois. 2002: Affiliation officielle de Distributed Proofreaders au Projet Gutenberg. 2002 (avril): The Notebooks of Leonardo da Vinci, en anglais (ebook #5000). 2002: Numérisation de 203 livres par mois. 2003 (août): Edition d’un CD «Best of Gutenberg» contenant 600 livres. 2003 (septembre): Lancement de la section Project Gutenberg Audio eBooks. 2003 (octobre): Les collections doublent en dix-huit mois, passant de 5.000 à 10.000 livres. 2003 (octobre): The Magna Carta (ebook # 10000). 2003 (décembre): Edition du premier DVD, qui contient 9.400 livres. 2003: Numérisation de 348 livres par mois. 2003: Affiliation officielle du Project Gutenberg Consortia Center (PGCC) au Projet Gutenberg. 2004 (janvier): Lancement du Projet Gutenberg Europe par le Projet Rastko. 2004 (janvier): Lancement de Distributed Proofreaders Europe par le Projet Rastko. 2004 (février): Voyage de Michael Hart en Europe (Paris, Bruxelles, Belgrade). 2004 (février): Conférence de Michael Hart au siège de l’UNESCO, à Paris. 2004 (février): Visite de Michael Hart au Parlement européen, à Bruxelles. 2004 (octobre): 5.000 livres produits par Distributed Proofreaders. 2004: Numérisation de 338 livres par mois. 2005 (janvier): The Life of Reason, par George Santayana (ebook #15000). 2005 (mai): 7.000 livres produits par Distributed Proofreaders. 2005 (mai): 100 premiers livres produits par Distributed Proofreaders Europe. 2005 (juin): Le Projet Gutenberg compte 16.000 livres. 2005 (juin): Le Projet Gutenberg Europe compte 100 livres. 2005 (juillet): Premiers pas du Project Gutenberg of Canada. 2005 (octobre): 5e anniversaire de Distributed Proofreaders. 2005: Numérisation de 251 livres par mois. 2006 (janvier): Lancement de la section Project Gutenberg PrePrints. 2006 (février): 8.000 livres produits par Distributed Proofreaders. 2006 (mai): Création de la Distributed Proofreaders Foundation. 2006 (juillet): 35e anniversaire du Projet Gutenberg. 2006 (juillet): Edition d’un nouveau DVD, qui contient 17.000 livres. 2006 (novembre): Lancement du site PG News. 2006 (décembre): Le Projet Gutenberg compte 20.000 livres. 2006 (décembre): 400 livres produits par Distributed Proofreaders Europe. 2006: Numérisation de 346 livres par mois. 2007 (mars): 10.000 livres produits par Distributed Proofreaders. 2007 (avril): 1.500 livres pour Project Gutenberg of Australia. 2007 (juillet): Lancement de Project Gutenberg Canada. 2010 (estimation): Conversion automatique dans de nombreux formats. 2015 (estimation): Un million de livres au catalogue. 2015 (estimation): Conversion automatique dans cent langues différentes. 4. DES LIVRES A VENDRE SUR LE WEB [4.1. Dans le sillage d’Amazon / Amazon, librairie en ligne / Internet Bookshop // 4.2. Librairies en ligne francophones // 4.3. Expériences de libraires / Librairies traditionnelles / Librairies de voyage / Librairies d’ancien // 4.4. Numilog, librairie numérique // 4.5. Chronologie] Nées sur le web au milieu des années 1990, de nouvelles librairies n’ont ni murs, ni vitrine, ni enseigne sur la rue, et toutes leurs transactions s’effectuent sur le réseau. C’est le cas d’Amazon qui, sous la houlette de Jeff Bezos, ouvre ses portes virtuelles en juillet 1995 avec dix salariés et trois millions d’articles pour devenir rapidement un géant du commerce électronique. D'autres librairies suivent. On peut consulter le catalogue à l’écran, lire le résumé du livre ou même des extraits, puis passer sa commande en ligne. Cinq ans plus tard, dans les années 2000, on voit surgir des librairies qui ne vendent que des livres numériques, avec téléchargement des livres dans les minutes suivant la commande. 4.1. Dans le sillage d’Amazon = Amazon, librairie en ligne Fondé par Jeff Bezos, Amazon.com (devenue Amazon dans le langage courant) voit le jour en juillet 1995 à Seattle, dans l’Etat de Washington, sur la côte ouest des Etats-Unis. Quinze mois auparavant, au printemps 1994, Jeff Bezos fait une étude de marché pour décider du meilleur produit de consommation à vendre sur l’internet. Dans sa liste de vingt produits marchands, qui comprennent entre autres les vêtements et les instruments de jardinage, les cinq premiers du classement se trouvent être les livres, les CD, les vidéos, les logiciels et le matériel informatique. «J’ai utilisé tout un ensemble de critères pour évaluer le potentiel de chaque produit, relate Jeff Bezos dans le kit de presse d’Amazon. Le premier critère a été la taille des marchés existants. J’ai vu que la vente des livres représentait un marché mondial de 82 milliards de dollars US. Le deuxième critère a été la question du prix. Je voulais un produit bon marché. Mon raisonnement était le suivant : puisque c’était le premier achat que les gens allaient faire en ligne, il fallait que la somme à payer soit modique. Le troisième critère a été la variété dans le choix : il y avait trois millions de titres de livres alors qu’il n’y avait que 300.000 titres pour les CD, par exemple.» La vente de livres en ligne débute en juillet 1995, avec dix salariés et un stock quatorze fois supérieur à celui des hypermarchés. Le catalogue en ligne permet de rechercher les livres par titre, auteur, sujet ou rubrique. On y trouve aussi des CD, des DVD, des jeux informatiques, etc. Très attractif, le contenu éditorial du site change quotidiennement et forme un véritable magazine littéraire proposant des extraits de livres, des entretiens avec des auteurs et des conseils de lecture. Amazon devient le pionnier d’un nouveau modèle économique. Son évolution rapide est suivie de près par des analystes de tous bords. En 1998, avec 1,5 million de clients dans 160 pays et une très bonne image de marque, Amazon est régulièrement cité comme un symbole de réussite dans le cybercommerce. Si la librairie en ligne est toujours déficitaire, sa cotation boursière est excellente, suite à une introduction à la Bourse de New York en mai 1997. En novembre 2000, la société compte 7.500 salariés, 28 millions d’articles, 23 millions de clients et quatre filiales (Royaume-Uni, Allemagne, France, Japon), auxquelles s’ajoute en juin 2002 une cinquième filiale au Canada. La maison mère diversifie ses activités. Elle vend non seulement des livres, des vidéos, des CD et des logiciels, mais aussi des produits de santé, des jouets, des appareils électroniques, des ustensiles de cuisine, des outils de jardinage, etc. En novembre 2001, la vente des livres, disques et vidéos ne représente plus que 58% du chiffre d’affaires global. Admiré par certains, le modèle économique d’Amazon est contesté par d’autres, notamment en matière de gestion du personnel, avec des contrats de travail précaires et de bas salaires. Tout comme la grande librairie en ligne britannique Internet Bookshop, Amazon offre une part des bénéfices à ses «associés» en ligne. Depuis le printemps 1997, tous les possesseurs d’un site web peuvent vendre des livres appartenant au catalogue de la librairie et toucher un pourcentage de 15% sur les ventes. Ces associés font une sélection dans les titres du catalogue et rédigent leurs propres résumés. Amazon reçoit les commandes par leur intermédiaire, expédie les livres et rédige les factures. Les associés reçoivent un rapport hebdomadaire d’activité. Au printemps 1998, le libraire en ligne compte plus de 30.000 sites affiliés. La présence européenne d’Amazon débute en octobre 1998. Les deux premières filiales sont implantées en Allemagne et au Royaume-Uni. En août 2000, avec 1,8 million de clients en Grande-Bretagne, 1,2 million de clients en Allemagne et quelques centaines de milliers de clients en France, la librairie réalise 23% de ses ventes hors des Etats-Unis. A la même date, elle ouvre sa filiale française. Une filiale japonaise est ouverte en octobre 2000. En novembre 2000, Amazon ouvre un secteur eBooks, à savoir un secteur vendant des livres numériques. En 2001, les 29 millions de clients d’Amazon génèrent un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars US. En juin 2002, une cinquième filiale est ouverte au Canada. Au 3e trimestre 2003, la société devient bénéficiaire pour la première fois de son histoire. En octobre 2003, Amazon lance un service de recherche plein texte (Search Inside the Book) qui scanne le texte intégral de 120.000 titres, un nombre promis à une croissance rapide. Amazon lance aussi son propre moteur de recherche A9.com mais, contrairement aux autres initiatives, le succès n’est pas au rendez-vous. Une sixième filiale est ouverte en Chine sous le nom de Joyo en septembre 2004. En 2004, le bénéfice net d’Amazon est de 588 millions de dollars US, dont 45% généré par ses filiales, avec un chiffre d’affaires de 6,9 milliards de dollars. Présent dans sept pays (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, France, Japon, Chine) et devenu une référence mondiale du commerce en ligne, Amazon fête ses dix ans d’existence en juillet 2005, avec 9.000 salariés et 41 millions de clients actifs, attirés par des produits culturels, high-tech et autres aux prix attractifs et une livraison en 48 heures maximum dans les pays hébergeant une plateforme Amazon. = Internet Bookshop Basée au Royaume-Uni, l’Internet Bookshop (iBS) se trouve être la plus grande librairie européenne en 1998, avec un catalogue de 1,4 million de titres. Moins connue qu’Amazon, elle lance cependant à plusieurs reprises des initiatives originales et inédites copiées ensuite par les librairies concurrentes, Amazon y compris. La librairie développe d’abord un système de partenariat sur le web, repris par Amazon dans sa politique de sites affiliés. Tout possesseur d’un site web peut devenir partenaire de l’Internet Bookshop en sélectionnant sur son propre site un certain nombre de titres présents dans le catalogue de la librairie. Celle-ci prend en charge toute la partie commerciale, à savoir les commandes, les envois et les factures. L’internaute partenaire reçoit 10% du prix des ventes. C’est la première fois qu’une librairie en ligne propose une part aux bénéfices par le biais du web, entraînant à terme la nécessité d’une nouvelle réglementation dans ce domaine. Autre initiative originale, qui débute en octobre 1997, une politique de grosses remises, chose inconnue jusque-là. La librairie propose des remises allant jusqu’à 45%, prenant le risque d’une guerre des prix et des droits avec les libraires et les éditeurs traditionnels. L’idée est ensuite reprise outre-Atlantique. Principale chaîne de librairies traditionnelles aux Etats-Unis, avec 480 librairies réparties dans tout le pays, Barnes & Noble décide de se lancer dans la vente en ligne en créant en mai 1997 son site barnesandnoble.com. Il devient rapidement le principal concurrent d’Amazon et déclenche lui aussi une guerre des prix - puisque le prix du livre est libre aux Etats-Unis - à la grande satisfaction des internautes, qui, sur l’un ou l’autre site, se voient parfois offrir des réductions allant jusqu’à 50% pour certains titres. En octobre 1997, l’Internet Bookshop attend également la réaction des libraires et des éditeurs traditionnels à sa décision de vendre des livres provenant des Etats-Unis, une initiative débutée un mois auparavant. Une deuxième librairie en ligne britannique, Waterstone’s (rachetée ensuite par Amazon), songe elle aussi à introduire des titres américains dans son catalogue, à partir de janvier 1998. The Publishers Association, organisme représentant les éditeurs du Royaume-Uni, a fort à faire pour étudier les doléances de ceux-ci, jointes à celles des libraires traditionnels, qui souhaiteraient non seulement faire interdire la vente de titres américains par des librairies en ligne britanniques, mais aussi faire interdire l’activité des librairies en ligne américaines au Royaume-Uni, sous-entendu: qu’elles ne puissent pas vendre de livres à des clients britanniques. Sur le site web de l’Internet Bookshop, en 1997 et 1998, la rubrique iBS News permet de suivre pas à pas le combat engagé par les libraires en ligne contre les associations d’éditeurs et de libraires traditionnels, afin d’obtenir la suppression totale des frontières pour la vente des livres. Comme on le voit, ce qui nous paraît évident maintenant ne l’était guère il y a dix ans. Mais, de par la structure même de l’internet, l’abolition des frontières dans le marché du livre est inévitable, et les librairies en ligne européennes ne tardent pas à suivre l’exemple de l’Internet Bookshop. Concernant la fiscalité, un accord-cadre entre les Etats-Unis et l’Union européenne est conclu en décembre 1997. L’internet est considéré comme une zone de libre-échange, c’est-à-dire sans droits de douane pour les logiciels, les films et les livres achetés sur le réseau. Les biens matériels et autres services sont soumis au régime existant dans les pays concernés, avec perception de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sans frais de douane supplémentaires. Cet accord-cadre est suivi ensuite d’une convention internationale. Quelques années plus tard, l’Internet Bookshop ancienne formule est intégré à la librairie en ligne de la chaîne de librairies WHSmith. En 2007, un Internet Bookshop nouvelle formule, dénommé Internet Bookshop UK (IBUK), se trouve être la troisième librairie en ligne mondiale, avec un stock de 2 millions de livres neufs, épuisés, anciens et d’occasion, et 4.000 nouveaux titres par semaine. Ses locaux sont implantés dans un cadre idyllique, à Cambridge, village du comté du Gloucestershire, au sud-ouest de l’Angleterre. = Librairies en ligne francophones Fondée en 1996 par Patrice Magnard, la librairie en ligne Alapage vend tous les livres, disques et vidéos disponibles sur le marché français, soit 400.000 articles, avec paiement sécurisé. Sur le site bilingue français-anglais, la recherche est possible par auteur, titre et éditeur. Le même service est disponible sur minitel (3615 Alapage). Alapage travaille en partenariat avec la librairie en ligne Novalis (intégrée plus tard à Alapage) qui assure elle aussi la vente par correspondance de produits culturels: disques, livres, vidéos et multimédia. En octobre 1997, les deux librairies décident de créer le premier prix littéraire francophone sur l’internet. Comme indiqué à la même date sur leurs sites respectifs: «1) C’est la première fois que l’on utilise le support internet pour organiser un vote autour d’un prix littéraire. 2) C’est la première fois qu’est constitué un jury littéraire composé d’un potentiel aussi important et diversifié de votants, fidèle reflet de la diffusion de la culture française. Ce vote est en effet ouvert à nos visiteurs de tous horizons, disséminés sur les cinq continents, qui pourront émettre leur avis sur l’ensemble des ouvrages concourant aux principaux prix littéraires de fin d’année. 3) C’est la première fois qu’est imaginé un instrument de mesure de la satisfaction du lecteur et du bonheur de la lecture, qui ne soit pas seulement un outil de mesure des ventes de livres, aussi fiable soit-il.» Un vote est organisé entre le 20 octobre et le 9 novembre 1997 auprès des internautes. Afin d’éviter les votes multiples, chaque voix n’est validée que si la fiche de vote est scrupuleusement remplie. Toute fiche double est annulée. Ce premier prix littéraire des internautes est remporté par Marc Trillard pour son roman Coup de lame, paru aux éditions Phébus. A Alapage et Novalis vient s’ajouter une troisième librairie en ligne, Chapitre.com, librairie indépendante créée en 1997 par Juan Pirlot de Corbion. Son catalogue de 350.000 titres est complété par une bouquinerie, un choix d’éditeurs, une sélection de 1.000 sites littéraires et culturels, ainsi qu’une revue des littératures intitulée Tête de chapitre. Contrairement à leurs homologues anglophones, les libraires en ligne français ne peuvent se permettre les réductions substantielles proposées par leurs collègues des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, pays dans lesquels le prix du livre est libre. Si la loi française sur le prix unique du livre leur laisse peu de latitude, les libraires sont toutefois optimistes sur les perspectives d’un marché francophone international. Dès 1997, un nombre significatif de commandes provient de l’étranger, par exemple 10% des commandes pour le service en ligne de la Fnac. Alapage rejoint le groupe France Télécom en septembre 1999 puis devient en juillet 2000 une filiale à part entière de Wanadoo, le fournisseur d’accès internet de France Télécom. Quant à Chapitre.com, il comprend désormais plusieurs secteurs: livres neufs, livres neufs à prix réduit, livres anciens, revues anciennes ou épuisées, gravures et affiches. Alapage, Chapitre.com, la Fnac et quelques autres voient débarquer avec inquiétude Amazon.fr, la filiale qu'Amazon ouvre en août 2000 dans l’hexagone. Un mois après son lancement, Amazon.fr est à la seconde place des sites de biens culturels français, après la Fnac. La société de mesure d’audience Media Metrix Europe donne les chiffres suivants pour septembre 2000: 40.000 requêtes individuelles pour Fnac.com, 217.000 requêtes pour Amazon.fr, 209.000 requêtes pour Alapage et 74.000 requêtes pour BOL.fr, la succursale française de l'européen BOL.com (BOL: Bertelsmann On Line). Le nombre de librairies en ligne s’avère toutefois trop élevé par rapport au marché existant. En juillet 2001, BOL.com annonce la fermeture de BOL.fr, créé deux ans auparavant par les deux géants des médias Bertelsmann et Vivendi. A la même date, les difficultés rencontrées par d’autres libraires en ligne montrent la nécessité de revoir à la baisse des prévisions quelque peu optimistes, afin de laisser à la clientèle le temps de s’habituer à ce nouveau mode d’achat. 4.2. Expériences de libraires = Librairies traditionnelles Qu’en est-il des librairies traditionnelles? A la fin des années 1990, les chaînes de librairies ont toutes une librairie en ligne à côté de leur réseau de librairies «en dur». C’est le cas notamment de la Fnac, de Virgin, de France Loisirs, ou encore du Furet du Nord, qui dessert le Nord de la France, et de Decitre, qui dessert la région Rhône-Alpes. Le site de la Fnac ouvre sur le logo «fnac» blanc et ocre bien connu. Présente en France, en Belgique et en Espagne, la Fnac, selon ses propres termes, se veut à la fois défricheur, agitateur culturel et commerçant, et se définit par «une politique commerciale fondée sur l’alliance avec le consommateur, sa vocation culturelle et sa volonté de découvrir les nouvelles technologies». La Fnac crée un magazine littéraire en ligne et ouvre un secteur «commerce électronique» permettant de commander livres, disques, vidéos et CD-Rom par internet, minitel ou téléphone. La livraison est possible en France comme à l’étranger. Les modes de paiement sont la carte de crédit ou le chèque à la commande. Le Furet du Nord est une chaîne de librairies implantée dans le Nord de la France et dont le siège est à Lille. Son site permet de consulter une base de données de 250.000 livres et de les commander en ligne. Il propose aussi un suivi permanent de l’actualité littéraire. La vente à distance représente 15 à 20% du chiffre d’affaires total de l’entreprise. Les meilleurs clients sont les écoles, les universités, les comités d’entreprise et les ambassades. La chaîne de librairies Decitre officie dans la région Rhône-Alpes. Ses neuf librairies sont particulièrement dynamiques dans le domaine de l’informatique, du multimédia et de l’internet, avec des présentations régulières de nouveaux CD-Rom et des initiations à l’internet. Créé en 1996, le site est remanié en décembre 1997. «Notre site est pour l’instant juste un moyen de communication de plus (par le biais du mail) avec nos clients des magasins et nos clients bibliothèques et centres de documentation», explique en juin 1998 Muriel Goiran, libraire. «Nous avons découvert son importance en organisant DocForum, le premier forum de la documentation et de l’édition spécialisée, qui s’est tenu à Lyon en novembre 1997. Il nous est apparu clairement qu’en tant que libraires, nous devions avoir un pied dans le net. Internet est très important pour notre avenir. Nous allons mettre en ligne notre base de 400.000 livres français à partir de fin juillet 1998, et elle sera en accès gratuit pour des recherches bibliographiques. Ce ne sera pas une n-ième édition de la base de Planète Livre, mais notre propre base de gestion, que nous mettons sur internet.» Spécialisée dans les ouvrages scientifiques, la librairie Interférences serait la première librairie française à avoir créé un site web, dès 1995. Le Monde en Tique propose quant à lui un catalogue de 37.000 titres sur l’informatique, les nouvelles technologies, le multimédia et l’internet. Mais la vente à distance n’est pas l’apanage des grandes librairies ni des librairies à vocation scientifique et technique, comme le montrent les exemples qui suivent, pris dans les librairies de voyage et les librairies d’ancien. = Librairies de voyage Fondée en 1985 par Hélène Larroche, Itinéraires est une librairie de voyages située au cœur de Paris, rue Saint-Honoré, dans l’ancien quartier des Halles. La librairie propose guides, cartes, manuels de conversation, reportages, récits de voyage, livres de cuisine, livres d’art et de photos, ouvrages d’histoire, de civilisation, d’ethnographie, de religion et de littérature étrangère, et ceci pour 160 pays et 250 destinations. «Le monde en mémoire», tel est le sous-titre de son site bilingue français-anglais. Dès les débuts de la librairie, le personnel crée une base de données avec classement des livres par pays et par sujets. Dix ans après, en 1995, la consultation du catalogue est possible sur minitel. Trois ans plus tard, la librairie est présente sur le web. En juin 1998, Hélène Larroche relate: «Il y a un peu plus de trois ans, nous avons rendu la consultation de notre base de données possible sur minitel et effectuons près de 10% de notre chiffre d’affaires avec la vente à distance. Passer du minitel à internet nous semblait intéressant pour atteindre la clientèle de l’étranger, les expatriés désireux de garder par les livres un contact avec la France et à la recherche d’une librairie qui "livre à domicile" et bien sûr les "surfeurs sur le net", non minitélistes. La vente à distance est encore trop peu utilisée sur internet pour avoir modifié notre chiffre d’affaires de façon significative. Internet a cependant eu une incidence sur le catalogue de notre librairie, avec la création d’une rubrique sur le web, spécialement destinée aux expatriés, dans laquelle nous mettons des livres, tous sujets confondus, qui font partie des meilleures ventes du moment ou/et pour lesquels la critique s’emballe. Nous avons toutefois décidé de limiter cette rubrique à 60 titres quand notre base en compte 13.000. Un changement non négligeable, c’est le temps qu’il faut dégager ne serait-ce que pour répondre au courrier que génèrent les consultations du site. Outre le bénéfice pour l’image de la librairie qu’internet peut apporter (et dont nous ressentons déjà les effets), nous espérons pouvoir capter une nouvelle clientèle dans notre spécialité (la connaissance des pays étrangers), atteindre et intéresser les expatriés et augmenter nos ventes à l’étranger.» En janvier 2000, Hélène Larroche ajoute: «Un net regain de personnes viennent à notre librairie après nous avoir découvert sur le web. C’est plutôt une clientèle parisienne ou une clientèle venue de province pour pouvoir feuilleter sur place ce que l’on a découvert sur le web. Mais l’expérience est très intéressante et nous conduit à poursuivre.» D’autres librairies se débrouillent au mieux avec des moyens limités, comme la librairie Ulysse, sise elle aussi à Paris, dans l’île Saint-Louis. Créée en 1971 par Catherine Domain, elle est la première librairie au monde uniquement consacrée au voyage. Ses 20.000 livres, cartes et revues neufs et d’occasion recèlent des documents introuvables ailleurs. A la fois libraire et grande voyageuse, Catherine Domain est membre du Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM), du Club des explorateurs et du Club international des grands voyageurs. En 1999, elle décide de se lancer dans un voyage autrement plus ingrat, virtuel cette fois-ci, à savoir la réalisation d’un site web en autodidacte. «Mon site est embryonnaire et en construction, raconte-t-elle en novembre 2000. Il se veut à l’image de ma librairie, un lieu de rencontre avant d’être un lieu commercial. Il sera toujours en perpétuel devenir ! Internet me prend la tête, me bouffe mon temps et ne me rapporte presque rien, mais cela ne m’ennuie pas...» Elle est toutefois assez pessimiste sur l’avenir des librairies comme la sienne. «Internet tue les librairies spécialisées. En attendant d’être dévorée, je l’utilise comme un moyen d’attirer les clients chez moi, et aussi de trouver des livres pour ceux qui n’ont pas encore internet chez eux ! Mais j’ai peu d’espoir...» = Librairies d’ancien L’internet permet aux libraires d’ancien de considérablement élargir leur champ d’action. Dans un domaine où la vente par correspondance sur catalogue a toujours été primordiale, l’internet vient à point nommé pour faciliter les transactions. Courriel, listes de diffusion, bases de données sur le web et commerce électronique prennent le relais des méthodes traditionnelles. Pascal Chartier est le gérant de la librairie du Bât d’Argent (Lyon). Dès novembre 1995, il crée Livre-rare-book, un site professionnel de livres d’occasion, anciens et modernes disponible en français et en anglais. Un catalogue en ligne regroupe les catalogues de plusieurs librairies de la région, situées à Lyon, Moulins, Dijon et Naples. Il est complété par un annuaire international des librairies d’occasion. Pascal Chartier considère le web comme «une vaste porte», à la fois pour lui et pour ses clients. L’internet est «peut-être la pire et la meilleure des choses. La pire parce qu’il peut générer un travail constant sans limite et la dépendance totale. La meilleure parce qu’il peut s’élargir encore et permettre surtout un travail intelligent!», écrit-il en juin 1998. En août 2003, Livre-rare-book propose un catalogue de plus d’un million de livres émanant de quelque 320 librairies situées en France et à l’étranger, et un annuaire international recensant près de 4.000 librairies. Le catalogue comprend 2 millions de livres émanant de 500 librairies en septembre 2005, et 2,6 millions de livres émanant de 550 librairies en décembre 2006. Autre réalisation, celle du Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM), un syndicat professionnel regroupant 220 librairies françaises. Le SLAM met en ligne un premier site web en 1997, remplacé par une nouvelle version de conception plus dynamique en juillet 1999. Alain Marchiset, président du SLAM, explique en juillet 2000: «Ce site intègre une architecture de type "base de données", et donc un véritable moteur de recherche, qui permet de faire des recherches spécifiques (auteur, titre, éditeur, et bientôt sujet) dans les catalogues en ligne des différents libraires. Le site contient l’annuaire des libraires avec leurs spécialités, des catalogues en ligne de livres anciens avec illustrations, un petit guide du livre ancien avec des conseils et les termes techniques employés par les professionnels, et aussi un service de recherche de livres rares. De plus, l’association organise chaque année en novembre une foire virtuelle du livre ancien sur le site, et en mai une véritable foire internationale du livre ancien qui a lieu à Paris et dont le catalogue officiel est visible aussi sur le site. (...) Les libraires membres proposent sur le site du SLAM des livres anciens que l’on peut commander directement par courriel et régler par carte de crédit. Les livres sont expédiés dans le monde entier. Les libraires de livres anciens vendaient déjà par correspondance depuis très longtemps au moyen de catalogues imprimés adressés régulièrement à leurs clients. Ce nouveau moyen de vente n’a donc pas été pour nous vraiment révolutionnaire, étant donné que le principe de la vente par correspondance était déjà maîtrisé par ces libraires. C’est simplement une adaptation dans la forme de présentation des catalogues de vente qui a été ainsi réalisée. Dans l’ensemble, la profession envisage assez sereinement ce nouveau moyen de vente.» Résolument optimiste en 1999 et 2000, la profession revoit ensuite ses espérances à la baisse. En juin 2001, Alain Marchiset écrit: «Après une expérience de près de cinq années sur le net, je pense que la révolution électronique annoncée est moins évidente que prévue, et sans doute plus "virtuelle" que réelle pour le moment. Les nouvelles technologies n’ont pas actuellement révolutionné le commerce du livre ancien. Nous assistons surtout à une série de faillites, de rachats et de concentrations de sociétés de services (principalement américaines) autour du commerce en ligne du livre, chacun essayant d’avoir le monopole, ce qui bien entendu est dangereux à la fois pour les libraires et pour les clients qui risquent à la longue de ne plus avoir de choix concurrentiel possible. Les associations professionnelles de libraires des 29 pays fédérées autour de la Ligue internationale de la librairie ancienne (LILA) ont décidé de réagir et de se regrouper autour d’un gigantesque moteur de recherche mondial sous l’égide de la LILA. Cette fédération représente un potentiel de 2.000 libraires indépendants dans le monde, mais offrant des garanties de sécurité et de respect de règles commerciales strictes. Ce nouveau moteur de recherche de la LILA (ILAB en anglais) en pleine expansion est déjà référencé par AddALL et BookFinder.com.» 4.3. Numilog, librairie numérique Les librairies en ligne vendront-elles un jour le texte intégral des livres en version électronique?, se demande-t-on en 1998. Dans ce cas, l’inévitable délai dû à l’envoi postal disparaîtra, puisque les fichiers électroniques pourront parvenir au lecteur en un temps infime via l’internet. Deux ans plus tard, c’est chose faite avec le lancement des premières librairies numériques. Les librairies en ligne Amazon.com et Barnes & Noble.com ouvrent toutes deux un secteur numérique à quelques mois d’intervalle. Barnes & Noble.com ouvre son secteur eBooks en août 2000, suite à un accord passé avec Microsoft en janvier 2000 pour la vente de livres lisibles sur son nouveau logiciel de lecture, le Microsoft Reader. Amazon.com suit son concurrent de peu. Après avoir conclu une alliance avec Microsoft en août 2000, Amazon ouvre son service eBooks en novembre 2000, avec 1.000 titres disponibles au départ. En septembre 2001, Yahoo! leur emboîte le pas en créant son eBook Store, suite à des accords passés avec de grands éditeurs: Penguin Putnam, Simon & Schuster, Random House et HarperCollins. Mais les librairies numériques ne sont pas l’apanage des mastodontes du métier, comme en témoigne l’activité de Numilog, une librairie numérique qui ouvre ses portes en octobre 2000 pour devenir rapidement la grande librairie numérique francophone du réseau. En février 2001, Denis Zwirn, président de Numilog, relate: «Dès 1995, j’avais imaginé et dessiné des modèles de lecteurs électroniques permettant d’emporter sa bibliothèque avec soi et pesant comme un livre de poche. Début 1999, j’ai repris ce projet avec un ami spécialiste de la création de sites internet, en réalisant la formidable synergie possible entre des appareils de lecture électronique mobiles et le développement d’internet, qui permet d’acheminer les livres dématérialisés en quelques minutes dans tous les coins du monde. (...) Nous avons créé une base de livres accessible par un moteur de recherche. Chaque livre fait l’objet d’une fiche avec un résumé et un extrait. En quelques clics, il peut être acheté en ligne par carte bancaire, puis reçu par e-mail ou téléchargement.» Le site offre ensuite «des fonctionnalités nouvelles, comme l’intégration d’une "authentique vente au chapitre" (les chapitres vendus isolément sont traités comme des éléments inclus dans la fiche-livre, et non comme d’autres livres) et la gestion très ergonomique des formats de lecture multiples». Fondée en avril 2000 par Denis Zwirn, la société Numilog a en fait une triple activité: librairie en ligne, studio de fabrication et diffuseur. «Numilog est d’abord une librairie en ligne de livres numériques, explique Denis Zwirn en 2001. Notre site internet est dédié à la vente en ligne de ces livres, qui sont envoyés par courrier électronique ou téléchargés après paiement par carte bancaire. Il permet aussi de vendre des livres par chapitres. Numilog est également un studio de fabrication de livres numériques: aujourd’hui, les livres numériques n’existent pas chez les éditeurs, il faut donc d’abord les fabriquer avant de pouvoir les vendre, dans le cadre de contrats négociés avec les éditeurs détenteurs des droits. Ce qui signifie les convertir à des formats convenant aux différents "readers" du marché. (...) Enfin Numilog devient aussi progressivement un diffuseur. Car, sur internet, il est important d’être présent en de très nombreux points du réseau pour faire connaître son offre. Pour les livres en particulier, il faut les proposer aux différents sites thématiques ou de communautés, dont les centres d’intérêt correspondent à leur sujet (sites de fans d’histoire, de management, de science-fiction...). Numilog facilitera ainsi la mise en oeuvre de multiples "boutiques de livres numériques" thématiques.» Répartis à l’origine en trois grandes catégories - savoir, guides pratiques et littérature - les livres sont disponibles en plusieurs formats: format PDF (portable document format) pour lecture sur l’Acrobat Reader et l’Adobe Reader, format LIT (abrégé du terme anglais «literature») pour lecture sur le Microsoft Reader et format PRC (Palm resource) pour lecture sur le Mobipocket Reader. En septembre 2003, le catalogue comprend 3.500 titres (livres et périodiques) en français et en anglais, grâce à un partenariat avec une quarantaine d’éditeurs, le but à long terme étant de «permettre à un public d’internautes de plus en plus large d’avoir progressivement accès à des bases de livres numériques aussi importantes que celles des livres papier, mais avec plus de modularité, de richesse d’utilisation et à moindre prix». Au fil des ans, Numilog devient la principale librairie francophone de livres numériques, suite à des accords avec de nombreux éditeurs: Gallimard, Albin Michel, Eyrolles, Hermès Science, Pearson Education France, etc. Numilog propose aussi des livres audionumériques lisibles sur synthèse vocale. Une librairie anglophone est lancée suite à des accords de diffusion conclus avec plusieurs éditeurs anglo-saxons: Springer-Kluwer, Oxford University Press, Taylor & Francis, Kogan Page, etc. Les différents formats proposés permettent la lecture des livres sur tout appareil électronique: ordinateur, assistant personnel, téléphone portable, smartphone, etc. La société est également prestataire de services pour les technologies DRM (digital rights management), à savoir les systèmes de gestion des droits numériques permettant de contrôler l’accès aux livres numériques sous droits, et donc de gérer les droits d’un livre selon les consignes données par le gestionnaire des droits, par exemple en autorisant ou non l’impression ou le prêt. En 2004, Numilog met sur pied un système de bibliothèque en ligne pour le prêt de livres numériques. Ce système est surtout destiné aux bibliothèques, aux administrations et aux entreprises. En janvier 2006, Numilog contribue au lancement à titre expérimental de la Bibliothèque numérique pour le Handicap (BnH), en partenariat avec la ville de Boulogne-Billancourt (région parisienne). En décembre 2006, le catalogue de la librairie numérique de Numilog comprend 35.000 livres grâce à un partenariat avec 200 éditeurs, dont 60 éditeurs francophones. Une autre grande librairie numérique est celle de Mobipocket. Fondé à Paris par Thierry Brethes et Nathalie Ting en mars 2000, Mobipocket se spécialise d’emblée dans la lecture et la distribution sécurisée de livres pour assistant personnel (PDA). Son logiciel de lecture, le Mobipocket Reader, est «universel», c’est-à-dire utilisable sur n’importe quel PDA, puis sur ordinateur en avril 2002. En 2003, le nombre de livres lisibles sur le Mobipocket Reader se chiffre à 6.000 titres dans plusieurs langues (français, anglais, allemand, espagnol), distribués soit dans la librairie de Mobipocket soit dans les librairies partenaires. Mobipocket est racheté par la grande librairie en ligne Amazon en avril 2005. 4.4. Chronologie * Cette chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité. 1994 (printemps): Etude de marché par Jeff Bezos, futur fondateur d’Amazon.com. 1995 (juillet): Amazon.com, librairie en ligne fondée par Jeff Bezos. 1995 (novembre): Livre-rare-book, catalogue de Pascal Chartier. 1996: Alapage, librairie en ligne fondée par Patrice Magnard. 1997: Chapitre.com, librairie en ligne fondée par Juan Pirlot de Corbion. 1997: Site web du Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM). 1997 (octobre): Politique de grosses remises inaugurée par l’Internet Bookshop. 1998: BOL.com, librairie en ligne européenne fondée par Bertelsmann. 1999 (juillet): BOL.fr, filiale de BOL.com. 2000 (mars): Mobipocket, société fondée par Thierry Brethes et Nathalie Ting. 2000 (mars): Numilog, société fondée par Denis Zwirn. 2000 (août): Amazon.fr, filiale d’Amazon. 2000 (août): Secteur eBooks de Barnes & Noble.com. 2000 (octobre): Numilog lance sa librairie numérique. 2000 (novembre): Secteur eBooks d’Amazon. 2001 (juillet): Fermeture de BOL.fr. 2001 (septembre): Secteur eBooks de Yahoo! 2005 (avril): Rachat de Mobipocket par Amazon. 5. LES AUTEURS TISSENT LEUR TOILE [5.1. Des échanges accrus // 5.2. Best-sellers en numérique / The Plant, de Stephen King / Deux expériences européennes / Des centaines de titres // 5.3. Nouveaux genres littéraires / Sites d’écriture hypermédia / Hyper-romans / Mail-romans / Littérature numérique // 5.4. Chronologie] On oublie parfois que les auteurs ne sont pas seulement les écrivains faisant partie de notre patrimoine, mais aussi les passionnés du verbe, souvent inconnus, qui écrivent tout en gagnant leur vie par ailleurs. Publiés ou non, nombre d’entre eux s’accordent à reconnaître les bienfaits du web et du courriel, que ce soit pour la recherche d’information, la diffusion de leurs oeuvres, les échanges avec les lecteurs ou la collaboration avec d’autres créateurs. Des écrivains férus de nouvelles technologies explorent les possibilités offertes par l’hyperlien ou se lancent dans le mail-roman. Appelée aussi littérature électronique ou littérature informatique, la littérature numérique devient un genre à part entière. 5.1. Des échanges accrus Poète et plasticienne, Silvaine Arabo vit dans la région Poitou-Charentes. En mai 1997, elle crée l’un des premiers sites francophones consacrés à la poésie, Poésie d’hier et d’aujourd’hui, sur lequel elle propose de nombreux poèmes, y compris les siens. En juin 1998, elle raconte: «Je suis poète, peintre et professeur de lettres (13 recueils de poèmes publiés, ainsi que deux recueils d’aphorismes et un essai sur le thème : poésie et transcendance; quant à la peinture, j’ai exposé mes toiles à Paris - deux fois - et en province). (...) Pour ce qui est d’internet, je suis autodidacte (je n’ai reçu aucune formation informatique quelle qu’elle soit). J’ai eu l’idée de construire un site littéraire centré sur la poésie : internet me semble un moyen privilégié pour faire circuler des idées, pour communiquer ses passions aussi. Je me suis donc mise au travail, très empiriquement, et ai finalement abouti à ce site sur lequel j’essaye de mettre en valeur des poètes contemporains de talent, sans oublier la nécessaire prise de recul (rubrique "Réflexions sur la poésie") sur l’objet considéré. (...) Par ailleurs, internet m’a mis en contact avec d’autres poètes, dont certains fort intéressants. Cela rompt le cercle de la solitude et permet d’échanger des idées. On se lance des défis aussi. Internet peut donc pousser à la créativité et relancer les motivations des poètes puisqu’ils savent qu’ils seront lus et pourront même, dans le meilleur des cas, correspondre avec leurs lecteurs et avoir les points de vue de ceux-ci sur leurs textes. Je ne vois personnellement que des aspects positifs à la promotion de la poésie par internet, tant pour le lecteur que pour le créateur.» Très vite, Poésie d’hier et d’aujourd’hui prend la forme d’une cyber-revue. Quatre ans plus tard, en mars 2001, Silvaine Arabo crée une deuxième revue, Saraswati: revue de poésie, d’art et de réflexion, cette fois sur papier. Les deux revues «se complètent et sont vraiment à placer en regard l’une de l’autre». Romancière et essayiste, Anne-Bénédicte Joly habite en région parisienne. En avril 2000, elle décide d’auto-publier ses oeuvres en utilisant l’internet pour les faire connaître. «Mon site a plusieurs objectifs, relate-t-elle en juin 2000. Présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) à travers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l’on trouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter mon parcours (de professeur de lettres et d’écrivain), permettre de commander mes ouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d’or, guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires. (...) Créer un site internet me permet d’élargir le cercle de mes lecteurs en incitant les internautes à découvrir mes écrits. Internet est également un moyen pour élargir la diffusion de mes ouvrages. Enfin, par une politique de liens, j’espère susciter des contacts de plus en plus nombreux.» Poète et romancier, Nicolas Ancion vit à Madrid. Lui aussi utilise l’internet comme outil de diffusion. En avril 2001, il raconte: «Je publie des textes en ligne, soit de manière exclusive (j’ai publié un polar uniquement en ligne et je publie depuis février 2001 deux romans-feuilletons écrits spécialement pour ce support), soit de manière complémentaire (mes textes de poésie sont publiés sur papier et en ligne). Je dialogue avec les lecteurs et les enseignants à travers mon site web.» Michel Benoît habite Montréal. Auteur de nouvelles policières, de récits noirs et d’histoires fantastiques, il utilise l’internet pour élargir ses horizons et pour abolir le temps et la distance. Il écrit en juin 2000: «L’internet s’est imposé à moi comme outil de recherche et de communication, essentiellement. Non, pas essentiellement. Ouverture sur le monde aussi. Si l’on pense: recherche, on pense: information. Voyez-vous, si l’on pense: écriture, réflexion, on pense: connaissance, recherche. Donc on va sur la toile pour tout, pour une idée, une image, une explication. Un discours prononcé il y a vingt ans, une peinture exposée dans un musée à l’autre bout du monde. On peut donner une idée à quelqu’un qu’on n’a jamais vu, et en recevoir de même. La toile, c’est le monde au clic de la souris. On pourrait penser que c’est un beau cliché. Peut-être bien, à moins de prendre conscience de toutes les implications de la chose. L’instantanéité, l’information tout de suite, maintenant. Plus besoin de fouiller, de se taper des heures de recherche. On est en train de faire, de produire. On a besoin d’une information. On va la chercher, immédiatement. De plus, on a accès aux plus grandes bibliothèques, aux plus importants journaux, aux musées les plus prestigieux. (...) Mon avenir professionnel en inter-relation avec le net, je le vois exploser. Plus rapide, plus complet, plus productif. Je me vois faire en une semaine ce qui m’aurait pris des mois. Plus beau, plus esthétique. Je me vois réussir des travaux plus raffinés, d’une facture plus professionnelle, même et surtout dans des domaines connexes à mon travail, comme la typographie, où je n’ai aucune compétence. La présentation, le transport de textes, par exemple. Le travail simultané de plusieurs personnes qui seront sur des continents différents. Arriver à un consensus en quelques heures sur un projet, alors qu’avant le net, il aurait fallu plusieurs semaines, parlons de mois entre les Francophones. Plus le net ira se complexifiant, plus l’utilisation du net deviendra profitable, nécessaire, essentielle.» Murray Suid vit à Palo Alto, dans la Silicon Valley, en Californie. Il est l’auteur de livres pédagogiques, de livres pour enfants, d’oeuvres multimédias et de scénarios. Dès septembre 1998, il préconise une solution choisie depuis par de nombreux auteurs: «Un livre peut avoir un prolongement sur le web – et donc vivre en partie dans le cyberespace. L’auteur peut ainsi aisément l’actualiser et le corriger, alors qu’auparavant il devait attendre longtemps, jusqu’à l’édition suivante, quand il y en avait une. (...) Je ne sais pas si je publierai des livres sur le web, au lieu de les publier en version imprimée. J’utiliserai peut-être ce nouveau support si les livres deviennent multimédias. Pour le moment, je participe au développement de matériel pédagogique multimédia. C’est un nouveau type de matériel qui me plaît beaucoup et qui permet l’interactivité entre des textes, des films, des bandes sonores et des graphiques qui sont tous reliés les uns aux autres.» Un an après, en août 1999, il ajoute: «En plus des livres complétés par un site web, je suis en train d’adopter la même formule pour mes oeuvres multimédias – qui sont sur CD-Rom – afin de les actualiser et d’enrichir leur contenu.» Quelques mois plus tard, l’intégralité de ses oeuvres multimédias est sur le réseau. Le matériel pédagogique auquel il contribue est conçu non plus pour diffusion sur CD-Rom, mais pour diffusion sur le web. D’entreprise multimédia, la société de logiciels éducatifs qui l’emploie devient une entreprise internet. On assiste aussi à l’apparition du roman «interactif» qui, à l’époque, désigne une oeuvre de fiction à laquelle participent les internautes. Le pionnier est «le grand écrivain américain John Updike, qui, l’an dernier, balança sur le web le premier chapitre d’un roman que les internautes étaient censés poursuivre», raconte Emmanuèle Peyret, journaliste, dans le quotidien Libération du 27 février 1998. Cette première expérience de littérature interactive est réalisée à l’initiative de la librairie en ligne Amazon. En France, lors de la fête de l’internet des 20 et 21 mars 1998, ATOS et France Loisirs lancent à leur tour le premier roman «interactif» francophone. Signé par le romancier Yann Queffélec, le premier chapitre est disponible sur le site de France Loisirs le 20 mars 1998. Les internautes disposent de deux semaines pour proposer un deuxième chapitre. Le jury du club sélectionne le meilleur chapitre, qui devient la suite officielle du roman, et ainsi de suite jusqu’au 27 juillet. Yann Queffélec prend à nouveau la plume pour rédiger le huitième et dernier chapitre. France Loisirs publie le roman en septembre 1998. Pour les auteurs de documentaires également, l’apport de l’internet est réel, comme en témoigne l’expérience d’Esther Dyson, présidente d’EDventure Holdings, société spécialisée dans l’étude des technologies de l’information. Depuis 1982, elle publie Release 1.0, lettre d’information mensuelle très prisée des spécialistes et surnommée la lettre intellectuelle du monde informatique. En 1997, elle publie aussi un livre Release 2.0: A Design for Living in the Digital Age. Parallèlement à la publication simultanée de son livre par plusieurs éditeurs dans divers pays, Esther Dyson ouvre le site Release 2.0 afin de dialoguer avec ses lecteurs et tirer parti de tous ces échanges pour préparer une nouvelle édition de son livre. Dans ce cas précis, le site web se trouve être une étape intermédiaire entre deux publications imprimées. 5.2. Best-sellers en numérique En 2000, lorsque le livre numérique commence à se généraliser mais que la partie est loin d’être gagnée, trois auteurs de best-sellers se lancent dans l’aventure malgré les risques commerciaux encourus. Aux Etats-Unis, Stephen King tente de publier un roman épistolaire indépendamment de son éditeur. Au Royaume-Uni, Frederick Forsyth publie un recueil de nouvelles chez l’éditeur électronique Online Originals. En Espagne, en partenariat avec son éditeur habituel, Arturo Pérez-Reverte diffuse son nouveau roman sous forme numérique en exclusivité pendant un mois, avant la sortie de la version imprimée. = The Plant, de Stephen King En mars 2000, le maître du suspense Stephen King commence d’abord par distribuer uniquement sur l’internet sa nouvelle Riding the Bullet, assez volumineuse puisqu’elle fait 66 pages. Il est le premier auteur à succès à tenter un pari considéré par beaucoup comme perdu d’avance. Mais, du fait de la notoriété de l’auteur et de la couverture médiatique de ce scoop, la «sortie» de cette nouvelle sur le web est un succès immédiat, avec 400.000 exemplaires téléchargés lors des premières ving-quatre heures dans les librairies en ligne qui la vendent (au prix de 2,5 dollars US). En juillet 2000, fort de cette expérience prometteuse, Stephen King décide de se passer des services de Simon & Schuster, son éditeur habituel. Il crée un site web spécifique pour débuter l’auto-publication en épisodes de The Plant, un roman épistolaire inédit qui raconte l’histoire d’une plante carnivore s’emparant d’une maison d’édition en lui promettant le succès commercial en échange de sacrifices humains. Le premier chapitre est téléchargeable en plusieurs formats - PDF, OeB, HTML, TXT - pour la somme de un dollar, avec paiement différé ou paiement immédiat sur le site d’Amazon. Dans une lettre aux lecteurs disponible sur son site à la même date, l’auteur raconte que la création du site, le design et la publicité lui ont coûté la somme de 124.150 dollars, sans compter sa prestation en tant qu’écrivain ni la rémunération de son assistante. Il précise aussi que la publication des chapitres suivants est liée au paiement du premier chapitre par au moins 75% des internautes. « Mes amis, vous avez l’occasion de devenir le pire cauchemar des éditeurs, déclare-t-il. Comme vous le voyez, c’est simple. Pas de cryptage assommant! Vous voulez imprimer l’histoire et en faire profiter un(e) ami(e)? Allez-y. Une seule condition: tout repose sur la confiance, tout simplement. C’est la seule solution. Je compte sur deux facteurs. Le premier est l’honnêteté. Prenez ce que bon vous semble et payez pour cela, dit le proverbe. Le second est que vous aimerez suffisamment l’histoire pour vouloir en lire davantage. Si vous le souhaitez vraiment, vous devez payer. Rappelez-vous: payez, et l’histoire continue; volez, et l’histoire s’arrête.» Une semaine après la mise en ligne du premier chapitre, on compte 152.132 téléchargements, avec paiement par 76% des lecteurs. Certains paient davantage que le dollar demandé, allant parfois jusqu’à 10 ou 20 dollars pour compenser le manque à gagner de ceux qui ne paieraient pas, et éviter ainsi que la série ne s’arrête. La barre des 75% est dépassée de peu, au grand soulagement des fans, si bien que le deuxième chapitre suit un mois après. En août 2000, dans une nouvelle lettre aux lecteurs, Stephen King annonce un nombre de téléchargements légèrement inférieur à celui du premier chapitre. Il en attribue la cause à une publicité moindre et à des problèmes de téléchargement. Si le nombre de téléchargements n’a que légèrement décru, le nombre de paiements est en nette diminution, les internautes ne réglant leur dû qu’une seule fois pour plusieurs téléchargements. L’auteur s’engage toutefois à publier le troisième chapitre comme prévu, fin septembre, et à prendre une décision ensuite sur la poursuite ou non de l’expérience, en fonction du nombre de paiements. Ses prévisions sont de onze ou douze chapitres en tout, avec un nombre total de 1,7 million de téléchargements. Le ou les derniers chapitres seraient gratuits. Plus volumineux (environ 10.000 signes au lieu de 5.000), les chapitres 4 et 5 passent à 2 dollars. Mais le nombre de téléchargements et de paiements ne cesse de décliner: 40.000 téléchargements seulement pour le cinquième chapitre, alors que le premier chapitre avait été téléchargé 120.000 fois, et paiement pour 46% des téléchargements seulement. Fin novembre, Stephen King annonce l’interruption de la publication pendant une période indéterminée, après la parution du sixième chapitre, téléchargeable gratuitement à la mi-décembre. «The Plant va retourner en hibernation afin que je puisse continuer à travailler, précise-t-il sur son site. Mes agents insistent sur la nécessité d’observer une pause afin que la traduction et la publication à l’étranger puissent rattraper la publication en anglais.» Mais cette décision semble d’abord liée à l’échec commercial de l’expérience. Cet arrêt suscite de vives critiques. On oublie de reconnaître à l’auteur au moins un mérite, celui d’avoir été le premier à se lancer dans l’aventure, avec les risques qu’elle comporte. Entre juillet et décembre 2000, pendant les six mois qu’elle aura duré, nombreux sont ceux qui suivent les tribulations de The Plant, à commencer par les éditeurs, quelque peu inquiets face à un médium qui pourrait un jour concurrencer le circuit traditionnel. Quand Stephen King décide d’arrêter l’expérience, plusieurs journalistes et critiques littéraires affirment qu’il se ridiculise aux yeux du monde entier. N’est-ce pas un peu exagéré? L’auteur avait d’emblée annoncé la couleur puisqu’il avait lié la poursuite de la publication à un pourcentage de paiements satisfaisant. Qu’est-il advenu ensuite des expériences numériques de Stephen King? L’auteur reste très présent dans ce domaine, mais cette fois par le biais de son éditeur. En mars 2001, son roman Dreamcatcher est le premier roman à être lancé simultanément en version imprimée par Simon & Schuster et en version numérique par Palm Digital Media, pour lecture sur les assistants personnels Palm Pilot et Pocket PC. En mars 2002, son recueil de nouvelles Everything’s Eventual est lui aussi publié simultanément en deux versions: en version imprimée par Scribner, subdivision de Simon & Schuster, et en version numérique par Palm Digital Media, qui en propose un extrait en téléchargement libre. = Deux expériences européennes En novembre 2000, deux Européens, l’anglais Frederick Forsyth et l’espagnol Arturo Pérez-Reverte, décident eux aussi de tenter l’aventure numérique. Mais, forts de l’expérience d’auto-publication de Stephen King peut-être, ni l’un ni l’autre n’ont l’intention de se passer d’éditeur. Frederick Forsyth, le maître britannique du thriller, aborde la publication numérique avec l’appui de l’éditeur électronique londonien Online Originals. En novembre 2000, Online Originals publie The Veteran, histoire d’un crime violent commis à Londres et premier volet de Quintet, une série de cinq nouvelles électroniques (annoncées dans l’ordre suivant: The Veteran, The Miracle, The Citizen, The Art of the Matter, Draco). Disponible en trois formats (PDF, Microsoft Reader et Glassbook Reader), la nouvelle est vendue au prix de 3,99 pounds (6,60 euros) sur le site de l’éditeur et dans plusieurs librairies en ligne au Royaume-Uni (Alphabetstreet, BOL.com, WHSmith) et aux Etats-Unis (Barnes & Noble, Contentville, Glassbook). «La publication en ligne sera essentielle à l’avenir, déclare Frederick Forsyth sur le site d’Online Originals. Elle crée un lien simple et surtout rapide et direct entre le producteur original (l’auteur) et le consommateur final (le lecteur), avec très peu d’intermédiaires. Il est passionnant de participer à cette expérience. Je ne suis absolument pas un spécialiste des nouvelles technologies. Je n’ai jamais vu de livre numérique. Mais je n’ai jamais vu non plus de moteur de Formule 1, ce qui ne m’empêche pas de constater combien ces voitures de course sont rapides.» La première expérience numérique d’Arturo Pérez-Reverte est un peu différente. La série best-seller du romancier espagnol relate les aventures du Capitan Alatriste au 17e siècle. Le nouveau titre à paraître en 2000 s’intitule El Oro del Rey. En novembre 2000, en collaboration avec son éditeur Alfaguara, l’auteur décide de diffuser El Oro del Rey en version numérique sur un site spécifique du portail Inicia, en exclusivité pendant un mois, avant sa sortie en librairie. Le roman est disponible au format PDF pour 2,90 euros, un prix très inférieur aux 15,10 euros annoncés pour le livre imprimé. Résultat de l’expérience, le nombre de téléchargements est très satisfaisant, mais pas celui des paiements. Un mois après la mise en ligne du roman, on compte 332.000 téléchargements, avec paiement par 12.000 lecteurs seulement. A la même date, Marilo Ruiz de Elvira, directrice de contenus du portail Inicia, explique dans un communiqué: «Pour tout acheteur du livre numérique, il y avait une clé pour le télécharger en 48 heures sur le site internet et, surtout au début, beaucoup d’internautes se sont échangés ce code d’accès dans les forums de dialogue en direct (chats) et ont téléchargé leur exemplaire sans payer. On a voulu tester et cela faisait partie du jeu. Arturo Pérez-Reverte voulait surtout qu’on le lise.» En 2006, les cinq premiers tomes de cette saga littéraire devenue un succès planétaire ont été vendus à 4 millions d’exemplaires. Ils sont également condensés dans le film Alatriste, une superproduction espagnole de 20 millions d’euros. = Des centaines de titres Trois ans après ces premières tentatives, si les expériences purement numériques sont provisoirement abandonnées, les livres numériques ont une place significative à côté de leurs correspondants imprimés. En 2003, des centaines de best-sellers sont vendus en version numérique sur Amazon.com, Barnes & Noble.com, Yahoo! eBook Store ou sur des sites d’éditeurs (Random House, PerfectBound, etc.), pour lecture sur ordinateur ou sur assistant personnel. Mobipocket distribue 6.000 titres numériques dans plusieurs langues, soit sur son site soit dans des librairies partenaires. Le catalogue de Palm Digital Media approche les 10.000 titres, lisibles sur les gammes Palm et Pocket PC, avec 15 à 20 nouveaux titres par jour et 1.000 nouveaux clients par semaine. Romancier brésilien, Paulo Coelho est devenu mondialement célèbre depuis la parution de L’Alchimiste. Début 2003, ses livres, traduits en 56 langues, ont été vendus en 53 millions d’exemplaires dans 155 pays, dont 6,5 millions d’exemplaires dans les pays francophones. En mars 2003, Paulo Coelho décide de distribuer plusieurs de ses romans gratuitement en version PDF, en diverses langues, avec l’accord de ses éditeurs respectifs, dont Anne Carrière, son éditrice en France. Trois romans sont disponibles en français: Manuel du guerrier de la lumière, La cinquième montagne et Veronika décide de mourir. Pourquoi une telle décision? «Comme le français est présent, à plus ou moins grande échelle, dans le monde entier, je recevais sans cesse des courriers électroniques d’universités et de personnes habitant loin de la France, qui ne trouvaient pas mes oeuvres», déclare le romancier par le biais de son éditrice. A la question classique relative au préjudice éventuel sur les ventes futures, il répond : «Seule une minorité de gens a accès à l’internet, et le livre au format ebook ne remplacera jamais le livre papier.» Une remarque très juste en 2003, mais qui ne sera peut-être plus de mise dans quelques années. 5.3. Nouveaux genres littéraires Principe de base du web, le lien hypertexte permet de relier entre eux des documents textuels et des images. Quant au lien hypermédia, il permet l’accès à des graphiques, des images animées, des bandes sonores et des vidéos. Des écrivains férus de nouvelles technologies ne tardent pas à en explorer les possibilités, dans des sites d’écriture hypermédia ou des oeuvres d’hyperfiction. D’autres utilisent les outils que sont le courriel et la liste de diffusion pour se lancer dans le mail-roman. = Sites d’écriture hypermédia Webmestre du site hypermédia cotres.net, Jean-Paul relate en juin 2000: «La navigation par hyperliens se fait en rayon (j’ai un centre d’intérêt et je clique méthodiquement sur tous les liens qui s’y rapportent) ou en louvoiements (de clic en clic, à mesure qu’ils apparaissent, au risque de perdre de vue mon sujet). Bien sûr, les deux sont possibles avec l’imprimé. Mais la différence saute aux yeux : feuilleter n’est pas cliquer. L’internet n’a donc pas changé ma vie, mais mon rapport à l’écriture. On n’écrit pas de la même manière pour un site que pour un scénario, une pièce de théâtre, etc. (...) Depuis, j’écris (compose, mets en page, en scène) directement à l’écran. L’état "imprimé" de mon travail n’est pas le stade final, le but; mais une forme parmi d’autres, qui privilégie la linéarité et l’image, et qui exclut le son et les images animées. (...) C’est finalement dans la publication en ligne (l’entoilage?) que j’ai trouvé la mobilité, la fluidité que je cherchais. Le maître mot y est "chantier en cours", sans palissades. Accouchement permanent, à vue, comme le monde sous nos yeux. Provisoire, comme la vie qui tâtonne, se cherche, se déprend, se reprend. Avec évidemment le risque souligné par les gutenbergs, les orphelins de la civilisation du livre: plus rien n’est sûr. Il n’y a plus de source fiable, elles sont trop nombreuses, et il devient difficile de distinguer un clerc d’un gourou. Mais c’est un problème qui concerne le contrôle de l’information. Pas la transmission des émotions.» Mis en ligne en juin 1997, oVosite est un espace d’écriture conçu par un collectif de six auteurs issus du département hypermédias de l’Université Paris 8: Chantal Beaslay, Laure Carlon, Luc Dall’Armellina (qui est aussi webmestre), Philippe Meuriot, Anika Mignotte et Claude Rouah. « oVosite est un site web conçu et réalisé (...) autour d’un symbole primordial et spirituel, celui de l’oeuf, explique Luc Dall’Armellina en juin 2000. Le site s’est constitué selon un principe de cellules autonomes qui visent à exposer et intégrer des sources hétérogènes (littérature, photo, peinture, vidéo, synthèse) au sein d’une interface unifiante.» Les possibilités offertes par l’hypertexte ont-elles changé son mode d’écriture? Sa réponse est à la fois négative et positive. Négative d’abord : «Non - parce qu’écrire est de toute façon une affaire très intime, un mode de relation qu’on entretient avec son monde, ses proches et son lointain, ses mythes et fantasmes, son quotidien et enfin, appendus à l’espace du langage, celui de sa langue d’origine. Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que l’hypertexte change fondamentalement sa manière d’écrire, qu’on procède par touches, par impressions, associations, quel que soit le support d’inscription, je crois que l’essentiel se passe un peu à notre insu.» Positive ensuite : «Oui - parce que l’hypertexte permet sans doute de commencer l’acte d’écriture plus tôt : devançant l’activité de lecture (associations, bifurcations, sauts de paragraphes) jusque dans l’acte d’écrire. L’écriture (ceci est significatif avec des logiciels comme StorySpace) devient peut-être plus modulaire. On ne vise plus tant la longue horizontalité du récit, mais la mise en espace de ses fragments, autonomes. Et le travail devient celui d’un tissage des unités entre elles. L’autre aspect lié à la modularité est la possibilité d’écritures croisées, à plusieurs auteurs. Peut-être s’agit-il d’ailleurs d’une méta-écriture, qui met en relation les unités de sens (paragraphes ou phrases) entre elles.» = Hyper-romans Lucie de Boutiny est l’auteur de Non, roman multimédia débuté en août 1997 et publié en feuilleton par la revue en ligne d’art contemporain Synesthésie. «NON est un roman comique qui fait la satire de la vie quotidienne d’un couple de jeunes cadres supposés dynamiques, raconte-t-elle en juin 2000. Bien qu’appartenant à l’élite high-tech d’une industrie florissante, Monsieur et Madame sont les jouets de la dite révolution numérique. (...) Non prolonge les expériences du roman post-moderne (récits tout en digression, polysémie avec jeux sur les registres - naturaliste, mélo, comique... - et les niveaux de langues, etc.). Cette hyperstylisation permet à la narration des développements inattendus et offre au lecteur l’attrait d’une navigation dans des récits multiples et multimédias, car l’écrit à l’écran s’apparente à un jeu et non seulement se lit mais aussi se regarde.» Les romans précédents de Lucie de Boutiny sont publiés sous forme imprimée. Un roman numérique requiert-il une démarche différente? «D’une manière générale, mon humble expérience d’apprentie auteur m’a révélé qu’il n’y a pas de différence entre écrire de la fiction pour le papier ou le pixel : cela demande une concentration maximale, un isolement à la limite désespéré, une patience obsessionnelle dans le travail millimétrique avec la phrase, et bien entendu, en plus de la volonté de faire, il faut avoir quelque chose à dire! Mais avec le multimédia, le texte est ensuite mis en scène comme s’il n’était qu’un scénario. Et si, à la base, il n’y a pas un vrai travail sur le langage des mots, tout le graphisme et les astuces interactives qu’on peut y mettre fera gadget. Par ailleurs, le support modifie l’appréhension du texte, et même, il faut le souligner, change l’oeuvre originale.» Autre roman numérique, Apparitions inquiétantes (devenu ensuite La malédiction du parasol) est né sous la plume d’Anne-Cécile Brandenbourger. Il s’agit d’«une longue histoire à lire dans tous les sens, un labyrinthe de crimes, de mauvaises pensées et de plaisirs ambigus». Pendant deux ans, cette histoire se construit sous forme de feuilleton sur le site d’Anacoluthe, en collaboration avec Olivier Lefèvre. En février 2000, l’histoire est publiée en version numérique (au format PDF) et en version imprimée aux éditions 00h00, en tant que premier titre de la Collection 2003, consacrée aux écritures numériques. 00h00 présente l'ouvrage comme «un cyber-polar fait de récits hypertextuels imbriqués en gigogne. Entre personnages de feuilleton américain et intrigue policière, le lecteur est – hypertextuellement - mené par le bout du nez dans cette saga aux allures borgésiennes. (...) C’est une histoire de meurtre et une enquête policière; des textes écrits court et montés serrés ; une balade dans l’imaginaire des séries télé; une destructuration (organisée) du récit dans une transposition littéraire du zapping; et par conséquent, des sensations de lecture radicalement neuves.» Suite au succès du livre, les éditions Florent Massot publient en août 2000 une deuxième version imprimée (la première étant celle de 00h00, imprimée uniquement à la demande), avec une couverture en 3D, un nouveau titre - La malédiction du parasol - et une maquette d’Olivier Lefèvre restituant le rythme de la version originale. Anne-Cécile Brandenbourger écrit en juin 2000: «Les possibilités offertes par l’hypertexte m’ont permis de développer et de donner libre cours à des tendances que j’avais déjà auparavant. J’ai toujours adoré écrire et lire des textes éclatés et inclassables (comme par exemple La vie mode d’emploi de Perec ou Si par une nuit d’hiver un voyageur de Calvino) et l’hypermédia m’a donné l’occasion de me plonger dans ces formes narratives en toute liberté. Car, pour créer des histoires non linéaires et des réseaux de textes qui s’imbriquent les uns dans les autres, l’hypertexte est évidemment plus approprié que le papier. Je crois qu’au fil des jours, mon travail hypertextuel a rendu mon écriture de plus en plus intuitive. Plus "intérieure" aussi peut-être, plus proche des associations d’idées et des mouvements désordonnés qui caractérisent la pensée lorsqu’elle se laisse aller à la rêverie. Cela s’explique par la nature de la navigation hypertextuelle, le fait que presque chaque mot qu’on écrit peut être un lien, une porte qui s’ouvre sur une histoire.» = Mail-romans Le mail-roman utilise le canal du courriel. Une première expérience est relatée dans le quotidien Libération du 27 février 1998. Le romancier américain Barry Beckham lance une formule originale pour diffuser son nouveau roman You Have a Friend: The Rise and Fall and Rise of the Chase Manhattan Bank. Ce roman a pour décor la grande banque Chase Manhattan, et ceci sur deux siècles, entre 1793 et 1995. Le sujet est inspiré de la vie professionnelle de l’auteur, qui est rédacteur dans le service des relations publiques de cette banque. Moyennant un abonnement de 9,95 dollars, le lecteur reçoit un épisode par courriel tous les quinze jours pendant six mois. Barry Beckham inaugure ainsi la formule du roman-feuilleton sur le web, dans la lignée de Dostoïevski, Dumas et Dickens en d’autres temps. Sur son site (disparu depuis), Barry Beckham dit s’être inspiré de la démarche des feuilletonnistes du 19e siècle «pour atteindre des lecteurs à une époque où l’édition littéraire est dominée par des conglomérats obsédés par des titres ayant un fort potentiel commercial mais peu de substance intellectuelle». Le premier mail-roman francophone est lancé en 2001 par Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l’Université Paris 8, chercheur et écrivain. Pendant très exactement cent jours, entre le 11 avril et le 19 juillet 2001, il diffuse quotidiennement un chapitre de Rien n’est sans dire auprès de cinq cents personnes - sa famille, ses amis, ses collègues, etc. - en y intégrant les réponses et les réactions des lecteurs. Racontée par un narrateur, l’histoire est celle de Stanislas et Zita, qui vivent une passion tragique déchirée par une sombre histoire politique. « Cette idée d’un mail-roman m’est venue tout naturellement, raconte l’auteur en février 2002. D’une part en me demandant depuis quelque temps déjà ce qu’internet peut apporter sur le plan de la forme à la littérature (...) et d’autre part en lisant de la littérature "épistolaire" du 18e siècle, ces fameux "romans par lettres". Il suffit alors de transposer: que peut être le "roman par lettres" aujourd’hui?» Jean-Pierre Balpe tire plusieurs conclusions de cette expérience: «D’abord c’est un "genre": depuis, plusieurs personnes m’ont dit lancer aussi un mail-roman. Ensuite j’ai aperçu quantité de possibilités que je n’ai pas exploitées et que je me réserve pour un éventuel travail ultérieur. La contrainte du temps est ainsi très intéressante à exploiter: le temps de l’écriture bien sûr, mais aussi celui de la lecture : ce n’est pas rien de mettre quelqu’un devant la nécessité de lire, chaque jour, une page de roman. Ce "pacte" a quelque chose de diabolique. Et enfin le renforcement de ma conviction que les technologies numériques sont une chance extraordinaire du renouvellement du littéraire.» = Littérature numérique Comme on vient de le voir, les technologies numériques donnent naissance à plusieurs genres: site d’écriture hypermédia, roman multimédia, hyper-roman, nouvelle hypertexte, feuilleton hypermédia, mail-roman, etc. Une véritable littérature numérique - appelée aussi littérature informatique, littérature électronique ou cyber-littérature - bouscule désormais la littérature traditionnelle en lui apportant un souffle nouveau, et s’intègre aussi à d’autres formes artistiques puisque le support numérique favorise la fusion de l’écrit avec l’image et le son. Selon Jean-Paul, webmestre du site hypermédia cotres.net, interviewé en août 1999, l’avenir de la cyber-littérature est tracé par sa technologie même. «Il est maintenant impossible à un(e) auteur(e) seul(e) de manier à la fois les mots, leur apparence mouvante et leur sonorité. Maîtriser aussi bien Director, Photoshop et Cubase, pour ne citer que les plus connus, c’était possible il y a dix ans, avec les versions 1. Ça ne l’est plus. Dès demain (matin), il faudra savoir déléguer les compétences, trouver des partenaires financiers aux reins autrement plus solides que Gallimard, voir du côté d’Hachette-Matra, Warner, Pentagone, Hollywood. Au mieux, le statut de... l’écrivaste? du multimédiaste? sera celui du vidéaste, du metteur en scène, du directeur de produit: c’est lui qui écope des palmes d’or à Cannes, mais il n’aurait jamais pu les décrocher seul. Soeur jumelle (et non pas clone) du cinématographe, la cyber-littérature (= la vidéo + le lien) sera une industrie, avec quelques artisans isolés dans la périphérie off-off (aux droits d’auteur négatifs, donc).» Lucie de Boutiny, romancière multimédia, raconte pour sa part en juin 2000: «Mes "conseillers littéraires", des amis qui n’ont pas ressenti le vent de liberté qui souffle sur le web, aimeraient que j’y reste, engluée dans la pâte à papier. Appliquant le principe de demi-désobéissance, je fais des allers-retours papier-pixel. L’avenir nous dira si j’ai perdu mon temps ou si un nouveau genre littéraire hypermédia va naître. (...) Si les écrivains français classiques en sont encore à se demander s’ils ne préfèrent pas le petit carnet Clairefontaine, le Bic ou le Mont-Blanc fétiche, et un usage modéré du traitement de texte, plutôt que l’ordinateur connecté, voire l’installation, c’est que l’HTX (hypertext literature) nécessite un travail d’accouchement visuel qui n’est pas la vocation originaire de l’écrivain papier. En plus des préoccupations du langage (syntaxe, registre, ton, style, histoire...), le techno-écrivain - collons-lui ce label pour le différencier - doit aussi maîtriser la syntaxe informatique et participer à l’invention de codes graphiques car lire sur un écran est aussi regarder.» Luc Dall’Armellina, co-auteur et webmestre de l'espace d’écritures hypermédias oVosite, écrit à la même date: «La couverture du réseau autour de la surface du globe resserre les liens entre les individus distants et inconnus. Ce qui n’est pas simple puisque nous sommes placés devant des situations nouvelles : ni vraiment spectateurs, ni vraiment auteurs, ni vraiment lecteurs, ni vraiment interacteurs. Ces situations créent des nouvelles postures de rencontre, des postures de "spectacture" ou de "lectacture" (Jean-Louis Weissberg). Les notions de lieu, d’espace, de temps, d’actualité sont requestionnées à travers ce médium qui n’offre plus guère de distance à l’événement mais se situe comme aucun autre dans le présent en train de se faire. L’écart peut être mince entre l’envoi et la réponse, parfois immédiat (cas de la génération de textes). Mais ce qui frappe et se trouve repérable ne doit pas masquer les aspects encore mal définis tels que les changements radicaux qui s’opèrent sur le plan symbolique, représentationnel, imaginaire et plus simplement sur notre mode de relation aux autres. "Plus de proximité" ne crée pas plus d’engagement dans la relation, de même "plus de liens" ne créent pas plus de liaisons, ou encore "plus de tuyaux" ne créent pas plus de partage. Je rêve d’un internet où nous pourrions écrire à plusieurs sur le même dispositif, une sorte de lieu d’atelier d’écritures permanent et qui autoriserait l’écriture personnelle (c’est en voie d’exister), son partage avec d’autres auteurs, leur mise en relation dans un tissage d’hypertextes et un espace commun de notes et de commentaires sur le travail qui se crée.» En janvier 2007, Jean-Paul fait à nouveau le point sur son activité d’«entoileur» du site hypermédia cotres.net: «J’ai gagné du temps. J’utilise moins de logiciels, dont j’intègre le résultat dans Flash. Ce dernier m’assure de contrôler à 90% le résultat à l’affichage sur les écrans de réception (au contraire de ceux qui préfèrent présenter des oeuvres ouvertes, où l’intervention tantôt du hasard tantôt de l’internaute est recherchée). Je peux maintenant me concentrer sur le cœur de la chose: l’architecture et le développement du récit. (...) Les deux points forts des trois ou quatre ans à venir sont: (1) la généralisation du très haut débit (c’est-à-dire en fait du débit normal), qui va m’affranchir des limitations purement techniques, notamment des soucis de poids et d’affichage des fichiers (mort définitive, enfin, des histogrammes de chargement); (2) le développement de la 3 D. C’est le récit en hypermédia (= le multimédia + le clic) qui m’intéresse. Les pièges que pose un récit en 2 D sont déja passionnants. Avec la 3 D, il va falloir chevaucher le tigre pour éviter la simple prouesse technique et laisser la priorité au récit.» 5.4. Chronologie * Cette chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité. 1997 (mai): Poésie d’hier et d’aujourd’hui, site de Silvaine Arabo. 1997 (juin): oVosite, espace d’écriture créé par un collectif. 1997 (août): Non_roman, roman multimédia de Lucie de Boutiny. 1998 (février): You Have a Friend, mail-roman de Barry Beckham. 1998 (mars): Premier roman «interactif» francophone. 1998 (octobre): Cotres.net, site hypermédia collectif. 2000 (février): Apparitions inquiétantes, roman d’Anne-Cécile Brandenbourger, aux éditions 00h00. 2000 (mars): Riding the Bullet, nouvelle de Stephen King, distribuée sur le web. 2000 (avril): Site d’Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditeur. 2000 (juillet): Autopublication de The Plant, roman de Stephen King. 2000 (novembre): Arrêt de l’autopublication de The Plant, roman de Stephen King. 2000 (novembre): The Veteran, de Frederick Forsyth, en version numérique. 2000 (novembre): El Oro del Rey, d’Arturo Pérez-Reverte, en version numérique. 2001 (été): Rien n’est sans dire, mail-roman de Jean-Pierre Balpe. 2003 (mars): Plusieurs titres de Paulo Coelho mis en ligne gratuitement. 6. LES EDITEURS SUR LE RESEAU [6.1. Editeurs en ligne littéraires / Premiers pas / CyLibris / 00h00 / Luc Pire électronique / Choucas / Plateformes d’édition / Auto-édition // 6.2. Editeurs en ligne scientifiques / Net des études françaises / Public Library of Science / Cours du MIT / Livres gratuits sur le web / Gratuit versus payant // 6.3. Chronologie] Au début des années 2000, l’édition électronique creuse son sillon à côté de l’édition traditionnelle, du fait des avantages qu’elle procure: stockage plus simple, accès plus rapide, diffusion plus facile, coût moins élevé, etc. Elle amène aussi un souffle nouveau dans le monde de l’édition, et même une certaine zizanie. On voit des éditeurs vendre directement leurs titres en ligne, des éditeurs électroniques commercialiser les versions numérisées de livres publiés par des éditeurs traditionnels, des librairies numériques vendre les versions numérisées de livres publiés par des éditeurs partenaires, des auteurs s’auto-éditer ou promouvoir eux-mêmes leurs oeuvres publiées, des sites littéraires se charger de faire connaître de nouveaux auteurs pour pallier les carences de l’édition traditionnelle, etc. Le numérique pourra-il à terme rajeunir la structure éditoriale en place, considérée par beaucoup comme passablement sclérosée? Par ailleurs, des éditeurs scientifiques et des organismes de renom décident de mettre leurs publications et leurs cours en accès libre sur le web et de privilégier la diffusion libre du savoir. 6.1. Editeurs en ligne littéraires = Premiers pas Les premiers titres purement électroniques sont des oeuvres courtes, répertoriées dans l’E-zine-list, une liste créée en été 1993 par John Labovitz. Abrégé de fanzine ou magazine, un zine est généralement l’oeuvre d’une personne ou d’un petit groupe. Quant au e-zine, il est uniquement diffusé par courriel ou sur un site web. Le plus souvent, il ne contient pas de publicité, ne vise pas un profit commercial et n’est pas dirigé vers une audience de masse. Comment l’E-zine-list débute-t-elle? Dans l’historique présent sur le site, John Labovitz relate qu’à l’origine son intention est de faire connaître Crash, un zine imprimé pour lequel il souhaite créer une version électronique. A la recherche de répertoires, il ne trouve que le groupe de discussion Alt.zines, et des archives comme le The Well et The Etext Archives. Lui vient alors l’idée d’un répertoire organisé. Il commence avec douze titres classés manuellement sur un traitement de texte. Puis il écrit sa propre base de données. En quatre ans, de 1993 à 1997, les quelques dizaines de e-zines deviennent plusieurs centaines, et la signification même d’e-zine s’élargit pour recouvrir tout type de publication publiée par voie électronique, même s’« il subsiste toujours un groupe original et indépendant désormais minoritaire qui continue de publier suivant son coeur ou de repousser les frontières de ce que nous appelons un e-zine». En été 1998, l’E-zine-list comprend 3.000 titres. Elle sera poursuivie jusqu’en novembre 2001. Qu’en est-il pour les textes en français? En avril 1995, Pierre François Gagnon, poète et essayiste québécois, décide d’utiliser le numérique pour la réception des textes, leur stockage et leur diffusion. Il crée Editel, premier site d’auto-édition collective de langue française. En juillet 2000, il raconte: «En fait, tout le monde et son père savent ou devraient savoir que le premier site d’édition en ligne commercial fut CyLibris (fondé en août 1996, ndlr), précédé de loin lui-même, au printemps de 1995, par nul autre qu’Editel, le pionnier d’entre les pionniers du domaine, bien que nous fûmes confinés à l’action symbolique collective, faute d’avoir les moyens de déboucher jusqu’ici sur une formule de commerce en ligne vraiment viable et abordable (...). Nous sommes actuellement trois mousquetaires (Pierre François Gagnon, Jacques Massacrier et Mostafa Benhamza, ndlr) à développer le contenu original et inédit du webzine littéraire qui continuera de servir de façade d’animation gratuite, offerte personnellement par les auteurs maison à leur lectorat, à d’éventuelles activités d’édition en ligne payantes, dès que possible au point de vue technico-financier. Est-il encore réaliste de rêver à la démocratie économique?» A la suite d’Editel, des éditeurs naissent directement sur le web pour tenter une aventure inédite. Dans le monde francophone, le premier éditeur électronique commercial est CyLibris, fondé en août 1996. CyLibris est suivi en mai 1998 par 00h00, premier éditeur au monde à commercialiser des livres numériques. = CyLibris Fondé par Olivier Gainon en août 1996, CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre), basé à Paris, est le pionnier francophone de l’édition électronique commerciale. CyLibris est en effet la première maison d’édition à utiliser l’internet et le numérique pour publier de nouveaux auteurs littéraires, et parfois des auteurs confirmés, dans divers genres: littérature générale, policier, science-fiction, théâtre et poésie. Vendus uniquement sur le web, les livres sont imprimés à la commande et envoyés directement au client, ce qui permet d’éviter le stock et les intermédiaires. Des extraits sont disponibles en téléchargement libre. Pendant son premier trimestre d’activité, l’éditeur signe des contrats avec treize auteurs. En 2000, CyLibris compte une moyenne de 15.000 visites mensuelles sur son site, 3.500 livres vendus tous exemplaires confondus et une année 1999 financièrement équilibrée. En 2001, certains titres sont également vendus en version imprimée par un réseau de librairies partenaires, notamment la Fnac, et en version numérique par Mobipocket et Numilog, pour lecture sur ordinateur et sur assistant personnel. En 2003, le catalogue de CyLibris comprend une cinquantaine de titres. «CyLibris a été créé d’abord comme une maison d’édition spécialisée sur un créneau particulier de l’édition et mal couvert à notre sens par les autres éditeurs: la publication de premières oeuvres, donc d’auteurs débutants, explique Olivier Gainon en décembre 2000. Nous nous intéressons finalement à la littérature qui ne peut trouver sa place dans le circuit traditionnel: non seulement les premières oeuvres, mais les textes atypiques, inclassables ou en décalage avec la mouvance et les modes littéraires dominantes. Ce qui est rassurant, c’est que nous avons déjà eu quelques succès éditoriaux: le grand prix de la SGDL (Société des gens de lettres) en 1999 pour La Toile de Jean-Pierre Balpe, le prix de la litote pour Willer ou la trahison de Jérôme Olinon en 2000, etc. Ce positionnement de "défricheur" est en soi original dans le monde de l’édition, mais c’est surtout son mode de fonctionnement qui fait de CyLibris un éditeur atypique. Créé dès 1996 autour de l’internet, CyLibris a voulu contourner les contraintes de l’édition traditionnelle grâce à deux innovations: la vente directe par l’intermédiaire d’un site de commerce sur internet, et le couplage de cette vente avec une impression numérique en "flux tendu". Cela permettait de contourner les deux barrières traditionnelles dans l’édition: les coûts d’impression (et de stockage), et les contraintes de distribution. Notre système gérait donc des flux physiques: commande reçue par internet, impression du livre commandé, envoi par la poste. Je précise que nous sous-traitons l’impression à des imprimeurs numériques, ce qui nous permet de vendre des livres de qualité équivalente à celle de l’offset, et à un prix comparable. Notre système n’est ni plus cher, ni de moindre qualité, il obéit à une économie différente, qui, à notre sens, devrait se généraliser à terme.» En quoi consiste l’activité d’un éditeur électronique? «Je décrirais mon activité comme double, explique Olivier Gainon. D’une part celle d’un éditeur traditionnel dans la sélection des manuscrits et leur retravail (je m’occupe directement de la collection science-fiction), mais également le choix des maquettes, les relations avec les prestataires, etc. D’autre part, une activité internet très forte qui vise à optimiser le site de CyLibris et mettre en oeuvre une stratégie de partenariat permettant à CyLibris d’obtenir la visibilité qui lui fait parfois défaut. Enfin, je représente CyLibris au sein du SNE (le Syndicat national de l’édition, dont CyLibris fait partie depuis le printemps 2000, ndlr). CyLibris est aujourd’hui une petite structure. Elle a trouvé sa place dans l’édition, mais est encore d’une économie fragile sur internet. Notre objectif est de la rendre pérenne et rentable et nous nous y employons.» Le site web se veut aussi le carrefour de la petite édition. Il procure des informations pratiques aux auteurs en herbe: comment envoyer un manuscrit à un éditeur, ce que doit comporter un contrat d’édition, comment protéger ses manuscrits, comment tenter sa chance dans des revues ou concours littéraires, etc. Par ailleurs, l’équipe de CyLibris lance en mai 1999 CyLibris Infos, une lettre d’information électronique gratuite dont l’objectif n’est pas tant de promouvoir les livres de l’éditeur que de présenter l’actualité de l’édition francophone. Volontairement décalée et souvent humoristique sinon décapante, la lettre est tout d’abord mensuelle, puis elle paraît deux fois par mois à compter de février 2000. Elle compte 565 abonnés en octobre 2000. Elle change de nom en février 2001 pour devenir Edition-actu. Elle compte 1.500 abonnés en 2003. Elle laisse ensuite la place au blog de CyLibris. = 00h00 Lui aussi pionnier de l’édition en ligne commerciale, 00h00 fait son apparition en mai 1998, un peu moins de deux ans après la création de CyLibris. Mais le champ d’investigation de 00h00 (qui se prononce : zéro heure) est différent. Il est le premier éditeur au monde à se lancer dans la commercialisation de livres numériques. En 2000, les versions numériques (au format PDF) représentent 85% des ventes, les 15% restants étant des versions imprimées à la demande du client. 00h00 est fondé à l’instigation de Jean-Pierre Arbon et Bruno de Sa Moreira, respectivement directeur général de Flammarion et directeur de Flammarion Multimédia. «Aujourd’hui mon activité professionnelle est 100% basée sur internet, explique Bruno de Sa Moreira en juillet 1998. Le changement ne s’est pas fait radicalement, lui, mais progressivement (audiovisuel puis multimédia puis internet). (...) La gestation du projet a duré un an: brainstorming, faisabilité, création de la société et montage financier, développement technique du site et informatique éditoriale, mise au point et production des textes et préparation du catalogue à l’ouverture. (...) Nous faisons un pari, mais l’internet me semble un média capable d’une très large popularisation, sans doute grâce à des terminaux plus faciles d’accès que le seul micro-ordinateur.» «La création de 00h00 marque la véritable naissance de l’édition en ligne, lit-on sur le site web. C’est en effet la première fois au monde que la publication sur internet de textes au format numérique est envisagée dans le contexte d’un site commercial, et qu’une entreprise propose aux acteurs traditionnels de l’édition (auteurs et éditeurs) d’ouvrir avec elle sur le réseau une nouvelle fenêtre d’exploitation des droits. Les textes offerts par 00h00 sont soit des inédits, soit des textes du domaine public, soit des textes sous copyright dont les droits en ligne ont fait l’objet d’un accord avec leurs ayants droit. (...) Avec l’édition en ligne émerge probablement une première vision de l’édition au 21e siècle. C’est cette idée d’origine, de nouveau départ qui s’exprime dans le nom de marque, 00h00. (...) Internet est un lieu sans passé, où ce que l’on fait ne s’évalue pas par rapport à une tradition. Il y faut inventer de nouvelles manières de faire les choses. (...) Le succès de l’édition en ligne ne dépendra pas seulement des choix éditoriaux : il dépendra aussi de la capacité à structurer des approches neuves, fondées sur les lecteurs autant que sur les textes, sur les lectures autant que sur l’écriture, et à rendre immédiatement perceptible qu’une aventure nouvelle a commencé.» Les collections sont très diverses: inédits, théâtre classique français, contes et récits fantastiques, contes et récits philosophiques, souvenirs et mémoires, philosophie classique, réalisme et naturalisme, cyberculture, romans d’enfance, romans d’amour, nouvelles et romans d’aventure. Le recherche est possible par auteur, par titre et par genre. Pour chaque livre, on a un descriptif court, un descriptif détaillé, la table des matières et une courte présentation de l’auteur. S’ajoutent ensuite les commentaires des lecteurs. Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un lien direct avec le lecteur et entre les lecteurs. Sur le site, les internautes/lecteurs qui le souhaitent peuvent créer leur espace personnel pour y rédiger leurs commentaires, participer à des forums ou recommander des liens vers d’autres sites. Ils peuvent encore s’abonner à la lettre d’information de 00h00 pour être tenus au courant des nouveautés. L'éditeur produit aussi des clips littéraires pour présenter les ouvrages publiés. En 2000, le catalogue comprend 600 titres, qui comprennent une centaine d’oeuvres originales et des rééditions électroniques d’ouvrages publiés par d’autres éditeurs. Les oeuvres originales sont réparties en plusieurs collections: nouvelles écritures interactives et hypertextuelles, premiers romans, documents d’actualité, études sur les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), co-éditions avec des éditeurs traditionnels ou de grandes institutions. Le paiement est effectué en ligne grâce à un système sécurisé mis en place par la Banque populaire. Ceux que le paiement en ligne rebute peuvent régler leur commande par carte bancaire (envoi par fax) ou par chèque (envoi par courrier postal). En septembre 2000, 00h00 est racheté par la société américaine Gemstar-TV Guide International, spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias. Quelques mois auparavant, en janvier 2000, Gemstar rachète les deux sociétés californiennes à l’origine des premières tablettes électroniques de lecture, NuvoMedia, créatrice du Rocket eBook, et Softbook Press, créatrice du Softbook Reader. Selon un communiqué de Henry Yuen, président de Gemstar, «les compétences éditoriales dont dispose 00h00 et les capacités d’innovation et de créativité dont elle a fait preuve sont les atouts nécessaires pour faire de Gemstar un acteur majeur du nouvel âge de l’édition numérique qui s’ouvre en Europe.» La communauté francophone ne voit pas ce rachat d’un très bon œil, la mondialisation de l’édition semblant justement peu compatible avec l’innovation et la créativité. Moins de trois ans plus tard, en juin 2003, 00h00 cesse définitivement ses activités, tout comme la branche eBook de Gemstar. Il reste le souvenir d’une belle aventure. En octobre 2006, Jean-Pierre Arbon, devenu chanteur, raconte sur son site: «J’avais fondé, avec Bruno de Sa Moreira, une maison d’édition d’un genre nouveau, la première au monde à tenter à grande échelle l’aventure de l’édition en ligne. Tout était à faire, à inventer. L’édition numérique était terra incognita: on explorait, on défrichait.» = Luc Pire électronique En Belgique, le premier éditeur à s’intéresser au numérique est Luc Pire. Fondée en automne 1994, sa maison d’édition est présente à Bruxelles et à Liège. Luc Pire électronique est lancé en février 2001 pour proposer des versions numériques de titres déjà publiés chez l'éditeur ou de nouveaux titres en version numérique. Nicolas Ancion, le responsable éditorial de ce nouveau secteur, explique en avril 2001: «Ma fonction est d’une double nature : d’une part, imaginer des contenus pour l’édition numérique de demain et, d’autre part, trouver des sources de financement pour les développer. (...) Je supervise le contenu du site de la maison d’édition et je conçois les prochaines générations de textes publiés numériquement (mais pas exclusivement sur internet).» Comment voit-il l’avenir? «L’édition électronique n’en est encore qu’à ses balbutiements. Nous sommes en pleine phase de recherche. Mais l’essentiel est déjà acquis: de nouveaux supports sont en train de voir le jour et cette apparition entraîne une redéfinition du métier d’éditeur. Auparavant, un éditeur pouvait se contenter d’imprimer des livres et de les distribuer. Même s’il s’en défendait parfois, il fabriquait avant tout des objets matériels (des livres). Désormais, le rôle de l’éditeur consiste à imaginer et mettre en forme des contenus, en collaboration avec des auteurs. Il ne fabrique plus des objets matériels, mais des contenus dématérialisés. Ces contenus sont ensuite "matérialisés" sous différentes formes: livres papier, livres numériques, sites web, bases de données, brochures, CD-Rom, bornes interactives. Le département de "production" d’un éditeur deviendrait plutôt un département d’"exploitation" des ressources. Le métier d’éditeur se révèle ainsi beaucoup plus riche et plus large. Il peut amener le livre et son contenu vers de nouveaux lieux, de nouveaux publics. C’est un véritable défi qui demande avant tout de l’imagination et de la souplesse.» = Choucas L’expérience des éditions du Choucas est totalement différente. Fondé en 1992 par Nicolas et Suzanne Pewny, alors libraires en Haute-Savoie, Le Choucas est une petite maison d’édition spécialisée dans les romans policiers, la littérature, les livres de photos et les livres d’art. En juin 1998, Nicolas Pewny raconte: «Le site des éditions du Choucas a été créé fin novembre 1996. Lorsque je me suis rendu compte des possibilités qu’internet pouvait nous offrir, je me suis juré que nous aurions un site le plus vite possible. Un petit problème: nous n’avions pas de budget pour le faire réaliser. Alors, au prix d’un grand nombre de nuits sans sommeil, j’ai créé ce site moi-même et l’ai fait référencer (ce n’est pas le plus mince travail). Le site a alors évolué en même temps que mes connaissances (encore relativement modestes) en la matière et s’est agrandi, et a commencé à être un peu connu même hors France et Europe. Le changement qu’internet a apporté dans notre vie professionnelle est considérable. Nous sommes une petite maison d’édition installée en province. Internet nous a fait connaître rapidement sur une échelle que je ne soupçonnais pas. Même les médias "classiques" nous ont ouvert un peu leur portes grâce à notre site. Les manuscrits affluent par le courrier électronique. Ainsi nous avons édité deux auteurs québécois (Fernand Héroux et Liz Morency, auteurs de Affaire de cœurs, paru en septembre 1997, ndlr). Beaucoup de livres se réalisent (corrections, illustrations, envoi des documents à l’imprimeur) par ce moyen. Dès le début du site nous avons reçu des demandes de pays où nous ne sommes pas (encore) représentés: Etats-Unis, Japon, Amérique latine, Mexique, malgré notre volonté de ne pas devenir un site "commercial" mais d’information et à "connotation culturelle". (Nous n’avons pas de système de paiement sécurisé, nous avons juste référencé sur une page les libraires qui vendent en ligne).» En ce qui concerne l’avenir, «j’aurais tendance à répondre par deux questions: Pouvez vous me dire comment va évoluer internet? Comment vont évoluer les utilisateurs? Nous voudrions bien rester aussi peu "commercial" que possible et augmenter l’interactivité et le contact avec les visiteurs du site. Y réussirons-nous? Nous avons déjà reçu des propositions qui vont dans un sens opposé. Nous les avons mis "en veille". Mais si l’évolution va dans ce sens, pourrons-nous résister, ou trouver une "voie moyenne"? Honnêtement, je n’en sais rien.» Bien qu’étant d’abord un éditeur à vocation commerciale, Nicolas Pewny tient aussi à avoir des activités non commerciales pour faire connaître des auteurs peu diffusés, par exemple Raymond Godefroy, écrivain-paysan normand, qui désespérait de trouver un éditeur pour son recueil de fables, Fables pour l’an 2000. Quelques jours avant le passage à l'an 2000, Nicolas Pewny réalise un beau design pour ces fables et publie le recueil en ligne sur le site du Choucas. «Internet représente pour moi un formidable outil de communication qui nous affranchit des intermédiaires, des barrages doctrinaires et des intérêts des médias en place, écrit Raymond Godefroy en décembre 1999. Soumis aux mêmes lois cosmiques, les hommes, pouvant mieux se connaître, acquerront peu à peu cette conscience du collectif, d’appartenir à un même monde fragile pour y vivre en harmonie sans le détruire. Internet est absolument comme la langue d’Esope, la meilleure et la pire des choses, selon l’usage qu’on en fait, et j’espère qu’il me permettra de m’affranchir en partie de l’édition et de la distribution traditionnelle qui, refermée sur elle-même, souffre d’une crise d’intolérance pour entrer à reculons dans le prochain millénaire.» Très certainement autobiographique, la fable Le poète et l’éditeur (sixième fable de la troisième partie) relate on ne peut mieux les affres du poète à la recherche d’un éditeur. Raymond Godefroy restant très attaché au papier, il auto-publie la version imprimée de ses fables en juin 2001, avec un titre légèrement différent, Fables pour les années 2000, puisque le cap du 21e siècle est désormais franchi. Quant aux éditions du Choucas, elles cessent leur activité en mars 2001, une disparition de plus à déplorer chez les éditeurs indépendants. «Comme je le prévoyais, notre distributeur a déposé son bilan, raconte Nicolas Pewny en juin 2001. Et malheureusement les éditions du Choucas (ainsi que d’autres éditeurs) ont cessé leur activité éditoriale. Je maintiens gracieusement le site web pour témoignage de mon savoir-faire d’éditeur on- et off-line. (...) Je ne regrette pas ces dix années de lutte, de satisfactions et de malheurs passés aux éditions du Choucas. J’ai connu des auteurs intéressants dont certains sont devenus des amis... Maintenant je fais des publications et des sites internet pour d’autres. En ce moment pour une ONG (organisation non gouvernementale) internationale caritative ; je suis ravi de participer (modestement) à leur activité à but non lucratif. Enfin on ne parle plus de profit ou de manque à gagner, c’est reposant.» = Plateformes d’édition Des auteurs déçus par le système éditorial en place créent des plateformes d’édition littéraire non commerciale pour faire connaître leurs oeuvres et celles d’autres auteurs. Eux aussi font un véritable travail d’éditeur si l’on considère que le but premier d’un éditeur est de découvrir et diffuser des auteurs. En 1997, Jacky Minier crée Diamedit, site français de promotion d’inédits artistiques et littéraires. «J’ai imaginé ce site d’édition virtuelle il y a maintenant plusieurs années, à l’aube de l’ère internautique francophone, relate-t-il en octobre 2000. A l’époque, il n’y avait aucun site de ce genre sur la toile à l’exception du site québécois Editel de Pierre François Gagnon (fondé en avril 1995, ndlr). J’avais alors écrit un roman et quelques nouvelles que j’aurais aimé publier mais, le système français d’édition classique papier étant ce qu’il est, frileux et à la remorque de l’Audimat, il est devenu de plus en plus difficile de faire connaître son travail lorsqu’on n’est pas déjà connu médiatiquement. J’ai donc imaginé d’utiliser le web pour faire la promotion d’auteurs inconnus qui, comme moi, avaient envie d’être lus. Diamedit est fait pour les inédits. Rien que des inédits. Pour encourager avant tout la création. Je suis, comme beaucoup de pionniers du net sans doute, autodidacte et multiforme. A la fois informaticien, écrivain, auteur de contenus, webmestre, graphiste au besoin, lecteur, correcteur pour les tapuscrits des autres, et commercial, tout à la fois. Mon activité est donc un mélange de ces diverses facettes.» Comment Jacky Minier voit-il l’avenir? «Souriant. Je le vois très souriant. Je crois que le plus dur est fait et que le savoir-faire cumulé depuis les années de débroussaillage verra bientôt la valorisation de ces efforts. Le nombre des branchés francophones augmente très vite maintenant et, même si, en France, on a encore beaucoup de retard sur les Amériques, on a aussi quelques atouts spécifiques. En matière de créativité notamment. C’est pile poil le créneau de Diamedit. De plus, je me sens moins seul maintenant qu’en 1998. Des confrères sérieux ont fait leur apparition dans le domaine de la publication d’inédits. Tant mieux! Plus on sera et plus l’expression artistique et créatrice prendra son envol. En la matière, la concurrence n’est à craindre que si on ne maintient pas le niveau d’excellence. Il ne faut pas publier n’importe quoi si on veut que les visiteurs comme les auteurs s’y retrouvent.» Une des consoeurs de Jacky Minier est Marie-Aude Bourson, lyonnaise férue de littérature et d’écriture qui, en septembre 1999, débute le site littéraire La Grenouille Bleue. «L’objectif est de faire connaître de jeunes auteurs francophones, pour la plupart amateurs, raconte-t-elle en décembre 2000. Chaque semaine, une nouvelle complète est envoyée par e-mail aux abonnés de la lettre. Les lecteurs ont ensuite la possibilité de donner leurs impressions sur un forum dédié. Egalement, des jeux d’écriture ainsi qu’un atelier permettent aux auteurs de "s’entraîner" ou découvrir l’écriture. Un annuaire recense les sites littéraires. Un agenda permet de connaître les différentes manifestations littéraires.» En décembre 2000, elle doit fermer le site pour un problème de marque. En janvier 2001, elle ouvre un deuxième site, Gloupsy.com, géré selon le même principe, «mais avec plus de "services" pour les jeunes auteurs, le but étant de mettre en place une véritable plateforme pour "lancer" les auteurs» et fonder peut-être ensuite «une véritable maison d’édition avec impression papier des auteurs découverts». Gloupsy.com cesse ses activités en mars 2003, date de la fin du contrat d’hébergement du site. = Auto-édition L’internet permet de renforcer les relations entre les auteurs et les lecteurs. Si les éditeurs ne peuvent vivre sans les auteurs, les auteurs peuvent enfin vivre sans les éditeurs. Un site web leur permet de promouvoir leurs oeuvres sans intermédiaire. Le courriel leur permet de discuter avec leurs lecteurs. En définitive, les auteurs ont-ils encore besoin des éditeurs? L’auto-édition est la solution choisie par Anne-Bénédicte Joly, romancière, qui crée un site web en avril 2000 pour diffuser ses oeuvres. En juin 2000, elle raconte: «Après avoir rencontré de nombreuses fins de non-recevoir auprès des maisons d’édition et ne souhaitant pas opter pour des éditions à compte d’auteur, j’ai choisi, parce que l’on écrit avant tout pour être lu (!), d’avoir recours à l’auto-édition. Je suis donc un écrivain-éditeur et j’assume l’intégralité des étapes de la chaîne littéraire, depuis l’écriture jusqu’à la commercialisation, en passant par la saisie, la mise en page, l’impression, le dépôt légal et la diffusion de mes livres. Mes livres sont en règle générale édités à 250 exemplaires et je parviens systématiquement à couvrir mes frais fixes. Je pense qu’internet est avant tout un média plus rapide et plus universel que d’autres, mais je suis convaincue que le livre "papier" a encore, pour des lecteurs amoureux de l’objet livre, de beaux jours devant lui. Je pense que la problématique réside davantage dans la qualité de certains éditeurs, pour ne pas dire la frilosité, devant les coûts liés à la fabrication d’un livre, qui préfèrent éditer des livres "vendeurs" plutôt que de décider de prendre le risque avec certains écrits ou certains auteurs moins connus ou inconnus (...). Si l’internet et le livre électronique ne remplaceront pas le support livre, je reste convaincue que disposer d’un tel réseau de communication est un avantage pour des auteurs moins (ou pas) connus.» Jean-Paul, auteur hypermédia, relate en août 1999 : «L’internet va me permettre de me passer des intermédiaires : compagnies de disques, éditeurs, distributeurs... Il va surtout me permettre de formaliser ce que j’ai dans la tête (et ailleurs) et dont l’imprimé (la micro-édition, en fait) ne me permettait de donner qu’une approximation. Puis les intermédiaires prendront tout le pouvoir. Il faudra alors chercher ailleurs, là où l’herbe est plus verte...» Il est possible que l’auto-édition soit promise à un bel avenir. Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, une chronique hebdomadaire des actualités de l’internet, écrit en août 2000 : «J’ai une théorie des forces qui animent et modifient la société, et qui se résume à classer les phénomènes en tendances fortes, courants porteurs et signaux faibles. Le livre électronique (appelé ici livre numérique, ndlr) ne répond pas encore aux critères de tendance forte. On perçoit des signaux faibles qui pourraient annoncer un courant porteur, mais on n’y est pas encore. Cependant, si et quand on y sera, ce sera un atout important pour les personnes qui souhaiteront s’auto-éditer, et le phénomène pourrait bouleverser le monde de l’édition traditionnelle.» Mais comment trier le bon grain de l’ivraie? Philippe Renaut, gérant des éditions du Presse-Temps, croit à la nécessité d’un tamis éditorial. Il explique en février 2003: «C’est plutôt par la conjonction de ces deux éléments essentiels - vecteur de communication d’un contenu travaillé éditorialement – que l’on peut définir le livre par opposition à la mise en ligne ou mise à disposition massive de textes sans un regard ou une labellisation professionnels. En effet sans pouvoir assurer que magiquement l’oeil d’un éditeur permet de déceler le mauvais du bon, il reste néanmoins l’instrument par lequel un lecteur peut tenter de trier dans la production désormais pléthorique de livres. Parfois des ouvrages de qualité se retrouveront malheureusement auto-édités pour n’avoir su être décelés, et d’autres médiocres se retrouveront édités envers et contre tout, mais cela ne change rien au processus de base qui veut que le tamis éditorial joue son rôle et aide le public dans ses choix (il suffit de considérer le niveau moyen des manuscrits reçus par une maison d’édition pour s’en convaincre!). De la même manière, un surfeur sur le web va utiliser ses annuaires préférés pour identifier les sites qui lui sembleront les plus adaptés, seuls outils permettant encore un tri dans la masse désordonnée et titanesque d’informations qui lui est accessible.» 6.2. Editeurs en ligne scientifiques Des éditeurs scientifiques et universitaires décident d’utiliser l'outil de diffusion qu’est le web pour mettre des livres, des articles et des cours à la disposition de tous en privilégiant la diffusion libre du savoir. C'est le cas par exemple du Net des études françaises (NEF), de la Public Library of Science (PLoS) ou du MIT (Massachusetts Institute of Technology). Des éditeurs commerciaux décident quant à eux de mettre le texte intégral de certains livres en accès libre sur le web, sans entraîner une baisse des ventes de la version imprimée, au contraire, puisque ces livres voient leurs ventes augmenter. = Net des études françaises Professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, Russon Wooldridge est un ardent défenseur de la diffusion libre du savoir. En février 2001, il explique: «Je mets toutes les données de mes recherches des vingt dernières années sur le web (réédition de livres, articles, textes intégraux de dictionnaires anciens en bases de données interactives, de traités du 16e siècle, etc.). Je publie des actes de colloques, j’édite un journal, je collabore avec des collègues français, mettant en ligne à Toronto ce qu’ils ne peuvent pas publier en ligne chez eux. (...) Il est crucial que ceux qui croient à la libre diffusion des connaissances veillent à ce que le savoir ne soit pas bouffé, pour être vendu, par les intérêts commerciaux. Ce qui se passe dans l’édition du livre en France, où on n’offre guère plus en librairie que des manuels scolaires ou pour concours (c’est ce qui s’est passé en linguistique, par exemple), doit être évité sur le web. Ce n’est pas vers les Amazon.com qu’on se tourne pour trouver la science désintéressée.» En mai 2000, Russon Wooldridge rassemble quelques collègues francophones à Toronto lors d’un colloque intitulé «Colloque international sur les études françaises favorisées par les nouvelles technologies d’information et de communication». A la suite de ce colloque, il crée le Net des études françaises (NEF), qui se veut d’une part «un filet trouvé qui ne capte que des morceaux choisis du monde des études françaises, tout en tissant des liens entre eux», d’autre part un réseau dont les «auteurs sont des personnes oeuvrant dans le champ des études françaises et partageant librement leur savoir et leurs produits avec autrui». Plus précisément, «le NEF est un site web consacré à divers aspects des études françaises, notamment les outils critiques, réflexions et autres ressources, ainsi que le World Wide Web comme répositoire de textes et de bases de données textuelles, en même temps qu'objet d'étude et d'analyse critique» (Russon Wooldridge). Le NEF propose entre autres des bases textuelles interactives, par exemple les oeuvres complètes de Maupassant, ou encore les théâtres complets de Corneille, Molière, Racine, Marivaux et Beaumarchais (base Théâtres d'Ancien Régime). Le NEF propose aussi nombre d'entretiens avec des professionnels de l'information. Le NEF s’étend ensuite à l’Europe grâce au site miroir Translatio, créé dans le même esprit en septembre 2001. Emilie Devriendt, sa responsable, relate en février 2003: «Translatio est le site miroir de trois sites académiques dédiés à la diffusion de ressources documentaires dans le domaine des études françaises, et plus particulièrement de l’histoire de la langue française. Il s’agit du site du professeur Russon Wooldridge, du site Net des études françaises (créé et maintenu par ce dernier), et du site Langue du 19e siècle, du professeur Jacques-Philippe Saint-Gérand, déjà miroirisé à Clermont-Ferrand. Plus qu’une simple copie, Translatio est avant toute chose le fruit de collaborations actives, en réseau, entre enseignants, chercheurs et documentalistes issus de différentes institutions : à Toronto (University of Toronto), à Clermont-Ferrand (Université Blaise Pascal), Lisieux (Bibliothèque électronique), Paris (École normale supérieure). Fidèle à l’architecture initiale des trois sites originaux, Translatio en conserve aussi les objectifs : diffuser de la connaissance (sources primaires et secondaires) sous forme de bases linguistiques, philologiques, culturelles - interactives ou non. Autrement dit, proposer gratuitement outils de recherche et ressources en ligne offrant toutes les garanties d’une nécessaire rigueur scientifique.» = Public Library of Science A l’heure de l’internet, il paraît assez scandaleux que le résultat de travaux de recherche – travaux originaux et demandant de longues années d’efforts – soit détourné par des éditeurs spécialisés s’appropriant ce travail et le monnayant à prix fort. L’activité des chercheurs est souvent financée par les deniers publics, et de manière substantielle en Amérique du Nord. Il semblerait donc normal que la communauté scientifique et le grand public puissent bénéficier librement du résultat de ces recherches. Dans le domaine scientifique et médical par exemple, 1.000 nouveaux articles sont publiés chaque jour, en ne comptant que les articles révisés par les pairs. Se basant sur ce constat, la Public Library of Science (PLoS) est fondée en octobre 2000 à San Francisco à l’initiative de Harold Varmus, Patrick Brown et Michael Eisen, groupe de chercheurs des Universités de Stanford et de Berkeley. Le but est de contrer les pratiques de l’édition spécialisée en regroupant tous les articles scientifiques et médicaux au sein d’archives en ligne en accès libre. Au lieu d’une information disséminée dans des millions de rapports et des milliers de périodiques en ligne ayant chacun des conditions d’accès différentes, un point d’accès unique permettrait de lire le contenu intégral de ces articles, avec moteur de recherche multicritères et système d’hyperliens entre les articles. Pour ce faire, PLoS fait circuler une lettre ouverte demandant que les articles publiés par les éditeurs spécialisés soient distribués librement dans un service d’archives en ligne, et incitant les signataires de cette lettre à promouvoir les éditeurs prêts à soutenir ce projet. La réponse de la communauté scientifique internationale est remarquable. Au cours des deux années suivantes, la lettre ouverte est signée par 30.000 chercheurs de 180 pays différents. Bien que la réponse des éditeurs soit nettement moins enthousiaste, plusieurs éditeurs donnent également leur accord pour une distribution immédiate des articles publiés par leurs soins, ou alors une distribution dans un délai de six mois. Mais, dans la pratique, même les éditeurs ayant donné leur accord formulent nombre d’objections au nouveau modèle proposé, si bien que le projet d’archives en ligne ne voit finalement pas le jour. Un autre objectif de la Public Library of Science est de devenir elle-même éditeur. PLoS fonde donc une maison d’édition scientifique non commerciale qui reçoit en décembre 2002 une subvention de 9 millions de dollars US de la part de la Moore Foundation. Une équipe éditoriale de haut niveau est constituée en janvier 2003 pour lancer des périodiques de qualité selon un nouveau modèle d’édition en ligne basé sur la diffusion libre du savoir. Le premier numéro de PLoS Biology sort en octobre 2003, avec une version en ligne gratuite et une version imprimée au prix coûtant (couvrant uniquement les frais de fabrication et de distribution). PLoS Medicine est lancé en octobre 2004. Trois nouveaux titres voient le jour en 2005: PLoS Genetics, PLoS Computational Biology et PLoS Pathogens. PLoS Clinical Trials voit le jour en 2006. PloS Neglected Tropical Diseases est lancé à l’automne 2007 en tant que première publication scientifique consacrée aux maladies tropicales négligées. Ces maladies affectent les populations pauvres des zones rurales ou urbaines. Tous les articles de ces périodiques sont librement accessibles en ligne, sur le site de PLoS et dans PubMed Central, le service d’archives en ligne public et gratuit de la National Library of Medicine (Etats-Unis), avec moteur de recherches multicritères. Les versions imprimées sont abandonnées en 2006 pour laisser place à un service d’impression à la demande proposé par la société Odyssey Press. Ces articles peuvent être librement diffusés et réutilisés ailleurs, y compris pour des traductions, selon les termes de la licence Creative Commons, la seule contrainte étant la mention des auteurs et de la source. PLoS lance aussi PLoS ONE, un forum en ligne destiné à la publication d’articles sur tout sujet scientifique et médical. Le succès est total. Trois ans après les débuts de PLoS en tant qu’éditeur, PLoS Biology et PLos Medicine ont la même réputation d’excellence que les grandes revues Nature, Science ou The New England Journal of Medicine. PLoS reçoit le soutien financier de plusieurs fondations tout en mettant sur pied un modèle économique viable, avec des revenus émanant des frais de publication payés par les auteurs, de la publicité, de sponsors et d'activités destinées aux membres de l’association. PLoS souhaite que ce modèle économique d’un genre nouveau inspire d’autres éditeurs pour créer des revues du même type ou pour mettre les revues existantes en accès libre. = Cours du MIT Professeur à l’Université d’Ottawa (Canada), Christian Vandendorpe salue en mai 2001 «la décision du MIT (Massachusetts Institute of Technology) de placer tout le contenu de ses cours sur le web d’ici dix ans, en le mettant gratuitement à la disposition de tous. Entre les tendances à la privatisation du savoir et celles du partage et de l’ouverture à tous, je crois en fin de compte que c’est cette dernière qui va l’emporter.» Le MIT décide en effet de publier ses cours en ligne, avec accès libre et gratuit, une initiative menée avec le soutien financier de la Hewlett Foundation et de la Mellon Foundation. Mise en ligne en septembre 2002, la version pilote du MIT OpenCourseWare (MIT OCW) offre en accès libre le matériel d’enseignement de 32 cours représentatifs des cinq facultés du MIT. Ce matériel d’enseignement comprend des textes de conférences, des travaux pratiques, des exercices et corrigés, des bibliographies, des documents audio et vidéo, etc. Le lancement officiel du site a lieu un an plus tard, en septembre 2003, avec accès à quelques centaines de cours. En mars 2004, 500 cours sont disponibles dans 33 disciplines différentes, avec actualisation régulière. En mai 2006, les 1.400 cours en ligne émanent de 34 départements appartenant aux cinq facultés du MIT. La totalité des 1.800 cours dispensés par le MIT est en ligne en 2008. Certains cours sont traduits en espagnol, en portugais et en chinois, avec l’aide d’autres organismes. Le MIT espère que cette expérience de publication électronique - la première du genre - va permettre de définir un standard et une méthode de publication, et inciter d’autres universités à créer un « opencourseware » pour la mise à disposition gratuite de leurs propres cours. Un « opencourseware » peut être défini comme la publication électronique en accès libre de matériel d’enseignement de grande qualité organisé sous forme de cours. A cet effet, le MIT lance l’OpenCourseWare Consortium (OCW Consortium) en décembre 2005, avec accès libre et gratuit au matériel d’enseignement de cent universités dans le monde un an plus tard. = Livres gratuits sur le web La publication en ligne d’un livre à titre gratuit nuit-elle aux ventes de la version imprimée ou non? La National Academy Press (NAP) est la première à prendre un tel risque, dès 1994, avec un pari gagné. Des expériences plus récentes et tout aussi concluantes sont menées par O’Reilly Media et les éditions de l’Eclat. «A première vue, cela paraît illogique», écrit Beth Berselli, journaliste au Washington Post, dans un article repris par le Courrier international en novembre 1997. «Un éditeur de Washington, la National Academy Press (NAP), qui a publié sur internet 700 titres de son catalogue actuel, permettant ainsi à tout un chacun de lire gratuitement ses livres, a vu ses ventes augmenter de 17% l’année suivante. Qui a dit que personne n’achèterait la vache si on pouvait avoir le lait gratuitement?» Une politique atypique porte donc ses fruits. Editeur universitaire, la NAP (National Academy Press, qui devient ensuite la National Academies Press) publie environ 200 livres par an, essentiellement des livres scientifiques et techniques et des ouvrages médicaux. En 1994, l’éditeur choisit de mettre en accès libre sur le web le texte intégral de plusieurs centaines de livres, afin que les lecteurs puissent les «feuilleter» à l’écran, comme ils l’auraient fait dans une librairie, avant de les acheter ensuite si utile. La NAP est le premier éditeur à se lancer dans un tel pari, une initiative saluée par les autres maisons d’édition, qui hésitent cependant à se lancer elles aussi dans l’aventure, et ce pour trois raisons: le coût excessif qu’entraîne la mise en ligne de milliers de pages, les problèmes liés au droit d’auteur, et enfin une concurrence qu’ils estiment nuisible à la vente. Dans le cas de la NAP, ce sont les auteurs eux-mêmes qui, pour des raisons publicitaires, demandent à ce que leurs livres soient mis en ligne sur le site. Pour l’éditeur, le web est un nouvel outil de marketing face aux 50.000 ouvrages publiés chaque année aux Etats-Unis. Une réduction de 20% est accordée pour toute commande effectuée en ligne. La présence de ces livres sur le web entraîne aussi une augmentation des ventes par téléphone. Le mouvement va en s’amplifiant puisque, en 1998, le site de la NAP propose le texte intégral d’un millier de titres. La solution choisie par la NAP est également adoptée par la MIT Press, qui voit rapidement ses ventes doubler pour les livres disponibles en version intégrale sur le web. Un autre exemple est celui de O’Reilly Media. Fondé par Tim O’Reilly en 1978, O’Reilly Media est un éditeur réputé de manuels informatiques et de livres sur les technologies de pointe. O’Reilly dispose d’une formule de « copyright ouvert » pour les auteurs qui le souhaitent ou alors pour des projets collectifs. A partir de 2003, il privilégie le Creative Commons Founders’ Copyright permettant d’offrir des contrats flexibles de droit d’auteur à ceux qui veulent également diffuser leurs oeuvres sur le web. En octobre 2005, avec l’accord de certains auteurs, O’Reilly met en ligne plusieurs livres en version intégrale, avec une copie numérique dans la bibliothèque de l’Internet Archive. Il s’agit soit de livres récents, soit de livres plus anciens dont la version imprimée est épuisée. Lancée sous le nom d’Open Books, cette initiative est menée dans le cadre de l’Open Content Alliance (OCA), un vaste projet de bibliothèque numérique collective dirigé par l’Internet Archive et dont O’Reilly Media est l’un des membres fondateurs. Michel Valensi, directeur des éditions de l’Eclat, tente une expérience un peu différente à partir de mars 2000 en instituant le lyber, un terme «construit à partir du mot latin liber qui signifie à la fois: libre, livre, enfant, vin». Il s’agit d’un livre numérique disponible gratuitement sur le web dans son intégralité, selon le principe du shareware (partagiciel), avec possibilité d’acheter un exemplaire pour soi ou ses amis, possibilité de signaler l’adresse du libraire le plus proche et possibilité de laisser des commentaires sur le texte en ligne. Sur les 180 titres que comprend le catalogue (sciences humaines, philosophie, théologie), une vingtaine est disponible sous forme de lyber. A l’occasion du colloque «Textualités & nouvelles technologies» organisé à Montréal en novembre 2001 par la revue ec/arts, Michel Valensi relate: «La mise en ligne de textes dans leur intégralité et gratuitement sur le net n’a en rien entamé les ventes de ces mêmes textes sous forme de livre. Mieux: il est arrivé que certains ouvrages dont les ventes pouvaient stagner depuis plusieurs mois, soient parvenus à un rythme de vente supérieur et plus régulier depuis leur mise en ligne. Quelques livres dont les ventes restent faibles sont faiblement consultés. Je ne veux pas établir de relation de cause à effet entre ces phénomènes, mais je constate au moins qu’il n’y a pas de perte pour l’éditeur (...). Nos statistiques nous permettent de constater que les ouvrages les mieux vendus en librairie sont également les plus consultés en ligne. (...) Je signale que les livres dont il existe une version en ligne sont souvent des livres qui marchent très bien en librairie.» = Gratuit versus payant Question cruciale qui suscite de nombreux débats, l’accès au savoir doit-il être gratuit ou payant ? Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l’USC/ISI (University of Southern California / Information Sciences Institute), donne son sentiment sur ce point en septembre 2000: «En tant qu’universitaire, je suis bien sûr un des parasites de notre société (remarque à prendre au deuxième degré, ndlr), et donc tout à fait en faveur de l’accès libre à la totalité de l’information. En tant que co-propriétaire d’une petite start-up, je suis conscient du coût représenté par la collecte et le traitement de l’information, et de la nécessité de faire payer ce service d’une manière ou d’une autre. Pour équilibrer ces deux tendances, je pense que l’information à l’état brut et certaines ressources à l’état brut (langages de programmation ou moyens d’accès à l’information de base comme les navigateurs web) doivent être disponibles gratuitement. Ceci crée un marché et permet aux gens de les utiliser. Par contre l’information traitée doit être payante, tout comme les systèmes permettant d’obtenir et de structurer très exactement ce dont on a besoin. Cela permet de financer ceux qui développent ces nouvelles technologies.» Dans le domaine du livre, l’édition non commerciale offre des avantages sans précédent. Au lieu de vendre quelques dizaines ou quelques centaines de livres et de toucher des droits d’auteur souvent insignifiants, l’auteur a un vaste lectorat et ne touche pas de droits d’auteur, tout en échappant aux contraintes souvent inacceptables des éditeurs commerciaux. A chacun de choisir s’il veut céder les droits de ses travaux, gagner quelques euros et n’être lu par (presque) personne, ou s’il préfère garder le copyright de ses écrits, être largement diffusé et ne rien gagner, sous-entendu ne pas gagner d’argent, parce qu’en fait il gagne le plus important, à savoir le fait d’être lu et de partager un savoir. Grâce au réseau, l’édition non commerciale a le vent en poupe. Des organismes deviennent éditeurs dans le vrai sens du terme. Des auteurs sont heureux à juste titre de voir leurs textes publiés en ligne. Des lecteurs avides, enthousiastes et exigeants ne choisissent pas leurs lectures en fonction de la dernière liste de best-sellers, mais les choisissent dans une profusion de fictions, de documentaires, d’études généralistes et d’articles scientifiques, avec en prime la diffusion libre du savoir. Et, pour finir, de plus en plus d’auteurs ne se soucient même plus du fait que leurs textes auraient pu être acceptés par un éditeur traditionnel, dont ils jugent le modèle complètement dépassé. Certains préfèrent la rentabilité économique à la diffusion gratuite du savoir, y compris pour les oeuvres tombées dans le domaine public. On a d’un côté des éditeurs électroniques qui vendent notre patrimoine en version numérique, de l’autre des bibliothèques numériques qui diffusent gratuitement ce patrimoine à l’échelle de la planète. De même, on a d’une part des organismes publics et privés qui monnaient leurs bases de données au prix fort, d’autre part des éditeurs et des universités qui mettent leurs publications et leurs cours en accès libre sur le web. Reste à savoir si, pour les premiers, les profits dégagés en valent vraiment la peine. Dans de nombreux cas, il semblerait que la somme nécessaire à la gestion interne soit au moins équivalente sinon supérieure aux gains réalisés. Est-il vraiment utile de mettre un pareil frein à la diffusion de l’information pour un profit finalement nul? La diffusion gratuite du savoir n’est toutefois possible que parce qu’il existe en amont des organismes financeurs, par exemple des universités ou des centres de recherche. Ou alors parce qu’une petite équipe en place (rémunérée) est relayée par un vaste réseau de volontaires (bénévoles) gagnant leur vie par ailleurs et décidant de consacrer une partie de leur temps à une activité qu’ils estiment importante pour le bien de la collectivité. C’est le cas du Projet Gutenberg, pionnier des bibliothèques numériques, ou de Bookshare.org, une bibliothèque numérique destinée aux personnes ayant un problème visuel. C'est aussi le cas des grandes encyclopédies collaboratives en ligne que sont Wikipedia (débuté en janvier 2001), Citizendium (débuté en mars 2007) et l’Encyclopedia of Life (débutée en mai 2007). 6.3. Chronologie * Cette chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité. 1993 (été): L’E-zine-list, liste de John Labovitz. 1994: Livres de la National Academy Press (NAP) mis en ligne gratuitement. 1995 (avril): Editel, premier éditeur en ligne francophone, fondé par Pierre François Gagnon. 1996 (août): CyLibris, premier éditeur en ligne francophone commercial, fondé par Olivier Gainon. 1996 (novembre): Site web des éditions du Choucas lancé par Nicolas Pewny. 1997: Diamedit, plateforme d’édition littéraire créée par Jacky Minier. 1998 (mai): 00h00, premier éditeur commercial de livres numériques, fondé par Jean-Pierre Arbon et Bruno de Sa Moreira. 2000 (mars): Le lyber, concept de Michel Valensi, directeur des éditions de l’Eclat. 2000 (mai): Création du Net des études françaises (NEF) par Russon Wooldridge. 2000 (septembre): Rachat de 00h00 par Gemstar-TV Guide International. 2000 (octobre): Fondation de la Public Library of Science (PLoS). 2001 (février): Luc Pire électronique, secteur électronique des éditions Luc Pire. 2002 (septembre): Lancement du MIT OpenCourseWare en version bêta. 2003 (juin): Arrêt des activités de 00h00 et de la branche eBook de Gemstar. 2003 (septembre): Lancement officiel du MIT OpenCourseWare. 2003 (octobre): La Public Library of Science (PLoS) devient éditeur. 2005 (octobre): Livres des éditions O’Reilly Media mis en ligne gratuitement. 2005 (décembre): Lancement de l'OpenCourseWare Consortium. 7. LA MUE DES BIBLIOTHEQUES [7.1. Bibliothèques numériques / Premiers pas / Numérisation: mode texte ou image / ABU et Athena / Bibliothèque électronique de Lisieux / Gallica / Online Books Page // 7.2. Bibliothèques traditionnelles / ARPALS, en milieu rural / Cyberespace des Nations Unies / Enluminures de la Bibliothèque de Lyon / Gabriel, serveur européen / De la conservation à la communication // 7.3. Du bibliothécaire au cyberthécaire / Bibliothécaires et internet / Quelques expériences // 7.4. Dans la lignée de Handicapzéro/ Premiers pas / Bookshare.org / Handicapzéro / Bibliothèque numérique pour le Handicap // 7.5. Une future bibliothèque planétaire / Google Book Search - Google Livres / Open Content Alliance / Autres initiatives // 7.6. Chronologie] «Qu’il me suffise, pour le moment, de redire la sentence classique: "La bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible."» Cette citation de Jorge Luis Borges peut tout aussi bien définir la bibliothèque numérique. La numérisation du patrimoine mondial est en cours, d'abord pour le texte, et ensuite pour l’image et le son, avec la mise en ligne de centaines puis de milliers d’oeuvres du domaine public, de publications littéraires et scientifiques, d’articles, d’images, de bandes sonores et de films. Nombre d’entre eux sont en accès libre. En 2005, le mouvement va en s’amplifiant avec l’entrée en lice des géants de l’internet pour la constitution d’une bibliothèque planétaire. 7.1. Bibliothèques numériques = Premiers pas Objectif poursuivi par des générations de bibliothécaires, la diffusion d’oeuvres du domaine public devient enfin possible à vaste échelle dans les années 1990, puisque les livres peut désormais être convertis en fichiers électroniques et transiter via l’internet. Si certaines bibliothèques numériques naissent directement sur le web, la plupart émanent de bibliothèques traditionnelles. En 1996, la Bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie) lance la Bibliothèque électronique de Lisieux, qui offre les versions numériques d'oeuvres littéraires courtes choisies dans les collections municipales. En 1997, la Bibliothèque nationale de France (BnF) crée Gallica qui, dans un premier temps, propose des images et textes du 19e siècle francophone. Une sélection de 3.000 livres est complétée par un échantillon de la future iconothèque numérique. En 1998, la Bibliothèque municipale de Lyon met les enluminures de 200 manuscrits et incunables à la disposition de tous sur son site web. Trois exemples parmi tant d’autres. Les bibliothèques numériques permettent à un large public d’avoir accès à des documents difficiles à consulter parce qu’appartenant à des fonds anciens, locaux, régionaux ou spécialisés. Ces fonds sont souvent peu accessibles pour des raisons diverses: souci de conservation des documents rares et fragiles, heures d’ouverture réduites, nombreux formulaires à remplir, longs délais de communication, pénurie de personnel, qui sont autant de barrières à franchir et demandent souvent au lecteur une patience à toute épreuve et une détermination hors du commun pour arriver jusqu’au document. Grâce à la bibliothèque numérique, la bibliothèque traditionnelle peut enfin rendre compatibles deux objectifs qui jusque-là ne l’étaient guère, à savoir la conservation des documents et la communication de ceux-ci. D’une part le document ne quitte son rayonnage qu’une seule fois pour être scanné, d’autre part le grand public y a enfin accès. Si le lecteur souhaite consulter le document original, il pourra se lancer dans le parcours évoqué plus haut, mais en connaissance de cause, grâce au «feuilletage» préalable à l’écran. Selon la British Library, la bibliothèque numérique peut être définie comme une entité résultant de l’utilisation des technologies numériques pour acquérir, stocker, préserver et diffuser des documents. Ces documents sont soit publiés directement sous forme numérique, soit numérisés à partir d’un document imprimé, audiovisuel ou autre. Une collection numérique devient une bibliothèque numérique si elle répond aux quatre critères suivants: 1) elle peut être créée et produite dans un certain nombre d’endroits différents, mais elle est accessible en tant qu’entité unique; 2) elle doit être organisée et indexée pour un accès aussi facile que possible à partir du lieu où elle est produite; 3) elle doit être stockée et gérée de manière à avoir une existence assez longue après sa création; 4) elle doit trouver un équilibre entre le respect du droit d’auteur et les exigences universitaires. Dans Information Systems Strategy, un document disponible sur le site de la British Library en 1997, Brian Lang, directeur de projet, explique que la future bibliothèque numérique de la British Library n’est pas envisagée comme un secteur à part, mais qu’elle fera partie intégrante d’une vision globale de la bibliothèque. Si d’autres bibliothèques pensent que les documents numériques prédomineront dans les bibliothèques du futur, la British Library n’envisage pas une bibliothèque exclusivement numérique. Elle considère comme fondamentale la communication physique des imprimés, manuscrits, partitions musicales, bandes sonores, etc., tout en ayant conscience de la nécessité du développement parallèle de collections numériques. Hébergée par l’Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis) et reliée au catalogue expérimental (ESS : experimental search system) de la Library of Congress, l’Universal Library insiste sur les trois avantages de la bibliothèque numérique: 1) elle occupe moins de place qu’une bibliothèque traditionnelle et son contenu peut être copié ou sauvegardé électroniquement; 2) elle est immédiatement accessible à quiconque sur l’internet; 3) comme toute recherche sur son contenu est automatisée, elle permet une réduction des coûts importante et une plus grande accessibilité des documents. A titre historique, le site Library 2000 présente un condensé des recherches menées entre octobre 1995 et octobre 1997 par le MIT/LCS (Massachusetts Institute of Technology / Laboratory of Computer Science). Pragmatique, le projet Library 2000 étudie pendant deux ans les problèmes posés par le stockage en ligne d’une très grande quantité de documents. Il développe un prototype utilisant la technologie et les configurations de systèmes sensés économiquement viables en l’an 2000, prototype grâce auquel plusieurs grandes bibliothèques numériques sont mises en ligne à compter de l’automne 1997. = Numérisation: mode texte ou image Qui dit bibliothèque numérique dit numérisation. Pour pouvoir être consulté à l’écran, un livre peut être numérisé soit en mode texte soit en mode image. La numérisation en mode texte implique la saisie d’un texte. Elle consiste à patiemment saisir le livre sur un clavier, page après page, solution souvent adoptée lors de la constitution des premières bibliothèques numériques, ou alors à scanner le livre et le convertir en texte grâce à un logiciel OCR (optical character recognition), puis à contrôler le résultat à l’écran en relisant intégralement le texte obtenu pour le comparer avec le texte scanné et le corriger si nécessaire. Quand les documents originaux manquent de clarté, pour les livres anciens par exemple, ils sont saisis ligne après ligne, de la première page à la dernière. Contrairement à la numérisation en mode image, la version informatique ne conserve pas la présentation originale du livre ou de la page. Le livre devient texte, à savoir un ensemble de caractères apparaissant en continu à l’écran. A cause du temps passé au traitement de chaque livre, ce mode de numérisation est assez long, et donc nettement plus coûteux que la numérisation en mode image. Dans de nombreux cas, il est toutefois très préférable, puisqu’il permet l’indexation, la recherche et l’analyse textuelles, une étude comparative entre plusieurs textes ou plusieurs versions du même texte, etc. C’est la méthode utilisée par exemple par le Projet Gutenberg, fondé dès 1971, ou encore la Bibliothèque électronique de Lisieux, créée en 1996. La numérisation en mode image correspond à la photographie du livre page après page. La version informatique est le fac-similé numérique de la version imprimée. La présentation originale étant conservée, on peut feuilleter le texte page après page à l’écran. C’est la méthode employée pour les numérisations à grande échelle, par exemple pour le programme de numérisation de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et la constitution de sa bibliothèque numérique Gallica. La numérisation en mode texte est toutefois utilisée pour les tables des matières, les sommaires et les corpus de documents iconographiques, ce afin de faciliter la recherche textuelle. Pourquoi ne pas tout numériser en mode texte? La BnF répond sur le site de Gallica: «Le mode image conserve l’aspect initial de l’original y compris ses éléments non textuels. Si le mode texte autorise des recherches riches et précises dans un document et permet une réduction significative du volume des fichiers manipulés, sa réalisation, soit par saisie soit par OCR, implique des coûts de traitement environ dix fois supérieurs à la simple numérisation. Ces techniques, parfaitement envisageables pour des volumes limités, ne pouvaient ici être économiquement justifiables au vu des 50.000 documents (représentant presque 15 millions de pages) mis en ligne.» Concepteur de Mot@mot, logiciel de remise en page de fac-similés numériques, Pierre Schweitzer insiste sur l’utilité des deux modes de numérisation. «Le mode image permet d’avancer vite et à très faible coût, explique-t-il en janvier 2001. C’est important car la tâche de numérisation du domaine public est immense. Il faut tenir compte aussi des différentes éditions: la numérisation du patrimoine a pour but de faciliter l’accès aux oeuvres, il serait paradoxal qu’elle aboutisse à se focaliser sur une édition et à abandonner l’accès aux autres. Chacun des deux modes de numérisation s’applique de préférence à un type de document, ancien et fragile ou plus récent, libre de droit ou non (pour l’auteur ou pour l’édition), abondamment illustré ou pas. Les deux modes ont aussi des statuts assez différents: en mode texte ça peut être une nouvelle édition d’une oeuvre, en mode image c’est une sorte d’"édition d’édition", grâce à un de ses exemplaires (qui fonctionne alors comme une fonte d’imprimerie pour du papier). En pratique, le choix dépend bien sûr de la nature du fonds à numériser, des moyens et des buts à atteindre. Difficile de se passer d’une des deux façons de faire.» Si une bibliothèque numérique est d’abord une bibliothèque d’oeuvres numérisées, ce terme s’applique aussi par extension à une collection organisée de liens vers des oeuvres numérisées disponibles sur le web. C’est le cas de l’Online Books Page, un répertoire d’oeuvres anglophones en accès libre créé en 1993 par John Mark Ockerbloom. C’est également le cas de l’Internet Public Library (IPL), fondée en 1995 pour répertorier les ressources disponibles sur l’internet. D’autres bibliothèques numériques proposent à la fois des textes numérisés par l’équipe en place et un ensemble de liens vers des oeuvres disponibles ailleurs. C’est le cas d’Athena, bibliothèque numérique fondée en 1994 par Pierre Perroud et hébergée sur le site de l’Université de Genève. = ABU et Athena L’ABU est la première bibliothèque numérique francophone du réseau. Fondée en avril 1993 par l’Association des bibliophiles universels (ABU) dans la lignée du Projet Gutenberg, elle est hébergée par le Centre d’études et de recherche informatique (CEDRIC) du Conservatoire des arts et métiers (CNAM) de Paris. En janvier 2002, les collections comptent 288 textes et 101 auteurs. Il ne semble pas que d'autres textes aient été ajoutés depuis. Ce nom ABU est aussi une référence à Aboulafia, petit ordinateur présent dans Le pendule de Foucault, un roman d’Umberto Ecco dans lequel «s’entremêlent savoirs anciens et high tech», et dont l’intrigue se situe justement au CNAM. Quant au nom de l’association, «au départ, il s’agissait de biblioFiles universels, et non de biblioPHiles, mais la préfecture de Paris n’a pas semblé saisir tout le sel de ce néologisme», explique l’ABU sur son site. Dans la FAQ (foire aux questions) présente sur le site, l’ABU donne les neuf conseils suivants aux volontaires souhaitant scanner ou saisir des textes: 1) pas de mise en page, mais un texte en continu avec des lignes d’environ 70 caractères et des sauts de ligne; 2) des sauts de ligne avant chaque paragraphe, y compris pour les dialogues; 3) la transcription du tiret long accompagnant les dialogues par deux petits tirets; 4) des majuscules pour les titres, noms de chapitres et sections, avec un soulignement fait de petits tirets; 5) la transcription des mots en italique par des blancs soulignés; 6) pas de tabulation, mais des blancs; 7) les notes de l’auteur mises entre crochets dans le corps du texte; 8) la pagination de l’édition originale entre crochets (facultatif); 9) l’encodage final en ISO-Latin-1, qui est une extension de l’ASCII. Créée en 1994 et hébergée sur le site de l’Université de Genève, Athena est l’oeuvre de Pierre Perroud, qui y consacre trente heures par semaine, en plus de son activité de professeur au collège Voltaire (Genève). Pierre-Louis Chantre, journaliste, raconte dans L’Hebdo n° 7 du 13 février 1997: «Il numérise des livres, met en page des textes que des correspondants inconnus lui envoient, crée des liens électroniques avec des livres disponibles ailleurs, tout en essayant de répondre le mieux possible aux centaines de lettres électroniques qu’il reçoit (mille personnes consultent Athena chaque jour). Un travail artisanal qu’il accomplit seul, sans grande rémunération. Malgré des demandes répétées, le Département de l’instruction publique de Genève ne lui paie que deux heures par semaine.» En 1997, le site bilingue français-anglais donne accès à 3.500 textes électroniques dans des domaines aussi variés que la philosophie, les sciences, la période classique, la littérature, l’histoire, l’économie, etc. En décembre 1998, les collections comprennent 8.000 textes. Un des objectifs d’Athena est de mettre en ligne des textes français. Une section spécifique (Swiss Authors and Texts) regroupe les auteurs et textes suisses. On y trouve aussi un répertoire mondial des ressources littéraires en ligne (Athena Literature Resources). Par ailleurs, Athena propose une table de minéralogie qui est l’oeuvre de Pierre Perroud et qui est consultée dans le monde entier. Dans un article publié en février 1997 dans la revue Informatique-Informations, Pierre Perroud insiste sur la complémentarité du texte électronique et du livre imprimé. Selon lui, «les textes électroniques représentent un encouragement à la lecture et une participation conviviale à la diffusion de la culture», notamment pour l’étude et la recherche textuelle. Ces textes «sont un bon complément du livre imprimé - celui-ci restant irremplaçable lorsqu’il s’agit de lire». S’il est persuadé de l’utilité du texte électronique, le livre imprimé reste «un compagnon mystérieusement sacré vers lequel convergent de profonds symboles: on le serre dans la main, on le porte contre soi, on le regarde avec admiration; sa petitesse nous rassure autant que son contenu nous impressionne; sa fragilité renferme une densité qui nous fascine; comme l’homme il craint l’eau et le feu, mais il a le pouvoir de mettre la pensée de celui-là à l’abri du Temps.» = Bibliothèque électronique de Lisieux En juin 1996 apparaît la Bibliothèque électronique de Lisieux, créée à l’initiative d’Olivier Bogros, directeur de la Bibliothèque municipale de Lisieux, en Normandie. Dès ses débuts, cette réalisation suscite l’intérêt de la communauté francophone parce qu’elle montre ce qui est faisable sur l’internet avec beaucoup de détermination et des moyens limités. Le site propose chaque mois la version intégrale d’une oeuvre littéraire du domaine public. S’y ajoutent les archives des mois précédents, une sélection d’oeuvres courtes du 19e siècle, une sélection du fonds documentaire de la bibliothèque (opuscules, brochures, tirés à part), une sélection de son fonds normand (brochures et bibliographies), et enfin un choix de sites normands et de sites littéraires francophones. En juin 1998, Olivier Bogros enregistre le nom de domaine bmlisieux.com et déménage l’ensemble sur un nouveau serveur. A la même date, il relate: «Le site a été ouvert en juin 1996. Hébergé sur les pages personnelles, limitées à 5 mégaoctets, de mon compte CompuServe, il est depuis quelques jours installé sur un nouveau serveur où il dispose d’un espace disque plus important (15 mégaoctets) et surtout d’un nom de domaine. Les frais inhérents à l’entretien du site sont à ma charge, la ville finance de manière indirecte le site en acceptant que tous les textes soient choisis, saisis et relus par du personnel municipal sur le temps de travail (ma secrétaire pour la saisie et une collègue pour la relecture). Ce statut étrange et original fait de la Bibliothèque électronique de Lisieux le site presque officiel de la Bibliothèque municipale, tout en restant sous mon entière responsabilité, sans contrôle ni contrainte. J’ai déjà rapporté dans un article paru dans le Bulletin des bibliothèques de France (1997, n° 3, ndlr) ainsi que dans le Bulletin de l’ABF (Association des bibliothécaires français) (n° 174, 1997, ndlr), comment l’envie de créer une bibliothèque virtuelle avait rapidement fait son chemin depuis ma découverte de l’informatique en 1994: création d’un bulletin électronique d’informations bibliographiques locales (Les Affiches de Lisieux) en 1994 dont la diffusion locale ne rencontre qu’un très faible écho, puis en 1995 début de la numérisation de nos collections de cartes postales en vue de constituer une photothèque numérique, saisie de nouvelles d’auteurs d’origine normande courant 1995 en imitation (modeste) du projet de l’ABU (Association des bibliophiles universels) avec diffusion sur un BBS spécialisé. L’idée du site internet vient d’Hervé Le Crosnier, enseignant à l’Université de Caen et modérateur de la liste de diffusion Biblio-fr, qui monta sur le serveur de l’université la maquette d’un site possible pour la Bibliothèque municipale de Lisieux, afin que je puisse en faire la démonstration à mes élus. La suite logique en a été le vote au budget primitif de 1996 d’un crédit pour l’ouverture d’une petite salle multimédia avec accès public au réseau pour les Lexoviens (habitants de Lisieux, ndlr). Depuis cette date un crédit d’entretien pour la mise à niveau des matériels informatiques est alloué au budget de la bibliothèque qui permettra cette année la montée en puissance des machines, l’achat d’un graveur de cédéroms et la mise à disposition d’une machine bureautique pour les lecteurs de l’établissement.... ainsi que la création en ce début d’année d’un emploi jeune pour le développement des nouvelles technologies.» En juillet 1999, 370 oeuvres sont disponibles en ligne. A la même date, Olivier Bogros explique: «Les oeuvres à diffuser sont choisies à partir d’exemplaires conservés à la Bibliothèque municipale de Lisieux ou dans des collections particulières mises à disposition. Les textes sont saisis au clavier et relus par du personnel de la bibliothèque, puis mis en ligne après encodage. La mise à jour est mensuelle (3 à 6 textes nouveaux). Par goût, mais aussi contraints par le mode de production, nous sélectionnons plutôt des textes courts (nouvelles, brochures, tirés à part de revues, articles de journaux...). De même nous laissons à d’autres (bibliothèques ou éditeurs) le soin de mettre en ligne les grands classiques de la littérature française, préférant consacrer le peu de temps et de moyens dont nous disposons à mettre en ligne des textes excentriques et improbables. (...) Nous réfléchissons aussi, dans le domaine patrimonial, à un prolongement du site actuel vers les arts du livre - illustration, typographie... - toujours à partir de notre fonds. Sinon, pour ce qui est des textes, nous allons vers un élargissement de la part réservée au fonds normand.» L’année 2000 marque le début du partenariat de la Bibliothèque électronique de Lisieux avec l’Université de Toronto. Lancé officiellement en août 2000, LexoTor est une base de données utilisant le logiciel TACTweb (TACT: text analysis computing tools) et permettant l’interrogation en ligne des oeuvres de la bibliothèque, ainsi que des analyses et des comparaisons textuelles. Le projet est issu de la rencontre d’Olivier Bogros avec Russon Wooldridge, professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, lors d'un colloque organisé par ce dernier en mai 2000 à Toronto («colloque international sur les études françaises valorisées par les nouvelles technologies d’information et de communication»). Deux ans après, en mai 2002, un deuxième colloque international sur le même sujet est organisé cette fois par Olivier Bogros à Lisieux. En septembre 2003, la bibliothèque électronique approche les 600 textes. En décembre 2006, les collections comprennent 930 oeuvres et 20 galeries d'images, le tout représentant 327,1 Mo (mégaoctets) sur une capacité de stockage de 600 Mo. = Gallica Secteur numérique de la Bibliothèque nationale de France (BnF), Gallica est inauguré en 1997 avec des images et textes du 19e siècle francophone, «siècle de l’édition et de la presse moderne, siècle du roman mais aussi des grandes synthèses historiques et philosophiques, siècle scientifique et technique». A l’époque, le serveur stocke 2.500 livres numérisés en mode image complétés par les 250 volumes numérisés en mode texte de la base Frantext de l’INaLF (Institut national de la langue française). Classées par discipline, ces ressources sont complétées par une chronologie du 19e siècle et des synthèses sur les grands courants en histoire, sciences politiques, droit, économie, littérature, philosophie, sciences et histoire des sciences. Le site propose aussi un échantillon de la future iconothèque numérique, à savoir le fonds du photographe Eugène Atget, une sélection de documents sur l’écrivain Pierre Loti, une collection d’images de l’Ecole nationale des ponts et chaussées sur les grands travaux liés à la révolution industrielle en France, et enfin un choix de livres illustrés de la Bibliothèque du Musée de l’homme. Fin 1997, Gallica se considère moins comme une banque de données numérisées que comme un «laboratoire dont l’objet est d’évaluer les conditions d’accès et de consultation à distance des documents numériques». Le but est d’expérimenter la navigation dans ces collections, en permettant aussi bien le libre parcours du chercheur ou du curieux que des recherches textuelles pointues. Début 1998, Gallica annonce 100.000 volumes et 300.000 images pour la fin 1999, avec un accroissement rapide des collections ensuite. Ces collections numériques pourront également être consultées sur place à la BnF au moyen de 3.000 postes multimédias, dont quelques centaines fonctionnent déjà début 1998. Sur les 100.000 volumes prévus, qui représenteront 30 millions de pages numérisées, plus du tiers concerne le 19e siècle. Quant aux 300.000 images fixes, la moitié appartient aux départements spécialisés de la BnF (Estampes et photographie, Manuscrits, Arts du spectacle, Monnaies et médailles, etc.). L’autre moitié provient de collections d’établissements publics (musées et bibliothèques, Documentation française, Ecole nationale des ponts et chaussées, Institut Pasteur, Observatoire de Paris, etc.) ou privés (agences de presse dont Magnum, l’Agence France-Presse, Sygma, Rapho, etc.). Par ailleurs, à la même date, le site bilingue français-anglais de la BnF est à la fois solidement ancré dans le passé et résolument ouvert sur l’avenir, comme en témoigne le menu principal de la page d’accueil avec ses neuf rubriques: nouveau (à savoir les nouvelles manifestations culturelles), connaître la BnF, les actualités culturelles, les expositions virtuelles (quatre expositions en septembre 1998: les splendeurs persanes, le roi Charles V et son temps, naissance de la culture française, tous les savoirs du monde), des informations pratiques, l’accès aux catalogues de la BnF, l’information professionnelle (conservation, dépôt légal, produits bibliographiques, etc.), la bibliothèque en réseau (Francophonie, coopération nationale, coopération internationale, etc.), et les autres serveurs (bibliothèques nationales, bibliothèques françaises, universités, etc.). Enfin, bien en vue sur la page d’accueil, un logo permet d’accéder à Gallica. En mai 1998, la BnF revoit ses espérances à la baisse et modifie quelque peu ses orientations premières. Jérôme Strazzulla, journaliste, écrit dans Le Figaro du 3 juin 1998 que la BnF est «passée d’une espérance universaliste, encyclopédique, à la nécessité de choix éditoriaux pointus». Dans le même article, le président de la BnF, Jean-Pierre Angremy, rapporte la décision du comité éditorial de Gallica: «Nous avons décidé d’abandonner l’idée d’un vaste corpus encyclopédique de cent mille livres, auquel on pourrait sans cesse reprocher des trous. Nous nous orientons aujourd’hui vers des corpus thématiques, aussi complets que possibles, mais plus restreints. (...) Nous cherchons à répondre, en priorité, aux demandes des chercheurs et des lecteurs.» Le premier corpus aura trait aux voyages en France, avec mise en ligne prévue en 2000. Ce corpus rassemblera des textes, estampes et photographies du 16e siècle à 1920. Les corpus envisagés ensuite sont : Paris, les voyages en Afrique des origines à 1920, les utopies, et les mémoires des Académies des sciences de province. En 2003, Gallica donne accès à tous les documents libres de droit du fonds numérisé de la BnF, à savoir 70.000 ouvrages et 80.000 images allant du Moyen-Age au début du 20e siècle. Mais, de l’avis de nombreux usagers, les fichiers sont très lourds puisque les livres sont numérisés en mode image, et l’accès en est très long. Chose tout aussi problématique, la numérisation en mode image n’autorise pas la recherche textuelle alors que Gallica se trouve être la plus grande bibliothèque numérique francophone du réseau en nombre de titres disponibles en ligne. Seule une petite collection de livres (1.117 titres en février 2004) est numérisée en mode texte. En février 2005, Gallica compte 76.000 ouvrages. A la même date, la BnF annonce la mise en ligne prochaine (entre 2006 et 2009) de la presse française parue entre 1826 et 1944, à savoir 22 titres représentant 3,5 millions de pages. Début 2006, les premiers journaux disponibles en ligne sont Le Figaro (fondé en 1826), La Croix (fondée en 1883), L'Humanité (fondée en 1904) et Le Temps (fondé en 1861 et disparu en 1942). En décembre 2006, les collections comprennent 90.000 ouvrages numérisés (fascicules de presse compris), 80.000 images et des dizaines d'heures de ressources sonores. Gallica débute la conversion en mode texte des livres numérisés en mode image pour pour favoriser l'accès à leur contenu. = Online Books Page Certains se donnent pour tâche non pas de numériser des oeuvres mais, tout aussi utile, de répertorier celles qui sont en accès libre sur le web, en offrant au lecteur un point d’accès commun. C’est le cas de John Mark Ockerbloom, doctorant à l’Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis), qui crée l’Online Books Page pour recenser les oeuvres anglophones. Cinq ans plus tard, en septembre 1998, il relate: «J’étais webmestre ici pour la section informatique de la CMU (Carnegie Mellon University), et j’ai débuté notre site local en 1993. Il comprenait des pages avec des liens vers des ressources disponibles localement, et à l’origine l’Online Books Page était l’une de ces pages, avec des liens vers des livres mis en ligne par des collègues de notre département (par exemple Robert Stockton, qui a fait des versions web de certains textes du Projet Gutenberg). Ensuite les gens ont commencé à demander des liens vers des livres disponibles sur d’autres sites. J’ai remarqué que de nombreux sites (et pas seulement le Projet Gutenberg ou Wiretap) proposaient des livres en ligne, et qu’il serait utile d’en avoir une liste complète qui permette de télécharger ou de lire des livres où qu’ils soient sur l’internet. C’est ainsi que mon index a débuté. J’ai quitté mes fonctions de webmestre en 1996, mais j’ai gardé la gestion de l’Online Books Page, parce qu’entre temps je m’étais passionné pour l’énorme potentiel qu’a l’internet de rendre la littérature accessible au plus grand nombre. Maintenant il y a tant de livres mis en ligne que j’ai du mal à rester à jour. Je pense pourtant poursuivre cette activité d’une manière ou d’une autre. Je suis très intéressé par le développement de l’internet en tant que médium de communication de masse dans les prochaines années. J’aimerais aussi rester impliqué dans la mise à disposition gratuite de livres sur l’internet, que ceci fasse partie intégrante de mon activité professionnelle, ou que ceci soit une activité bénévole menée sur mon temps libre.» Fin 1998, John Mark Ockerbloom obtient son doctorat en informatique. En 1999, il rejoint l’Université de Pennsylvanie, où il travaille à la R&D (recherche et développement) de la bibliothèque numérique de l'université. A la même époque, il y transfère l’Online Books Page, tout en gardant la même présentation, très sobre, et il poursuit son travail d’inventaire dans le même esprit. Ce répertoire recense 20.000 textes électroniques en septembre 2003 et 25.000 textes électroniques en décembre 2006. Une autre initiative est celle de l’Internet Public Library (IPL). Créée en mars 1995 par l’Université du Michigan (Etats-Unis) dans le cadre de la School of Information and Library Studies, l’IPL se définit comme la première bibliothèque publique de l’internet sur l’internet, à savoir une bibliothèque sélectionnant, organisant et cataloguant les ressources disponibles sur l’internet, et n’existant elle-même que sur celui-ci. Cette bibliothèque publique d’un genre nouveau devient vite une référence. L’IPL recense de manière pratiquement exhaustive les livres (Online Texts, avec 22.500 titres en 2006), les journaux (Newspapers) et les magazines (Magazines) disponibles sur le web. Les livres sont essentiellement des oeuvres du domaine public. 7.2. Bibliothèques traditionnelles Qu’en est-il de l’internet dans les bibliothèques traditionnelles? La première bibliothèque présente sur le web est la Bibliothèque municipale d’Helsinki (Finlande), qui inaugure son site en février 1994. Des bibliothèques mettent sur pied des «cyberespaces» à destination de leurs lecteurs. D’autres bibliothèques font connaître les joyaux de leurs collections par le biais du web. Des bibliothèques nationales unissent leurs efforts pour créer un portail commun. Voici un récit succint de quelques réalisations très différentes. = ARPALS, en milieu rural Lancé en 1996, le site web de l’ARPALS a pour sous-titre: «Internet et multimédia aux champs, ou comment amener la culture en milieu rural». L’ARPALS (Amicale du regroupement pédagogique Armillac Labretonie Saint-Barthélémy) regroupe les 950 habitants de quatre villages (Armillac, Labretonie, Laperche et Saint-Barthélémy) sis dans le département du Lot-et-Garonne, dans le sud-ouest de la France. Le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) permet aux quatre villages de faire école commune afin d’éviter la fermeture de classes malheureusement fréquente en zone rurale. L’ARPALS met sur pied d’une part des animations (repas, kermesse, bal masqué), d’autre part une bibliothèque intercommunale de 1.300 livres en partenariat avec la Bibliothèque départementale de prêt (BDP) de Villeneuve-sur-Lot. Le site web présente une sélection de livres avec un résumé pour chacun d’eux. L’association crée aussi une médiathèque ouverte 22 heures par semaine pour un public allant de 3 à 76 ans. Quatre ordinateurs multimédias - complétés par deux imprimantes couleur et un scanner à plat - permettent la consultation de CD-Rom, le libre accès à l’internet et l’utilisation de logiciels bureautiques tels que Works, Dbase for Windows, Corel Draw, Publisher, PhotoPaint, etc. En juin 1998, Jean-Baptiste Rey, webmestre de l’ARPALS, précise: «Le but de notre site internet est de faire connaître l’existence de la médiathèque intercommunale de Saint-Barthélémy et ce que nous y faisons. C’est un moyen pour nous de démontrer l’utilité et l’intérêt de ce type de structure et la simplicité de l’usage des nouvelles technologies dans le cadre d’une bibliothèque. » C’est aussi un moyen de « pallier la faiblesse de notre fonds documentaire. Internet et le multimédia nous permettent d’offrir beaucoup plus de ressources et d’informations à nos usagers.» = Cyberespace des Nations Unies L’internet peut aussi relancer les bibliothèques traditionnelles. C’est le cas de la Bibliothèque de l’Organisation des Nations Unies à Genève (ONUG), sise dans l’imposant Palais des Nations, entre le Lac Léman et le quartier des organisations internationales. En juillet 1997, à l’initiative de Pierre Pelou, son directeur, la bibliothèque ouvre un cyberespace de 24 postes informatiques en libre accès avec plusieurs dizaines de CD-Rom en réseau et connexion à l’internet. Aménagé au premier étage de la bibliothèque par Antonio Bustamante, architecte au Palais des Nations, ce cyberespace est mis gratuitement à la disposition des représentants des missions permanentes, délégués de conférences, fonctionnaires internationaux, chercheurs, étudiants, journalistes, membres des professions libérales, ingénieurs et techniciens, sans sélection par le rang, chose assez rare dans ce milieu. Le premier arrivé est le premier servi. Les 24 stations du cyberespace comprennent chacune un ordinateur multimédia, un lecteur de CD-Rom et un casque individuel. Chaque groupe de trois ordinateurs est relié à une imprimante laser. Chaque station permet de consulter l’internet et sa messagerie électronique et d’utiliser le traitement de texte WordPerfect. Sont disponibles aussi les services suivants: 1) le système optique des Nations Unies; 2) un serveur regroupant une cinquantaine de CD-Rom en réseau; 3) la banque de données UNBIS (United Nations Bibliographic Information System), coproduite par les deux bibliothèques des Nations Unies à New York et à Genève; 4) le catalogue de la Bibliothèque de l’Office des Nations Unies à Genève; 5) Profound, un ensemble de banques de données économiques et commerciales; 6) RERO, le catalogue du Réseau romand des bibliothèques suisses (qui comprend le catalogue de la Bibliothèque des Nations Unies de Genève à titre de bibliothèque associée); 7) plusieurs CD-Rom multimédia (Encarta 97, L’Etat du monde, Elysée 2, Nuklear, etc.); 8) des vidéocassettes multistandards et des DVD présentant des programmes, films et documentaires sur l’action internationale et l’action humanitaire. Très rapidement, de l’avis du personnel, «la consultation électronique induit une plus grande consultation imprimée et un renforcement de toutes les formes de recherche». Dépassant les prévisions les plus optimistes, ce cyberespace joue le rôle de catalyseur, amenant un public nouveau, jeune, varié et enthousiaste à consulter les collections de la bibliothèque et à utiliser ses autres services. Suite au succès du premier cyberespace, un deuxième cyberespace ouvre en avril 1998, deux étages plus haut, avec six postes informatiques et une vue imprenable sur le lac Léman et la chaîne des Alpes. = Enluminures de la Bibliothèque de Lyon Nombre de bibliothèques recèlent des joyaux que l’internet permet de faire connaître. C'est le cas de la Bibliothèque municipale de Lyon qui, en 1998, décide de diffuser en ligne sa collection d’enluminures, en débutant par une collection numérique de 3.000 images, le but à terme étant une collection de 10.000 images émanant de 200 manuscrits et incunables s’échelonnant du 5e siècle à la Renaissance. Le système utilisé est le SGBI (Système de gestion de banques d’images) créé par la Maison de l’Orient à Lyon, sous l’égide du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et de l’Université Lyon 2. «Chaque document, signalé par son auteur, son titre et son siècle de réalisation, représente une entité, est-il expliqué sur le site web. Par un double clic sur l’entité choisie, on accède à un écran qui permet de feuilleter les images du document. Chaque écran peut comporter neuf imagettes, correspondant à des objets-images. Lorsque le document comporte davantage d’objets-images, des flèches permettent d’accéder aux objets-images suivants. Chaque objet-image peut comprendre plusieurs images, leur nombre étant indiqué sous chaque objet-image. Un double-clic sur une imagette permet de voir l’image agrandie. Dans une seconde étape, une interrogation multicritères sera possible.» Deux ans plus tard, en décembre 2000, le site web donne accès à la plus importante collection française d’enluminures médiévales, soit 12.000 images scannées dans 457 ouvrages précieux. Certains manuscrits et incunables sont à dominante religieuse: bibles, missels, bréviaires, pontificaux, livres d’heures, droit canon. D’autres, à dominante profane, traitent de philosophie, d’histoire, de littérature, de sciences, etc. Les images numérisées sont les peintures en pleine page et les miniatures, ainsi que les initiales ornées et les décors des marges. La bibliothèque poursuit ensuite la numérisation de ses collections iconographiques. Début 2003, plusieurs fonds spécialisés sont en accès libre sur le web: manuscrits, livres imprimés anciens, manuscrits autographes, collections locales (Lyon) et régionales (Rhône-Alpes), ésotérisme et franc-maçonnerie, fonds de la première guerre mondiale (1914-1918), estampes, affiches, livres d’artistes, photographies, fonds Lacassagne (père de l’Ecole lyonnaise d’anthropologie criminelle), fonds chinois, arts du spectacle, et enfin collection jésuite des Fontaines. = Gabriel, serveur européen Lancé en 1997, Gabriel - acronyme de: Gateway and Bridge to Europe’s National Libraries - est le serveur des bibliothèques nationales européennes, créé pour offrir un point d’accès unique à leurs services et collections. Le choix de ce nom «rappelle également les travaux de Gabriel Naudé, dont l’Advis pour dresser une bibliothèque (Paris, 1627) est le premier travail théorique en Europe sur les bibliothèques et qui constitue ainsi un point de départ sur les bibliothèques de recherche modernes. Le nom Gabriel est aussi employé dans de nombreuses langues européennes et vient de l’Ancien Testament, Gabriel étant l’un des archanges, ou messager céleste. Il est également présent dans le Nouveau Testament et dans le Coran.» Plus prosaïquement, le site trilingue (anglais, français, allemand) propose des liens hypertextes vers les services en ligne d’un certain nombre de bibliothèques nationales (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, San Marino, Suède, Suisse, Turquie et Vatican). Une rubrique informe des projets communs à plusieurs pays. La recherche sur Gabriel est possible par pays ou par type de services: OPAC (online public access catalogue), bibliographies nationales, catalogues collectifs nationaux, index de périodiques, serveurs web, gophers (à savoir des systèmes d’information à base de menus textuels à plusieurs niveaux), liste complète des services en ligne par bibliothèque. Comment Gabriel voit-il le jour? L’idée d’un site web commun aux bibliothèques nationales européennes naît en 1994 à Oslo (Norvège) lors de la réunion annuelle de la CENL (Conference of European National Librarians). En mars 1995, une nouvelle réunion rassemble les représentants de la Koninklijke Bibliotheek (Pays-Bas), de la British Library (Royaume-Uni) et de l’Helsinki University Library (Finlande). Après s’être mises d’accord sur un projet pilote, ces trois bibliothèques sont rejointes par trois autres bibliothèques nationales: Die Deusche Bibliothek (Allemagne), la Bibliothèque nationale de France et la Biblioteka Narodowa (Pologne). Le projet Gabriel est approuvé en septembre 1995 lors de la réunion annuelle de la CENL à Berne (Suisse). Un serveur pilote est lancé sur l’internet par la British Library, qui s’occupe ensuite de sa maintenance éditoriale avec la collaboration des Bibliothèques nationales de Finlande et des Pays-Bas. La seconde étape se déroule entre octobre 1995 et septembre 1996. Les bibliothèques nationales n’ayant pas participé à la phase pilote sont invitées à se joindre au projet. Entre-temps, nombre de bibliothèques nationales débutent leur propre site web. Lors de sa réunion à Lisbonne (Portugal) en septembre 1996, la CENL décide de lancer officiellement Gabriel à compter du 1er janvier 1997, la maintenance éditoriale étant assurée par la Bibliothèque nationale des Pays-Bas. En été 2005, Gabriel est intégré à la Bibliothèque européenne. Lancée dix-huit mois plus tôt, en janvier 2004, la Bibliothèque européenne est issue du projet TEL (Telematics & Electronic Libraries), un projet subventionné par la Commission européenne pendant trois ans, entre 2001 et 2003, pour étudier la faisabilité d’un service pan-européen donnant accès aux ressources disséminées dans toutes les bibliothèques nationales d’Europe. Ce portail commun est mis en ligne par la CENL et hébergé par la Bibliothèque nationale des Pays-Bas. Il offre un point d’accès unique aux catalogues de 18 bibliothèques nationales (Allemagne, Autriche, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Italie, Hongrie, Lettonie, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Serbie, Slovaquie, Slovénie et Suisse), avec accès (gratuit ou payant) aux documents électroniques de ces bibliothèques. S’y ajoutent les catalogues de la CENL et de l’ICCU (Instituto Centrale per il Catalogo Unico delle Bibliothece Italiane). Les collections des 25 autres bibliothèques nationales seront intégrées dans une phase ultérieure. La Bibliothèque européenne devrait également accueillir en son sein la future Bibliothèque numérique européenne, nouveau projet officiellement lancé en mars 2006. = De la conservation à la communication Face à un web encyclopédique et des bibliothèques numériques de plus en plus nombreuses, les jours des bibliothèques traditionnelles sont-ils comptés? La bibliothèque numérique menace-t-elle vraiment l’existence de la bibliothèque traditionnelle? En 1997 et 1998, plusieurs grandes bibliothèques expliquent sur leur site que, à côté d’un secteur numérique en pleine expansion, la communication physique des documents reste essentielle. Ces commentaires ont depuis disparu. La bibliothèque numérique rend enfin compatibles deux objectifs qui ne l’étaient guère, à savoir la conservation des documents et leur communication. Le document est numérisé une bonne fois pour toutes, et le grand public y a facilement accès. Au début des années 2000, toute bibliothèque traditionnelle quelque peu dynamique dispose de collections numériques, soit à usage interne, soit en accès libre sur le web. Les problèmes de bande passante s’estompent aussi. Après avoir proposé avec enthousiasme des images en pleine page très agréables à l’oeil mais excessivement longues à apparaître à l’écran, nombreux sont les sites qui optent ensuite pour des images de format réduit, avec possibilité de cliquer ou non sur ces images pour obtenir un format plus grand. Cette présentation est souvent restée la norme, même avec la généralisation de l’internet à débit rapide. Le passage du petit format ou grand format est désormais rapide sinon immédiat, à la grande satisfaction des iconographes, photographes et autres amateurs d’images. La raison d’être des bibliothèques nationales est de préserver un patrimoine accumulé au fil des siècles : manuscrits, incunables, livres imprimés, journaux, périodiques, gravures, affiches, partitions musicales, images, photos, films, etc. Ceci n’est pas près de changer. Si le fait de disposer de supports numériques favorise la communication, il faut bien un endroit pour stocker les documents physiques originaux, à commencer par les Bibles de Gutenberg. Les bibliothèques nationales archivent d’ailleurs aussi les documents électroniques et les pages web. A la Bibliothèque nationale de France (BnF) par exemple, il a été décidé de collecter et d’archiver les sites dont le nom de domaine se termine en .fr, ou encore les sites dédiés aux campagnes électorales, d’abord pour les présidentielles de 2002, puis pour les législatives de 2004, et enfin pour les présidentielles et les législatives de 2007, en archivant et collectant les sites institutionnels, les sites et blogs officiels des candidats, les sites d’analyses, les sites des médias traditionnels, les sites d’associations et de syndicats, etc. Les bibliothèques publiques ne semblent pas près de disparaître non plus. Malgré la curiosité suscitée par le livre numérique, les lecteurs assurent le plus souvent qu’ils ne sont pas prêts à lire Zola ou Proust à l’écran. Question de génération peut-être. Les enfants ayant appris à lire directement à l’écran ne verront peut-être aucun problème à lire des livres en ligne sur des supports électroniques en tous genres. Si les bibliothèques nationales et les bibliothèques publiques restent toujours utiles, la situation est différente pour les bibliothèques spécialisées. Dans nombre de domaines où l’information la plus récente est primordiale, on s’interroge maintenant sur la nécessité d’aligner des documents imprimés sur des rayonnages, alors qu’il est tellement plus pratique de rassembler, stocker, archiver, organiser, cataloguer et diffuser des documents électroniques, et de les imprimer seulement à la demande. 7.3. Du bibliothécaire au cyberthécaire En trois décennies, le bibliothécaire-documentaliste a vu son activité professionnelle frappée de plein fouet par l’informatique puis par l’internet. Comment la transition s’est-elle passée ? = Bibliothécaires et internet Selon Olivier Bogros, directeur de la Bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie), interviewé en juin 1998, l’internet est «un outil formidable d’échange entre professionnels (tout ce qui passe par le courrier électronique, les listes de diffusion et les forums) (...). C’est aussi pour les bibliothèques la possibilité d’élargir leur public en direction de toute la Francophonie. Cela passe par la mise en ligne d’un contenu qui n’est pas seulement la mise en ligne du catalogue, mais aussi et surtout la constitution de véritables bibliothèques virtuelles.» L’internet est un outil de communication sans précédent. La liste de diffusion Biblio-fr est créée en 1993 par Hervé Le Crosnier, professeur à l’Université de Caen (Normandie) à l’intention des «bibliothécaires et documentalistes francophones et [de] toute personne intéressée par la diffusion électronique de l’information documentaire». La liste se veut le regard francophone des documentalistes sur les questions soulevées par le développement de l’internet, par exemple «la diffusion de la connaissance, l’organisation de collections de documents électroniques, la maintenance et l’archivage de l’écrit électronique». Biblio-fr compte 3.329 abonnés le 20 décembre 1998 et 15.136 abonnés le 20 avril 2007. Une autre liste de diffusion est ADBS-info, gérée par l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS), avec 7.699 abonnés le 20 avril 2007. Des portails sont créés à l’intention des bibliothèques, par exemple Biblio On Line. Jean-Baptiste Rey, son rédacteur et webmestre, relate en juin 1998: «Le site dans sa première version a été lancé en juin 1996. Une nouvelle version (l’actuelle) a été mise en place à partir du mois de septembre 1997. Le but de ce site est d’aider les bibliothèques à intégrer internet dans leur fonctionnement et dans les services qu’elles offrent à leur public. Le service est décomposé en deux parties: a) une partie "professionnelle" où les bibliothécaires peuvent retrouver des informations professionnelles et des liens vers les organismes, les institutions, et les projets et réalisations ayant trait à leur activité; b) une partie comprenant annuaire, mode d’emploi de l’internet, villes et provinces, etc... permet au public des bibliothèques d’utiliser le service Biblio On Line comme un point d’entrée vers internet.» Le site de l’ENSSIB (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) héberge la version électronique du Bulletin des bibliothèques de France (BBF), une revue professionnelle bimensuelle dans laquelle «professionnels et spécialistes de l’information discutent de toutes les questions concernant la politique et le développement des bibliothèques et des centres de documentation: évolution par secteur, grands projets, informatisation, technologies de l’information, écrits électroniques, réseaux, coopération, formation, gestion, patrimoine, usagers et publics, livre et lecture...» Annie Le Saux, rédactrice de la revue, relate en juillet 1998: «C’est en 1996 que le BBF a commencé à paraître sur internet (les numéros de 1995). (...) Nous nous servons beaucoup du courrier électronique pour prendre contact avec nos auteurs et pour recevoir leurs articles. Cela diminue grandement les délais. Nous avons aussi recours au web pour prendre connaissance des sites mentionnés lors de colloques, vérifier les adresses, retrouver des indications bibliographiques dans les catalogues des bibliothèques...» Avec cette manne documentaire qu’offre désormais l’internet, que vont devenir les bibliothécaires-documentalistes? Vont-ils devenir des cyberthécaires, ou bien vont-ils progressivement disparaître parce que les usagers n’auront tout simplement plus besoin d’eux? Le métier de bibliothécaire n'en est pas à sa première transformation. L’apparition de l'informatique permet au bibliothécaire de remplacer des catalogues de fiches sur bristol par des catalogues consultables à l’écran, avec un classement alphabétique ou systématique effectué non plus par lui-même mais par la machine. L'informatisation du prêt et de la gestion des commandes fait disparaître l’impressionnant stock de fiches et bordereaux nécessaires lors des opérations manuelles. L’informatique en réseau permet ensuite la gestion de catalogues collectifs regroupant dans une même base de données les catalogues des bibliothèques de la même région, du même pays ou de la même spécialité, entraînant du même coup des services très facilités pour le prêt inter-bibliothèques et le regroupement des commandes auprès des fournisseurs. Puis les bibliothèques ouvrent un serveur minitel pour la consultation de leur catalogue, désormais disponible au domicile du lecteur. Ces catalogues sont progressivement transférés sur l’internet, avec une consultation plus souple et plus attractive que sur minitel. Outre un catalogue, les sites web des bibliothèques offrent un ensemble de documents numérisés ou encore un choix de liens hypertextes vers d’autres sites, évitant ainsi aux usagers de se perdre sur la toile. = Quelques expériences Il ne semble donc pas que la profession soit en danger, au contraire. Piloter les usagers sur l’internet, filtrer et organiser l’information à leur intention, créer et gérer un site web, rechercher des documents dans des bases de données spécialisées, telles sont désormais les tâches de nombreux bibliothécaires. Le bibliothécaire devient cyberthécaire, comme en témoignent diverses expériences relatées au fil des ans, par Peter Raggett en 1998, Bruno Didier en 1999, Bakayoko Bourahima et Emmanuel Barthe en 2000, et Anissa Rachef en 2001. Peter Raggett est directeur du centre de documentation et d’information (CDI) de l’OCDE. Située à Paris, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) regroupe trente pays membres. Au noyau d’origine, constitué des pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, viennent s’ajouter le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Mexique, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Corée. Réservé aux fonctionnaires de l’organisation, le centre de documentation permet la consultation de quelque 60.000 monographies et 2.500 périodiques imprimés. En ligne depuis 1996, les pages intranet du CDI deviennent une source d’information essentielle pour le personnel. «Je dois filtrer l’information pour les usagers de la bibliothèque, ce qui signifie que je dois bien connaître les sites et les liens qu’ils proposent, explique Peter Raggett en juin 1998. J’ai sélectionné plusieurs centaines de sites pour en favoriser l’accès à partir de l’intranet de l’OCDE. Cette sélection fait partie du bureau de référence virtuel proposé par la bibliothèque à l’ensemble du personnel. Outre de nombreux liens, ce bureau de référence contient des pages recensant les articles, monographies et sites web correspondant aux différents projets de recherche en cours à l’OCDE, l’accès en réseau aux CD-Rom et une liste mensuelle des nouveaux titres.» Comment voit-il l’avenir de la profession? «L’internet offre aux chercheurs un stock d’informations considérable. Le problème pour eux est de trouver ce qu’ils cherchent. Jamais auparavant on n’avait senti une telle surcharge d’informations, comme on la sent maintenant quand on tente de trouver un renseignement sur un sujet précis en utilisant les moteurs de recherche disponibles sur l’internet. A mon avis, les bibliothécaires auront un rôle important à jouer pour améliorer la recherche et l’organisation de l’information sur le réseau. Je prévois aussi une forte expansion de l’internet pour l’enseignement et la recherche. Les bibliothèques seront amenées à créer des bibliothèques numériques permettant à un étudiant de suivre un cours proposé par une institution à l’autre bout du monde. La tâche du bibliothécaire sera de filtrer les informations pour le public. Personnellement, je me vois de plus en plus devenir un bibliothécaire virtuel. Je n’aurai pas l’occasion de rencontrer les usagers, ils me contacteront plutôt par courriel, par téléphone ou par fax, j’effectuerai la recherche et je leur enverrai les résultats par voie électronique.» En 1999, Bruno Didier est bibliothécaire à l’Institut Pasteur (Paris), une fondation privée dont le but est la prévention et le traitement des maladies infectieuses par la recherche, l’enseignement et des actions de santé publique. Séduit par les perspectives qu’offre le réseau pour la recherche documentaire, Bruno Didier crée le site web de la bibliothèque en 1996 et devient son webmestre. «Le site web de la bibliothèque a pour vocation principale de servir la communauté pasteurienne, relate-t-il en août 1999. Il est le support d’applications devenues indispensables à la fonction documentaire dans un organisme de cette taille: bases de données bibliographiques, catalogue, commande de documents et bien entendu accès à des périodiques en ligne. C’est également une vitrine pour nos différents services, en interne mais aussi dans toute la France et à l’étranger. Il tient notamment une place importante dans la coopération documentaire avec les instituts du réseau Pasteur à travers le monde. Enfin j’essaie d’en faire une passerelle adaptée à nos besoins pour la découverte et l’utilisation d’internet. (...) Je développe et maintiens les pages du serveur, ce qui s’accompagne d’une activité de veille régulière. Par ailleurs je suis responsable de la formation des usagers, ce qui se ressent dans mes pages. Le web est un excellent support pour la formation, et la plupart des réflexions actuelles sur la formation des usagers intègrent cet outil.» Son activité professionnelle a changé de manière radicale, tout comme celle de ses collègues. «C’est à la fois dans nos rapports avec l’information et avec les usagers que les changements ont eu lieu, explique-t-il. Nous devenons de plus en plus des médiateurs, et peut-être un peu moins des conservateurs. Mon activité actuelle est typique de cette nouvelle situation: d’une part dégager des chemins d’accès rapides à l’information et mettre en place des moyens de communication efficaces, d’autre part former les utilisateurs à ces nouveaux outils. Je crois que l’avenir de notre métier passe par la coopération et l’exploitation des ressources communes. C’est un vieux projet certainement, mais finalement c’est la première fois qu’on dispose enfin des moyens de le mettre en place.» En 2000, Bakayoko Bourahima est responsable de la bibliothèque de l’ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée) d’Abidjan, un établissement qui assure la formation de statisticiens pour les pays africains d’expression française. Le site web de l’ENSEA est mis en ligne en avril 1999 dans le cadre du réseau REFER, mis sur pied par l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) pour desservir la communauté scientifique et technique en Europe de l’Est, en Asie et en Afrique (24 pays participants en 2002). Bakayoko Bourahima s’occupe de la gestion de l’information scientifique et technique et de la diffusion des travaux publiés par l’Ecole. En ce qui concerne l’internet, «mon service a eu récemment des séances de travail avec l’équipe informatique pour discuter de l’implication de la bibliothèque dans l’animation du site, relate-t-il en juillet 2000. Le service de la bibliothèque travaille aussi à deux projets d’intégration du web pour améliorer ses prestations. (...) J’espère bientôt pouvoir mettre à la disposition de mes usagers un accès internet pour l’interrogation de bases de données. Par ailleurs, j’ai en projet de réaliser et de mettre sur l’intranet et sur le web un certain nombre de services documentaires (base de données thématique, informations bibliographiques, service de références bibliographiques, bulletin analytique des meilleurs travaux d’étudiants...). Il s’agit donc pour la bibliothèque, si j’obtiens les financements nécessaires pour ces projets, d’utiliser pleinement l’internet pour donner à notre école un plus grand rayonnement et de renforcer sa plateforme de communication avec tous les partenaires possibles. En intégrant cet outil au plan de développement de la bibliothèque, j’espère améliorer la qualité et élargir la gamme de l’information scientifique et technique mise à la disposition des étudiants, des enseignants et des chercheurs, tout en étendant considérablement l’offre des services de la bibliothèque.» En 2000, Emmanuel Barthe est documentaliste juridique et responsable informatique de Coutrelis & Associés, un cabinet d’avocats parisien. «Les principaux domaines de travail du cabinet sont le droit communautaire, le droit de l’alimentation, le droit de la concurrence et le droit douanier, écrit-il en octobre 2000. Je fais de la saisie indexation, et je conçois et gère les bases de données internes. Pour des recherches documentaires difficiles, je les fais moi-même ou bien je conseille le juriste. Je suis aussi responsable informatique et télécoms du cabinet : conseils pour les achats, assistance et formation des utilisateurs. De plus, j’assure la veille, la sélection et le catalogage de sites web juridiques: titre, auteur et bref descriptif. Je suis également formateur internet juridique aussi bien à l’intérieur de mon entreprise qu’à l’extérieur lors de stages de formation.» Emmanuel Barthe est aussi le modérateur de Juriconnexion, une liste de discussion créée par l’association du même nom. «L’association Juriconnexion a pour but la promotion de l’électronique juridique, c’est-à-dire la documentation juridique sur support électronique et la diffusion des données publiques juridiques. Elle organise des rencontres entre les utilisateurs et les éditeurs juridiques (et de bases de données), ainsi qu’une journée annuelle sur un thème. Vis-à-vis des autorités publiques, Juriconnexion a un rôle de médiateur et de lobbying à la fois. L’association, notamment, est favorable à la diffusion gratuite sur internet des données juridiques produites par le Journal officiel et les tribunaux. Les bibliothécaires-documentalistes juridiques représentent la majorité des membres de l’association, suivis par certains représentants des éditeurs et des juristes.» En 2001, Anissa Rachef est bibliothécaire et professeur à l’Institut français de Londres. Présents dans nombre de pays, les instituts français sont des organismes officiels proposant des cours et manifestations culturelles. A Londres, 5.000 étudiants environ s'inscrivent aux cours chaque année. Inaugurée en mai 1996, la médiathèque utilise l’internet dès sa création. «L’objectif de la médiathèque est double, explique Anissa Rachef en avril 2001. Servir un public s’intéressant à la culture et la langue françaises et "recruter" un public allophone en mettant à disposition des produits d’appel tels que vidéos documentaires, livres audio, CD-Rom. La mise en place récente d’un espace multimédia sert aussi à fidéliser les usagers. L’installation d’un service d’information rapide a pour fonction de répondre dans un temps minimum à toutes sortes de questions posées via le courrier électronique, ou par fax. Ce service exploite les nouvelles technologies pour des recherches très spécialisées. Nous élaborons également des dossiers de presse destinés aux étudiants et professeurs préparant des examens de niveau secondaire. Je m’occupe essentiellement de catalogage, d’indexation et de cotation. (...) J’utilise internet pour des besoins de base. Recherches bibliographiques, commande de livres, courrier professionnel, prêt inter-bibliothèques. C’est grâce à internet que la consultation de catalogues collectifs, tels SUDOC (Système universitaire de documentation) et OCLC (Online Computer Library Center), a été possible. C’est ainsi que j’ai pu mettre en place un service de fourniture de documents extérieurs à la médiathèque. Des ouvrages peuvent désormais être acheminés vers la médiathèque pour des usagers ou bien à destination des bibliothèques anglaises.» 7.4. Dans la lignée de Handicapzéro L’existence de bibliothèques numériques représente un tournant important pour l’accès des personnes handicapées au livre, par exemple les personnes ayant un problème visuel, à savoir 10% de la population, ou encore les personnes à motricité réduite, par exemple celles qui ne peuvent tenir un livre dans les mains ou bien tourner les pages. Pour la première fois, elles peuvent accéder à de nombreux titres du patrimoine scientifique et littéraire, et non plus seulement à un pourcentage infime, et elles peuvent accéder aux nouveautés sans devoir attendre des mois sinon des années. = Premiers pas Un département de la Library of Congress, le NLS (National Library Service for the Blind and Physically Handicapped), lance en août 1999 un serveur permettant aux personnes handicapées visuelles de télécharger des livres, soit au format BRF (braille format) pour une lecture sur plage braille ou une impression sur imprimante braille, soit au format DAISY (digital accessible information system) pour une écoute sur synthèse vocale. A l’ouverture du service, 3.000 livres sont disponibles pour téléchargement ou consultables en ligne. Ce service fournit aussi un synthétiseur de parole, qui est un logiciel permettant de désagréger le texte pour lecture sur synthèse vocale. Les collections du NLS comptent 4.700 titres en septembre 2003. De son côté, l’association Recording For the Blind & Dyslexic (RFB&D) enregistre 4.000 titres par an avec l’aide de 5.000 volontaires officiant dans 32 studios d’enregistrement répartis dans tout le pays. Elle est la plus grande association de ce type aux Etats-Unis. En 2002, la RFB&D débute la numérisation de ses collections au format DAISY. 6.000 livres audionumériques sont disponibles sur CD-Rom en septembre 2002, et 37.500 livres cinq ans plus tard, en septembre 2007. Les transcriptions en braille peuvent être rapides quand existent à la fois la motivation et les moyens. Le quatrième volet de la série best-seller de Joanne K. Rowling, Harry Potter and the Goblet of Fire, est publié par la National Braille Press (NBP) en juillet 2000, vingt jours seulement après sa sortie en librairie, avec un premier tirage de 500 exemplaires. Si les 734 pages du livre «standard» publié par Scholastic donnent 1.184 pages en braille, le prix du livre braille n’est pas plus élevé, souligne la NBP. Ce court délai est dû à deux facteurs. D’une part, Scholastic fournit le fichier électronique, une initiative dont d’autres éditeurs feraient bien de s’inspirer. D’autre part, les 31 membres de l’équipe de la NBP travaillent sans relâche pendant quinze jours. Comme pour les autres titres de la NBP, le livre est également disponible au format PortaBook, à savoir un fichier en braille informatique abrégé stocké sur disquette, pour lecture sur un lecteur braille portable ou au moyen d’un logiciel braille. Sept ans plus tard, en juillet 2007, le septième et dernier opus de la série, Harry Potter and the Deathly Hallows, est disponible chez Bookshare.org 4 heures et 20 minutes après la parution officielle le 21 juillet à minuit et une minute, le temps de scanner le livre et de mettre en forme les fichiers numériques. Dans de nombreux pays, malgré l’existence d’un matériel informatique adapté, l’édition braille reste encore confidentielle sinon clandestine, le problème des droits d’auteur sur les transcriptions n’étant pas résolu. Les livres en gros caractères et sur cassettes sont eux aussi peu nombreux par rapport aux milliers de titres paraissant chaque année, malgré les efforts dispensés par les éditeurs spécialisés et les organismes bénévoles. Directeur de la communication de l’association Handicapzéro, Patrice Cailleaud explique en janvier 2001 que, si le livre numérique est «une nouvelle solution complémentaire aux problèmes des personnes aveugles et malvoyantes, (...) les droits et autorisations d’auteurs demeurent des freins pour l’adaptation en braille ou caractères agrandis d’ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues et n’aboutissent que trop rarement.» D’où la nécessité impérieuse de lois nationales et d’une loi internationale du droit d’auteur pour les personnes atteintes de déficience visuelle. Richard Chotin, professeur à l’Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille, relate en mai 2001: «Ma fille vient d’obtenir la deuxième place à l’agrégation de lettres modernes. Un de ses amis a obtenu la maîtrise de conférence en droit et un autre a soutenu sa thèse de doctorat en droit également. Outre l’aspect performance, cela prouve au moins que, si les aveugles étaient réellement aidés (tous les aveugles n’ont évidemment pas la chance d’avoir un père qui peut passer du temps et consacrer de l’argent) par des méthodes plus actives dans la lecture des documents (obligation d’obtenir en braille ce qui existe en "voyant" notamment), le handicap pourrait presque disparaître.» Entérinée à la même date, la directive 2001/29/CE de la Commission européenne sur «l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information» - plus simplement appelée directive EUCD (European Union Copyright Directive) - insiste dans son article 43 sur la nécessité pour les Etats membres d’adopter «toutes les mesures qui conviennent pour favoriser l’accès aux oeuvres pour les personnes souffrant d’un handicap qui les empêche d’utiliser les oeuvres elles-mêmes, en tenant plus particulièrement compte des formats accessibles». C'est chose faite les années suivantes. En France par exemple, la loi du 1er août 2006 sur le droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information - plus simplement appelée loi DADVSI - prévoit l'exception au droit d'auteur en faveur des personnes handicapées, exception qui permet d'adapter à moindre coût des oeuvres originales en fonction de certains handicaps pour offrir des version numériques, des versions audio, etc. En partenariat avec plusieurs organismes (associations, établissements d’enseignement spécialisé, éditeurs), l'association BrailleNet - fondée en 1997 par Dominique Burger - crée en novembre 2001 le serveur Hélène pour l'édition adaptée, afin de proposer en accès restreint des livres numériques permettant des impressions en braille ou en gros caractères. Ces livres sont des oeuvres littéraires récentes, des documentations techniques, des ouvrages scientifiques, des manuels scolaires et des supports de cours adaptés, ainsi que des livres du domaine public. Développé en partenariat avec l’INRIA Rhône-Alpes (INRIA: Institut national de recherche en informatique et en automatique) et soutenu par la Direction du livre et de la lecture (Ministère de la culture et de la communication), le serveur comprend 2.700 titres en août 2007, dont 70% de livres sous droits. Les fichiers numériques sont utilisés par 67 centres de transcription spécialisés situés en France et dans la Francophonie. En parallèle, la Bibliothèque Hélène ouvre en janvier 2006 à l'intention des lecteurs déficients visuels, avec des livres pour la jeunesse, suivis ensuite d'ouvrages de littérature générale. Les collections comptent 1 200 livres, dont la moitié du domaine public. Catherine Desbuquois, gestionnaire de la bibliothèque, explique en août 2007: «Le catalogue de la bibliothèque Hélène progresse au rythme de la bonne volonté des éditeurs, qui commencent à envisager les avantages du droit de prêt numérique, mais c'est un long travail de pédagogie.» L'inscription est gratuite sur présentation d'un certificat médical. A ce stade, la lecture est possible uniquement sur le bloc-notes braille Iris de la société Eurobraille, qui coûte entre 6.595 euros et 11.910 euros selon les modèles (prix d'août 2007), et dont le parc compte 700 unités seulement dans toute l'Europe (en 2006). De ce fait, la bibliothèque touche un public réduit, avec 123 lecteurs actifs et 217 lecteurs inscrits. «L'écart significatif entre le nombre de lecteurs inscrits et le nombre de lecteurs actifs tient au fait que beaucoup de personnes intéressées par la lecture numérique - mais non équipées d'Iris - se sont inscrites dans l'attente de la mise en place du nouveau mode de lecture sécurisé (PDF) auquel travaillent BrailleNet et la société Adobe (France).» (extrait d'un document statistique de BrailleNet) Ce nouveau mode de lecture est sécurisé au moyen d'un certificat numérique individuel déposé sur un eToken, à savoir un système d'authentification sur clé USB. Disponible à l'automne 2007, il permet d'augmenter la fréquentation de la bibliothèque puisqu'une plateforme spécifique n'est plus nécessaire. = Bookshare.org Lancé par Benetech en 2002, Bookshare.org est à ce jour la plus grande bibliothèque numérique mondiale destinée aux personnes ayant un problème visuel, et son modèle est envié dans de nombreux pays. Benetech est une société de la Silicon Valley (Californie) qui se donne pour objectif de mettre les technologies au service de tous les êtres humains, et pas seulement de quelques-uns. Dès ses débuts en 2001, Benetech décide de créer une grande bibliothèque numérique à l'intention des personnes aveugles et malvoyantes résidant aux Etats-Unis. L’idée étant que, à l’heure du numérique, il est beaucoup plus rapide et économique de scanner les livres récents plutôt que de les enregister sur cassettes (version audio) ou de les transcrire en braille embossé (version imprimée). Le temps nécessaire se compte en heures ou en jours, et non plus en semaines ou en mois. Et le coût se trouve réduit de 75%. Bookshare.org est mis en ligne en février 2002. Après avoir soumis la preuve écrite de leur handicap et s’être acquittés de la somme de 25 dollars pour l’inscription, les adhérents ont accès à la bibliothèque moyennant un abonnement annuel de 50 dollars. Scannés par une centaine de volontaires, les 7.620 titres disponibles au départ sont proposés en deux formats, BRF et DAISY. L’initiative de Bookshare.org constitue une avancée considérable. L’objectif de l’association est assez différent de celui du NLS ou du RFB&D, dont le nombre de titres est très inférieur et dont les textes sont enregistrés par des narrateurs sous contrat (NLS) ou par des volontaires (RFB&D), avec un processus de contrôle garantissant une qualité optimale et entraînant un coût assez élevé par livre. Dans le cas de Bookshare.org, le but est de proposer une grande bibliothèque de livres scannés à moindre coût au lieu d’une petite bibliothèque de livres de grande qualité. Il faut compter entre deux et quatre heures pour scanner le livre, le convertir en texte grâce à un logiciel OCR, puis vérifier le fichier électronique obtenu pour s'assurer qu'aucune page n'a été oubliée et que les paragraphes sont distincts les uns des autres. Un second volontaire vérifie ensuite que les informations relatives au livre (auteur, titre, date, copyright) sont correctes et corrige éventuellement le fichier numérique au regard du livre original, en fonction du temps qu’il souhaite y consacrer. Un logiciel convertit enfin le livre aux formats BRF et DAISY. L’association distingue trois niveaux de qualité pour le livre numérisé: excellent (pratiquement sans erreur), bon (avec quelques erreurs) et correct (avec beaucoup d’erreurs, mais lisible), ceci en fonction de la qualité du logiciel OCR utilisé. Le coût de production est estimé à 6 dollars US pour un roman et 50 dollars pour un manuel d'enseignement dont le contenu est entièrement vérifié au regard de l'original. Si, jusque-là, moins de 5% des titres publiés aux Etats-Unis sont disponibles en version braille ou en version audio, la seule limite devient celle du nombre de volontaires scannant les livres. Nombreux sont ceux qui scannent déjà des livres à titre privé, pour un usage personnel ou pour un membre de leur famille aveugle ou malvoyant. L’association les incite donc à envoyer leurs fichiers et à grossir les rangs de l’équipe actuelle, afin de proposer à terme plusieurs dizaines de milliers de livres, y compris toutes les nouveautés. Le nombre de livres et de volontaires augmente rapidement. En un an, de février 2002 à février 2003, le catalogue passe de 7.620 livres à 11.500 livres, et le nombre de volontaires de 100 à 200 personnes. Le catalogue comprend 14.000 livres en août 2003, 17.000 livres en février 2004, 20.000 livres en janvier 2005, 23.000 livres en juillet 2005 et 30.000 livres en décembre 2006. 5.000 nouveaux livres sont ajoutés au cours de l’année 2006, avec un rythme de 100 livres par semaine. En mars 2005, Bookshare.org débute des collections en espagnol, la deuxième langue du pays, avec un fonds initial de 500 livres, qui passe à 1.000 livres en décembre 2006. A la même date, la bibliothèque compte 5.000 adhérents. Bookshare.org propose aussi des oeuvres du domaine public en téléchargement libre. Accessibles à tous, abonnés ou non, ces oeuvres sont disponibles en quatre formats: HTML, TXT, BRF et DAISY. Toujours en tête de file lorsqu’il s’agit de lecture pour tous, le Projet Gutenberg met à la disposition de l’association l’ensemble de ses collections. En juillet 2002, Bookshare.org passe un partenariat avec le service Braille Press du Braille Institute of America pour proposer des éditions en braille embossé à toute personne résidant aux Etats-Unis, moyennant un coût modique. Les transcripteurs et correcteurs de la Braille Press produisent 13 millions de pages par an à destination des écoles, des entreprises, des agences gouvernementales et des particuliers. En février 2003, Bookshare.org s’associe avec la société Pulse Data pour que ses livres puissent être facilement téléchargés sur le BrailleNote, un assistant personnel destiné aux personnes malvoyantes. En février 2004, Bookshare.org lance diverses formules d’inscription à destination des écoles et des groupes. En avril 2004, l'association LightHouse International débute une collection de livres sur l’emploi et le développement professionnel à l'intention des membres de la bibliothèque. En 2005, Bookshare.org procure un logiciel de synthèse vocale lors de l’inscription. Il s’agit du Victor Reader de la société HumanWare (qui remplace Pulse Data en janvier 2005). Bookshare.org n’aurait pu voir le jour sans la volonté bien ancrée de l’équipe de faire appliquer un amendement spécifique de la loi sur le copyright, le 1996 Chafee Amendment (U.S. Copyright Law, 17 U.S.C. § 121). Cet amendement autorise la distribution d’oeuvres littéraires dans des formats adaptés, et ce auprès des personnes handicapées visuelles, des personnes souffrant d’un handicap de lecture (par exemple la dyslexie) et des personnes à motricité réduite (par exemple les personnes ne pouvant tourner les pages d'un livre). Toute version numérique doit obligatoirement inclure la mention du copyright, avec le nom de l’éditeur détenteur des droits et la date originale de publication. De plus, dès sa phase initiale, Bookshare.org s’assure du soutien de l’Association of American Publishers (AAP), et prend en compte les diverses remarques faites par l’AAP et plusieurs éditeurs. Le fait que les livres ne puissent être utilisés que par la communauté concernée est strictement appliqué, avec un système adapté de gestion des droits numériques - fichiers encryptés, empreintes digitales, autres procédures de contrôle - et les infractions sont immédiatement sanctionnées. De plus, plusieurs éditeurs et auteurs donnent à Bookshare.org le droit de mettre leurs livres à la disposition de ses adhérents. C’est le cas par exemple de O’Reilly Media, éditeur de manuels informatiques et de livres sur les technologies qui, en mars 2003, passe un accord avec Bookshare.org pour que ses livres soient intégrés aux collections dès publication et convertis aux formats BRF et DAISY. En mars 2006, suite à une phase pilote menée depuis 2004, Bookshare.org s’associe officiellement avec la National Federation of the Blind (NFB) pour proposer la lecture vocale de 125 journaux et magazines régionaux et nationaux. Cette lecture était jusque-là réservée aux adhérents de la NFB, et possible uniquement par téléphone au moyen d’une synthèse vocale. Les membres de Bookshare.org peuvent désormais lire ces périodiques sur leur ordinateur. 150 titres sont disponibles en décembre 2006. En mai 2007, Benetech lance un service international. 15% des collections - 4 600 livres en anglais et 600 livres en espagnol - sont disponibles à l'intention des personnes ayant un problème similaire dans d'autres pays. Qu’en est-il de Benetech, la société fondatrice de Bookshare.org? Benetech est fondé en 2001 par Jim Fruchterman, pour prendre la suite d’Arkenstone, une société spécialisée dans les appareils de lecture pour personnes aveugles. Benetech conçoit, développe et met en oeuvre des technologies novatrices au service du handicap, des droits humains, de l’alphabétisation, de l’éducation et de la fracture numérique. Pour tous les projets qu'elle lance, la société privilégie un retour sur investissement plus social que financier. Après avoir lancé Bookshare.org, Benetech lance notamment Route 66, un logiciel de lecture pour l’alphabétisation des adultes, et Martus, un logiciel sécurisé permettant de recenser les atteintes aux droits de l’homme. = Handicapzéro Dans la Francophonie, l’association la plus active dans ce domaine est Handicapzéro, qui a pour but d’améliorer l’autonomie des personnes handicapées visuelles, à savoir 10% de la population francophone. L'association est créée en 1987 à partir du constat suivant: l’information visuelle est omniprésente, mais les personnes aveugles et malvoyantes n’y ont pas accès. En France par exemple, une personne sur mille est aveugle, une personne sur cent est malvoyante et une personne sur deux a des problèmes de vue. Selon le Programme de prévention de la cécité publié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2001, on dénombre 1,5 million de déficients visuels, dont 112.000 personnes aveugles et 250.000 personnes dont l'acuité visuelle est en dessous de 4 dizièmes. Mis en ligne en septembre 2000, le site web de l’association devient rapidement le site adapté le plus visité, avec 10.000 requêtes mensuelles. Suite à cette première expérience réussie, l’association lance en février 2003 un portail généraliste offrant en accès libre l’information nationale et internationale en temps réel (en partenariat avec l’Agence France-Presse), l’actualité sportive (avec le journal L’Equipe), les programmes de télévision (avec le magazine Télérama), la météo (avec Météo France) et un moteur de recherche (avec Google), ainsi que toute une gamme de services dans les domaines de la santé, de l’emploi, de la consommation, des loisirs, des sports et de la téléphonie. Les personnes aveugles peuvent accéder au site au moyen d’une plage braille ou d’une synthèse vocale. Les personnes malvoyantes peuvent paramétrer leur propre «confort de lecture», à savoir la taille et la police des caractères ainsi que la couleur du fond d’écran pour une navigation confortable, en créant puis en modifiant leur profil selon leur potentiel visuel. Ce profil est utilisable pour la lecture de n’importe quel texte situé sur le web, en faisant un copier-coller dans la fenêtre prévue à cet effet. Les personnes voyantes peuvent correspondre en braille avec des aveugles par le biais du site, l’association assurant gratuitement la transcription et l’impression braille des courriers (4.000 caractères maximum) ainsi que leur expédition par voie postale dans les pays de l’Union européenne. Handicapzéro entend ainsi démontrer «que, sous réserve du respect de certaines règles élémentaires, l’internet peut devenir enfin un espace de liberté pour tous». L’association permet aussi à l’internaute de recevoir directement à son domicile un document adapté à ses besoins, en braille, en caractères agrandis ou en audio. 80.000 documents sont édités en braille et en caractères agrandis en 2005, et 90.000 documents en 2006, avec un champ d’action dans 15 pays. Par le biais du site ou à partir du numéro vert de l’association, 20.000 personnes en 2005 et 25.000 personnes en 2006 bénéficient gratuitement des services de plus de 200 collectivités et entreprises partenaires. Le site reçoit la visite de 200.000 visiteurs par mois. En octobre 2006, le portail adopte une nouvelle présentation en enrichissant encore son contenu, en adoptant une navigation plus intuitive pour la page d’accueil, en proposant des raccourcis de clavier, en offrant un service amélioré pour l’affichage «confort de lecture», etc. Plus de 2 millions de visiteurs utilisent les services du portail au cours de l'année 2006. = Bibliothèque numérique pour le Handicap Handicapzéro est l'un des nombreux partenaires de la Bibliothèque numérique pour le Handicap (BnH), un projet novateur qui voit le jour en janvier 2006 à l’initiative de la ville de Boulogne-Billancourt (région parisienne) et sous l'égide d'Alain Patez, bibliothécaire numérique chargé de mission pour la BnH. Celui-ci explique: «Projet à vocation nationale, la BnH repose sur la conviction que l'édition numérique est le moyen d'accès à l'information et à la culture le mieux adapté aux personnes en situation de handicap. L'objectif de la BnH est de permettre à toute personne confrontée à un handicap de télécharger à distance des livres numériques. Ces documents sont commercialisés dans le public, donc non libres de droit de reproduction.» La BnH se veut un service public proposant un accès adapté à l'édition, et non un accès à l'édition adaptée. Elle propose un service de prêt de livres numériques et de livres audio téléchargeables et chronodégradables (durée limitée dans le temps). En 2006, lors de sa première année de fonctionnement à titre expérimental en tant que projet d'étude et de recherche, la bibliothèque compte 400 lecteurs, 971 titres (60% fiction et 40% documentaires) et 1.500 prêts. Chaque livre est disponible en cinq exemplaires numériques (permettant cinq accès simultanés) et dix exemplaires audio (permettant dix accès simultanés). Le prêt est de trois livres pour une durée de trois semaines. Les personnes inscrites sont pour moitié des handicapés moteurs et pour moitié des handicapés visuels. Comment la BnH voit-elle le jour? Alain Patez est responsable des éditions numériques à la Médiathèque Landowski de Boulogne-Billancourt depuis juin 2000. L’ouverture de la BnH est précédée de deux expériences. Première expérience, un service de prêt de tablettes de lecture Cybook qui débute en février 2002 au sein de la Médiathèque Landowski. Le public intéressé s’avère être de grands lecteurs, plutôt âgés, et des lecteurs malvoyants. Mais la société Cytale, qui développe et commercialise le Cybook, cesse ses activités quelques mois plus tard. Deuxième expérience, suite à un partenariat avec la société Mobipocket, spécialisée dans la lecture et la distribution sécurisée de livres numériques, la Bibliothèque numérique Landowski (BnL) crée en février 2003 un service de prêt de livres d'une durée de deux semaines. Cette bibliothèque comprend 1 100 titres, essentiellement des oeuvres de fiction (65% de livres en français, 30% en anglais, 5% en allemand et en espagnol). La BnL totalise 256 lecteurs et 1 020 emprunts pour l’année 2005. En 2003, la BnL passe un partenariat avec l’Association du locked-in syndrome (ALIS), - qui regroupe des personnes tétraplégiques et muettes communiquant uniquement par clignement de paupières - pour que les malades de l’association puissent avoir accès à la bibliothèque numérique. De ce partenariat émerge l’idée d’une bibliothèque à vocation nationale pour les personnes handicapées. Début 2005, un groupe est constitué avec des représentants de la ville de Boulogne-Billancourt, l’Association du locked-in syndrome (ALIS), l’Association française contre les myopathies (AFM), l’Association des paralysés de France (APF) et la Mission handicap de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ce groupe décide en mai 2005 de développer une bibliothèque numérique pour le handicap. Après approbation à l’unanimité par le conseil municipal de Boulogne-Billancourt en septembre 2005, la BnH est lancée en janvier 2006. Son comité technique de pilotage est composé des associations ci-dessus, auxquelles s’ajoutent l’Association Valentin Haüy (AVH), le Groupement pour l’insertion des personnes handicapées physiques (GIHP) et l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI). Qu'est-ce exactement qu'une bibliothèque numérique du handicap? Alain Patez explique en juin 2007: «Il faut lever une ambiguïté : le livre numérique n'est pas à proprement parler de l'édition adaptée - braille, gros caractères... - mais fournit un accès adapté à l'édition: il nécessite en effet une médiation technique. C'est en particulier une orthèse de lecture pour certains types de handicap : l’accès au texte imprimé est limité pour la manipulation dans le cas de handicaps moteurs très lourds, tels les locked-in syndrome; ces difficultés sont supprimées avec la fonction de défilement automatique du texte.» Le financement des livres est pris en charge par la ville de Boulogne-Billancourt et l'Association française contre les myopathies (AFM). L'AFM finance également l'étude sur la lecture numérique (ELUPHA - Etude de la lecture numérique pour les personnes handicapées) et le site de la bibliothèque au regard des différents critères d’accessibilité. La plateforme technique est entièrement gérée par la société Numilog, spécialisée dans la distribution de livres numériques. Denis Zwirn, président de Numilog, explique en juin 2007: «Numilog, en tant que principal diffuseur français de livres numériques, fournit à la Bibliothèque numérique pour le Handicap sa plateforme technique - permettant de gérer le prêt des livres depuis un site dédié et adapté aux personnes non voyantes - et le catalogue des livres prêtés. Ces livres et audiolivres sont issus des accords passés par Numilog avec de nombreux éditeurs francophones, parmi lesquels entre autres : Gallimard, POL, Le Dilettante, Le Rocher, La Découverte, De Vive Voix, Eyrolles ou Pearson Education France. Ce projet est particulièrement important pour Numilog, tant par les services qu'il rend à des personnes atteintes de diverses formes de handicap, que par le fait qu'il démontre la valeur ajoutée apportée par le numérique à la lecture et au développement de ses accès. Il montre également la possibilité de proposer des modèles techniques et économiques adaptés aux personnes handicapées et satisfaisant les éditeurs, dont les droits sont parfaitement respectés au sein de cette bibliothèque numérique.» La bibliothèque comprend 1.098 livres en juin 2007. Ces livres sont disponibles en plusieurs formats. Le format PRC permet la lecture sur assistant personnel (PDA) et sur smartphone. Le format PDF peut être lu avec JAWS, un logiciel de lecture d’écran sur plateforme Windows utilisé par 80% des personnes aveugles. Ces deux formats permettent notamment le défilement automatique du texte – le lecteur n’est donc plus dépendant d’un tiers pour tourner les pages - et le grossissement de la taille des caractères. Les livres audio sont au format WMA (Windows media audio), lisible sur les logiciels Windows Media et Real Player, tout comme sur baladeur WMA. Tous ces livres audio sont lus par des comédiens et parfois par les auteurs eux-mêmes, et sont disponibles par ailleurs en librairie sous forme de CD-Rom. En septembre 2007, l'accès à la BnH est généralisé à toutes les personnes en situation de handicap - aveugles et malvoyants, sourds et malentendants, handicapés moteurs, handicapés psychiques et mentaux. Dans cette optique, Alain Patez précise en juin 2007: «Je travaille au rapprochement de la BnH avec des institutions ou des organisations nationales et internationales liées à la question du handicap, de tous les handicaps. La BnH est d'abord et avant tout un projet collaboratif, partenarial, et pourrait devenir un projet "sans frontière". C’est notamment le cas avec la Bibliothèque nationale de France. Concrètement, et dans un premier temps, les lecteurs handicapés pourront télécharger des ouvrages de la BnH à partir des postes informatiques qui leur sont dédiés.» Il ajoute en août 2007: «La BnH s’adresse aux lecteurs quel que soit leur handicap, leur lieu géographique ou leur support de lecture; le handicap peut d’ailleurs être définitif ou temporaire, comme dans le cas d’une hospitalisation. Un don important de Hewlett-Packard France va permettre à un partenaire de la BnH, l’hôpital Raymond Poincaré de Garches (région parisienne), de créer le premier service de prêt de portables dans un hôpital public français. De quoi favoriser le développement de la lecture numérique en milieu hospitalier.» 7.5. Une future bibliothèque planétaire En 2005, alors que le Projet Gutenberg poursuit tranquillement la mise en ligne gratuite des oeuvres du domaine public, une tâche immense entreprise depuis nombre d’années, le livre devient un objet convoité par les géants de l’internet que sont Google, Yahoo! et Microsoft, d’une part par souci méritoire de mettre le patrimoine mondial à la disposition de tous, d’autre part à cause de l’enjeu représenté par les recettes publicitaires générées par les liens commerciaux accolés aux résultats des recherches. L’Internet Archive considère quant à elle qu’un projet de cette ampleur ne doit pas être lié à des enjeux commerciaux et fonde à cet effet l’Open Content Alliance (OCA) pour fédérer un grand nombre de partenaires dans l’optique d’une bibliothèque planétaire publique. = Google Book Search / Google Livres Le moteur de recherche Google décide de mettre son expertise au service du livre. En octobre 2004, il lance la première partie de son programme Google Print, établi en partenariat avec les éditeurs pour pouvoir consulter à l’écran des extraits de livres, puis commander les livres auprès d’une librairie en ligne. La version bêta de Google Print est mise en ligne en mai 2005. En novembre 2004, Google lance Google Scholar, qui indexe la production scientifique et universitaire disponible sur le web. En décembre 2004, Google lance la deuxième partie de son programme Google Print, cette fois à destination des bibliothèques. Il s’agit d’un projet de bibliothèque numérique de 15 millions de livres consistant à numériser plusieurs grandes bibliothèques partenaires, à commencer par la bibliothèque de l’Université du Michigan (dans sa totalité, à savoir 7 millions d’ouvrages), les bibliothèques des Universités de Harvard, de Stanford et d’Oxford, et celle de la ville de New York. Le coût estimé au départ se situe entre 150 et 200 millions de dollars US, avec la numérisation de 10 millions de livres sur six ans, et une durée totale de dix ans. En août 2005, Google Print est suspendu pour un temps indéterminé pour cause de conflit avec les éditeurs de livres sous droits. Le programme reprend en août 2006 sous le nouveau nom de Google Book Search, dénommé Google Livres pour la version française. Google Book Search permet des recherches par date, titre ou éditeur. La numérisation des fonds de grandes bibliothèques se poursuit, axée cette fois sur les livres libres de droit, tout comme le développement de partenariats avec les éditeurs qui le souhaitent. Les livres libres de droit sont consultables à l’écran en texte intégral, leur contenu est copiable et l’impression est possible page à page. Ils sont également téléchargeables sous forme de fichiers PDF et imprimables dans leur entier. Les liens publicitaires associés aux pages de livres sont situés en haut et à droite de l’écran. Le conflit avec les éditeurs se poursuit lui aussi, puisque Google continue de numériser des livres sous droits sans l’autorisation préalable des éditeurs en invoquant le droit de citation pour présenter des extraits sur le web. L’Authors Guild et l’Association of American Publishers (AAP) invoquent pour leur part le non respect de la législation relative au copyright pour attaquer Google en justice. Le feuilleton judiciaire promet de durer. Alexandre Laumonier, directeur des éditions Kargo, participe au programme Google Livres en France. Dans La non affaire Google Livres, suite, un texte daté de juin 2006 et publié sur le site de l’éditeur, il propose une analyse lucide des véritables enjeux: «Sur le fond, au-delà des discours et des rebonds, au-delà des problèmes juridiques à régler, au-delà des intérêts économiques et/ou corporatistes que chacun(e) essaie de défendre, au-delà des technologies encore balbutiantes, au-delà d’un antiaméricanisme primaire qui se révèle ici et là, au fond les véritables interrogations que posent les transformations technologiques, notamment lorsqu’elles impliquent certaines formes de savoir, sont celles du partage de l’information, du savoir en tant que bien commun, des qualités et des défauts de l’écriture numérique, qui permet désormais une maniabilité du savoir comme jamais cela n’avait été possible auparavant. Rarement trouve-t-on, dans les quelques discussions ici et là sur Google Livres, les mots "bien commun", "partage du savoir", "démocratisation de l’écriture"... Car c’est bien de cela dont il s’agit, au moment où l’on constate que l’objet-livre, qui symboliquement et dans les faits, était jusqu’à maintenant le seul garant d’une vérité, ne l’est plus (seulement).» Michel Valensi, directeur des éditions de l’Eclat, passe lui aussi un partenariat avec Google Livres en août 2005. Dans Faut-il une grande cuiller pour signer avec Google? (version 2.0), un texte en ligne daté de septembre 2006 et disponible sur le site de l’éditeur, il explique: «Le projet Google Livres est le premier projet de grande envergure (il en existait d’autres auparavant, parmi lesquels le lyber lui-même; il en existera d’autres dans les mois à venir) qui permet une entrée en force du Livre dans l’internet. Après la multiplication des sites de toutes sortes sur les sujets les plus divers et la prolifération épidémique des blogs (dont le terme même, onomatopéïque, dit toute la profondeur: blog!) on en revient au Livre comme source première d’information. On permet l’accès à une partie des contenus, on permet une recherche thématique à l’intérieur du livre, on renvoie à d’autres livres, à l’éditeur, vers des librairies, etc., mais jamais on ne se substitue au livre, dont la forme reste omni-présente à travers l’image même des pages consultées. Contrairement aux sites, on ne peut ni télécharger, ni imprimer. Paradoxalement, Google Livres indique ainsi les limites d’une information infinie (qui est un leurre) surfant de blogs en sites, et propose un retour (qui est une avancée) vers un médium ancien, encore aujourd’hui sans équivalent.» Fin 2006, Google scanne 3.000 livres par jour, ce qui représenterait un million de livres par an. Le coût estimé serait de 30 dollars par livre - d'autres sources mentionnent un coût double - et les collections actuelles se monteraient à 3 millions de livres. Tous chiffres à prendre avec précaution, la société ne communiquant pas de statistiques à ce sujet. A l’exception de la New York Public Library, les collections en cours de numérisation appartiennent toutes à des bibliothèques universitaires (Harvard, Stanford, Michigan, Oxford, Californie, Virginie, Wisconsin-Madison, Complutense de Madrid). S’y ajoutent début 2007 les bibliothèques des Universités de Princeton et du Texas (Austin), ainsi que la Biblioteca de Catalunya (Catalogne, Espagne) et la Bayerische Staatbibliothek (Bavière, Allemagne). En mai 2007, Google annonce la participation de la première bibliothèque francophone, la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) de Lausanne (Suisse), pour la numérisation de 100.000 titres en français, allemand et italien publiés entre le 17e et le 19e siècle, qui seront consultables dans leur intégralité et téléchargeables au format PDF. = Open Content Alliance Parallèlement est lancée une autre initiative du même genre, mais cette fois respectueuse du copyright et sur un modèle ouvert. En janvier 2005, l’Internet Archive s’associe à Yahoo! pour mettre sur pied l’Open Content Alliance (OCA), une initiative visant à créer un répertoire libre et multilingue de livres numérisés et de documents multimédias pour consultation sur n’importe quel moteur de recherche. L’OCA est officiellement lancée en octobre 2005. Un site de démonstration, l’Open Library, présente quelques livres numérisés issus des fonds de l’Université de Californie. Le but de l’initiative est de s’inspirer de Google Livres tout en évitant ses travers, à savoir la numérisation des livres sous droits sans l’accord préalable des éditeurs, tout comme la consultation et le téléchargement impossibles sur un autre moteur de recherche. L’OCA regroupe de nombreux partenaires: des bibliothèques et des universités bien sûr, mais aussi des organisations gouvernementales, des associations à but non lucratif, des organismes culturels et des sociétés informatiques (Adobe, Hewlett Packard, Microsoft, etc.). Les premiers partenaires sont les bibliothèques des Universités de Californie et de Toronto, l’European Archive, les Archives nationales du Royaume-Uni, O’Reilly Media et Prelinger Archives. Seuls les livres appartenant au domaine public sont numérisés, pour éviter les problèmes de copyright auxquels se heurte Google. Les collections numérisées alimenteront la section Text Archive de l’Internet Archive. Qu’est-ce exactement que l’Internet Archive, l'organisme pilotant l'Open Content Alliance? Fondée en avril 1996 par Brewster Kahle à San Francisco, l’Internet Archive a pour but premier de constituer, stocker, préserver et gérer une «bibliothèque» de l’internet, en archivant la totalité du web tous les deux mois, afin d’offrir un outil de travail aux universitaires, chercheurs et historiens, et de préserver un historique de l’internet pour les générations futures. En octobre 2001, l’Internet Archive met ses archives en accès libre sur le web grâce à la Wayback Machine, qui permet à tout un chacun de consulter l’historique d’un site web, à savoir le contenu et la présentation d’un site web à différentes dates, théoriquement tous les deux mois, à partir de 1996. L’Internet Archive débute aussi la constitution de collections numériques telles que le Million Book Project (10.520 livres en avril 2005), des archives de films de la période 1903-1973, des archives de concerts live récents, des archives de logiciels, etc. Toutes ces collections sont en consultation libre sur le web. En décembre 2006, l’Open Content Alliance franchit la barre des 100.000 livres numérisés, avec un rythme de 12.000 nouveaux livres par mois. A la même date, l’Internet Archive reçoit une subvention de 1 million de dollars de la part de la Sloan Foundation pour numériser les collections du Metropolitan Museum of Art (l’ensemble des livres et plusieurs milliers d’images) ainsi que certaines collections de la Boston Public Library (les 3.800 livres de la bibliothèque personnelle de John Adams, deuxième président des Etats-Unis), du Getty Research Institute, de la John Hopkins University (une série de documents liés au mouvement anti-esclavagiste) et de l’Université de Californie à Berkeley (une série de documents relatifs à la ruée vers l’or). En mai 2007, l’Open Content Alliance franchit la barre des 200.000 livres numérisés. = Autres initiatives Si Microsoft est l’un des partenaires de l’Open Content Alliance, il se lance également dans l’aventure à titre personnel. En décembre 2006 est mise en ligne aux Etats-Unis la version bêta de Live Search Books, qui permet une recherche par mots-clés dans les livres du domaine public. Ces livres sont numérisés par Microsoft suite à des accords passés avec de grandes bibliothèques, les premières étant la British Library et les bibliothèques des Universités de Californie et de Toronto, suivies en janvier 2007 par celles de la New York Public Library et de l’Université Cornell. Microsoft compte aussi ajouter des livres sous droits, mais uniquement avec l’accord préalable des éditeurs. Tout comme Google Book Search, Live Search Books permet de consulter les livres avec les mots-clés surlignés. Par la suite, il sera possible de télécharger les livres dans leur entier au format PDF. A ce stade, la base est beaucoup moins riche que celle de Google Book Search et son moteur de recherche plus rudimentaire. En mai 2007, Microsoft annonce des accords avec plusieurs grands éditeurs américains, dont Cambridge University Press et McGraw Hill. En Europe, certains s’inquiètent d’une soi-disant hégémonie américaine. En septembre 2005, la Commission européenne lance une vaste consultation sur un projet de bibliothèque numérique européenne, avec réponse requise en janvier 2006. Le projet est officiellement lancé en mars 2006. «Le plan de la Commission européenne visant à promouvoir l’accès numérique au patrimoine de l’Europe prend forme rapidement, lit-on dans le communiqué de presse. Dans les cinq prochaines années, au moins six millions de livres, documents et autres oeuvres culturelles seront mis à la disposition de toute personne disposant d’une connexion à l’internet, par l’intermédiaire de la "bibliothèque numérique européenne". Afin de stimuler les initiatives de numérisation européennes, la Commission va cofinancer la création d’un réseau paneuropéen de centres de numérisation. La Commission abordera également, dans une série de documents stratégiques, la question du cadre approprié à adopter pour assurer la protection des droits de propriété intellectuelle dans le cadre des bibliothèques numériques.» Cette bibliothèque numérique européenne devrait être accessible à partir de la Bibliothèque européenne, un portail commun aux 43 bibliothèques nationales d’Europe lancé en janvier 2004 par la CENL (Conference of European National Librarians) et hébergé par la Bibliothèque nationale des Pays-Bas. 7.6. Chronologie * Cette chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité. 1971 (juillet): Le Projet Gutenberg, fondé par Michael Hart. 1993: L’Online Books Page, créée par John Mark Ockerbloom. 1993 (avril): L’ABU, créée par l’Association des bibliophiles universels (ABU). 1994: Athena, bibliothèque numérique créée par Pierre Perroud. 1995 (mars): Internet Public Library (IPL), première bibliothèque de l’internet sur l’internet. 1995 (septembre): Gabriel, serveur des bibliothèques nationales européennes. 1996 (avril): L’Internet Archive, fondée par Brewster Kahle. 1996 (juin): La Bibliothèque électronique de Lisieux, créée par Olivier Bogros. 1996: Mise en ligne du Bulletin des bibliothèques de France (BBF). 1997: Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France. 1997 (juillet): Cyberespace de la Bibliothèque des Nations Unies à Genève. 1998: Mise en ligne des enluminures de la Bibliothèque municipale de Lyon. 1999 (août): Serveur de la Library of Congress pour aveugles et malvoyants. 2000 (septembre): Premier site web de Handicapzéro. 2001 (octobre): Wayback Machine, sur le site de l’Internet Archive. 2002 (février): Bookshare.org, pour les personnes déficientes visuelles. 2003 (février): Portail généraliste de Handicapzéro. 2004 (janvier): Bibliothèque européenne, portail des bibliothèques nationales européennes. 2004 (octobre): Google Print, première partie, à l’intention des éditeurs. 2004 (novembre): Google Scholar. 2004 (décembre): Google Print, deuxième partie, à l’intention des bibliothèques. 2005 (août): Arrêt de Google Print. 2005 (octobre): Open Content Alliance, lancée par l’Internet Archive. 2005 (novembre): Bibliothèque numérique pour le Handicap (BnH). 2006 (mars): Projet de Bibliothèque numérique européenne. 2006 (août): Google Book Search (Google Livres). 2006 (décembre): Live Search Books, bibliothèque numérique de Microsoft. 8. UNE VASTE ENCYCLOPEDIE [8.1. Outils de référence / Dictionnaires et encyclopédies / Dictionnaires de langues / Annuaires et portails // 8.2. Bases textuelles / Quelques exemples / Payant versus gratuit // 8.3. Catalogues collectifs / Premiers pas / WorldCat et RedLightGreen // 8.4. Chronologie] Au fil des ans, le web devient une vaste encyclopédie. On y trouve des dictionnaires et des encyclopédies de renom, d'abord issus d’ouvrages imprimés puis nés directement sur le web, ainsi que des dictionnaires de langues, des annuaires, des portails, des bases textuelles, des catalogues collectifs, etc. Si certains organismes facturent l’utilisation de leurs services, d’autres tiennent à ce que les leurs soient en accès libre, pour favoriser la diffusion libre du savoir. Des services payants passent en gratuit, à commencer par le grand catalogue collectif mondial WorldCat. 8.1. Outils de référence = Dictionnaires et encyclopédies Un des premiers dictionnaires en accès libre est le Dictionnaire universel francophone en ligne, qui répertorie 45.000 mots et 116.000 définitions tout en présentant «sur un pied d’égalité, le français dit "standard" et les mots et expressions en français tel qu’on le parle sur les cinq continents». Issu de la collaboration entre Hachette et l’AUPELF-UREF (devenu depuis l’AUF - Agence universitaire de la Francophonie), il correspond à la partie «noms communs» du dictionnaire imprimé disponible chez Hachette. L’équivalent pour la langue anglaise est le site Merriam-Webster OnLine, qui donne librement accès au Collegiate Dictionary et au Collegiate Thesaurus. En décembre 1999 apparaissent sur le web plusieurs encyclopédies de renom, parallèlement à leur version imprimée ou CD-Rom. La première encyclopédie francophone en accès libre est WebEncyclo, publiée par les éditions Atlas. La recherche est possible par mots-clés, thèmes, médias (cartes, liens internet, photos, illustrations) et idées. Un appel à contribution incite les spécialistes d’un sujet donné à envoyer des articles, qui sont regroupés dans la section «WebEncyclo contributif». Après avoir été libre, l’accès est ensuite soumis à une inscription préalable gratuite. Mis en ligne à la même date, Britannica.com propose en accès libre l’équivalent numérique des 32 volumes de la 15e édition de l’Encyclopaedia Britannica, parallèlement à la version imprimée et à la version sur CD-Rom, toutes deux payantes. Le site web offre une sélection d’articles issus de 70 magazines, un guide des meilleurs sites, un choix de livres, etc., le tout étant accessible à partir d’un moteur de recherche unique. En septembre 2000, le site fait partie des cent sites les plus visités au monde. En juillet 2001, la consultation devient payante sur la base d’un abonnement mensuel ou annuel. Décembre 1999 est aussi la date de mise en ligne de l’Encyclopaedia Universalis, avec 28.000 articles signés par 4.000 auteurs. Si la consultation est payante sur la base d’un abonnement annuel, de nombreux articles sont en accès libre. La mise en ligne d’encyclopédies de renom se poursuit en 2000 et 2001. En mars 2000, les 20 volumes de l’Oxford English Dictionary sont mis en ligne par l’Oxford University Press (OUP). La consultation du site est payante. Le dictionnaire bénéficie d’une mise à jour trimestrielle d’environ 1.000 entrées nouvelles ou révisées. Deux ans après cette première expérience, en mars 2002, l’OUP met en ligne l’Oxford Reference Online, une vaste encyclopédie conçue directement pour le web et consultable elle aussi sur abonnement payant. Avec 60.000 pages et un million d’entrées, elle représente l’équivalent d’une centaine d’ouvrages de référence. A la même date, le Quid, encyclopédie en un volume actualisée une fois par an depuis 1963, décide de mettre une partie de son contenu en accès libre sur le web. En septembre 2000, après avoir été payante, la consultation de l’encyclopédie Encarta de Microsoft devient libre. Issu du terme hawaïen «wiki» (qui signifie : vite, rapide), un wiki est un site web permettant à plusieurs utilisateurs de collaborer en ligne sur un même projet. A tout moment, ces utilisateurs peuvent contribuer à la rédaction du contenu, modifier ce contenu et l'enrichir en permanence. Le wiki est utilisé par exemple pour créer et gérer des dictionnaires, des encyclopédies ou encore des sites d'information sur un sujet donné. Le programme présent derrière l'interface d'un wiki est plus ou moins élaboré. Un programme simple gère du texte et des hyperliens. Un programme élaboré permet d'inclure des images, des graphiques, des tableaux, etc. L’encyclopédie wiki la plus connue est Wikipedia. Créée en janvier 2001 à l’initiative de Jimmy Wales et de Larry Sanger, Wikipedia est une encyclopédie gratuite écrite collectivement et dont le contenu est librement réutilisable. Elle est immédiatement très populaire. Sans publicité et financée par des dons, cette encyclopédie coopérative est rédigée par des milliers de volontaires (appelés Wikipédiens), avec possibilité de corriger et de compléter les articles. Les articles restent la propriété de leurs auteurs, et leur libre utilisation est régie par la licence GFDL (GNU free documentation license). En décembre 2004, Wikipedia compte 1,3 million d'articles rédigés par 13.000 contributeurs dans 100 langues. En décembre 2006, elle compte 6 millions d'articles dans 250 langues, et elle est l'un de dix sites les plus visités du web. En avril 2007, un CD payant est édité pour la première fois avec une sélection de 2.000 articles de la version anglophone. En mai 2007, la version francophone fête ses 500.000 articles (et un CD en 2008). A la même date, Wikipedia compte 7 millions d'articles dans 192 langues, dont 1,8 million en anglais, 589.000 en allemand, 260.000 en portugais et 236.000 en espagnol. Fondée en juin 2003, la Wikimedia Foundation gère non seulement Wikipedia mais aussi Wiktionary, un dictionnaire et thésaurus multilingue lancé en décembre 2002, puis Wikibooks (livres et manuels en cours de rédaction) lancé en juin 2003, auxquels s'ajoutent ensuite Wikiquote (répertoire de citations), Wikisource (textes appartenant au domaine public), Wikimedia Commons (sources multimédias), Wikispecies (répertoire d'espèces animales et végétales), Wikinews (site d'actualités) et enfin Wikiversity (matériel d'enseignement), lancé en août 2006. La fin 2007 voit le lancement d'un moteur de recherche dénommé Wiki Search, qui utilise le réseau de contributeurs de Wikipedia pour classer les sites en fonction de leur qualité. Une nouvelle étape s’ouvre avec les débuts de Citizendium (qui se veut l’abrégé de: The Citizens’ Compendium), une grande encyclopédie collaborative en ligne conçue en novembre 2006 et lancée en mars 2007 (version bêta) par Larry Sanger, co-fondateur de Wikipedia, mais qui quitte ensuite l’équipe de Wikipedia suite à des problèmes de qualité de contenu. Citizendium est basé sur le même modèle que Wikipedia (collaborative et gratuite) tout en évitant ses travers (vandalisme et manque de rigueur). Les auteurs signent les articles de leur vrai nom et les articles sont édités par des experts («editors») titulaires d'une licence universitaire et âgés d'au moins 25 ans. De plus, des «constables» sont chargés de la bonne marche du projet et du respect du règlement. Le jour de son lancement (25 mars 2007), Citizendium comprend 820 auteurs et 180 experts. Dans Why Make Room for Experts in Web 2.0?, une communication datée d’octobre 2006, Larry Sanger voit dans Citizendium l’émergence d’un nouveau modèle de collaboration massive de dizaines de milliers d’intellectuels et scientifiques, non seulement pour les encyclopédies, mais aussi pour les manuels d’enseignement, les ouvrages de référence, le multimédia et les applications en 3D. Cette collaboration est basée sur le partage des connaissances, dans la lignée du web 2.0, un concept lancé en 2004 pour caractériser les notions de communauté et de partage et qui se manifeste d’abord par une floraison de wikis, de blogs et de sites sociaux. D’après Larry Sanger, il importe maintenant de créer des structures permettant des collaborations scientifiques et Citizendium pourrait servir de prototype dans ce domaine. Un appel qui semble déjà se concrétiser avec l’Encyclopedia of Life, nouveau «compendium» dont le projet débute en mai 2007. Cette vaste encyclopédie collaborative en ligne rassemblera les connaissances sur toutes les espèces animales et végétales connues (1,8 million), y compris les espèces en voie d’extinction, avec l’ajout de nouvelles espèces au fur et à mesure de leur identification (il en existerait de 8 à 10 millions). Il s’agira d’une encyclopédie multimédia permettant de ressembler textes, photos, cartes, bandes sonores et vidéos, avec une page web par espèce, et permettant aussi d’offrir un portail unique à des millions de documents épars, en ligne et hors ligne. Outil d’apprentissage et d’enseignement pour une meilleure connaissance de notre planète, cette encyclopédie sera à destination de tous: scientifiques, enseignants, étudiants, scolaires, médias, décideurs et grand public. Ce projet collaboratif est mené par plusieurs grandes institutions (Field Museum of Natural History, Harvard University, Marine Biological Laboratory, Missouri Botanical Garden, Smithsonian Institution, Biodiversity Heritage Library). Son directeur honoraire est Edward Wilson, professeur émérite à l’Université de Harvard, qui, dans un essai daté de 2002, est le premier à émettre le voeu d’une telle encyclopédie. Cinq ans après, en 2007, c'est chose désormais possible grâce aux avancées technologiques de ces dernières années, notamment les outils logiciels permettant l’agrégation de contenu, le mash-up (à savoir le fait de rassembler un contenu donné à partir de très nombreuses sources différentes), les wikis de grande taille et la gestion de contenu à vaste échelle. Consortium des dix plus grandes bibliothèques des sciences de la vie (d’autres suivront), la Biodiversity Heritage Library a d’ores et déjà débuté la numérisation de 2 millions de documents, dont les dates de publication s’étalent sur 200 ans. En mai 2007, date du lancement officiel du projet, on compte déjà 1,25 million de pages traitées dans les centres de numérisation de Londres, Boston et Washington DC, et disponibles sur le site de l’Internet Archive. Le financement initial est assuré par la MacArthur Foundation (10 millions de dollars) et la Sloan Foundation (2,5 millions de dollars). 100 millions de dollars US sont nécessaires pour un financement sur dix ans, avant que l'encyclopédie ne puisse s'autofinancer. La réalisation des pages web débute courant 2007. L’encyclopédie fait ses débuts à la mi-2008. Opérationnelle d'ici trois à cinq ans, elle devrait être complète - c'est-à-dire à jour - dans dix ans. Dans la lignée du Human Genome Project (Séquencage du génome humain), publié pour la première fois en février 2001 et appartenant d'emblée au domaine public, l’Encyclopedia of Life permettra non seulement de rassembler toutes les connaissances disponibles à ce jour sur les espèces animales et végétales, mais elle sera aussi un «macroscope» permettant de déceler les grandes tendances à partir d’un stock considérable d’informations, à la différence du microscope qui permet l’étude du détail. En plus de sa flexibilité et de sa diversité, elle permettra à chacun de contribuer au contenu sous une forme s’apparentant au wiki, ce contenu étant ensuite validé ou non par des scientifiques. La version initiale sera d’abord en anglais avant d’être traduite en plusieurs langues par de futurs organismes partenaires. = Dictionnaires de langues Des dictionnaires de langues sont en accès libre dès les débuts du web. Souvent sommaires et de qualité inégale, ils sont répertoriés dans Travlang, un site consacré aux voyages et aux langues créé en 1994 par Michael M. Martin. Fondé en 1979 à Modène (Italie) par Rodrigo Vergara, Logos est une société de traduction offrant des services dans 35 langues en 1997, avec un réseau de 300 traducteurs dans le monde. Initiative peu courante à l’époque, Logos décide de mettre tous ses outils professionnels en accès libre sur le web. Dans un entretien publié dans le quotidien Le Monde du 7 décembre 1997, Rodrigo Vergara relate: «Nous voulions que nos traducteurs aient tous accès aux mêmes outils de traduction. Nous les avons donc mis à leur disposition sur internet, et tant qu’à faire nous avons ouvert le site au public. Cela nous a rendus très populaires, nous a fait beaucoup de publicité. L’opération a drainé vers nous de nombreux clients, mais aussi nous a permis d’étoffer notre réseau de traducteurs grâce aux contacts établis à la suite de cette initiative.» Les outils de traduction disponibles sur le web comprennent un dictionnaire multilingue de 7,5 millions d’entrées (Logos Dictionary), une base de données de 553 glossaires (Linguistic Resources), des tables de conjugaison en 17 langues (Conjugation of Verbs), et enfin la Wordtheque, une base de données multilingue de 328 millions de termes issus de traductions de romans et de documents techniques. La recherche dans la Wordtheque est possible par langue, mot, auteur ou titre. En 2007, la Wordtheque, devenue la Logos Library, comprend 710 millions de termes. Conjugation of Verbs, devenu l’Universal Conjugator, propose des tableaux de conjugaison dans 36 langues. Linguistic Resources offre un point d’accès unique pour 1 215 glossaires. Au début des années 2000, des dictionnaires bilingues et multilingues de qualité sont progressivement mis en ligne par des organismes de renom, par exemple la base Eurodicautom de la Commission européenne, ou encore Le Signet et le Grand dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), tous trois en accès libre et gratuit. Géré par le service de traduction de la Commission européenne, Eurodicautom est un dictionnaire multilingue de termes économiques, scientifiques, techniques et juridiques, avec une moyenne de 120.000 consultations quotidiennes. Il permet de combiner entre elles les onze langues officielles de l’Union européenne (allemand, anglais, danois, espagnol, finnois, français, grec, hollandais, italien, portugais, suédois), ainsi que le latin. Fin 2003, Eurodicautom annonce son intégration dans une base terminologique plus vaste regroupant les bases de plusieurs institutions de l’Union européenne. Cette nouvelle base traiterait non plus douze langues, mais une vingtaine, puisque l’Union européenne s’élargit à l’Est et passe de 15 à 25 membres en mai 2004, pour atteindre 27 membres en janvier 2007. Cette base terminologique voit le jour en mars 2007, sous le nom de IATE (Inter-Active Terminology for Europe), avec 1,4 million d’entrées dans 24 langues. Géré par l’Office québécois de la langue française (OQLF), Le Signet propose 10.000 fiches bilingues français-anglais dans le domaine des technologies de l’information. Quant au Grand dictionnaire terminologique (GDT), il est mis en ligne en septembre 2000. Il s’agit d’un vaste dictionnaire bilingue français-anglais de 3 millions de termes du vocabulaire industriel, scientifique et commercial, qui représente l’équivalent de 3.000 ouvrages de référence imprimés. Sa mise en ligne est le résultat d’un partenariat entre l’OQLF, auteur du dictionnaire, et Semantix, société spécialisée dans les solutions logicielles linguistiques. Evénement célébré par de nombreux linguistes, cette mise en ligne est un succès. Dès le premier mois, le GDT est consulté par 1,3 million de personnes, avec des pointes de 60.000 requêtes quotidiennes. La gestion de la base est ensuite assurée par Convera Canada. En février 2003, les requêtes sont au nombre de 3,5 millions par mois. Une nouvelle version du GDT est mise en ligne en mars 2003. Sa gestion est désormais assurée par l’OQLF lui-même, et non plus par une société prestataire. Par ailleurs, des moteurs spécifiques permettent la recherche simultanée dans plusieurs centaines de dictionnaires. Pour ne prendre qu’un exemple, le site OneLook, créé par Robert Ware, puise dans près de 9 millions de termes provenant de 936 dictionnaires généralistes et spécialisés (chiffres d’avril 2007). Des équipes de linguistes gèrent aussi des répertoires de dictionnaires, par exemple Dictionnaires électroniques et yourDictionary.com. Maintenu par la section française des services linguistiques centraux de la Chancellerie fédérale suisse, Dictionnaires électroniques est un excellent répertoire de dictionnaires monolingues (français, allemand, italien, anglais, espagnol), bilingues et multilingues en accès libre sur le web. Ce répertoire est complété par des listes d’abréviations et d'acronymes et par des répertoires géographiques, essentiellement des atlas. Marcel Grangier, responsable de la section française des services linguistiques, précise en janvier 2000: «Les Dictionnaires électroniques ne sont qu’une partie de l’ensemble, et d’autres secteurs documentaires ont trait à l’administration, au droit, à la langue française, etc., sans parler des informations générales. (...) Conçu d’abord comme un service intranet, notre site web se veut en premier lieu au service des traducteurs opérant en Suisse, qui souvent travaillent sur la même matière que les traducteurs de l’Administration fédérale, mais également, par certaines rubriques, au service de n’importe quel autre traducteur où qu’il se trouve. (...) Travailler sans internet est devenu tout simplement impossible. Au-delà de tous les outils et commodités utilisés (messagerie électronique, consultation de la presse électronique, activités de services au profit de la profession des traducteurs), internet reste pour nous une source indispensable et inépuisable d’informations dans ce que j’appellerais le "secteur non structuré" de la toile. Pour illustrer le propos, lorsqu’aucun site comportant de l’information organisée ne fournit de réponse à un problème de traduction, les moteurs de recherche permettent dans la plupart des cas de retrouver le chaînon manquant quelque part sur le réseau.» Réputé lui aussi pour sa qualité, yourDictionary.com est cofondé par Robert Beard en 1999, dans le prolongement de son ancien site - A Web of Online Dictionaries - créé dès 1995. En septembre 2003, yourDictionary.com répertorie plus de 1.800 dictionnaires dans 250 langues, ainsi que de nombreux outils linguistiques: vocabulaires, grammaires, glossaires, méthodes de langues, etc. En avril 2007, le répertoire comprend 2.500 dictionnaires et grammaires dans 300 langues. Soucieux de servir toutes les langues sans exception, le site propose une section spécifique - Endangered Language Repository - consacrée aux langues menacées d’extinction. Publiée par SIL International (SIL: Summer Institute of Linguistics), l’encyclopédie Ethnologue : Languages of the World existe à la fois en version web (gratuite), sur CD-Rom (payant) et en version imprimée (payante). Barbara Grimes, sa directrice de publication entre 1971 et 2000 (8e-14e éditions), relate en janvier 2000: «Il s’agit d’un catalogue des langues dans le monde, avec des informations sur les endroits où elles sont parlées, une estimation du nombre de personnes qui les parlent, la famille linguistique à laquelle elles appartiennent, les autres termes utilisés pour ces langues, les noms de dialectes, d’autres informations socio-linguistiques et démographiques, les dates des Bibles publiées, un index des noms de langues, un index des familles linguistiques et des cartes géographiques relatives aux langues.» En avril 2007, cette encyclopédie répertorie 6.912 langues selon plusieurs critères (pays, nom de la langue, code de la langue attribué par le SIL, famille de langues), avec moteur de recherche. = Annuaires et portails Le premier annuaire internet francophone est lancé par l’UREC (Unité réseaux du CNRS). Créé dès janvier 1994, cet annuaire recense d’abord les sites académiques avant d’offrir un contenu plus généraliste. Il permet aux usagers francophones de se familiariser avec le web sans se noyer dans la masse d’informations mondiale. Trois ans plus tard, la gestion de l’annuaire devient difficile du fait du nombre exponentiel de sites web, notamment de sites commerciaux. De plus, d'autres annuaires voient le jour dans l'intervalle, dont certains débutés avec l’aide de l’UREC. En juillet 1997, considérant que sa mission est accomplie, l’UREC arrête la mise à jour de cet annuaire généraliste. L’annuaire retourne à sa vocation première, à savoir un annuaire spécialisé consacré à l’enseignement supérieur et la recherche. Patrick Rebollar est professeur de littérature française et d’informatique dans des universités japonaises. Dès 1987, il utilise l’ordinateur pour ses activités d’enseignement et de recherche. En 1994, il voit apparaître l’internet «dans le champ culturel et linguistique francophone». En 1996, il débute un site web de recherches et activités littéraires. Son site inclut une Chronologie littéraire 1848-1914 organisée par année. Une série de liens mène au texte intégral des oeuvres publiées cette année-là, avec des notes historiques, politiques, sociales, scientifiques, techniques et médicales, et des informations sur le monde littéraire de l’époque. En juillet 1998, Patrick Rebollar raconte: «Pour la Chronologie littéraire, cela a commencé dans les premières semaines de 1997, en préparant un cours sur le roman fin de siècle (19e). Je rassemblai alors de la documentation et m’aperçus d’une part que les diverses chronologies trouvées apportaient des informations complémentaires les unes des autres, et d’autre part que les quelques documents littéraires alors présents sur le web n’étaient pas présentés de façon chronologique, mais toujours alphabétique. Je fis donc un document unique qui contenait toutes les années de 1848 à 1914, et l’augmentais progressivement. Jusqu’à une taille gênante pour le chargement, et je décidai alors, fin 1997, de le scinder en faisant un document pour chaque année. Dès le début, je l’ai utilisé avec mes étudiants, sur papier ou sur écran. Je sais qu’ils continuent de s’en servir, bien qu’ils ne suivent plus mon cours. J’ai reçu pas mal de courrier pour saluer mon entreprise, plus de courrier que pour les autres activités web que j’ai développées.» Une autre activité web de Patrick Rebollar est la gestion de ses Signets, un répertoire très complet des sites francophones littéraires: littérature et recherche (normes et règles, bibliothèques et éditeurs, bibliographies), revues littéraires, linguistique, dictionnaires, lexiques, recherche littéraire, documents littéraires par thème et par auteur (Malraux, Sarraute, Camus, Gracq, Robbe-Grillet, etc.), oeuvres littéraires, poésie, bandes dessinées, etc. Quelle est l’origine de ces Signets? Patrick Rebollar relate en juillet 1998: «Animant des formations d’enseignants à l’Institut franco-japonais de Tokyo, je voyais d’un mauvais œil d’imprimer régulièrement des adresses pour demander aux gens de les recopier. J’ai donc commencé par des petits documents rassemblant les quelques adresses web à utiliser dans chaque cours (avec Word), puis me suis dit que cela simplifierait tout si je mettais en ligne mes propres signets, vers la fin 1996. Quelques mois plus tard, je décidai de créer les sections finales de nouveaux signets afin de visualiser des adresses qui sinon étaient fondues dans les catégories. Cahin-caha, je renouvelle chaque mois.» Une Autre Terre, portail de science-fiction, débute en novembre 1996. Fabrice Lhomme, son créateur, raconte en juin 1998: «J’ai commencé en présentant quelques bibliographies très incomplètes à l’époque et quelques critiques. Rapidement, j’ai mis en place les forums à l’aide d’un logiciel "maison" qui sert également sur d’autres actuellement. (...) Ensuite, le phénomène le plus marquant que je puisse noter, c’est la participation de plusieurs personnes au développement du serveur alors que jusque-là j’avais tout fait par moi-même. Le graphisme a été refait par un généreux contributeur et je reçois régulièrement des critiques réalisées par d’autres personnes. Pour ce qui est des nouvelles, la rubrique a eu du mal à démarrer mais une fois qu’il y en a eu un certain nombre, j’ai commencé à en recevoir régulièrement (effet d’entraînement). Actuellement, j’ai toutes les raisons d’être satisfait car mon site reçoit plus de 2.000 visiteurs différents chaque mois et toutes les rubriques ont une bonne audience. Le forum des visiteurs est très actif, ce qui me ravit. Concernant les perspectives d’avenir, j’envisage pour très bientôt d’ouvrir une nouvelle rubrique proposant des livres d’occasion à vendre avec l’ambition de proposer un gros catalogue. Eventuellement, j’ouvrirai aussi une rubrique présentant des biographies car je reçois pas mal de demandes de visiteurs en ce sens. (...) Si l’activité de vente de livres d’occasion se montre prometteuse, il est possible que j’en fasse une activité professionnelle sous la forme d’une micro-entreprise.» Le Club des poètes est un site de poésie francophone qui souhaite la «bienvenue en territoire de poésie de la France au Chili, de Villon jusqu’à de jeunes poètes contemporains, en passant par toutes les grandes voix de la poésie de tous les temps et de tous les pays». Son webmestre, Blaise Rosnay, relate les débuts du site en juin 1998: «Le site du Club des Poètes a été créé en 1996, il s’est enrichi de nombreuses rubriques au cours des années et il est mis à jour deux fois par semaine. L’internet nous permet de communiquer rapidement avec les poètes du monde entier, de nous transmettre des articles et poèmes pour notre revue, ainsi que de garder un contact constant avec les adhérents de notre association. Par ailleurs, nous avons organisé des travaux en commun, en particulier dans le domaine de la traduction. Nos projets pour notre site sont d’y mettre encore et toujours plus de poésie. Ajouter encore des enregistrements sonores de poésie dite, ainsi que des vidéos de spectacles.» Poésie française propose pour sa part un choix de poèmes allant de la Renaissance au début du 20e siècle. Claire Le Parco, de la société Webnet, raconte à la même date: «Nous avons créé ce site lors de la création de notre société, spécialisée dans la réalisation de sites internet et intranet. Nous sommes des informaticiens qui aimons la poésie, et nous avions envie de montrer que poésie et internet pouvaient faire bon ménage!» Isabelle Aveline est d’abord libraire puis journaliste avant de se lancer dans la conception de sites internet et intranet. En juin 1996, elle fonde Zazieweb, un site indépendant conçu pour tous les amoureux du livre, professionnels et amateurs. Selon ses propres mots, «le site Zazieweb débarque sur la toile dans un no man’s land littéraire». Le succès est immédiat. A l'époque, Zazieweb se présente comme une revue en ligne permettant de suivre l’actualité du livre sur le réseau, avec un graphisme d’Olivier Cornu. On y trouve un éditorial, une rubrique d’actualité, un agenda, une revue de presse, un annuaire des sites et un self-service multimédia. Puis le site évolue. Sur une nouvelle mouture du site, Isabelle Aveline explique: «Zazieweb est un site World Wide Web professionnel et grand public indépendant, spécifiquement dédié aux libraires, éditeurs... et grand public de culture "livre". Conçu comme une librairie virtuelle, un espace de documentation, d’orientation et de ressources pour un public de culture "papier" s’intéressant à internet, il se situe aux frontières de l’écrit et de l’édition électronique. L’originalité du traitement des rubriques par rapport à un média papier étant évidemment de "mailler" l’information avec un site sur internet. C’est donc un site "passerelle" vers internet pour un public curieux et désorienté, avide de connaître ce qui se passe "de l’autre côté de l’écran".» Quelques années plus tard, Zazieweb est un portail offrant de multiples services. Un annuaire recense 5.000 sites littéraires. Zazieweb offre aussi «des espaces d’échanges et de rencontres pour lecteurs communicants et actifs», avec la possibilité pour chacun de poster des nouvelles et des commentaires. Y participe une communauté active de plus de 10.000 membres appelés e-lecteurs. «Qu’est-ce qu’un e-lecteur? Un e-lecteur est un lecteur actif et communicant qui souhaite échanger, discuter, polémiquer avec d’autres lecteurs. Des espaces et services lui sont dédiés sur Zazieweb, sur le mode interactif du web ! Zazieweb se présente comme une interface média qui reconstruit, réinvente les relations entre les gens, entre les textes, entre toutes ces articulations possibles qui existent entre les personnes et les livres.» 8.2. Bases textuelles = Quelques exemples Le web favorise la création et la consultation de bases textuelles. Le laboratoire ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française) gère plusieurs bases textuelles payantes, par exemple Frantext, un corpus à dominante littéraire de textes français (16e-20e), ou encore l’Encyclopédie de Diderot, réalisée en collaboration avec le programme ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language) de l’Université de Chicago. En accès libre, la section «Dictionnaires» de l’ATILF est une collection de dictionnaires informatisés comprenant les dictionnaires de Robert Estienne (1552), Jean Nicot (1606) et Pierre Bayle (1740), plusieurs éditions des dictionnaires de l’Académie française (1694, 1798, 1835, 1932-1935, 1992) et enfin le Trésor de la langue française informatisé (TLFi, 1971-1994). Débutée en 1995 par l’Institut national de la langue française (INaLF, remplacé par le laboratoire ATILF en janvier 2001), la base Frantext, en accès payant, comprend en janvier 1998 180 millions de mots-occurrences résultant du traitement informatique de 3.500 unités textuelles en arts, sciences et techniques, une collection représentative couvrant cinq siècles (16e-20e). 82 centres de recherche et bibliothèques universitaires d'Europe, d'Australie, du Japon et du Canada y sont abonnés, ce qui représente 1.250 postes de travail, avec une cinquantaine d’interrogations de la base par jour. L’ARTFL est un projet commun du CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France) et de l’Université de Chicago (Illinois, Etats-Unis). L’ARTFL propose notamment une version en ligne exhaustive de la première édition (1751-1772) de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des métiers et des arts de Diderot et d’Alembert. 72.000 articles rédigés par plus de 140 collaborateurs (dont Voltaire, Rousseau, Marmontel, d’Holbach, Turgot, etc.) font de cette encyclopédie un monumental ouvrage de référence, avec 17 volumes de texte, 11 volumes de planches, 18.000 pages et 20,8 millions de mots. Destinée à rassembler puis divulguer les connaissances de l’époque, elle porte la marque des courants intellectuels et sociaux du Siècle des Lumières, dont elle aide à propager les idées. En 1998, la base de données correspondant au premier volume est accessible sur le web en démonstration libre, à titre expérimental. La recherche est possible par mot, portion de texte, auteur ou catégorie, ou en combinant ces critères entre eux. On dispose de renvois d’un article à l’autre, et de liens permettant d’aller d’une planche au texte, ou d’aller du texte au fac-similé des pages originales. Il reste encore à corriger les erreurs typographiques et les erreurs d’identification dues à l’automatisation complète des procédures de saisie. Il reste aussi à compléter la recherche textuelle par la recherche d’images, envisagée par mot, portion de texte (légende) et catégorie. C'est chose faite dans les années qui suivent. L’ARTFL propose également les versions en ligne du Dictionnaire de l’Académie française (1694-1935), de l’édition illustrée du Dictionnaire historique et critique de Philippe Bayle (1740), du Thresor de la langue française de Jean Nicot (1606), etc. Autre exemple, très différent, et dû cette fois à une initiative individuelle: le site Rubriques à Bac. Créé en 1998 par Gérard Fourestier, diplômé en science politique et professeur de français à Nice, le site regroupe des bases de données à destination des lycéens et des étudiants. ELLIT (Eléments de littérature) propose des centaines d’articles sur la littérature française du 12e siècle à nos jours, ainsi qu’un répertoire d’auteurs. RELINTER (Relations internationales) recense 2.000 liens sur le monde contemporain depuis 1945. Ces deux bases de données sont accessibles par souscription, avec version de démonstration en accès libre. Lancé en juin 2001 dans le prolongement d’ELLIT, la base de données Bac-L (baccalauréat section lettres) est en accès libre. En octobre 2000, Gérard Fourestier raconte: «Rubriques à Bac a été créé pour répondre au besoin de trouver sur le net, en un lieu unique, l’essentiel, suffisamment détaillé et abordable par le grand public, dans le but: a) de se forger avant tout une culture tout en préparant à des examens probatoires à des études de lettres - c’est la raison d’ELLIT (Eléments de littérature), base de données en littérature française; b) de comprendre le monde dans lequel nous vivons en en connaissant les tenants et les aboutissants, d’où RELINTER (Relations internationales). J’ai développé ces deux matières car elles correspondent à des études que j’ai, entre autres, faites en leur temps, et parce qu’il se trouve que, depuis une dizaine d’années, j’exerce des fonctions de professeur dans l’enseignement public (18 établissements de la 6e aux terminales de toutes sections et de tous types d’établissements). (...) Mon activité liée à internet consiste tout d’abord à en sélectionner les outils, puis à savoir les manier pour la mise en ligne de mes travaux et, comme tout a un coût et doit avoir une certaine rentabilité, organiser le commercial qui permette de dégager les recettes indispensables ; sans parler du butinage indispensable pour la recherche d’informations qui seront ensuite traitées. (...) Mon initiative à propos d’internet n’est pas directement liée à mes fonctions de professeur. J’ai simplement voulu répondre à un besoin plus général et non pas étroitement scolaire, voire universitaire. Débarrassé des contraintes du programme, puisque j’agis en mon nom et pour mon compte et non "es-qualité", mais tout en donnant la matière grise qui me paraît indispensable pour mieux faire une tête qu’à la bien remplir, je laisse à d’autres le soin de ne préparer qu’à l’examen.» Les recettes de Rubriques à Bac sont consacrées à la réalisation de projets éducatifs en Afrique. Par la suite, Gérard Fourestier aimerait développer des bases de données dans d’autres domaines, par exemple l’analyse sociétale, l’analyse sémantique ou l’écologie. = Payant versus gratuit Bases de données payantes à destination des organismes et des particuliers qui en ont les moyens, ou bases de données gratuites à la disposition de tous? Au début des années 2000, les outils dont on dispose pour créer et gérer des bases textuelles à moindres frais permettent de pencher vers la deuxième solution, tout au moins lorsqu’il existe une véritable volonté dans ce sens. Emilie Devriendt, élève professeur à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Paris, écrit en juin 2001: «L’avenir me semble prometteur en matière de publications de ressources en ligne, même si, en France tout au moins, bon nombre de résistances, inhérentes aux systèmes universitaire et éditorial, ne risquent pas de céder du jour au lendemain (dans dix, vingt ans, peut-être ?). Ce qui me donne confiance, malgré tout, c’est la conviction de la nécessité pratique d’internet. J’ai du mal à croire qu’à terme, un chercheur puisse se passer de cette gigantesque bibliothèque, de ce formidable outil. Ce qui ne veut pas dire que les nouvelles pratiques de recherche liées à internet ne doivent pas être réfléchies, mesurées à l’aune de méthodologies plus traditionnelles, bien au contraire. Il y a une histoire de l’"outillage", du travail intellectuel, où internet devrait avoir sa place.» Professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, Russon Wooldridge est le créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne. En 2001, sa tâche se trouve facilitée par TACTweb (TACT: text analysis computing tools). Développé par John Bradley, informaticien au King’s College London (Royaume-Uni), et par Geoffrey Rockwell, professeur à la McMaster University (Canada), TACTweb est un logiciel de recherche de données textuelles en ligne. En mai 2001, Russon Wooldridge explique: «La dernière version de TACTweb permet dorénavant de construire des bases interactives importantes comme les dictionnaires de la Renaissance (Estienne et Nicot ; base RenDico), les deux principales éditions du Dictionnaire de l’Académie française (1694 et 1835), les collections de la Bibliothèque électronique de Lisieux (base LexoTor), les oeuvres complètes de Maupassant, ou encore les théâtres complets de Corneille, Molière, Racine, Marivaux et Beaumarchais (base théâtre 17e-18e). À la différence de grosses bases comme Frantext ou ARTFL nécessitant l’intervention d’informaticiens professionnels, d’équipes de gestion et de logiciels coûteux, TACTweb, qui est un gratuiciel que l’on peut décharger en ligne et installer soi-même, peut être géré par le chercheur individuel créateur de ressources textuelles en ligne.» Autre exemple, le projet HyperNietzsche, lancé en 2000 sous la direction de Paolo d’Iorio, chargé de recherches à l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM) du CNRS. Ce projet expérimental «vise à créer une infrastructure de travail collectif en réseau, lit-on sur le site web. Cette infrastructure sera d’abord appliquée et testée sur l’oeuvre de Nietzsche, pour être ensuite généralisable à d’autres auteurs, à l’étude d’une période historique ou d’un fonds d’archive, ou à l’analyse d’un problème philosophique. Il ne s’agit donc pas seulement d’un projet de numérisation et de mise en réseau d’un ensemble de textes et d’études sur Nietzsche, ni d’une édition électronique conçue comme un produit confectionné et offert à la consultation, mais plutôt d’un instrument de travail permettant à une communauté savante délocalisée de travailler de façon coopérative et cumulative et de publier les résultats de son travail en réseau, à l’échelle de la planète. Il ne s’agit pas seulement d’une bibliothèque de textes électroniques en ligne, plus ou moins bien indexée, accompagnée d’un moteur de recherche par mots-clés ou en texte intégral. C’est un véritable système hypertextuel qui permet tout d’abord de disposer les textes et les manuscrits de Nietzsche selon des ordonnancements chronologiques, génétiques ou thématiques, et surtout d’activer un ensemble de liens hypertextuels qui relient les sources primaires aux essais critiques produits par les chercheurs.» Le texte intégral consacré à la présentation du projet est disponible pendant deux ans en accès libre sur le site des PUF (Presses universitaires de France). Son équivalent imprimé est publié en octobre 2000 dans la série «Ecritures électroniques» de la collection «Que sais-je?». En février 2003, Emilie Devriendt fait à nouveau le point: «Dans ce domaine que l’on appelle parfois l’informatique littéraire, deux aspects du texte électronique m’intéressent plus particulièrement, dans une perspective d’enseignement ou de recherche: la publication de ressources textuelles, par exemple littéraires, sur le web au format texte ou au format image (exemple: Gallica ou la Bibliothèque électronique de Lisieux); la publication de bases de données textuelles interactives, c’est à dire d’outils de recherche et d’analyse linguistique appliqués à des textes électroniques donnés (exemple: la Nefbase du Net des études françaises ou, si l’on veut citer une banque de données payante, Frantext). Aujourd’hui ce type de ressources est relativement bien développé (même si aucune "explosion" ne semble avoir eu lieu si l’on compare la situation actuelle à celle d’il y a deux ou trois ans). En revanche, on ne peut véritablement mesurer les usages qui en sont faits.» 8.3. Catalogues collectifs = Premiers pas Par le passé, on a pu reprocher aux catalogues de bibliothèques d’être austères, peu conviviaux, et surtout de donner les références du document mais en aucun cas l’accès au contenu. Depuis qu’ils sont disponibles sur l’internet, les catalogues sont moins austères et plus conviviaux. Et surtout - rêve de tous qui commence à devenir réalité - ils permettent l’accès aux documents eux-mêmes : textes et images dans un premier temps, extraits sonores et vidéos dans un deuxième temps. En 1998, les 2.500 oeuvres de l’Universal Library sont accessibles par le biais d’un système expérimental (ESS: experimental search system) intégré ensuite au catalogue en ligne de la Library of Congress. L’avenir des catalogues en réseau tient à l’harmonisation du format MARC (machine readable cataloguing) par le biais de l’UNIMARC (universal machine readable cataloguing). Créé en 1977 par l’IFLA (International Federation of Library Associations), le format UNIMARC est un format universel permettant le stockage et l’échange de notices bibliographiques au moyen d’une codification des différentes parties de la notice (auteur, titre, éditeur, etc.) pour traitement informatique. Ce format favorise les échanges de données entre la vingtaine de formats MARC existants, qui correspondent chacun à une pratique nationale de catalogage (INTERMARC en France, UKMARC au Royaume-Uni, USMARC aux Etats-Unis, CAN/MARC au Canada, etc.). Les notices dans le format MARC d’origine sont d’abord converties au format UNIMARC avant d’être converties à nouveau dans le format MARC de destination. UNIMARC peut aussi être utilisé comme standard pour le développement de nouveaux formats MARC. Dans le monde anglophone, la British Library (qui utilise UKMARC), la Library of Congress (qui utilise USMARC) et la Bibliothèque nationale du Canada (qui utilise CAN/MARC) décident d’harmoniser leurs formats MARC nationaux. Un programme de trois ans (décembre 1995 - décembre 1998) permet de mettre au point un format MARC commun aux trois bibliothèques. Parallèlement, en 1996, dans le cadre de son Programme des bibliothèques, la Commission européenne promeut l’utilisation du format UNIMARC comme format commun d’échange entre tous les formats MARC utilisés dans les pays de l'Union européenne. Le groupe de travail correspondant étudie aussi les problèmes posés par les différentes polices de caractères, ainsi que la manière d’harmoniser le format bibliographique, tout comme le format du document lui-même pour les documents disponibles en ligne. A la fin des années 1990, de plus en plus de catalogues sont disponibles sur le web, moyennant une interface spécifique. L’usager a souvent le choix entre deux types de recherche, simple et avancée, et il peut sélectionner plusieurs critères complémentaires tels que le nombre de notices souhaitées ou bien le mode de classement. A réception du résultat, il dispose de plusieurs pages de notices abrégées ou complètes. Les notices sélectionnées peuvent être copiées, imprimées, sauvegardées ou bien envoyées par courriel. Des liens hypertextes permettent de passer facilement d’une requête à l’autre. Ces catalogues utilisent le protocole Z39.50, un standard de communication permettant de chercher et récupérer des informations bibliographiques dans des bases de données en ligne. Ce protocole est d'abord utilisé par le WAIS (wide area information servers), un système de recherche créé au début des années 1990 pour consulter les index de bases de données situées sur des serveurs consultables à distance, avant l'apparition des moteurs de recherche sur le web. La version du Z39.50 en cours (norme ISO 23950: 1998) est utilisée par les grands catalogues de bibliothèques disponibles sur le web, notamment par celui de la Library of Congress. Ce protocole est également promu par la Commission européenne pour favoriser son utilisation dans les pays de l’Union européenne. Tous deux en accès libre, les catalogues de la British Library et de la Library of Congress sont d’excellents outils bibliographiques à l’échelon mondial. En mai 1997, la British Library lance son OPAC 97 (OPAC: online public access catalogue), un catalogue en ligne permettant l’accès aux catalogues de ses principales collections à Londres et à Boston Spa, soit 150 millions de documents rassemblés depuis 250 ans. Catalogue expérimental, l’OPAC 97 est ensuite remplacé par sa version définitive, le BLPC (British Library public catalogue). Quant au catalogue de la Library of Congress, avec menus en anglais et en espagnol, il s’agit du plus important catalogue en ligne au monde, avec un grand nombre de notices en français. Les catalogues collectifs visent à faire connaître les ressources disponibles à l’échelon local, régional, national et international. C'est le cas par exemple du Catalogue collectif de France (CCFr), mis en chantier en juillet 1997, qui permet de «trouver des informations détaillées sur les bibliothèques françaises, leurs collections et leurs fonds (anciens, locaux ou spécifiques), connaître précisément les services qu’elles rendent et interroger leur catalogue en ligne». A terme, annonce-t-on en 1998, il permettra aussi de «localiser des ouvrages (documents imprimés, audio, vidéo, multimédia) dans les principales bibliothèques et demander le prêt ou la reproduction» de documents qui seront remis à l’usager dans la bibliothèque de son choix. C’est chose faite en novembre 2002. En juillet 2001, la gestion du CCFr est confiée à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Le CCFr regroupe les catalogues de la BnF et des bibliothèques universitaires, ainsi que les catalogues des fonds anciens (avant 1811) et locaux des bibliothèques municipales et spécialisées. En décembre 2006, le CCFr permet de localiser 15 millions de documents dans 160 bibliothèques françaises. = WorldCat et RedLightGreen L’internet facilite la gestion de catalogues collectifs mondiaux. Le but premier de ces catalogues est d’éviter de cataloguer à nouveau un document déjà catalogué par une bibliothèque partenaire. Si le catalogueur trouve la notice du livre qu’il est censé cataloguer, il la copie pour l’inclure dans le catalogue de sa propre bibliothèque. S’il ne trouve pas la notice, il la crée, et cette notice est aussitôt disponible pour les catalogueurs officiant dans d'autres bibliothèques. Ce pari osé est tenté par deux associations, l’OCLC (Online Computer Library Center) dès 1971 et le RLG (Research Libraries Group) dès 1980. Quelque trente ans plus tard, l’OCLC et le RLG gèrent de gigantesques bases bibliographiques alimentées par leurs adhérents, permettant ainsi aux bibliothécaires d’unir leurs forces par-delà les frontières. Fondée en 1967 dans l’Ohio (Etats-Unis), l’OCLC gère l’OCLC Online Union Catalog, débuté en 1971 pour desservir les bibliothèques universitaires de l’Etat de l’Ohio. Ce catalogue collectif s’étend ensuite à tout le pays, puis au monde entier. Désormais appelé WorldCat, et disponible sur abonnement payant, il comprend en 1998 38 millions de notices en 370 langues, avec translittération pour les caractères non romains des langues JACKPHY (japonais, arabe, chinois, coréen, persan, hébreu et yiddish). L’accroissement annuel est de 2 millions de notices. WorldCat utilise huit formats bibliographiques correspondant aux catégories suivantes: livres, périodiques, documents visuels, cartes et plans, documents mixtes, enregistrements sonores, partitions, documents informatiques. En 2005, 61 millions de notices bibliographiques produites par 9.000 bibliothèques et centres de documentation sont disponibles dans 400 langues. En 2006, 73 millions de notices provenant de 10.000 bibliothèques dans 112 pays permettent de localiser un milliard de documents. Une notice type contient la description du document ainsi que des informations sur son contenu: table des matières, résumé, couverture, illustrations et courte biographie de l’auteur. Devenue la plus grande base mondiale de données bibliographiques, WorldCat migre progressivement sur le web, d’abord en rendant la consultation des notices possible par le biais de plusieurs moteurs de recherche (Yahoo!, Google et bien d’autres), puis en lançant en août 2006 une version web (bêta) de WorldCat en accès libre, avec en sus un accès direct aux documents électroniques des bibliothèques membres: livres du domaine public, articles, photos, livres audio, musique et vidéos. Fondé en 1980 en Californie, avec une antenne à New York, le RLG (Research Library Group, qui devient ensuite le Research Libraries Group) se donne pour but d’améliorer l’accès à l’information dans le domaine de l’enseignement et de la recherche. Le RLG débute son propre catalogue sous le nom de RLIN (Research Libraries Information Network). Contrairement à WorldCat qui n'accepte qu'une notice par document, RLIN accepte plusieurs notices pour un même document. En 1998, RLIN comprend 82 millions de notices dans 365 langues, avec des notices translittérées pour les documents publiés dans les langues JACKPHY et en cyrillique. Des centaines de dépôts d’archives, bibliothèques de musées, bibliothèques universitaires, bibliothèques publiques, bibliothèques de droit, bibliothèques techniques, bibliothèques d’entreprise et bibliothèques d’art utilisent RLIN pour le catalogage, le prêt inter-bibliothèques et le contrôle des archives et des manuscrits. Une des spécialités de RLIN est l’histoire de l’art. Alimentée par 65 bibliothèques spécialisées, une section spécifique comprend 100.000 notices de catalogues d’expositions et 168.500 notices de documents iconographiques (photographies, diapositives, dessins, estampes et affiches). Cette section inclut aussi les 110.000 notices de la base bibliographique Scipio, consacrée aux catalogues de ventes. En 2003, RLIN change de nom pour devenir le RLG Union Catalog, qui comprend désormais 126 millions de notices bibliographiques correspondant à 42 millions de documents (livres, cartes, manuscrits, films, bandes sonores, etc.). Au printemps 2004, une version web du catalogue est disponible en accès libre sous le nom de RedLightGreen, suite à une phase pilote lancée à l’automne 2003. La mise en ligne de RedLightGreen inaugure une ère nouvelle. C’est en effet la première fois qu’un catalogue collectif mondial est en accès libre. Destiné en premier lieu aux étudiants du premier cycle universitaire, RedLightGreen propose 130 millions de notices, avec des liens vers des informations spécifiques aux bibliothèques d’un campus donné (cote, version en ligne si celle-ci existe, etc.). Après trois ans d’activité, en novembre 2006, les usagers sont invités à utiliser WorldCat, dont la version web (bêta) est en accès libre depuis août 2006. A la même date, le RLG est intégré à OCLC. 8.4. Chronologie * Cette chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité. 1967: Fondation d’OCLC (Online Computer Library Center). 1971: Débuts de l’OCLC Online Union Catalog, qui deviendra WorldCat. 1977: Lancement de l’UNIMARC, format universel de catalogage. 1980: Débuts du RLG (Research Libraries Group) et de son catalogue RLIN (Research Libraries Information Network). 1994: Travlang, répertoire de dictionnaires de langues créé par Michael Martin. 1994 (janvier): Annuaire de l’UREC (Unité réseaux du CNRS). 1995: Frantext, base textuelle de l’Institut national de la langue française (INaLF). 1995: A Web of Online Dictionaries, créé par Robert Beard. 1996: Adoption de l’UNIMARC par la Communauté européenne. 1996: Site de recherches et activités littéraires de Patrick Rebollar. 1996: Une Autre Terre, portail de science-fiction, créé par Fabrice Lhomme. 1996 (juin): Zazieweb, site d’actualité littéraire créé par Isabelle Aveline. 1997 (mai): OPAC (online public access catalogue) de la British Library. 1997 (juillet): Débuts du Catalogue collectif de France (CCFr). 1997 (décembre): Outils linguistiques de la société de traduction Logos. 1998: Rubriques à Bac, site créé par Gérard Fourestier. 1998: ESS (experimental search system) de la Library of Congress. 1999: yourDictionary.com, portail cofondé par Robert Beard. 1999 (décembre): WebEncyclo, première encyclopédie francophone en accès libre. 1999 (décembre): Britannica.com, première encyclopédie anglophone en accès libre. 1999 (décembre): Mise en ligne de l’Encyclopaedia Universalis. 2000: Mise en ligne du Quid. 2000: HyperNietzsche, lancé sous la direction de Paolo d’Iorio. 2000 (mars): Mise en ligne de l’Oxford English Dictionary. 2000 (septembre): L’encyclopédie Encarta de Microsoft en accès libre. 2000 (septembre): Mise en ligne du Grand dictionnaire terminologique (GDT) par l'Office québécois de la langue française (OQLF). 2001 (janvier): Laboratoire ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française). 2001 (janvier): Wikipedia, grande encyclopédie coopérative fondée par Jimmy Wales et Larry Sanger. 2003: RLIN devient le RLG Union Catalog, puis le RedLightGreen. 2004 (printemps): RedLightGreen, premier catalogue collectif mondial en accès libre. 2006 (août): Le catalogue collectif mondial WorldCat en accès libre en version bêta. 2006 (novembre): Disparition de RedLightGreen, et fusion du RLG avec l’OCLC. 2007 (mars): Citizendium, grande encyclopédie collaborative en ligne fondée par Larry Sanger. 2007 (mai): Encyclopedia of Life, grande encyclopédie collaborative des sciences de la vie fondée par un consortium. 9. LE LIVRE NUMERIQUE [9.1. Formats de lecture / PDF - Adobe Reader / OeB (Open eBook) / LIT - Microsoft Reader / PRC - Mobipocket Reader / PDB - Palm Reader / BRF (braille format) / DAISY - livre audio // 9.2. Une tâche titanesque / Une voie tracée par la presse / Divers canaux de diffusion / Une progression régulière // 9.3. Chronologie] Si le livre numérique commercial naît en mai 1998, il ne se développe véritablement qu’à compter du deuxième semestre 2000, en tant que mode de diffusion complémentaire de l’imprimé. De plus en plus de titres sont disponibles en deux versions, imprimée et numérique, puis, au fil des ans, uniquement en version numérique. Tout comme la version imprimée, la version numérique se décline en plusieurs formats, y compris au format braille et audio. En 2007, on compte des dizaines de milliers de livres numériques lisibles sur ordinateur, PDA, téléphone, smartphone et tablette électronique. 9.1. Formats de lecture Un format de lecture correspond à un logiciel donné. Un logiciel de lecture permet de lire à l’écran un livre numérique tout en bénéficiant des fonctionnalités suivantes: navigation hypertexte au sein du livre ou vers le web, changement de la taille et de la police des caractères, surlignage de certains passages, recherche de mots dans l’ensemble du texte, ajout de signets ou de notes personnelles, choix de l’affichage en mode paysage ou portrait, agrandissement des figures et graphiques, sommaire affiché en permanence, et enfin formatage automatique du livre et de sa pagination en fonction de la taille de l’écran (ce qu’on appelle le reflowing). Lancés en 2001 pour contrôler l’accès aux livres numériques sous droits, des systèmes de DRM (digital rights management) permettent la gestion des droits numériques en fonction des consignes données par l’éditeur. = PDF / Adobe Reader Lancé en juin 1993 par la société Adobe et diffusé gratuitement, le premier logiciel de lecture du marché est l’Acrobat Reader, qui permet de lire des documents au format PDF (portable document format). Ce format permet de figer les documents numériques dans une présentation donnée, pour conserver les polices, les couleurs et les images du document source, quelle que soit la plateforme utilisée pour le créer et pour le lire. Vendu en parallèle, le logiciel Adobe Acrobat permet de convertir n’importe quel document au format PDF. Au fil des ans, le format PDF devient la norme internationale de diffusion des documents électroniques, pour impression ou pour transfert d'une plateforme à l'autre. Des millions de documents PDF sont présents sur le web pour lecture ou téléchargement, ou bien transitent par courriel sous forme de fichier attaché. L’Acrobat Reader pour ordinateur est progressivement disponible dans plusieurs langues et pour diverses plateformes (Windows, Mac, Linux, Unix). En 2001, Adobe lance également un Acrobat Reader pour assistant personnel (PDA), utilisable sur le Palm Pilot (en mai 2001) puis sur le Pocket PC (en décembre 2001). Face à la concurrence représentée par le Microsoft Reader (lancé en avril 2000), Adobe annonce en août 2000 l’acquisition de la société Glassbook, spécialisée dans les logiciels de distribution de livres numériques à destination des éditeurs, des libraires, des distributeurs et des bibliothèques. Adobe passe aussi un partenariat avec Amazon.com et Barnes & Noble.com afin de proposer des titres lisibles sur l’Acrobat Reader et le Glassbook Reader. En janvier 2001, Adobe met sur le marché deux nouveaux logiciels. Le premier, gratuit, est l’Acrobat eBook Reader. Il permet de lire les fichiers PDF de livres numériques sous droits, avec gestion des droits par l’Adobe Content Server. Il permet aussi d’ajouter des notes et des signets, de choisir l’orientation de lecture des livres (paysage ou portrait), ou encore de visualiser leur couverture dans une bibliothèque personnelle. Il utilise la technique d’affichage CoolType et comporte un dictionnaire intégré. Le deuxième logiciel, payant, est l’Adobe Content Server, destiné aux éditeurs et distributeurs. Il s’agit d’un logiciel serveur de contenu assurant le conditionnement, la protection, la distribution et la vente sécurisée de livres numériques au format PDF. Ce système de gestion des droits numériques (DRM) permet de contrôler l’accès aux livres numériques sous droits, et donc de gérer les droits d’un livre selon les consignes données par le gestionnaire des droits, par exemple en autorisant ou non l’impression ou le prêt. En avril 2001, Adobe conclut un partenariat avec la grande librairie en ligne Amazon, qui met en vente 2.000 livres numériques lisibles sur l’Acrobat eBook Reader : titres de grands éditeurs, guides de voyages, livres pour enfants, etc. En dix ans, entre 1993 et 2003, l’Acrobat Reader aurait été téléchargé 500 millions de fois. Ce logiciel gratuit est désormais disponible dans de nombreuses langues et pour de nombreuses plateformes (Windows, Mac, Linux, Unix, Palm OS, Pocket PC, Symbian OS, etc.). En mai 2003, l’Acrobat Reader (5e version) fusionne avec l’Acrobat eBook Reader (2e version) pour devenir l’Adobe Reader (débutant à la version 6), qui permet de lire aussi bien les fichiers PDF standard que les fichiers PDF sécurisés. Fin 2003, Adobe ouvre sa librairie en ligne, dénommée Digital Media Store, avec les titres au format PDF de grands éditeurs (HarperCollins Publishers, Random House, Simon & Schuster, etc.) et des versions électroniques de journaux et magazines (The New York Times, Popular Science, etc.). Adobe lance aussi Adobe eBooks Central, un service permettant de lire, publier, vendre et prêter des livres numériques, et l’Adobe eBook Library, qui se veut un prototype de bibliothèque de livres numériques. Très complet, le site Planet PDF permet de suivre l’actualité du PDF. En novembre 2004, l’Adobe Content Server est remplacé par l’Adobe LiveCycle Policy Server. Les versions récentes d’Adobe Acrobat permettent de créer des PDF compatibles avec le standard Open eBook (OeB). = OeB (Open eBook) Les années 1998 et 1999 sont marquées par la prolifération des formats, dans le cadre d’un marché naissant promis à une expansion rapide. Aux formats classiques - format texte, Word, HTML (hypertext markup language), XML (extensible markup language) et PDF (portable document format) - s’ajoutent des formats propriétaires créés par plusieurs sociétés pour une lecture sur leurs propres logiciels: Glassbook Reader, Rocket eBook Reader, Peanut Reader, Franklin Reader, logiciel de lecture Cytale, Gemstar eBook Reader, Palm Reader, etc., ces logiciels correspondant le plus souvent à un appareil donné: Rocket eBook, eBookMan (Franklin), Cybook (Cytale), Gemstar eBook, Palm Pilot, etc. Inquiets pour l’avenir du livre numérique qui, à peine né, propose presque autant de formats que de titres, certains insistent sur l’intérêt, sinon la nécessité, d’un format unique. A l’instigation du NIST (National Institute of Standards and Technology, Etats-Unis) naît en juin 1998 l’Open eBook Initiative, qui constitue un groupe de travail de 25 personnes (Open eBook Authoring Group). Ce groupe élabore l’OeB (open ebook), un format basé sur le langage XML pour normaliser le contenu, la structure et la présentation des livres numériques. Le format OeB est défini par l’OeBPS (open ebook publication structure), dont la version 1.0 est disponible en septembre 1999. L’OeB est un format ouvert et gratuit appartenant au domaine public. Le format original est toutefois utilisé uniquement par les professionnels de la publication, puisqu’il doit être associé à un système de gestion des droits numériques (DRM). Fondé en janvier 2000 à la suite de l’Open eBook Initiative, l’Open eBook Forum (OeBF) est un consortium industriel international regroupant constructeurs, concepteurs de logiciels, éditeurs, libraires et spécialistes du numérique (85 participants en 2002) pour développer le format OeB et définir les versions successives de l’OeBPS. En avril 2005, l’OeBF change de nom pour devenir l’IDPF (International Digital Publishing Forum). La version en cours de l’OeBPS date de décembre 2006. = LIT / Microsoft Reader Lancé en avril 2000, le Microsoft Reader est un logiciel permettant la lecture de livres numériques au format LIT (abrégé du terme anglais «literature»), lui-même basé sur le format OeB. Dans un premier temps, le Microsoft Reader équipe uniquement le Pocket PC, l’assistant personnel lancé à la même date par Microsoft. Quatre mois plus tard, en août 2000, il est utilisable sur toute plateforme Windows, et donc aussi bien sur ordinateur que sur assistant personnel. Ses caractéristiques sont un affichage utilisant la technologie Cleartype, le choix de la taille des caractères, la mémorisation des mots-clés pour des recherches ultérieures, et l’accès d’un clic au Merriam-Webster Dictionary. Ce logiciel étant téléchargeable gratuitement, Microsoft facture les éditeurs et distributeurs pour l’utilisation de sa technologie de gestion des droits numériques (DRM), et touche une commission sur la vente de chaque titre. La gestion des droits numériques s’effectue au moyen du Microsoft DAS Server (DAS: digital asset server). Microsoft passe aussi des partenariats avec les grandes librairies en ligne - Barnes & Noble.com en janvier 2000 puis Amazon.com en août 2000 – pour la vente de livres numériques lisibles sur le Microsoft Reader. Barnes & Noble.com ouvre son secteur numérique en août 2000, suivi par Amazon.com en novembre 2000. En novembre 2002, le Microsoft Reader est disponible pour tablette PC, dès la commercialisation de cette nouvelle machine par 14 fabricants. = PRC / Mobipocket Reader Face à Adobe et Microsoft, un nouvel acteur s’impose rapidement sur le marché, sur un créneau bien spécifique, la lecture sur assistant personnel (PDA). Créée à Paris en mars 2000 par Thierry Brethes et Nathalie Ting, la société Mobipocket est financée en partie par Viventures, branche de la multinationale Vivendi. Mobipocket conçoit le logiciel de lecture Mobipocket Reader, qui permet la lecture de fichiers au format PRC (Palm resource). Gratuit et disponible en plusieurs langues (français, anglais, allemand, espagnol, italien), il est «universel», c’est-à-dire utilisable sur tout assistant personnel. En octobre 2001, le Mobipocket Reader reçoit l’eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort. A la même date, Franklin passe un partenariat avec Mobipocket pour l’installation du Mobipocket Reader sur l’eBookMan, l’assistant personnel multimédia de Franklin, au lieu du partenariat prévu à l’origine entre Franklin et Microsoft pour l’installation du Microsoft Reader. Si le Mobipocket Reader est gratuit, d’autres logiciels Mobipocket sont payants. Le Mobipocket Web Companion est un logiciel d’extraction automatique de contenu auprès des sites de presse partenaires. Le Mobipocket Publisher permet aux particuliers (qui ont le choix entre une version privée gratuite et une version standard payante) et aux éditeurs (version professionnelle payante) de créer des livres numériques sécurisés utilisant la technologie Mobipocket DRM, afin de contrôler l’accès aux livres numériques sous droits. Dans un souci d’ouverture aux autres formats, le Mobipocket Publisher permet de créer des livres numériques non seulement au format PRC, lu par le Mobipocket Reader, mais aussi au format LIT, lu par le Microsoft Reader. En avril 2002, la société lance une version du Mobipocket Reader pour ordinateur personnel. Au printemps 2003, le Mobipocket Reader équipe tous les assistants personnels du marché, à savoir les gammes Palm Pilot, Pocket PC, eBookMan et Psion, et les smartphones de Nokia et Sony Ericsson. A la même date, le nombre de livres lisibles sur le Mobipocket Reader se chiffre à 6.000 titres dans plusieurs langues (français, anglais, allemand, espagnol), distribués soit sur le site de Mobipocket soit dans les librairies partenaires. = PDB / Palm Reader En mars 1996, la société Palm lance le Palm Pilot, un assistant personnel (PDA) dont le succès est immédiat. Son système d’exploitation est le Palm OS, développé par PalmSource, une division de Palm. Sept ans après, malgré la concurrence de la gamme Pocket PC de Microsoft - lancée en avril 2000 - et des modèles de Hewlett-Packard, Sony, Handspring, Toshiba et Casio, le Palm Pilot reste l’assistant personnel le plus utilisé au monde, avec 23 millions de machines vendues entre 1996 et 2002. Quant au Palm OS, il équipe 55% des assistants personnels vendus en 2002, l'autre grande plateforme étant le système d’exploitation Pocket PC de Microsoft, avec un pourcentage de 25,7%. En mars 2001, Palm aborde le marché du livre numérique en faisant l’acquisition de Peanutpress.com, éditeur et distributeur de livres numériques pour assistant personnel, qui appartenait jusque-là à la société netLibrary. Le Peanut Reader devient le Palm Reader, et le format correspondant devient le format PDB (Palm database). D’abord utilisable uniquement sur les gammes Palm et Pocket PC, le Palm Reader est utilisable sur ordinateur en juillet 2002. Le Palm Pilot est équipé des logiciels de lecture Palm Reader et Mobipocket Reader. Lors du rachat de Peanutpress.com par Palm en mars 2001, les 2.000 titres numériques de Peanutpress.com - des best-sellers et des titres de grands éditeurs - sont transférés dans la librairie numérique Palm Digital Media. A la même date, le roman Dreamcatcher de Stephen King, dont on connaît l’intérêt pour le numérique, sort simultanément en version imprimée chez Simon & Schuster et en version numérique chez Palm Digital Media. Sont disponibles aussi chez Palm les versions numériques des best-sellers de Michael Connelly, Michael Crichton, Anne Rice et Scott Turow, ainsi que le Wall Street Journal et plusieurs magazines. En mars 2002, Everything’s Eventual, le nouveau recueil de nouvelles de Stephen King, est lancé simultanément par Scribner, une subdivision de Simon & Schuster, et par Palm Digital Media, qui en propose un extrait en téléchargement libre. En juillet 2002, les collections de Palm Digital Media se chiffrent à 5.500 titres dans plusieurs langues. En 2003, le catalogue approche les 10.000 titres. Palm Digital Media devient ensuite le Palm eBook Store. = BRF (braille format) Alphabet tactile inventé en 1829 par le français Louis Braille, le braille est le seul système d’écriture accessible aux aveugles. Il s’agit d’un système de six points composé de deux colonnes de trois points. La combinaison de ces six points permet de former toutes les lettres de l’alphabet, les signes de ponctuation et les symboles. Le braille est d’abord embossé sur papier au moyen d’une tablette et d’un poinçon. A partir de la fin des années 1970, il est produit à l’aide d’un afficheur braille piézo-électrique. A cet afficheur succède la machine Perkins avec son clavier de six touches. Puis apparaît le matériel informatique, par exemple le bloc-notes braille, qui sert à la fois de machine à écrire le braille et, quand il est connecté à un ordinateur, d’écran tactile permettant de lire l’écran de l’ordinateur. Le braille informatique peut s’afficher sur huit points, ce qui permet d’augmenter par quatre le nombre de combinaisons possibles. Le document numérique permettant de dissocier contenu et présentation, on peut désormais influer sur cette dernière en changeant la taille et la police des caractères, en inversant les contrastes, en supprimant la couleur ou en la modifiant, afin de faciliter la lecture des personnes malvoyantes. Les personnes aveugles peuvent convertir le contenu au format BRF ou alors au format DAISY pour lecture sur synthèse vocale. = DAISY / livre audio Quelle est l’origine du format DAISY, acronyme de «digital audio information system» puis de «digital accessible information system»? Depuis trente ans sinon plus, les personnes ayant un problème visuel peuvent écouter des livres sur bandes magnétiques ou sur cassettes, enregistrés au fil des ans par des centaines de bénévoles. Elles peuvent aussi se procurer en librairie des livres audio sur cassettes et - plus récemment - sur CD-Rom. Certains éditeurs proposent en effet une petite série de titres parfois enregistrés par les auteurs eux-mêmes. Fait récent, les technologies numériques permettent désormais de convertir automatiquement un document numérique en «voix» pour lecture sur synthèse vocale. Si les techniques de synthèse vocale s’améliorent, de l’avis de certains, rien ne remplace une vraie voix, c’est-à-dire une voix humaine, moins parfaite peut-être, mais vivante, avec des nuances, des intonations, des inflexions, etc. Or de nombreux organismes disposent d’enregistrements réalisés en analogique (à savoir sur bandes magnétiques et sur cassettes) par des bénévoles. La numérisation de tous ces enregistrements permettrait de les utiliser non seulement dans la communauté desservie mais partout ailleurs. D’une part chaque organisme pourrait accroître ses collections de manière exponentielle, d’autre part de nouvelles bibliothèques audio pourraient être créées à moindre coût, notamment dans les pays en développement. Plusieurs organismes spécialisés décident d’unir leurs forces pour oeuvrer en commun. Ils fondent en mai 1996 le DAISY Consortium, un consortium international chargé d’assurer la transition entre le livre audio analogique et le livre audionumérique. Sa tâche est immense: définir une norme internationale, déterminer les conditions de production, d’échange et d’utilisation du livre audionumérique, organiser la numérisation du matériel audio à l’échelle mondiale. Les activités du consortium sont peu à peu mises en place: définition des normes de spécification de fichiers à partir de celles du World Wide Web Consortium (W3C), conception de logiciels de conversion des bandes son analogiques en bandes son numériques, gestion d’ensemble de la production, échange de livres audionumériques entre bibliothèques, définition d’une loi internationale du droit d’auteur pour les personnes atteintes de déficience visuelle, protection des documents soumis au droit d’auteur, et enfin promotion de la norme DAISY à l’échelle mondiale. La norme DAISY se base sur le format DTB (digital talking book), qui permet l’indexation du livre audio et l’ajout de signets pour une navigation facile au niveau du paragraphe, de la page ou du chapitre. Près de 41.000 livres audio répondent à cette norme en mars 2003, 104.100 livres audio en mars 2004 et 129.650 livres audio en août 2005. D’autres formats possibles sont les standards de compression audio utilisés pour la musique, comme le MP3 ou le WMA (Windows media audio). En 2007, les collections enregistrées de livres du domaine public sont nombreuses, et le plus souvent en accès libre, par exemple AudioLivres (en français), LiteralSystems (en anglais), AudioBooksForFree (en anglais) et LibriVox (multilingue). 9.2. Une tâche titanesque = Une voie tracée par la presse Le développement de la presse en ligne (dans les années 1990) est intéressant parce qu’il préfigure celui du livre en ligne (dans les années 2000). Raison pour laquelle on l’expose brièvement ici. Au début des années 1990, les premières éditions électroniques de journaux sont disponibles par le biais de services commerciaux tels que America Online ou CompuServe. Suite à l'apparition du premier navigateur fin 1993 et à la croissance rapide du web qui s'ensuit, les organes de presse créent leurs propres sites. Au Royaume-Uni, le Times et le Sunday Times font web commun sur un site dénommé Times Online, avec possibilité de créer une édition personnalisée. Aux Etats-Unis, la version en ligne du Wall Street Journal est payante, avec 100.000 abonnés en 1998. Celle du New York Times est disponible sur abonnement gratuit. Le Washington Post propose l’actualité quotidienne en ligne et de nombreux articles archivés, le tout avec images, sons et vidéos. Pathfinder (rebaptisé ensuite Time) est le site web du groupe Time-Warner, éditeur de Time Magazine, Sports Illustrated, Fortune, People, Southern Living, Money, Sunset, etc. On peut y lire les articles maison et les rechercher par date ou par sujet. Lancé en 1992 en Californie, Wired, premier magazine imprimé entièrement consacré à la culture cyber, est bien évidemment présent sur le web. Mis en ligne en février 1995, le site web du mensuel Le Monde diplomatique est le premier site d’un périodique imprimé français. Monté dans le cadre d’un projet expérimental avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA), ce site est inauguré lors du forum des images Imagina. Il donne accès à l’ensemble des articles depuis janvier 1994, par date, par sujet et par pays. L’intégralité du mensuel en cours est consultable gratuitement pendant deux semaines suivant sa parution. Un forum de discussion permet au journal de discuter avec ses lecteurs. En juin 1998, Philippe Rivière, responsable du site, précise que, trois ans après sa mise en ligne, celui-ci a «bien grandi, autour des mêmes services de base: archives et annonce de sommaire». Grâce à l’internet, «le travail journalistique s’enrichit de sources faciles d’accès, aisément disponibles. Le travail éditorial est facilité par l’échange de courriers électroniques; par contre, une charge de travail supplémentaire due aux messages reçus commence à peser fortement.» Fin 1995, le quotidien Libération met en ligne son site web, peu après le lancement du Cahier Multimédia, un cahier imprimé hebdomadaire inclus dans l’édition du jeudi. Le site propose la Une du quotidien, la rubrique Multimédia, qui propose les articles du Cahier Multimédia et les archives des cahiers précédents, le Cahier Livres complété par Chapitre Un (les premiers chapitres des nouveautés), et bien d’autres rubriques. La rubrique Multimédia est ensuite rebaptisée Numériques. Le site du quotidien Le Monde est lancé en 1996. On y trouve des dossiers en ligne, la Une en version graphique à partir de 13 h, l’intégralité du journal avant 17 h, l’actualité en liaison avec l’AFP (Agence France-Presse), et des rubriques sur la bourse, les livres, le multimédia et les sports. En 1998, le journal complet en ligne coûte 5 FF (0,76 euros) alors que l’édition papier coûte 7,50 FF (1,15 euros). S’ils concernent le multimédia, les articles du supplément imprimé hebdomadaire Télévision-Radio-Multimédia sont disponibles gratuitement en ligne dans la rubrique Multimédia, rebaptisée ensuite Nouvelles technologies. L’Humanité est le premier quotidien français à proposer la version intégrale du journal en accès libre. Classés par rubriques, les articles sont disponibles entre 10 h et 11 h du matin, à l’exception de L’Humanité du samedi, disponible en ligne le lundi suivant. Tous les articles sont archivés sur le site. En juillet 1998, Jacques Coubard, responsable du site web, explique: «Le site de L’Humanité a été lancé en septembre 1996 à l’occasion de la Fête annuelle du journal. Nous y avons ajouté depuis un forum, un site consacré à la récente Coupe du monde de football (avec d’autres partenaires), et des données sur la Fête et sur le meeting d’athlétisme, parrainé par L’Humanité. Nous espérons pouvoir développer ce site à l’occasion du lancement d’une nouvelle formule du quotidien qui devrait intervenir à la fin de l’année ou au début de l’an prochain. Nous espérons également mettre sur le web L’Humanité Hebdo, dans les mêmes délais. Jusqu’à présent on ne peut pas dire que l’arrivée d’internet ait bouleversé la vie des journalistes, faute de moyens et de formation (ce qui va ensemble). Les rubriques sont peu à peu équipées avec des postes dédiés, mais une minorité de journalistes exploitent ce gisement de données. Certains s’en servent pour transmettre leurs articles, leurs reportages. Il y a sans doute encore une "peur" culturelle à plonger dans l’univers du net. Normal, en face de l’inconnu. L’avenir devrait donc permettre par une formation (peu compliquée) de combler ce handicap. On peut rêver à un enrichissement par une sorte d’édition électronique, mais nous sommes sévèrement bridés par le manque de moyens financiers.» La presse régionale est présente sur le web, par exemple Dernières nouvelles d’Alsace et Ouest-France. Lancé en septembre 1995, le site des Dernières nouvelles d’Alsace propose l’intégrale de l’édition du jour, tout comme des informations pratiques: cours de la bourse, calcul des impôts, etc. Il offre aussi une édition abrégée en allemand. Michel Landaret, responsable du site, précise en juin 1998 que celui-ci «compte actuellement 5.500 lecteurs par jour». Le quotidien Ouest-France est mis en ligne en juillet 1996. D’abord appelé France-Ouest, le site est ensuite renommé Ouest-France, du nom du journal. En juin 1998, Bernard Boudic, son responsable éditorial, relate: «A l’origine, l’objectif était de présenter et relater les grands événements de l’Ouest en invitant les internautes à une promenade dans un grand nombre de pages consacrées à nos régions (tourisme, industrie, recherche, culture). Très vite, nous nous sommes aperçus que cela ne suffisait pas. Nous nous sommes tournés vers la mise en ligne de dossiers d’actualité, puis d’actualités tout court. Aujourd’hui nous avons quatre niveaux d’infos : quotidien, hebdo (tendant de plus en plus vers un rythme plus rapide), événements et dossiers. Et nous offrons des services (petites annonces, guide des spectacles, presse-école, boutique, etc.). Nous travaillons sur un projet de journal électronique total: mise en ligne automatique chaque nuit de nos quarante éditions (450 pages différentes, 1.500 photos) dans un format respectant typographie et hiérarchie de l’information et autorisant la constitution par chacun de son journal personnalisé (critères géographiques croisés avec des critères thématiques).» Quelles sont les retombées de l’internet pour les journalistes? «Elles sont encore minces. Nous commençons seulement à offrir un accès internet à chacun (rédaction d’Ouest-France: 370 journalistes répartis dans soixante rédactions, sur douze départements... pas simple). Certains utilisent internet pour la messagerie électronique (courrier interne ou externe, réception de textes de correspondants à l’étranger, envoi de fichiers divers) et comme source d’informations. Mais cette pratique demande encore à s’étendre et à se généraliser. Bien sûr, nous réfléchissons aussi à tout ce qui touche à l’écriture multimédia et à sa rétro-action sur l’écriture imprimée, aux changements d’habitudes de nos lecteurs, etc. (...) Internet est à la fois une menace et une chance. Menace sur l’imprimé, très certainement (captation de la pub et des petites annonces, changement de réflexes des lecteurs, perte du goût de l’imprimé, concurrence d’un média gratuit, que chacun peut utiliser pour diffuser sa propre info, etc.). Mais c’est aussi l’occasion de relever tous ces défis, de rajeunir la presse imprimée.» Tous sujets que l'on retrouve quelques années plus tard pour les débuts du livre numérique: rapport accru de l'auteur avec ses lecteurs, mise en place de forums de discussion, nécessité d'une formation technique, utilisation de sources très diverses émanant de l'encyclopédie que devient le web, version payante versus version gratuite, version numérique versus version imprimée, etc. = Divers canaux de diffusion Contrairement au livre imprimé, vendu dans les librairies, le livre numérique est d’abord vendu par les éditeurs avant d’être vendu par les libraires, pour la raison bien simple qu’il faut laisser le temps à ces derniers de créer une structure qui n’existe pas. Par la suite, l’éditeur peut soit vendre directement sur son propre site ses titres numériques, soit passer un partenariat avec une librairie numérique, soit adopter simultanément les deux formules. Publiés en mai 1998 par les éditions 00h00, les tout premiers livres numériques commerciaux sont des classiques de la littérature française - Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne, Colomba de Prosper Mérimée, Poil de carotte de Jules Renard, etc. - ainsi que deux inédits : Sur le bout de la langue de Rouja Lazarova et La Coupe est pleine de Pierre Marmiesse. 00h00 passe aussi des accords avec des éditeurs «traditionnels» pour publier en version numérique certains de leurs titres imprimés. En mars 2000, Michel Valensi, directeur des éditions de l’Eclat, lance le concept du lyber, un terme «construit à partir du mot latin liber qui signifie à la fois: libre, livre, enfant, vin». Dans lePetit traité plié en dix sur le lyber, paru dans Libres enfants du savoir (éditions de l’Eclat, avril 2000), il définit le lyber comme un livre numérique disponible gratuitement sur l’internet dans son intégralité, selon le principe du shareware (partagiciel). Avec invitation d’acheter un exemplaire pour soi ou ses amis, possibilité de signaler l’adresse du libraire le plus proche où trouver le livre, et possibilité de laisser des commentaires sur le texte en ligne. «Le lyber est une tentative de cohabitation dynamique de ces supports. Le principe est simple: diffusion simultanée d’un même contenu sur les deux supports. Livre papier et document-en-ligne.» A la même date, en mars 2000, Stephen King décide de distribuer sa nouvelle Riding The Bullet uniquement par voie électronique, avec vente dans des librairies en ligne. Suite à cette expérience qui s’avère un succès à la fois médiatique et financier, l’auteur décide de se passer des services de Simon & Schuster, son éditeur habituel. En juillet 2000, il crée un site web spécifique pour débuter la publication en épisodes d’un roman épistolaire, The Plant. Cette deuxième expérience s’avère beaucoup moins concluante que la première, le nombre de téléchargements et de paiements ne cessant de baisser au fil des chapitres. En décembre 2000, après la parution gratuite du sixième chapitre, l’auteur décide de mettre The Plant en hibernation pendant une période indéterminée. Le suivi médiatique de cette expérience pendant les six mois qu’elle aura duré contribue largement à faire connaître le livre numérique, aussi bien chez les professionnels du livre que dans le grand public. D’autres auteurs de best-sellers prennent ensuite le relais, comme Frederick Forsyth au Royaume-Uni et Arturo Pérez-Reverte en Espagne, mais cette fois en partenariat avec leurs éditeurs respectifs. Durant l’été 2000, Simon & Schuster, l’éditeur habituel de Stephen King, profite de la vague médiatique entourant l’auto-publication d’un de ses auteurs-phare pour se lancer dans l’aventure en créant SimonSays.com. Il décide aussi de publier en version numérique seulement, sans correspondant imprimé, certains titres de Star Trek, la série de science-fiction la plus vendue au monde, qui compte six titres vendus par minute et quarante nouveaux titres publiés par an, en incluant les histoires et récits basés sur les séries télévisées et les films. Le premier titre numérique, The Belly of the Beast de Dean Wesley Smith, est disponible en août 2000 pour 5 dollars US. D’autres éditeurs emboîtent le pas à Simon & Schuster et débutent la vente de certains titres en version numérique, par exemple le géant Random House et, quelques mois plus tard, St. Martin’s Press, puis HarperCollins par le biais de son service électronique PerfectBound. En octobre 2000, les Presses universitaires de France (PUF) annoncent la parution de quatre titres simultanément en version numérique et en version imprimée. Ces quatre titres ont trait à l’internet: La presse sur internet de Charles de Laubier, La science et son information à l’heure d’internet de Gilbert Varet, Internet et nos fondamentaux par un collectif d’auteurs, et enfin HyperNietzsche publié sous la direction de Paolo d’Iorio. Chose peu courante chez les éditeurs français, le texte intégral d’HyperNietzsche est en accès libre sur le site des PUF pendant deux ans. En novembre 2000, pour convertir les auteurs qu’il publie à ce nouveau format, Random House annonce que ceux-ci recevront 50% des bénéfices nets réalisés sur la vente de leurs livres numériques, au lieu des 15% habituels. Si ce fort pourcentage était déjà proposé par certains éditeurs électroniques comme le londonien Online Originals, c’est la première fois qu’une maison d’édition traditionnelle de réputation internationale fait un tel effort financier. En janvier 2001, Barnes & Noble, autre géant du livre, se lance dans l’aventure en créant Barnes & Noble Digital. Barnes & Noble est non seulement une chaîne de librairies traditionnelles doublée d’une librairie en ligne, en partenariat avec Bertelsmann pour cette dernière, mais aussi un éditeur de livres classiques et illustrés. Pour attirer les auteurs, l’éditeur leur propose de leur verser 35% du prix des livres numériques vendus sur son site et les sites affiliés. Un pourcentage moindre que celui offert par Random House, mais nettement supérieur à celui versé par les autres éditeurs en ligne qui, après avoir proposé un pourcentage de 15% à l’origine, proposent un pourcentage d’environ 25% début 2001. L’opération de Barnes & Noble Digital vise bien sûr à convaincre les auteurs de best-sellers de l’intérêt d’une version numérique à côté de la version imprimée. = Une progression régulière Comme on le voit, si la vente de livres numériques débute dès mai 1998 avec la commercialisation de quelques titres par les éditions 00h00, elle ne commence vraiment à se généraliser qu’à l’automne 2000. Les titres disponibles sont vendus soit directement par les éditeurs, soit par le biais des libraires, avec impression à la demande grâce aux nouvelles technologies d’impression numérique développées notamment par les sociétés Xerox, Océ et IBM. Téléchargeables gratuitement, les principaux logiciels de lecture sont les logiciels d’Adobe (Acrobat Reader en juin 1993, Adobe eBook Reader en janvier 2001, Adobe Reader en mai 2003), le Mobipocket Reader (lancé en mars 2000), le Microsoft Reader (lancé en avril 2000) et le Palm Reader (lancé en mars 2001). A l’exception du format PDF (portable document format) apparu dès 1993, les formats utilisés sont basés sur l’OeB (open ebook), devenu en 1999 le format standard des livres numériques. On voit apparaître les premières librairies numériques, à savoir des librairies vendant exclusivement des livres numériques, le plus souvent par téléchargement, et dans plusieurs formats. Outre le fait qu’il faille une machine pour le lire - mais, après tout, c’est ce qui le caractérise, en attendant le papier électronique de demain - l’obstacle majeur à la diffusion du livre numérique est le faible nombre de titres disponibles. «Le volume de titres disponibles en format de lecture à l’écran est ridicule par rapport aux quelque 600.000 titres existant en français», indique en février 2001 Denis Zwirn, président de la librairie numérique Numilog. Mais, dès cette date, nombre d’éditeurs numérisent - ou font numériser - leurs fonds, à la perspective d’un marché naissant qui devrait connaître une forte expansion dans les prochaines années. Editeurs en ligne et libraires numériques négocient patiemment les droits auprès des éditeurs traditionnels, et ce non sans mal puisque, à tort ou à raison, la profession reste très inquiète des risques de piratage. Selon Zina Tucsnak, ingénieur d’études en informatique au Laboratoire ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), interviewée en novembre 2000, «l’ebook offre une combinaison d’opportunités: la digitalisation et l’internet. Les éditeurs apportent leurs titres à tous les lecteurs du monde. C’est une nouvelle ère de la publication.» Mais, à l'époque, le livre numérique est encore dans l’enfance. Comme l’explique en janvier 2001 Bakayoko Bourahima, documentaliste à l’ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée) d’Abidjan, «il faut voir par la suite comment il se développera et quelles en seront surtout les incidences sur la production, la diffusion et la consommation du livre. A coup sûr cela va entraîner de profonds bouleversements dans l’industrie du livre, dans les métiers liés au livre, dans l’écriture, dans la lecture, etc.» Une des incidences sur la diffusion du livre est la vente de celui-ci «en pièces détachées», à savoir un chapitre seul, ou une partie de livre, ou un article à l’unité, ou encore une carte ou un tableau statistique. Ce type de vente débute en 2002, à titre expérimental, par exemple chez Numilog ou encore dans la librairie en ligne de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Le prix du livre numérique est inférieur d’environ 30% à celui du livre imprimé. Sa commande et sa livraison sont quasi immédiates via l’internet. Quant à sa «taille» et son «poids», ils sont nuls, bien qu’en pareil cas il faille bien sûr prendre en compte la taille et le poids de la machine nécessaire pour le lire. En 2003, un assistant personnel (PDA) de type Pocket PC ou Palm Pilot pesant environ 200 grammes permet d’emporter avec soi une quinzaine de romans de 200 pages. Un ordinateur ultra-portable disposant d’un disque dur de 6 Go (gigaoctets), pesant moins de 1,5 kilo et équipé des logiciels de bureautique standard permet de stocker environ 5.000 livres. Quelle est la taille d’un fichier de livre numérique, et son temps de téléchargement? En 2003, quelques exemples sont donnés à titre indicatif dans la FAQ de Numilog. Une nouvelle de 50 pages représente un fichier de 150 kilo-octets. Le temps nécessaire à son téléchargement est de 37 secondes avec un modem 56 K (kilobits par seconde) et de 3 à 6 secondes avec une connexion à haut débit (câble ou DSL – digital subscriber line). Un roman de 300 pages représente un fichier de 1 mégaoctet. Son temps de téléchargement est de 4 minutes avec un modem 56 K et de 20 à 40 secondes avec une connexion à haut débit. Un guide pratique de 200 pages incluant des tableaux représente un fichier de 1,5 mégaoctet. Son temps de téléchargement est de 6 minutes avec un modem 56 K et de 30 à 60 secondes avec une connexion à haut débit. Un livre illustré avec des photos représente un fichier de 10 mégaoctets. Son temps de téléchargement est de 41 minutes avec un modem 56 K et de 3 à 6 minutes avec une connexion à haut débit. Chez les adeptes du livre numérique, l’enthousiasme des années 2000 et 2001 fait place à plus de mesure dans les années qui suivent. On ne parle plus du tout numérique pour le proche avenir, mais plutôt de la publication simultanée d’un même titre en deux versions, imprimée et numérique. Pour mettre en place ce nouveau mode de distribution, la tâche est rude. Il faut constituer les collections, améliorer les logiciels de lecture, rendre le prix des appareils de lecture abordable et, plus difficile encore, habituer le grand public à lire un livre à l’écran. Alors que, en octobre 2000, l’eBook est l’une des vedettes de la Foire internationale du livre de Francfort, il se fait beaucoup plus modeste les années suivantes. La même remarque vaut pour le Salon du livre de Paris qui, après avoir proposé un Village eBook en mars 2000, puis le premier sommet européen de l’édition numérique – dénommé eBook Europe 2001 – l’année suivante, n’organise pas de grande manifestation spécifique en 2002 et 2003. Il faut attendre le Salon de 2006 pour observer à nouveau un réel engouement, avec une vaste «plateforme numérique» rassemblant des imprimeurs numériques, des sociétés de numérisation d’ouvrages et des fabricants de livres numériques. Cependant, malgré le pessimisme relatif ayant succédé aux déclarations enthousiastes, le livre numérique poursuit patiemment son chemin. Si sa progression est lente, elle est constante. En 2001, le grand éditeur Random House vend deux fois plus de livres numériques qu’en 2000. Tous éditeurs confondus, les ventes de 2001 se chiffrent par milliers pour le New World College Dictionary de Webster, les ouvrages de fiction de Stephen King et de Lisa Scottolini, les livres d’économie et les manuels pratiques. Palm Digital Media, grande librairie numérique pour assistant personnel (PDA), vend 180.000 livres en 2001, une augmentation de 40% par rapport à l’année précédente. Début 2002, PerfectBound, le service électronique de l’éditeur HarperCollins, propose 10% du catalogue imprimé sous forme numérique. A la même date, Random House décide de publier systématiquement une version imprimée et une version numérique pour ses nouveaux titres. Conséquence d’un marché en pleine expansion, après avoir été conçus pour une machine spécifique - soit un ordinateur soit un assistant personnel - les principaux logiciels de lecture deviennent polyvalents. Si l’Acrobat Reader est d'abord uniquement disponible sur ordinateur les premières années, Adobe lance un Acrobat Reader pour assistant personnel en 2001, d'abord pour le Palm Pilot (mai 2001), puis pour Pocket PC (décembre 2001). Si, à l’origine, le Mobipocket Reader est destiné à la lecture sur assistant personnel, Mobipocket lance une version pour ordinateur en avril 2002. La même remarque vaut pour le Palm Reader. D'abord destiné au Palm Pilot et au Pocket PC, il s'étend à l'ordinateur en juillet 2002. Chose peu courante chez les concepteurs de logiciels, Mobipocket propose d’emblée un logiciel de lecture «universel», utilisable sur tout assistant personnel puis sur ordinateur, et manifeste très tôt un réel souci d’ouverture aux autres formats. Le Mobipocket Publisher permet de créer des livres numériques non seulement au format PRC (lisible sur le Mobipocket Reader) mais aussi au format LIT (lisible sur le Microsoft Reader). Après avoir fait cavalier seul en promouvant leur propre logiciel de lecture, les constructeurs y mettent aussi du leur. L’assistant personnel Palm Pilot permet de lire des livres numériques aussi bien sur le Palm Reader que sur le Mobipocket Reader. Son principal concurrent, le Pocket PC de Microsoft, permet de lire des livres sur le Microsoft Reader, le Mobipocket Reader et le Palm Reader. Vétéran des logiciels de lecture avec dix ans d’existence en 2003, l’Acrobat Reader (devenu l’Adobe Reader en mai 2003) s’adapte régulièrement aux besoins du marché. Pour ne prendre qu’un exemple, les utilisateurs d’autres logiciels disent apprécier le reflowing, une technique leur permettant de reformater automatiquement un livre et sa pagination en fonction de la taille de l’écran. Le reflowing est autorisé par les formats basés sur l’OeB (open ebook). Alors que ceci était impossible avec les versions précédentes de l’Acrobat Reader, le format PDF n’étant pas basé sur l’OeB, les versions 5 et suivantes d’Adobe Acrobat permettent de créer des documents PDF autorisant le reflowing, même si la numérotation des pages du document initial reste figée. Quatre ans après, en 2007, il est possible de créer des PDF compatibles avec l'OeB. Le nombre de titres s’accroît rapidement au fil des ans. En septembre 2003, le catalogue de Numilog comprend 3 500 titres (livres et numéros de revues) en français et en anglais, grâce à un partenariat avec une quarantaine d’éditeurs. En décembre 2006, ce catalogue comprend 35.000 titres grâce à un partenariat avec 200 éditeurs, dont 60 éditeurs francophones. La progression est tout aussi rapide pour Mobipocket. En 2003, le catalogue comprend 6.000 titres en plusieurs langues. En avril 2007, le catalogue comprend 39.000 titres en vente et 10.000 titres gratuits, et il est désormais diffusé par Amazon, qui a racheté la société en avril 2005. 9.3. Chronologie * Cette chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité. 1993 (juin): Acrobat Reader, premier logiciel de lecture, lancé par Adobe. 1996 (mars): Palm Pilot, premier assistant personnel du marché. 1996 (mai): Fondation du DAISY Consortium pour définir un standard de livre audionumérique. 1998 (mai): Premiers livres commerciaux lancés par les éditions 00h00. 1999 (septembre): Open eBook (OeB), standard de livre numérique. 2000 (janvier): Fondation de l’Open eBook Forum (OeBF). 2000 (janvier): Partenariat entre Microsoft et Barnes & Noble.com pour la vente de livres numériques. 2000 (mars): Mobipocket Reader, logiciel de lecture de Mobipocket. 2000 (mars): Concept du lyber par Michel Valensi. 2000 (mars): Riding the Bullet, nouvelle de Stephen King, distribuée sur l’internet. 2000 (avril): Pocket PC, assistant personnel de Microsoft. 2000 (avril): Microsoft Reader, logiciel de lecture utilisable sur Pocket PC. 2000 (juillet): Autopublication sur le web de The Plant, roman de Stephen King. 2000 (août): Partenariat entre Microsoft et Amazon pour la vente de livres numériques. 2000 (août): Microsoft Reader disponible pour toute plateforme Windows. 2000 (août): eBooks Store de Barnes & Noble.com. 2000 (été): SimonSays.com, branche numérique de Simon & Schuster. 2000 (octobre): Premiers titres numériques des PUF (Presses universitaires de France). 2000 (novembre): Conditions attractives pour la publication en numérique des auteurs de Random House. 2000 (décembre): eBooks Store d’Amazon. 2000 (décembre): Arrêt de l’autopublication sur le web de The Plant, roman de Stephen King. 2001: Premiers systèmes de DRM pour la gestion des droits numériques. 2001 (janvier): Adobe eBook Reader, logiciel de lecture pour livres sous droits. 2001 (janvier): Adobe Content Server, logiciel de gestion des droits numériques. 2001 (janvier): Barnes & Noble Digital, branche numérique de Barnes & Noble. 2001 (mars): Rachat de Peanutpress et de son logiciel de lecture par Palm. 2001 (mars): Palm Reader, logiciel de lecture de Palm. 2001 (avril): Partenariat entre Adobe et Amazon pour la vente de livres numériques. 2001 (mai): Acrobat Reader disponible pour Palm Pilot. 2001 (décembre): Acrobat Reader disponible pour Pocket PC. 2002 (avril): Mobipocket Reader disponible pour ordinateur personnel. 2002 (juillet): Palm Reader disponible pour ordinateur personnel. 2002 (novembre): Microsoft Reader disponible pour tablette PC. 2003 (mai): L’Adobe Reader remplace l’Acrobat Reader et l’Adobe eBook Reader. 2004 (novembre): L’Adobe LiveCycle Policy Server remplace l’Adobe Content Server. 2005 (avril): L’IDPF (International Digital Publishing Forum) succède à l’OeBF (Open eBook Forum). 2005 (avril): Rachat de Mobipocket par Amazon. 10. LES SUPPORTS DE LECTURE [10.1. Tablettes de lecture / Premiers modèles / Gemstar eBook / Cybook (Cytale - Bookeen) / Autres tablettes récentes // 10.2. Assistants personnels (PDA) / Psion / eBookMan (Franklin) / Palm Pilot et Pocket PC // 10.3. Nouveaux appareils / Souhaits en l'an 2000 / @folio, baladeur de textes / Smartphones et successeurs // 10.4. Le papier électronique / Souhaits en l’an 2000 / E Ink / Autres initiatives // 10.5. Chronologie] Les livres numériques sont d’abord lisibles sur l’écran de l'ordinateur. En 1999, pour plus de mobilité, on voit apparaître des appareils dédiés, sous forme de tablettes électroniques. A partir de l'an 2000, les assistants personnels (PDA) intègrent peu à peu des logiciels de lecture. Suit la lecture sur webpad et tablette PC, puis sur téléphone portable et smartphone. Annoncé pour la fin des années 2000, le papier électronique devrait permettre de concilier les avantages du numérique et le confort d’un matériau souple proche du papier. 10.1. Tablettes de lecture Une tablette électronique de lecture se présente comme une machine portable de la taille d’un gros livre, avec un écran à cristaux liquides (appelé aussi écran LCD: liquid crystal display) rétro-éclairé ou non, noir et blanc ou en couleur. Elle fonctionne sur batterie et, selon les modèles, dispose d’un modem intégré, d’un port USB et de connexions Bluetooth et WiFi, pour connexion à l’internet et téléchargement des livres à partir de sites d’éditeurs ou de librairies numériques. = Premiers modèles Apparues en 1999, les premières tablettes de lecture sont conçues et développées dans la Silicon Valley, en Californie. Le modèle le plus connu, le Rocket eBook, est créé par la société NuvoMedia, en partenariat avec la chaîne de librairies Barnes & Noble et le géant des médias Bertelsmann. Un deuxième modèle, le Softbook Reader, est développé par la société Softbook Press, en partenariat avec les deux grandes maisons d’édition Random House et Simon & Schuster. Plusieurs autres modèles ont une durée de vie assez courte, par exemple l’Everybook, appareil à double écran créé par la société du même nom, ou encore le Millennium eBook, créé par Librius.com. A cette époque, qui n’est pas si lointaine, toutes ces tablettes électroniques pèsent entre 700 grammes et 2 kilos et peuvent stocker une dizaine de livres. = Gemstar eBook Lancés en octobre 2000 à New York, les deux premiers modèles de Gemstar eBook sont les successeurs du Rocket eBook (conçu par la société NuvoMedia) et du Softbook Reader (conçu par la société Softbook Press), suite au rachat de NuvoMedia et de Softbook Press par Gemstar-TV Guide International en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, ces deux modèles - le REB 1100 (écran noir et blanc, successeur du Rocket eBook) et le REB 1200 (écran couleur, successeur du Softbook Reader) - sont construits et vendus sous le label RCA, appartenant à Thomson Multimedia. Le système d’exploitation, le navigateur et le logiciel de lecture sont spécifiques au produit, tout comme le format de lecture, basé sur le format OeB (open ebook). Le REB 1100 (18 x 13,5 centimètres) a une taille comparable à celle d’un (très) gros livre broché. Son poids est de 510 grammes. Son autonomie est de 15 heures. Il dispose d’un modem 36,6 K (kilobits par seconde). Sa mémoire compact flash de 8 mégaoctets permet de stocker 20 romans, soit 8.000 pages de texte. La mémoire peut être étendue à 72 mégaoctets pour permettre un stockage de 150 livres, soit 60.000 pages de texte. L’écran tactile noir et blanc rétro-éclairé a une résolution de 320 x 480 pixels. Le REB 1100 est vendu par la chaîne de magasins SkyMall au prix de 300 dollars US. Un peu plus volumineux, le REB 1200 (23 x 19 centimètres) a la taille d’un grand livre cartonné. Son poids est de 750 grammes. Son autonomie est de 6 à 12 heures. Il dispose d’un modem 56 K et d’une connexion Ethernet. Sa mémoire compact flash de 8 mégaoctets permet de stocker 5.000 pages. La mémoire peut être étendue à 128 mégaoctets pour permettre un stockage de 80.000 pages. L’écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 480 x 640 pixels. Le REB 1200 est vendu par SkyMall au prix de 699 dollars. La commercialisation du modèle européen, le GEB 2200, débute en octobre 2001 en commençant par l’Allemagne. Le GEB 2200 a les mêmes caractéristiques que le REB 1200. Son poids est un peu supérieur (970 grammes) parce qu’il inclut une couverture en cuir protégeant l’écran. Son prix est de 649 euros. Ce prix inclut deux abonnements - un abonnement de six semaines à la version électronique de Der Spiegel et un abonnement de quatre semaines à la version électronique du Financial Times Deutschland - ainsi que deux best-sellers et quinze oeuvres classiques. Aux Etats-Unis, les ventes sont très inférieures aux pronostics. En avril 2002, un article du New York Times annonce l’arrêt de la fabrication de ces appareils par RCA. A l’automne 2002, leurs successeurs, le GEB 1150 et le GEB 2150, sont produits sous le label Gemstar et vendus par SkyMall à un prix beaucoup plus compétitif, avec ou sans abonnement annuel ou bisannuel à la librairie numérique de Gemstar eBook. Le GEB 1150 coûte 199 dollars sans abonnement, et 99 dollars avec abonnement annuel (facturé 20 dollars par mois). Le GEB 2150 coûte 349 dollars sans abonnement, et 199 dollars avec abonnement bisannuel (20 dollars par mois). Les deux modèles GEB 1150 et GEB 2150 sont livrés non seulement avec un dictionnaire intégré, le Webster’s Pocket American Dictionary (publié par Random House), mais aussi avec la version anglaise du Tour du monde en 80 jours de Jules Verne (publiée par eBooks Classics), best-seller universel qui poursuit ainsi sa carrière en version numérique. En Allemagne, on parle d’un remplacement éventuel du GEB 2200 par le GEB 1150 courant 2003. Mais Gemstar décide de mettre fin à ses activités eBook. La société cesse la vente de ses tablettes de lecture en juin 2003 et celle de ses livres numériques le mois suivant. = Cybook (Cytale / Bookeen) Première tablette de lecture européenne, le Cybook (21 x 16 centimètres) est conçu et développé par la société française Cytale, et commercialisé en janvier 2001. Son poids est de 1 kilo. Sa mémoire - 32 Mo (mégaoctets) de mémoire SDRAM (synchronous dynamic random access memory) et 16 Mo de mémoire flash - permet de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages. Son autonomie est de 5 heures. Il est équipé d’un modem 56 K, d’un haut-parleur, d’une sortie stéréo avec prise casque et de plusieurs ports pour périphériques. L’écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 600 x 800 pixels. L’affichage est possible en mode portrait ou paysage. Le Cybook utilise le système d’exploitation Windows CE de Microsoft, le navigateur Internet Explorer et un logiciel de lecture spécifique basé sur le format OeB. Il intègre un dictionnaire Hachette de 35.000 mots. En mars 2002, il coûte 883 euros sans abonnement, et 456 euros avec abonnement annuel (facturé 20 euros par mois). Les livres sont téléchargés à partir du site web de Cytale, suite à des partenariats avec plusieurs éditeurs et sociétés de presse. «J’ai croisé il y a deux ans le chemin balbutiant d’un projet extraordinaire, le livre électronique, écrit en décembre 2000 Olivier Pujol, PDG de Cytale. Depuis ce jour, je suis devenu le promoteur impénitent de ce nouveau mode d’accès à l’écrit, à la lecture, et au bonheur de lire. La lecture numérique se développe enfin, grâce à cet objet merveilleux: bibliothèque, librairie nomade, livre "adaptable", et aussi moyen d’accès à tous les sites littéraires (ou non), et à toutes les nouvelles formes de la littérature, car c’est également une fenêtre sur le web.» Cytale développe aussi le Cybook Pro, une version du Cybook à destination des entreprises, des universités et des collectivités pour la gestion de leurs documents numérisés: dossiers clients, normes techniques, procédures, catalogues, cartes, etc. Par ailleurs, en collaboration avec l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), Cytale adapte son logiciel pour permettre la lecture de livres numériques sur plage braille ou sur synthèse vocale. Dans cette optique, la société développe le Cybook Vision, une tablette adaptée aux besoins des personnes malvoyantes et distribuée par un réseau d’opticiens. «Toutes les opérations de navigation, en mode autonome, ont été élaborées sur les conseils d’orthoptistes et à partir des suggestions de malvoyants, lit-on sur le site web. Réduites à l’essentiel, elles autorisent la création de stratégies de lecture personnalisées. L’appareil, qui fonctionne comme un enregistreur, est doté d’une capacité de mémoire qui autorise une contenance d’environ trente livres. Chaque ouvrage est lisible dans deux polices et six tailles de caractères. La catégorie la plus grande correspond à un corps de texte 28 ou à la taille P. 20 selon les normes des orthoptistes. La résolution d’écran "Super VGA" (super video graphics adapter) de 100 DPI (dots per inch) offre une excellente netteté des caractères. Le rétro-éclairage de cet écran autorise la lecture dans une ambiance peu lumineuse. Le contraste et la luminosité peuvent être réglés séparément et sont activés par un bouton. Une icône autorise le changement de couleur de fond, qui passe du blanc au jaune pour répondre à certains problèmes de photosensibilité. Les textes peuvent être lus en corps noir sur blanc ou blanc sur noir, jaune sur noir ou noir sur jaune.» Pour les trois modèles, les ventes sont très inférieures aux pronostics. Ces ventes insuffisantes forcent la société à se déclarer en cessation de paiement, l’administrateur ne parvenant pas à trouver un repreneur après le redressement judiciaire prononcé en avril 2002. Cytale est mis en liquidation judiciaire en juillet 2002 et cesse ses activités à la même date. La commercialisation du Cybook est reprise quelques mois plus tard par la société Bookeen, créée en 2003 à l’initiative de Michael Dahan et de Laurent Picard, deux ex-ingénieurs de chez Cytale. «A côté des logiciels "maison" - le Boo Reader et le Boo Reader Vision - le Mobipocket Reader, le µBook et le PDF Viewer équipent désormais par défaut la tablette», explique Alain Patez, responsable des éditions numériques à la Médiathèque Landowski de Boulogne-Billancourt, et qui met ces tablettes à la disposition de son public. «Le Cybook s’enrichit d’une nouvelle suite logicielle et d’un nouveau mode de connexion et de synchronisation, grâce au support de l’infrarouge et de l’USB. Cette nouvelle version est mise en vente en juin 2004. Grâce à son partenariat avec Mobipocket, Bookeen ouvre en novembre 2004 sa propre librairie en ligne (Ubibooks). Les livres sont également proposés sur carte amovible, la "BibliCarte", au format OeB. Commercialisée principalement aux Etats-Unis, la tablette est en rupture de stock en octobre 2006. En juillet 2007, Bookeen dévoile la nouvelle version e-ink / e-paper de sa tablette baptisée "Cybook Gen3". Cette machine opère désormais sous plateforme Linux et dispose d’une suite logicielle comparable à la version antérieure. Elle se distingue particulièrement par son poids - 174 grammes - et par une autonomie de lecture d’un mois sans rechargement. L’écran, monochrome, affiche quatre nuances de gris. La commercialisation du Cybook Gen3 est annoncée pour septembre 2007. Cette tablette exploitera la technologie d'encre électronique E Ink.» = Autres tablettes récentes En avril 2004, Sony lance au Japon le Librié 1000-EP, produit en partenariat avec les sociétés Philips et E Ink. Cette nouvelle tablette est la première à utiliser la technologie d’affichage développée par la société E Ink et communément appelée encre électronique. L’appareil pèse 300 grammes (avec piles et protection d’écran), pour une taille de 12,6 x 19 x 1,3 centimètres. Sa mémoire est de 10 mégaoctets - avec possibilité d’extension - et sa capacité de stockage de 500 livres. Son écran de 6 pouces a une définition de 170 DPI et une résolution de 800 x 600 pixels. Un port USB permet le téléchargement des livres à partir de l’ordinateur. L’appareil comprend aussi un clavier, une fonction enregistrement et une synthèse vocale. Il fonctionne avec quatre piles alcalines, qui permettraient la consultation de 10.000 pages. Son prix est de 375 dollars US. D’autres modèles sont lancés par divers constructeurs, par exemple Toshiba, qui lance le Ebook, Panasonic, qui lance le Sigma Book, ou eREAD, qui lance le STAReBook (appelé aussi e-Reader par le quotidien Les Echos). Les trois modèles les plus présents en 2007 semblent être l’iLiad (iRex Technologies), le Sony Reader (Sony) et le Hanlin eReader (Jinke), qui utilisent tous les trois la technologie E Ink. Lancé par la société néerlandaise iRex Technologies, l’iLiad est conçu spécifiquement pour la consultation de journaux électroniques et pour la lecture de livres sur le Mobipocket Reader. Produit par la société chinoise Jinke, le Hanlin eReader se décline en plusieurs versions et supporte de nombreux formats, dont les formats PDF, DOC, HTML, MP3, JPG, TXT et ZIP. Lancé en octobre 2006 aux Etats-Unis, le Sony Reader, plus petit que l’iLiad, est vendu au prix de 350 dollars US. En mai 2007, Telecom Italia lance le Librofonino, décrit comme un « livre cellulaire ». Connectable en permanence aux réseaux téléphoniques sans fil (3GSM et autres) quel que soit le pays, le Librofonino tient aisément dans une poche, avec un écran ouvrant plus large que l’appareil lui-même. Suite à l’acquisition de Mobipocket en avril 2005, Amazon lance fin 2007 sa propre tablette de lecture, le Kindle. Reste à voir si ces modèles auront une durée de vie supérieure à celle de leurs prédécesseurs. En 2008, on attend un écran souple ultrafin appelé papier électronique. Parallèlement, quelques quotidiens tentent une expérience de lecture nomade. En avril 2006, le quotidien belge De Tidj est proposé en version électronique nomade sur l’iLiad. En avril 2007, le quotidien français Les Echos lance une version électronique nomade - actualisée plusieurs fois par jour - sur deux tablettes de lecture, avec un prix différent selon la tablette achetée: 649 euros (abonnement annuel + achat de l'e-Reader d'e-READ) ou 769 euros (abonnement annuel + achat de l'iLiad). Pour ceux qui auraient déjà leur tablette, l'abonnement annuel sans tablette est de 365 euros. 10.2. Assistants personnels (PDA) Lorsque le livre numérique commence à se généraliser en 2000, les fabricants d’assistants personnels (PDA) décident d’intégrer un logiciel de lecture dans leur machine, en plus des fonctionnalités habituelles : agenda, dictaphone, lecteur de MP3, etc. En parallèle, à partir de la production imprimée existante, ils négocient les droits de diffusion numérique de centaines de titres. Si certains professionnels du livre s’inquiètent de la petitesse de l’écran, les adeptes de la lecture sur PDA assurent que la taille de l’écran n’est pas un problème. = Psion Marie-Joseph Pierre est enseignante-chercheuse à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE, section Sciences religieuses, Paris-Sorbonne). Elle utilise un Psion depuis plusieurs années pour lire et étudier dans le train lors de ses fréquents déplacements entre Argentan, sa ville de résidence, et Paris. Elle achète son premier Psion en 1997, un Série 3, remplacé ensuite par un Série 5, remplacé lui-même par un Psion 5mx en juin 2001. En février 2002, elle raconte: «J’ai chargé tout un tas de trucs littéraires – dont mes propres travaux et dont la Bible entière – sur mon Psion 5mx (16 + 16 mégaoctets), que je consulte surtout dans le train ou pour mes cours, quand je ne peux pas emporter toute une bibliothèque. J’ai mis les éléments de programme qui permettent de lire page par page comme sur un véritable ebook. Ce qui est pratique, c’est de pouvoir charger une énorme masse documentaire sur un support minuscule. Mais ce n’est pas le même usage qu’un livre, surtout un livre de poche qu’on peut feuilleter, tordre, sentir..., et qui s’ouvre automatiquement à la page qu’on a aimée. C’est beaucoup moins agréable à utiliser, d’autant que sur PDA, la page est petite: on n’a pas de vue d’ensemble. Mais une qualité appréciable: on peut travailler sur le texte enregistré, en rechercher le vocabulaire, réutiliser des citations, faire tout ce que permet le traitement informatique du document, et cela m’a pas mal servi pour mon travail, ou pour mes activités associatives. Je fais par exemple partie d’une petite société poétique locale, et nous faisons prochainement un récital poétique. J’ai voulu rechercher des textes de Victor Hugo, que j’ai maintenant pu lire et même charger à partir du site de la Bibliothèque nationale de France: c’est vraiment extra.» Le Psion Organiser est le vétéran des agendas électroniques. Le premier modèle est lancé dès 1984 par la société britannique Psion. Au fil des ans, la gamme des appareils s’étend et la société se développe à l’international. En 2000, les divers modèles (Série 7, Série 5mx, Revo, Revo Plus) sont concurrencés par le Palm Pilot et le Pocket PC. Suite à une baisse des ventes, la société décide de diversifier ses activités. Suite au rachat de Teklogix, Psion Teklogix est fondé en septembre 2000 afin de développer des systèmes informatiques mobiles sans fil à destination des entreprises. Psion Software est fondé en 2001 pour développer les logiciels de la nouvelle génération d’appareils mobiles utilisant la plateforme Symbian OS, par exemple ceux du smartphone Nokia 9210, modèle précurseur commercialisé la même année. = eBookMan (Franklin) Basée dans le New Jersey (Etats-Unis), la société Franklin commercialise dès 1986 le premier dictionnaire consultable sur une machine de poche. Quinze ans plus tard, Franklin distribue 200 ouvrages de référence sur des machines de poche: dictionnaires unilingues et bilingues, encyclopédies, bibles, manuels d’enseignement, ouvrages médicaux et livres de loisirs. En octobre 2000, Franklin lance l’eBookMan, un assistant personnel multimédia qui, entre autres fonctionnalités (agenda, dictaphone, etc.), permet la lecture de livres numériques sur le logiciel de lecture Franklin Reader. A la même date, l’eBookMan reçoit l’eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort. Trois modèles (EBM-900, EBM-901 et EBM-911) sont disponibles début 2001. Leurs prix respectifs sont de 130, 180 et 230 dollars US. Le prix est fonction de la taille de la mémoire vive (8 ou 16 mégaoctets) et de la qualité de l’écran à cristaux liquides (écran LCD), rétro-éclairé ou non selon les modèles. Nettement plus grand que celui de ses concurrents, l’écran n’existe toutefois qu’en noir et blanc, contrairement à la gamme Pocket PC ou à certains modèles Palm avec écran couleur. L’eBookMan permet l’écoute de livres audio et de fichiers musicaux au format MP3. En octobre 2001, Franklin décide de ne pas intégrer le Microsoft Reader à l’eBookMan, mais de lui préférer le Mobipocket Reader, logiciel de lecture jugé plus performant, et primé à la même date par l’eBook Technology Award à Francfort. Parallèlement, le Franklin Reader est progressivement disponible pour les gammes Psion, Palm, Pocket PC et Nokia. Franklin développe aussi une librairie numérique sur son site en passant des partenariats avec plusieurs éditeurs, notamment avec Audible.com pour avoir accès à sa collection de 4.500 livres audionumériques. = Palm Pilot et Pocket PC Suite au Psion et à l'eBookMan, les usagers se tournent peu à peu vers deux nouvelles gammes d'assistants personnels (ou PDA: personal digital assistant), les Palm Pilot et les Pocket PC, qui deviennent les favoris du marché. La société Palm lance le premier Palm Pilot en mars 1996 et vend 23 millions de machines entre 1996 et 2002. Son système d’exploitation est le Palm OS et son logiciel de lecture le Palm Reader. En mars 2001, les modèles Palm permettent aussi la lecture de livres numériques sur le Mobipocket Reader. Commercialisé par Microsoft en avril 2000 pour concurrencer le Palm Pilot, le Pocket PC utilise un système d’exploitation spécifique, Windows CE, qui intègre le nouveau logiciel de lecture Microsoft Reader. En octobre 2001, Windows CE est remplacé par Pocket PC 2002, qui permet entre autres de lire des livres numériques sous droits. Ces livres sont protégés par un système de gestion des droits numériques dénommé Microsoft DAS Server (DAS: digital asset server). En 2002, le Pocket PC permet la lecture sur trois logiciels: le Microsoft Reader bien sûr, le Mobipocket Reader et le Palm Reader. D’après Seybold Reports.com, en avril 2001, on compte 100.000 tablettes de lecture pour 17 millions d’assistants personnels (PDA). Deux ans plus tard, en juin 2003, plus aucune tablette n’est commercialisée. De nouveaux modèles apparaissent ensuite, mais on se demande s'ils peuvent vraiment réussir à s’imposer face à l’assistant personnel, qui offre aussi d’autres fonctionnalités. On se demande aussi s'il existe une clientèle spécifique pour les deux machines, la lecture sur assistant personnel étant destinée au grand public, et la lecture sur tablette électronique étant réservée aux gros consommateurs de documents que sont les lycéens, les étudiants, les professeurs, les chercheurs ou les juristes. Le débat reste toujours d'actualité dans les années qui suivent. 10.3. Nouveaux appareils = Souhaits en l'an 2000 En l’an 2000, à l’exception de quelques spécialistes, les professionnels du livre restent assez sceptiques sur le confort de lecture procuré par une machine. Si le concept les séduit, les premiers modèles ne suscitent guère d’enthousiasme, sinon une curiosité amusée et le souhait de meilleurs appareils de lecture. «Je pense qu’on est loin des formats et des techniques définitifs, déclare en novembre 2000 Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas. Beaucoup de recherches sont en cours, et un format et un support idéal verront certainement le jour sous peu.» Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditeur, écrit à la même date: «Le livre électronique est avant tout un moyen pratique d’atteindre différemment une certaine catégorie de lecteurs composée pour partie de curieux aventuriers des techniques modernes et pour partie de victimes du mode résolument technologique. (...) Je suis assez dubitative sur le "plaisir" que l’on peut retirer d’une lecture sur un écran d’un roman de Proust. Découvrir la vie des personnages à coups de souris à molette ou de descente d’ascenseur ne me tente guère. Ce support, s’il possède à l’évidence comme avantage la disponibilité de toute oeuvre à tout moment, possède néanmoins des inconvénients encore trop importants. Ceci étant, sans nous cantonner à une position durablement ancrée dans un mode passéiste, laissons à ce support le temps nécessaire pour acquérir ses lettres de noblesse.» Cet avis est partagé par Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d’inédits artistiques et littéraires. «L’ebook est sans aucun doute un support extraordinaire, explique-t-il en octobre 2000. Il aura son rôle à jouer dans la diffusion des oeuvres ou des journaux électroniques, mais il ne remplacera jamais le véritable bouquin papier de papa. Il le complétera. (...) Voyez la monnaie électronique: on ne paie pas encore son boulanger ou ses cigarettes avec sa carte de crédit et on a toujours besoin d’un peu de monnaie dans sa poche, en plus de sa carte Visa. L’achat d’un livre n’est pas un acte purement intellectuel, c’est aussi un acte de sensualité que ne comblera jamais un ebook. Naturellement, l’édition classique devra en tenir compte sur le plan marketing pour se différencier davantage, mais je crois que l’utilisation des deux types de supports sera bien distincte. Le téléphone n’a pas tué le courrier, la radio n’a pas tué la presse, la télévision n’a pas tué la radio ni le cinéma... Il y a de la place pour tout, simplement, ça oblige à chaque fois à une adaptation et à un regain de créativité. Et c’est tant mieux!» Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l’Université Paris 8, écrit pour sa part en janvier 2001: «J’attends de voir concrètement comment ils fonctionnent et si les éditeurs sont capables de proposer des produits spécifiques à ce support car, si c’est pour reproduire uniquement des livres imprimés, je suis assez sceptique. L’histoire des techniques montre qu’une technique n’est adoptée que si - et seulement si... - elle apporte des avantages concrets et conséquents par rapport aux techniques auxquelles elle prétend se substituer.» Ce scepticisme est partagé par Olivier Bogros, directeur de la Médiathèque municipale de Lisieux (Normandie), qui s’exclame en août 2000: «De quoi parle-t-on? Des machines monotâches encombrantes et coûteuses, avec format propriétaire et offre éditoriale limitée? Les Palm, Psion et autres hand et pocket computers permettent déjà de lire ou de créer des livres électroniques (appelés ici livres numériques, ndlr), et en plus servent à autre chose. Ceci dit, la notion de livre électronique m’intéresse en tant que bibliothécaire et lecteur. Va-t-il permettre de s’affranchir d’un modèle économique à bout de souffle (la chaîne éditoriale n’est pas le must en la matière)? Les machines à lire n’ont de mon point de vue de chance d’être viables que si leur utilisateur peut créer ses propres livres électroniques avec (cf. cassettes vidéo).» Patrick Rebollar, professeur de littérature française et d’informatique dans des universités japonaises, écrit en décembre 2000: «Je trouve enthousiasmant le principe de stockage et d’affichage mais j’ai des craintes quant à la commercialisation des textes sous des formats payants. Les chercheurs pourront-ils y mettre leurs propres corpus et les retravailler? L’outil sera-t-il vraiment souple et léger, ou faut-il attendre le développement de l’encre électronique? Je crois également que l’on prépare un cartable électronique pour les élèves des écoles, ce qui pourrait être bon pour leur dos...» Olivier Gainon, fondateur des éditions CyLibris, manifeste lui aussi un certain scepticisme à l’égard des modèles actuels. Il explique à la même date: «Je ne crois pas trop à un objet qui a des inconvénients clairs par rapport à un livre papier (prix / fragilité / aspect / confort visuel / etc.), et des avantages qui me semblent minimes (taille des caractères évolutifs / plusieurs livres dans un même appareil / rétro-éclairage de l’écran / etc.). De même, je vois mal le positionnement d’un appareil exclusivement dédié à la lecture, alors que nous avons les ordinateurs portables d’un côté, les téléphones mobiles de l’autre et les assistants personnels (dont les Pocket PC) sur le troisième front. Bref, autant je crois qu’à terme la lecture sur écran sera généralisée, autant je ne suis pas certain que cela se fera par l’intermédiaire de ces objets.» Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique, partage le même sentiment. «Ces appareils ne me paraissent pas porteurs d’avenir dans le grand public tant qu’ils restent monotâches (ou presque), écrit-il en avril 2001. Un médecin ou un avocat pourront adopter ces plateformes pour remplacer une bibliothèque entière, je suis prêt à le croire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un écran, il faut que cet écran soit celui du téléphone mobile, du PDA ou de la télévision. D’autre part, je crois qu’en cherchant à limiter les fournisseurs de contenus pour leurs appareils (plusieurs types d’ebooks ne lisent que les fichiers fournis par la bibliothèque du fabricant), les constructeurs tuent leur machine. L’avenir de ces appareils, comme de tous les autres appareils technologiques, c’est leur ouverture et leur souplesse. S’ils n’ont qu’une fonction et qu’un seul fournisseur, ils n’intéresseront personne. Par contre, si, à l’achat de son téléphone portable, on reçoit une bibliothèque de vingt bouquins gratuits à lire sur le téléphone et la possibilité d’en charger d’autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde.» Emilie Devriendt, élève professeur à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Paris, écrit en juin 2001: «S’il doit s’agir d’un ordinateur portable légèrement "relooké", mais présentant moins de fonctionnalités que ce dernier, je n’en vois pas l’intérêt. Tel qu’il existe, l’ebook est relativement lourd, l’écran peu confortable à mes yeux, et il consomme trop d’énergie pour fonctionner véritablement en autonomie. A cela s’ajoute le prix scandaleusement élevé, à la fois de l’objet même et des contenus téléchargeables; sans parler de l’incompatibilité des formats constructeur, et des "formats" maison d’édition. J’ai pourtant eu l’occasion de voir un concept particulièrement astucieux, vraiment pratique et peu coûteux, qui me semble être pour l’heure le support de lecture électronique le plus intéressant: celui du "baladeur de textes" ou @folio, en cours de développement à l’Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg. Bien évidemment, les préoccupations de ses concepteurs sont à l’opposé de celles des "gros" concurrents qu’on connaît, en France ou ailleurs: aucune visée éditoriale monopolistique chez eux, puisque c’est le contenu du web (dans l’idéal gratuit) que l’on télécharge.» = @folio, baladeur de textes Conçu dès octobre 1996 par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg, @folio (qui se prononce: a-folio) est un support de lecture nomade permettant de lire des textes glanés sur l’internet. Il cherche à mimer, sous forme électronique, le dispositif technique du livre, afin de proposer une mémoire de fac-similés reliés en hypertexte pour faciliter le feuilletage. «J’hésite à parler de livre électronique, écrit Pierre Schweitzer en janvier 2001, car le mot "livre" désigne aussi bien le contenu éditorial (quand on dit qu’untel a écrit un livre) que l’objet en papier, génial, qui permet sa diffusion. La lecture est une activité intime et itinérante par nature. @folio est un baladeur de textes, simple, léger, autonome, que le lecteur remplit selon ses désirs à partir du web, pour aller lire n’importe où. Il peut aussi y imprimer des documents personnels ou professionnels provenant d’un CD-Rom. Les textes sont mémorisés en faisant : "imprimer", mais c’est beaucoup plus rapide qu’une imprimante, ça ne consomme ni encre ni papier. Les liens hypertextes sont maintenus au niveau d’une reliure tactile. (...) Le projet est né à l’atelier Design de l’Ecole d’architecture de Strasbourg où j’étais étudiant. Il est développé à l’Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg avec le soutien de l’ANVAR-Alsace. Aujourd’hui, je participe avec d’autres à sa formalisation, les prototypes, design, logiciels, industrialisation, environnement technique et culturel, etc., pour transformer ce concept en un objet grand public pertinent.» Pour ce faire, la start-up iCodex est fondée en juillet 2002. Quelques années après, l'optique de Pierre Schweitzer reste toujours la même. «Il ne s’agit pas de transformer le support papier des livres existants, c’est absurde, écrit-il en janvier 2007. Il s’agit plutôt d’offrir un support de lecture efficace aux textes qui n’en ont pas, ceux qui sont accessibles sur le web. Avec @folio, je reste persuadé qu’un support de lecture transportable qui serait à la fois simple et léger, annotable et effaçable, à bas coût, respectueux de la page et de nos traditions typographiques, pourrait apporter un supplément de confort appréciable à tous les usagers du texte numérique. Une ardoise dont on pourrait feuilleter l’hypertexte à main nue, en lieu et place de l’imprimante...» Quelle est la technologie utilisée? Pierre Schweitzer explique en août 2007: «La technologie d'@folio est très différente de celle des autres "ebooks", actuels ou passés: elle est inspirée du fax et du classeur à onglets. La mémoire flash est imprimée comme Gutenberg imprimait ses livres. Ce mode facsimilé ne nécessite aucun format propriétaire, il est directement lisible à l'oeil nu. Le facsimilé est un mode de représentation de l'information robuste, pérenne, adaptable à tout type de contenu (de la musique imprimée aux formules de mathématique ou de chimie) sans aucune adaptation nécessaire. C'est un mode de représentation totalement ouvert et accessible à tous: il supporte l'écriture manuscrite, la calligraphie, les écritures non alphabétiques, et le dessin à main levée, toutes choses qui sont très difficiles à faire à l'aide d'un seul outil sur un ordinateur ou un eBook classique. Cette conception technique nouvelle et très simplifiée permet de recueillir une grande variété de contenus et surtout, elle permet un prix de vente très raisonnable (100 euros pour le modèle de base) dans différentes combinaisons de formats (tailles d'écran) et de mémoire (nombre de pages) adaptées aux différentes pratiques de lecture.» Outre cette technologie novatrice, quel est l'avantage de la lecture sur @folio par rapport à la lecture sur ordinateur portable? «La simplicité d'usage, l'autonomie, le poids, le prix. Quoi d'autre? La finesse n'est pas négligeable pour pouvoir être glissé presque n'importe où. Et l'accès immédiat aux documents - pas de temps d'attente comme quand on "allume" son ordinateur portable : @folio ne s'allume jamais et ne s'éteint pas, la dernière page lue reste affichée et une simple pression sur le bord de l'écran permet de remonter instantanément au sommaire du document ou aux onglets de classement.» = Smartphones et successeurs Au début des années 2000, le choix des gros consommateurs de documents semble se porter vers l’ordinateur ultra-portable, du fait de ses fonctions multi-tâches. Outre le stockage d’un millier de livres sinon plus, selon le format numérique choisi, celui-ci permet l’utilisation d’outils bureautiques standard, l’accès au web, l’écoute de fichiers musicaux et le visionnement de vidéos ou de films. Certains sont également tentés par le webpad, un ordinateur-écran sans disque dur disposant d’une connexion sans fil à l’internet, apparu en 2001. D’autres optent pour la tablette PC, une tablette informatique pourvue d’un écran tactile, apparue fin 2002. Parallèlement, le marché des assistants personnels (PDA) poursuit sa croissance. 13,2 millions d'assistants personnels sont vendus dans le monde en 2001, et 12,1 millions en 2002. En 2002, Palm est toujours le leader du marché (36,8% des machines vendues), suivi par la gamme Pocket PC de Microsoft et les modèles de Hewlett-Packard, Sony, Handspring, Toshiba et Casio. Les systèmes d'exploitation utilisés sont essentiellement le Palm OS (pour 55% des machines) et le Pocket PC (pour 25,7% des machines). En 2004, on note une amélioration des machines, une plus grande diversité des modèles et une baisse des prix chez tous les fabricants. Les trois principaux fabricants sont Palm, Sony et Hewlett-Packard. Suivent Handspring, Toshiba, Casio et d'autres. Mais l'assistant personnel est de plus en plus concurrencé par le smartphone, qui est un téléphone portable doublé d'un assistant personnel, et les ventes commencent à baisser. En février 2005, Sony décide de se retirer complètement du marché des assistants personnels. Le premier smartphone est le Nokia 9210, modèle précurseur lancé en 2001 par la société finlandaise Nokia, grand fabricant mondial de téléphones portables. Apparaissent ensuite le Nokia Series 60, le Sony Ericsson P800, puis les modèles de Motorola et de Siemens. Ces différents modèles permettent de lire des livres numériques sur le Mobipocket Reader. Appelé aussi téléphone multimédia, téléphone multifonctions ou encore téléphone intelligent, le smartphone dispose d’un écran couleur, du son polyphonique et de la fonction appareil photo, qui viennent s'ajouter aux diverses fonctions de l’assistant personnel: agenda, dictaphone, lecteur de livres numériques, lecteur de musique, etc. Les smartphones représentent 3,7% des ventes de téléphones portables en 2004 et 9% des ventes en 2006, à savoir 90 millions d'unités sur un milliard. Si les livres numériques ont une longue vie devant eux, les appareils de lecture risquent de muer régulièrement. Denis Zwirn, président de la société Numilog, résume bien la situation en février 2003: «L’équipement des individus et des entreprises en matériel pouvant être utilisé pour la lecture numérique dans une situation de mobilité va continuer de progresser très fortement dans les dix prochaines années sous la forme de machines de plus en plus performantes (en terme d’affichage, de mémoire, de fonctionnalités, de légèreté...) et de moins en moins chères. Cela prend dès aujourd’hui la forme de PDA (Pocket PC et Palm Pilot), de tablettes PC et de smartphones, ou de smart displays (écrans tactiles sans fil). Trois tendances devraient être observées : la convergence des usages (téléphone / PDA), la diversification des types et tailles d’appareils (de la montre-PDA-téléphone à la tablette PC waterproof), la démocratisation de l’accès aux machines mobiles (des PDA pour enfants à 15 euros). Si les éditeurs et les libraires numériques savent en saisir l’opportunité, cette évolution représente un environnement technologique et culturel au sein duquel les livres numériques, sous des formes variées, peuvent devenir un mode naturel d’accès à la lecture pour toute une génération.» 10.4. Le papier électronique = Souhaits en l’an 2000 Considéré par beaucoup comme transitoire, l’appareil de lecture ne serait qu’une étape vers le papier électronique. De l’avis d’Alex Andrachmes, explorateur d’hypertexte, interviewé en décembre 2000, «c’est l’arrivée du fameux "papier électrique" qui changera la donne. Ce projet du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui consiste à charger électriquement une fine couche de "papier" - dont je ne connais pas la formule - permettra de charger la (les) feuille(s) de nouveaux textes, par modification de cette charge électrique. Un ebook sur papier, en somme, c’est ce que le monde de l’édition peut attendre de mieux.» Lucie de Boutiny, romancière multimédia, écrit pour sa part en juin 2000: «Et voici le changement que j’attends : arrêter de considérer les livres électroniques comme le stade ultime post-Gutenberg. L’ebook rétro-éclairé a pour l’instant la mémoire courte: il peut accueillir par exemple dix livres contenant essentiellement du texte mais pas une seule oeuvre multimédia riche en son et images, etc. Donc ce que l’on attend pour commencer: l’écran souple comme une feuille de papier légère, transportable, pliable, autonome, rechargeable, accueillant tout ce que le web propose (du savoir, de l’information, des créations...) et cela dans un format universel avec une résolution sonore et d’image acceptable.» Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D, explique en février 2001: «Si l’invention du livre-papier avait été faite après celle de l’ebook, nous l’aurions tous trouvé géniale, Mais un ebook a un avenir prometteur si on peut télécharger suffisamment d’ouvrages, si la lecture est aussi agréable que sur le papier, s’il est léger (comme un livre), s’il est pliable (comme un journal), s’il n’est pas cher (comme un livre de poche)... En d’autres mots, l’ebook a un avenir s’il est un livre, si le hard fait croire que l’on a du papier imprimé... Techniquement, c’est possible, aussi j’y crois. Au niveau technologique, cela exigera encore quelques efforts (chimie, électronique, physique...).» Christian Vandendorpe, professeur à l’Université d’Ottawa et spécialiste des théories de la lecture, résume les développements probables. «Le livre électronique va accélérer cette mutation du papier vers le numérique, surtout pour les ouvrages techniques, prédit-il dès mai 2001. Mais les développements les plus importants sont encore à venir. Lorsque le procédé de l’encre électronique sera commercialisé sous la forme d’un codex numérique plastifié offrant une parfaite lisibilité en lumière réfléchie, comparable à celle du papier - ce qui devrait être courant vers 2010 ou 2015 -, il ne fait guère de doute que la part du papier dans nos activités de lecture quotidienne descendra à une fraction de ce qu’elle était hier. En effet, ce nouveau support portera à un sommet l’idéal de portabilité qui est à la base même du concept de livre. Tout comme le codex avait déplacé le rouleau de papyrus, qui avait lui-même déplacé la tablette d’argile, le codex numérique déplacera le codex papier, même si ce dernier continuera à survivre pendant quelques décennies, grâce notamment au procédé d’impression sur demande qui sera bientôt accessible dans des librairies spécialisées. Avec sa matrice de quelques douzaines de pages susceptibles de permettre l’affichage de millions de livres, de journaux ou de revues, le codex numérique offrira en effet au lecteur un accès permanent à la bibliothèque universelle. En plus de cette ubiquité et de cette instantanéité, qui répondent à un rêve très ancien, le lecteur ne pourra plus se passer de l’indexabilité totale du texte électronique, qui permet de faire des recherches plein texte et de trouver immédiatement le passage qui l’intéresse. Enfin, le codex numérique permettra la fusion des notes personnelles et de la bibliothèque et accélérera la mutation d’une culture de la réception vers une culture de l’expression personnelle et de l’interaction.» = E Ink Le développement du papier électronique débute dès 1997. On peut le définir comme un support souple d’une densité comparable au papier plastifié ou au transparent. Ce support peut être utilisé indéfiniment et le texte changé à volonté au moyen d’une connexion sans fil. Si le concept est révolutionnaire, le produit lui-même est le résultat d’une fusion entre trois sciences : la chimie, la physique et l’électronique. Plusieurs équipes travaillent à des projets différents, le plus connu étant E Ink. Fondée en avril 1997 par des chercheurs du Media Lab du MIT (Massachusetts Institute of Technology), la société E Ink met au point une technologie d'encre électronique. Il s'agit d'une technologie à particules, dites électrophorétiques. Très schématiquement, on peut la décrire ainsi : prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de microcapsules contiennent chacune des particules noires et blanches en suspension dans un fluide clair. Un champ électrique positif ou négatif permet de faire apparaître le groupe de particules souhaité à la surface du support, afin d’afficher, de modifier ou d’effacer les données. En juillet 2002, E Ink présente le prototype du premier écran utilisant cette technologie, un écran de haute résolution à matrice active développé en partenariat avec les sociétés Toppan et Philips. La commercialisation de cet écran de 6 pouces est effective en avril 2004 pour le Librié de Sony, suivi ensuite de l’iLiad d’Irex Technologies puis du Sony Reader en décembre 2006. Dès ses débuts, E Ink envisage des livres et journaux électroniques sur support souple, notamment ce que la société appelle provisoirement le RadioPaper, qui donnera les nouvelles du jour via l'internet sans fil. Un projet qui deviendra bientôt réalité dans les usines de Plastic Logic en Europe et de LG.Philips LCD en Asie, avec des produits utilisant tous deux la technologie E Ink. Fondée en 2000, la société britannique Plastic Logic est spécialisée dans le développement et la production de papier électronique. Avec un poids infime de 62 grammes (un quotidien imprimé pèse 375 grammes), cet écran souple à matrice active aura au départ quatre niveaux de gris. Le fait de plier le support souple déclenchera le chargement d'une nouvelle page. Le téléchargement des livres et journaux se fera par connexion WiFi. En janvier 2007, Plastic Logic annonce la construction de son premier site de production de papier électronique dans la région de Dresde, en Allemagne, avec début de production en 2008. Si l'affichage des données se fera en noir et blanc dans un premier temps, la couleur est prévue pour 2010 et la vidéo pour 2012. La société coréenne LG.Philips LCD travaille quant à elle sur un prototype d’écran flexible couleur. Un écran souple de 10,1 pouces est d'abord disponible en noir et blanc en octobre 2005, suivi d'un écran souple de 14,1 pouces en mai 2006 puis d'un écran couleur de même taille en mai 2007. Le groupe japonais Epson présente lui aussi un papier électronique ultrafin et de haute résolution en avril 2007. En mai 2007, la société E Ink présente le successeur de sa technologie E Ink sous le nom de Vizplex Imaging Film, appelé plus simplement Vizplex, une technologie EPD (electronic paper display) avec un chargement d’image deux fois plus rapide (740 microsecondes au lieu de 1200), une image plus constrastée (20% de plus) et huit niveaux de gris au lieu de quatre. Les premiers modèles utilisant la technologie Vizplex seront produits dès l’été 2007 par PrimeView International (PVI), qui est à ce jour le seul fabricant d’écrans EPD à matrice active. Les futurs écrans souples auront une diagonale de 1,9 pouces, 5 pouces, 6 pouces, 8 pouces et 9,7 pouces. Ils équiperont divers appareils : téléphones mobiles, lecteurs de MP3, accessoires PC, assistants personnels (PDA), affichettes commerciales, dictionnaires électroniques, tablettes de lecture et tablettes PC. La génération précédente (technologie E Ink) se limite aux écrans de 6 pouces équipant les tablettes de lecture. = Autres initiatives Tout comme l'équipe d'E Ink, des chercheurs du Palo Alto Research Center (PARC), le centre Xerox de la Silicon Valley, travaillent depuis 1997 à la mise au point d’une technique d’affichage dénommée gyricon. Le procédé est un peu différent de celui d’E Ink. Très schématiquement, la technologie est la suivante: prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de micro-alvéoles contiennent des microbilles bicolores en suspension dans un liquide clair. Chaque bille est pourvue d’une charge électrique. Cette fois, c’est une impulsion électrique extérieure qui permet la rotation des billes, et donc le changement de couleur, permettant ainsi d’afficher, de modifier ou d’effacer les données. Intitulé SmartPaper, le matériau correspondant serait produit en rouleaux, tout comme le papier traditionnel. La société Gyricon Media est créée en décembre 2000 pour commercialiser cette technologie. Le marché pressenti est d’abord celui de l’affichage commercial, qui utilise le système SmartSign, développé en complément du SmartPaper. La vente d’affichettes fonctionnant sur piles débute en 2004. Sont prévus ensuite les panneaux de signalisation, puis le papier électronique et le journal électronique. La société cesse ses activités en 2005. Les activités de développement se poursuivent ensuite au sein de Xerox. Un autre acteur d'importance est Nemoptic. Créée en 1999 en région parisienne par Alain Boissier et une équipe du CNRS, la société Nemoptic développe et produit des écrans à cristaux liquides (écrans LCD) bistables pour des applications mobiles destinées au grand public et aux professionnels. Comme indiqué sur le site web, «ces écrans fins et légers permettent d’obtenir des images de haute résolution très contrastées et présentent un confort de lecture équivalent au papier imprimé. La technologie de rupture BiNem® (Bistable Nematic) de Nemoptic peut s’appliquer à de nombreux produits portables, comme les livres éducatifs électroniques, les dictionnaires et journaux électroniques, les PC ultra-portables, les téléphones portables, les jouets ainsi que les étiquettes électroniques. Les écrans de Nemoptic possèdent plusieurs avantages : haute résolution, consommation d’énergie nulle en état de veille, rapidité d’affichage et faible coût. Les écrans Nemoptic sont déclinables en version noir et blanc ou couleurs (jusqu’à 32.000).» La compétition risque d’être rude sur un marché qui s’annonce très prometteur. Reste à voir quels seront les modèles qui seront retenus par l'usager parce que solides, légers, économiques et procurant un véritable «confort de lecture», sans oublier l'aspect esthétique et les possibilités de lecture en 3 D. «On progresse», écrit en janvier 2007 Jean-Paul, webmestre du site hypermédia cotres.net. «Les PDA et autres baladeurs multimédia ont formé le public à manipuler des écrans tactiles de dimension individuelle (par opposition aux bornes publiques de circulation et autres tirettes-à-sous). L’hypermédia est maintenant une évidence. Il ne reste plus qu’à laisser se bousculer les ingénieurs et les marketteurs pour voir sortir un objet rentable, léger, attirant, peu fragile, occupant au mieux l’espace qui sépare les deux mains d’un terrien assis dans le bus ou sur sa lunette WC : la surface d’une feuille A4 en format italien, soit ± 800x600 pixels. Bien sûr, ce que montrera cette surface ne sera pas en 2 D mais en 3 D. Comme les GPS prochaine génération, ou les écrans de visée sur le cockpit d’un A-Win.» 10.5. Chronologie * Cette chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité. 1984: Psion Organiser, vétéran des agendas électroniques. 1986: Premier dictionnaire sur machine de poche, par Franklin. 1996 (mars): Palm Pilot, premier assistant personnel (PDA). 1996 (octobre): Projet @folio, baladeur de textes conçu par Pierre Schweitzer. 1997: E Ink développe une technologie de papier électronique. 1997: Gyricon, technologie de papier électronique développée par PARC. 1999: Rocket eBook, tablette de lecture conçue par Nuvomedia. 1999: Softbook Reader, tablette de lecture conçue par Softbook Press. 1999: Nemoptic développe une technologie d’encre électronique. 2000: Création de la société Plastic Logic. 2000 (janvier): Rachat de Nuvomedia et Softbook Press par Gemstar. 2000 (avril): Pocket PC, assistant personnel de Microsoft. 2000 (octobre): Premiers modèles du Gemstar eBook. 2000 (octobre): eBookMan, assistant personnel multimédia de Franklin. 2001 (janvier): Cybook, tablette de lecture de Cytale. 2001 (mars): Mobipocket Reader intégré aux modèles Palm. 2001 (octobre): Modèle européen du Gemstar eBook. 2001 (octobre): Mobipocket Reader intégré à l’eBookMan. 2001: Nokia 9210, premier smartphone du marché. 2002 (juillet): Arrêt de la commercialisation du Cybook par Cytale. 2003 (juin): Arrêt de la commercialisation du Gemstar eBook. 2003: Reprise de la commercialisation du Cybook par Bookeen. 2004 (avril): Librié, tablette de lecture de Sony. 2006 (avril): De Tidj, quotidien en version électronique nomade. 2006 (octobre): Sony Reader, tablette de lecture de Sony. 2007 (avril): Les Echos, quotidien en version électronique nomade. 2007 (avril): Projet de la première usine de papier électronique de Plastic Logic. 2007 (mai): Vizplex, nouvelle technologie d'encre électronique de la société E Ink. 11. UNE INFORMATION MULTILINGUE [11.1. Premiers pas // 11.2. Anglais versus autres langues // 11.3. Langues minoritaires // 11.4. Traduction // 11.5. Chronologie] En 1998 et 1999, la nécessité d’un web multilingue occupe tous les esprits. Au début des années 2000, le web, devenu multilingue, permet une large diffusion des textes électroniques sans contrainte de frontières, mais la barrière de la langue est loin d’avoir disparu. La priorité semble être la création de passerelles entre les communautés linguistiques pour favoriser la circulation des écrits dans d’autres langues, en améliorant notamment les outils de traduction. 11.1. Premiers pas A tort ou à raison, on se plaint souvent de l’hégémonie de l’anglais sur l’internet. Celle-ci était inévitable au début, puisque le réseau se développe d’abord en Amérique du Nord avant de s'étendre au monde entier. En 1997, on note déjà la présence de nombreuses langues, mais il reste aux différentes communautés linguistiques à poursuivre le travail entrepris. En décembre 1997, Tim Berners-Lee, inventeur du World Wide Web, déclare à Pierre Ruetschi dans la Tribune de Genève: «Pourquoi les Francophones ne mettent-ils pas davantage d’informations sur le web? Est-ce qu’ils pensent que personne ne veut la lire, que la culture française n’a rien à offrir? C’est de la folie, l’offre est évidemment énorme.» C’est chose faite dans les années qui suivent. Consultant en marketing internet de produits et services de traduction, Randy Hobler écrit en septembre 1998: «Comme l’internet n’a pas de frontières nationales, les internautes s’organisent selon d’autres critères propres au médium. En termes de multilinguisme, vous avez des communautés virtuelles, par exemple ce que j’appelle les "nations des langues", tous ces internautes qu’on peut regrouper selon leur langue maternelle quel que soit leur lieu géographique. Ainsi la nation de la langue espagnole inclut non seulement les internautes d’Espagne et d’Amérique latine, mais aussi tous les Hispanophones vivant aux Etats-Unis, ou encore ceux qui parlent espagnol au Maroc.» En été 2000, les usagers non anglophones dépassent la barre des 50%. Ce pourcentage continue ensuite d'augmenter, comme le montrent les statistiques de la société Global Reach, mises à jour à intervalles réguliers. Le nombre d’usagers non anglophones est de 52,5% en été 2001, 57% en décembre 2001, 59,8% en avril 2002, 64,4% en septembre 2003 (dont 34,9% d’Européens non anglophones et 29,4% d’Asiatiques) et 64,2% en mars 2004 (dont 37,9% d’Européens non anglophones et 33% d’Asiatiques). Bruno Didier, webmestre de la Bibliothèque de l’Institut Pasteur, écrit en août 1999: «Internet n’est une propriété ni nationale, ni linguistique. C’est un vecteur de culture, et le premier support de la culture, c’est la langue. Plus il y a de langues représentées dans leur diversité, plus il y aura de cultures sur internet. Je ne pense pas qu’il faille justement céder à la tentation systématique de traduire ses pages dans une langue plus ou moins universelle. Les échanges culturels passent par la volonté de se mettre à la portée de celui vers qui on souhaite aller. Et cet effort passe par l’appréhension de sa langue. Bien entendu c’est très utopique comme propos. Concrètement, lorsque je fais de la veille, je peste dès que je rencontre des sites norvégiens ou brésiliens sans un minimum d’anglais.» Dès décembre 1997, le moteur de recherche AltaVista lance Babel Fish Translation, un logiciel de traduction automatique de l’anglais vers cinq autres langues (allemand, espagnol, français, italien, portugais), et vice versa. Alimenté par un dictionnaire multilingue de 2,5 millions de mots, ce service gratuit est l’oeuvre de Systran, société pionnière en traitement automatique des langues. Le texte à traduire doit être de trois pages maximum. La page originale et la traduction apparaissent en vis-à-vis à l’écran. La traduction étant entièrement automatisée, elle est évidemment approximative. Si cet outil a ses limites, il a le mérite d’exister et il préfigure ceux de demain, développés entre autres par Systran, Alis Technologies, Globalink et Lernout & Hauspie. Communiquer dans plusieurs langues implique d’avoir des systèmes de codage adaptés à nos alphabets ou idéogrammes respectifs. Le premier système de codage informatique est l’ASCII (American standard code for information interchange). Publié par l’American National Standards Institute (ANSI) en 1968, avec actualisation en 1977 et 1986, l'ASCII est un code standard de 128 caractères traduits en langage binaire sur sept bits (A est traduit par «1000001», B est traduit par «1000010», etc.). Les 128 caractères comprennent 33 caractères de contrôle (qui ne représentent donc pas de symbole écrit) et 95 caractères imprimables: les 26 lettres sans accent en majuscules (A-Z) et minuscules (a-z), les chiffres, les signes de ponctuation et quelques symboles, le tout correspondant aux touches du clavier anglais ou américain. L'ASCII permet uniquement la lecture de l’anglais et du latin. Il ne permet pas de prendre en compte les lettres accentuées présentes dans bon nombre de langues européennes, et à plus forte raison les systèmes non alphabétiques (chinois, japonais, coréen, etc.). Ceci ne pose pas de problème majeur les premières années, tant que l’échange de fichiers électroniques se limite essentiellement à l’Amérique du Nord. Mais le multilinguisme devient bientôt une nécessité vitale. Des variantes de l’ASCII (norme ISO-8859 ou ISO-Latin) prennent en compte les caractères accentués de quelques langues européennes. La variante pour le français est définie par la norme ISO 8859-1 (Latin-1). Mais le passage de l’ASCII original à ses différentes extensions devient vite un véritable casse-tête, y compris au sein de l’Union européenne, les problèmes étant entre autres la multiplication des variantes, la corruption des données dans les étapes transitoires ou encore l’incompatibilité des systèmes, les pages ne pouvant être affichées que dans une seule langue à la fois. Avec le développement du web, l’échange des données s’internationalise de plus en plus. On ne peut plus se limiter à l’utilisation de l’anglais et de quelques langues européennes, traduites par un système d’encodage datant des années 1960. Publié pour la première fois en janvier 1991, l’Unicode est un système de codage «universel» sur 16 bits spécifiant un nombre unique pour chaque caractère. Ce nombre est lisible quels que soient la plateforme, le logiciel et la langue utilisés. L’Unicode peut traiter 65.000 caractères uniques et prendre en compte tous les systèmes d’écriture de la planète. A la grande satisfaction des linguistes, il remplace progressivement l’ASCII. L’Unicode dispose de plusieurs variantes en fonction des besoins, par exemple UTF-8, UTF-16 et UTF-32 (UTF: Unicode transformation format). Il devient une composante des spécifications du W3C (World Wide Web Consortium), l'organisme international chargé du développement du web. L’utilisation de l’Unicode se généralise en 1998, par exemple pour les fichiers texte sous plateforme Windows (Windows NT, Windows 2000, Windows XP et versions suivantes), qui étaient jusque-là en ASCII. Mais l’Unicode ne peut résoudre tous les problèmes, comme le souligne en juin 2000 Luc Dall’Armellina, co-auteur et webmestre d’oVosite, un espace d’écritures multimédias: «Les systèmes d’exploitation se dotent peu à peu des kits de langues et bientôt peut-être de polices de caractères Unicode à même de représenter toutes les langues du monde; reste que chaque application, du traitement de texte au navigateur web, emboîte ce pas. Les difficultés sont immenses: notre clavier avec ses ± 250 touches avoue ses manques dès lors qu’il faille saisir des Katakana ou Hiragana japonais, pire encore avec la langue chinoise. La grande variété des systèmes d’écritures de par le monde et le nombre de leurs signes font barrage. Mais les écueils culturels ne sont pas moins importants, liés aux codes et modalités de représentation propres à chaque culture ou ethnie.» Que préconise Olivier Gainon, créateur de CyLibris et pionnier de l’édition littéraire en ligne? « Première étape: le respect des particularismes au niveau technique, explique-t-il en décembre 2000. Il faut que le réseau respecte les lettres accentuées, les lettres spécifiques, etc. Je crois très important que les futurs protocoles permettent une transmission parfaite de ces aspects - ce qui n’est pas forcément simple (dans les futures évolutions de l’HTML, ou des protocoles IP, etc.). Donc, il faut que chacun puisse se sentir à l’aise avec l’internet et que ce ne soit pas simplement réservé à des (plus ou moins) anglophones. Il est anormal aujourd’hui que la transmission d’accents puisse poser problème dans les courriers électroniques. La première démarche me semble donc une démarche technique. Si on arrive à faire cela, le reste en découle : la représentation des langues se fera en fonction du nombre de connectés, et il faudra envisager à terme des moteurs de recherche multilingues.» 11.2. Anglais versus autres langues Après avoir été anglophone à pratiquement 100%, l’internet est encore anglophone à plus de 80% en 1998, un pourcentage qui s’explique par trois facteurs: a) la création d’un grand nombre de sites web émanant des Etats-Unis, du Canada et du Royaume-Uni; b) une proportion d'usagers particulièrement forte en Amérique du Nord par rapport au reste du monde; c) l’anglais en tant que principale langue d’échange internationale. L’anglais reste en effet prépondérant et ceci n’est pas près de disparaître. Comme indiqué en janvier 1999 par Marcel Grangier, responsable de la section française des services linguistiques centraux de l’Administration fédérale suisse, «cette suprématie n’est pas un mal en soi, dans la mesure où elle résulte de réalités essentiellement statistiques (plus de PC par habitant, plus de locuteurs de cette langue, etc.). La riposte n’est pas de "lutter contre l’anglais" et encore moins de s’en tenir à des jérémiades, mais de multiplier les sites en d’autres langues. Notons qu’en qualité de service de traduction, nous préconisons également le multilinguisme des sites eux-mêmes. La multiplication des langues présentes sur internet est inévitable, et ne peut que bénéficier aux échanges multiculturels.» Professeur en technologies de la communication à la Webster University de Genève, Henri Slettenhaar insiste lui aussi sur la nécessité de sites bilingues, dans la langue originale et en anglais. «Les communautés locales présentes sur le web devraient en tout premier lieu utiliser leur langue pour diffuser des informations, écrit-il en décembre 1998. Si elles veulent également présenter ces informations à la communauté mondiale, celles-ci doivent être aussi disponibles en anglais. Je pense qu’il existe un réel besoin de sites bilingues. (...) Mais je suis enchanté qu’il existe maintenant tant de documents disponibles dans leur langue originale. Je préfère de beaucoup lire l’original avec difficulté plutôt qu’une traduction médiocre.» En août 1999, il ajoute: «A mon avis, il existe deux types de recherches sur le web. La première est la recherche globale dans le domaine des affaires et de l’information. Pour cela, la langue est d’abord l’anglais, avec des versions locales si nécessaire. La seconde, ce sont les informations locales de tous ordres dans les endroits les plus reculés. Si l’information est à destination d’une ethnie ou d’un groupe linguistique, elle doit d’abord être dans la langue de l’ethnie ou du groupe, avec peut-être un résumé en anglais.» Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique, dénonce pour sa part la main-mise anglophone sur le réseau. «Tout ce qui peut contribuer à la diversité linguistique, sur internet comme ailleurs, est indispensable à la survie de la liberté de penser, explique-t-il en mars 2001. Je n’exagère absolument pas: l’homme moderne joue là sa survie. Cela dit, je suis très pessimiste devant cette évolution. Les Anglo-saxons vous écrivent en anglais sans vergogne. L’immense majorité des Français constate avec une indifférence totale le remplacement progressif de leur langue par le mauvais anglais des marchands et des publicitaires, et le reste du monde a parfaitement admis l’hégémonie linguistique des Anglo-saxons parce qu’ils n’ont pas d’autres horizons que de servir ces riches et puissants maîtres. La seule solution consisterait à recourir à des législations internationales assez contraignantes pour obliger les gouvernements nationaux à respecter et à faire respecter la langue nationale dans leur propre pays (le français en France, le roumain en Roumanie, etc.), cela dans tous les domaines et pas seulement sur internet. Mais ne rêvons pas...» Guy Antoine, fondateur du site Windows on Haiti, explique en novembre 1999: «Pour des raisons pratiques, l'anglais continuera à dominer le web. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, en dépit des sentiments régionalistes qui s'y opposent, parce que nous avons besoin d'une langue commune permettant de favoriser les communications à l'échelon international. Ceci dit, je ne partage pas l'idée pessimiste selon laquelle les autres langues n'ont plus qu'à se soumettre à la langue dominante. Au contraire. Tout d'abord l'internet peut héberger des informations utiles sur les langues minoritaires, qui seraient autrement amenées à disparaître sans laisser de trace. De plus, à mon avis, l'internet incite les gens à apprendre les langues associées aux cultures qui les intéressent. Ces personnes réalisent rapidement que la langue d'un peuple est un élément fondamental de sa culture. De ce fait, je n'ai pas grande confiance dans les outils de traduction automatique qui, s'ils traduisent les mots et les expressions, ne peuvent guère traduire l'âme d'un peuple. Que sont les Haïtiens, par exemple, sans le kreyòl (créole pour les non initiés), une langue qui s'est développée et qui a permis de souder entre elles diverses tribus africaines transplantées à Haïti pendant la période de l'esclavage? Cette langue représente de manière la plus palpable l'unité de notre peuple. Elle est toutefois principalement une langue parlée et non écrite. A mon avis, le web va changer cet état de fait plus qu'aucun autre moyen traditionnel de diffusion d'une langue. Dans Windows on Haiti, la langue principale est l'anglais, mais on y trouve tout aussi bien un forum de discussion animé conduit en kreyòl. Il existe aussi des documents sur Haïti en français et dans l'ancien créole colonial, et je suis prêt à publier d'autres documents en espagnol et dans diverses langues. Je ne propose pas de traductions, mais le multilinguisme est effectif sur ce site, et je pense qu'il deviendra de plus en plus la norme sur le web.» Tôt ou tard, le pourcentage des langues sur le réseau correspondra-t-il à leur répartition sur la planète? Rien n’est moins sûr à l’heure de la fracture numérique entre riches et pauvres, entre zones rurales et zones urbaines, entre régions favorisées et régions défavorisées, entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud, entre pays développés et pays en développement. Selon Zina Tucsnak, ingénieur d’études au Laboratoire ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), interviewée en octobre 2000, «le meilleur moyen serait l’application d’une loi par laquelle on va attribuer un "quota" à chaque langue. Mais n’est-ce pas une utopie de demander l’application d’une telle loi dans une société de consommation comme la nôtre?» A la même date, Emmanuel Barthe, documentaliste juridique, exprime un avis contraire: «Des signes récents laissent penser qu’il suffit de laisser les langues telles qu’elles sont actuellement sur le web. En effet, les langues autres que l’anglais se développent avec l’accroissement du nombre de sites web nationaux s’adressant spécifiquement aux publics nationaux, afin de les attirer vers internet. Il suffit de regarder l’accroissement du nombre de langues disponibles dans les interfaces des moteurs de recherche généralistes.» Bakayoko Bourahima, bibliothécaire à l’ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée) d’Abidjan, écrit en juillet 2000: «Pour nous les Africains francophones, le diktat de l’anglais sur la toile représente pour la masse un double handicap d’accès aux ressources du réseau. Il y a d’abord le problème de l’alphabétisation qui est loin d’être résolu et que l’internet va poser avec beaucoup plus d’acuité, ensuite se pose le problème de la maîtrise d’une seconde langue étrangère et son adéquation à l’environnement culturel. En somme, à défaut de multilinguisme, l’internet va nous imposer une seconde colonisation linguistique avec toutes les contraintes que cela suppose. Ce qui n’est pas rien quand on sait que nos systèmes éducatifs ont déjà beaucoup de mal à optimiser leurs performances, en raison, selon certains spécialistes, des contraintes de l’utilisation du français comme langue de formation de base. Il est donc de plus en plus question de recourir aux langues vernaculaires pour les formations de base, pour "désenclaver" l’école en Afrique et l’impliquer au mieux dans la valorisation des ressources humaines. Comment faire? Je pense qu’il n’y a pas de chance pour nous de faire prévaloir une quelconque exception culturelle sur la toile, ce qui serait de nature tout à fait grégaire. Il faut donc que les différents blocs linguistiques s’investissent beaucoup plus dans la promotion de leur accès à la toile, sans oublier leurs différentes spécificités internes.» Richard Chotin, professeur à l’Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille, rappelle à juste titre que la suprématie de l’anglais a succédé à celle du français. «Le problème est politique et idéologique : c’est celui de l’"impérialisme" de la langue anglaise découlant de l’impérialisme américain, explique-t-il en septembre 2000. Il suffit d’ailleurs de se souvenir de l’"impérialisme" du français aux 18e et 19e siècles pour comprendre la déficience en langues des étudiants français: quand on n’a pas besoin de faire des efforts pour se faire comprendre, on n’en fait pas, ce sont les autres qui les font.» 11.3. Langues minoritaires De plus, cet impérialisme linguistique, politique et idéologique n’est-il pas universel, malheureusement ? La France elle aussi n’est pas sans exercer pression pour imposer la suprématie de la langue française sur d’autres langues, comme en témoigne Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti, qui écrit en juin 2001: «J’ai fait de la promotion du kreyòl (créole haïtien) une cause personnelle, puisque cette langue est le principal lien unissant tous les Haïtiens, malgré l’attitude dédaigneuse d’une petite élite haïtienne - à l’influence disproportionnée - vis-à-vis de l’adoption de normes pour l’écriture du kreyòl et le soutien de la publication de livres et d’informations officielles dans cette langue. A titre d’exemple, il y avait récemment dans la capitale d’Haïti un Salon du livre de deux semaines, à qui on avait donné le nom de "Livres en folie". Sur les 500 livres d’auteurs haïtiens qui étaient présentés lors du salon, il y en avait une vingtaine en kreyòl, ceci dans le cadre de la campagne insistante que mène la France pour célébrer la Francophonie dans ses anciennes colonies. A Haïti cela se passe relativement bien, mais au détriment direct de la Créolophonie. En réponse à l’attitude de cette minorité haïtienne, j’ai créé sur mon site web Windows on Haiti deux forums de discussion exclusivement en kreyòl. Le premier forum regroupe des discussions générales sur toutes sortes de sujets, mais en fait ces discussions concernent principalement les problèmes socio-politiques qui agitent Haïti. Le deuxième forum est uniquement réservé aux débats sur les normes d’écriture du kreyòl. Ces débats sont assez animés, et un certain nombre d’experts linguistiques y participent. Le caractère exceptionnel de ces forums est qu’ils ne sont pas académiques. Je n’ai trouvé nulle part ailleurs sur l’internet un échange aussi spontané et aussi libre entre des experts et le grand public pour débattre dans une langue donnée des attributs et des normes de la même langue.» En septembre 2000, Guy Antoine rejoint l’équipe dirigeante de Mason Integrated Technologies, dont l’objectif est de créer des outils permettant l’accessibilité des documents publiés dans des langues dites minoritaires. «Etant donné l’expérience de l’équipe en la matière, nous travaillons d’abord sur le créole haïtien (kreyòl), qui est la seule langue nationale d’Haïti, et l’une des deux langues officielles, l’autre étant le français. Cette langue ne peut guère être considérée comme une langue minoritaire dans les Caraïbes puisqu’elle est parlée par huit à dix millions de personnes.» Autre expérience, celle de Caoimhín Ó Donnaíle, professeur d’informatique à l’Institut Sabhal Mór Ostaig, situé sur l’île de Skye, en Ecosse. Il dispense ses cours en gaélique écossais. Il est aussi le webmestre du site de l’institut, qui est bilingue anglais-gaélique et se trouve être la principale source d’information mondiale sur le gaélique écossais. Sur ce site, il tient à jour European Minority Languages, une liste de langues minoritaires elle aussi bilingue, avec classement par ordre alphabétique de langues et par famille linguistique. Interviewé en mai 2001, il raconte: «Nos étudiants utilisent un correcteur d’orthographe en gaélique et une base terminologique en ligne en gaélique. (...) Il est maintenant possible d’écouter la radio en gaélique (écossais et irlandais) en continu sur l’internet partout dans le monde. Une réalisation particulièrement importante a été la traduction en gaélique du logiciel de navigation Opera. C’est la première fois qu’un logiciel de cette taille est disponible en gaélique. » En janvier 2007, le gaélique irlandais est ajouté aux langues officielles de la Communauté européenne, en plus du roumain et du bulgare, les deux langues des pays entrants. Le nombre de langues officielles passe de 20 à 23 langues. Pour mémoire, ce nombre était passé de 12 à 20 langues lors de l’élargissement de l’Union européenne en mai 2004. Robert Beard co-fonde en 1999 yourDictionary.com en tant que portail de référence pour toutes les langues sans exception, avec une section importante consacrée aux langues menacées (Endangered Language Repository). «Les langues menacées sont essentiellement des langues non écrites, écrit-il en janvier 2000. Un tiers seulement des quelque 6.000 langues existant dans le monde sont à la fois écrites et parlées. Je ne pense pourtant pas que le web va contribuer à la perte de l’identité des langues et j’ai même le sentiment que, à long terme, il va renforcer cette identité. Par exemple, de plus en plus d’Indiens d’Amérique contactent des linguistes pour leur demander d’écrire la grammaire de leur langue et de les aider à élaborer des dictionnaires. Pour eux, le web est un instrument à la fois accessible et très précieux d’expression culturelle.» Caoimhín Ó Donnaíle indique pour sa part en mai 2001: «En ce qui concerne l’avenir des langues menacées, l’internet accélère les choses dans les deux sens. Si les gens ne se soucient pas de préserver les langues, l’internet et la mondialisation qui l’accompagne accéléreront considérablement la disparition de ces langues. Si les gens se soucient vraiment de les préserver, l’internet constituera une aide irremplaçable.» 11.4. Traduction L’internet étant une source d’information à vocation mondiale, il semble indispensable de favoriser les activités de traduction. Auteur des Chroniques de Cybérie, une chronique hebdomadaire des actualités du réseau, Jean-Pierre Cloutier déplore en août 1999 «qu’il se fasse très peu de traductions des textes et essais importants qui sont publiés sur le web, tant de l’anglais vers d’autres langues que l’inverse. (...) La nouveauté d’internet dans les régions où il se déploie présentement y suscite des réflexions qu’il nous serait utile de lire. À quand la traduction des penseurs hispanophones et autres de la communication?» Professeur d’espagnol en entreprise et traductrice, Maria Victoria Marinetti écrit à la même date: «Il est très important de pouvoir communiquer en différentes langues. Je dirais même que c’est obligatoire, car l’information donnée sur le net est à destination du monde entier, alors pourquoi ne l’aurions-nous pas dans notre propre langue ou dans la langue que nous souhaitons lire? Information mondiale, mais pas de vaste choix dans les langues, ce serait contradictoire, pas vrai?» Il va sans dire que la traduction automatique n’offre pas la qualité de travail des professionnels de la traduction, et qu’il est préférable de faire appel à ces derniers lorsqu'on a le temps et l’argent nécessaires. Les logiciels de traduction sont toutefois très pratiques pour fournir un résultat immédiat et à moindres frais, sinon gratuit. Certains logiciels sont en accès libre sur l'internet et permettent de traduire en quelques secondes une page web ou un texte court, avec plusieurs combinaisons de langues possibles. Le but d’un logiciel de traduction est d’analyser le texte dans la langue source (texte à traduire) et de générer automatiquement le texte correspondant dans la langue cible (texte traduit), en utilisant des règles précises pour le transfert de la structure grammaticale. Comme l’explique l’EAMT (European Association for Machine Translation) sur son site, «il existe aujourd’hui un certain nombre de systèmes produisant un résultat qui, s’il n’est pas parfait, est de qualité suffisante pour être utile dans certaines applications spécifiques, en général dans le domaine de la documentation technique. De plus, les logiciels de traduction, qui sont essentiellement destinés à aider le traducteur humain à produire des traductions, jouissent d’une popularité croissante auprès des organismes professionnels de traduction.» En 1998, un historique de la traduction automatique est présent sur le site de Globalink, société spécialisée dans les produits et services de traduction. Le site a depuis disparu, Globalink ayant été racheté en 1999 par Lernout & Hauspie, lui-même racheté en 2002 par ScanSoft. Voici cet historique résumé en deux paragraphes. La traduction automatique et le traitement de la langue naturelle font leur apparition à la fin des années 1930, et progressent ensuite de pair avec l’évolution de l’informatique quantitative. Pendant la deuxième guerre mondiale, le développement des premiers ordinateurs programmables bénéficie des progrès de la cryptographie et des efforts faits pour tenter de fissurer les codes secrets allemands et autres codes de guerre. Le secteur émergent des technologies de l’information continue ensuite de s’intéresser de près à la traduction et à l’analyse du texte en langue naturelle. Dans les années 1950, la recherche porte sur la traduction littérale, à savoir la traduction mot à mot sans prise en compte des règles linguistiques. Le projet russe débuté en 1950 à l’Université de Georgetown représente la première tentative systématique visant à créer un système de traduction automatique utilisable. Tout au long des années 1950 et au début des années 1960, des recherches sont également menées en Europe et aux Etats-Unis. En 1965, les progrès rapides en linguistique théorique culminent avec la publication d’Aspects de la théorie syntaxique de Noam Chomsky, qui propose de nouvelles définitions pour la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la sémantique du langage humain. En 1966, un rapport officiel américain donne une estimation prématurément négative des systèmes de traduction automatique, mettant fin au financement et à l’expérimentation dans ce domaine pour la décennie suivante. Il faut attendre la fin des années 1970 pour que des expériences sérieuses soient à nouveau entreprises, parallèlement aux progrès de l’informatique et des technologies des langues. Cette période voit le développement de systèmes de transfert d’une langue à l’autre et le lancement des premières tentatives commerciales. Des sociétés comme Systran et Metal sont persuadées de la viabilité et de l’utilité d’un tel marché. Elles mettent sur pied des produits et services de traduction automatique reliés à un serveur central. Mais les problèmes restent nombreux, par exemple des coûts élevés de développement, un énorme travail lexicographique, la difficulté de proposer de nouvelles combinaisons de langues, l’inaccessibilité de tels systèmes pour l’utilisateur moyen, et enfin la difficulté de passer à de nouveaux stades de développement. En 1999 et 2000, la généralisation de l’internet et les débuts du commerce électronique entraînent la naissance d’un véritable marché. Trois sociétés – Systran, Softissimo et Lernout & Hauspie – lancent des produits à destination du grand public, des professionnels et des industriels. Systran développe un logiciel de traduction utilisé notamment par le moteur de recherche AltaVista. Softissimo commercialise la série de logiciels de traduction Reverso, à côté de produits d’écriture multilingue, de dictionnaires électroniques et de méthodes de langues. Reverso équipe par exemple Voilà, le moteur de recherche de France Télécom. Lernout & Hauspie (racheté depuis par ScanSoft) propose des produits et services en dictée, traduction, compression vocale, synthèse vocale et documentation industrielle. En mars 2001, IBM se lance à son tour dans un marché en pleine expansion avec un produit professionnel haut de gamme, le WebSphere Translation Server. Ce logiciel traduit instantanément en plusieurs langues (allemand, anglais, chinois, coréen, espagnol, français, italien, japonais) les pages web, les courriels et les dialogues en direct (chats). Il interprète 500 mots à la seconde et permet l’ajout de vocabulaires spécifiques. En juin 2001, les sociétés Logos et Y.A. Champollion s’associent pour créer Champollion Wordfast, une société de services d’ingénierie en traduction et localisation et en gestion de contenu multilingue. Wordfast est un logiciel de traduction avec terminologie disponible en temps réel et contrôle typographique. Il est compatible avec le WebSphere Translation Server d’IBM, les logiciels de TMX et ceux de Trados. Une version simplifiée de Wordfast est téléchargeable gratuitement, avec un manuel d’utilisation disponible en 16 langues. Des organismes publics participent eux aussi à la R&D (recherche et développement) en traduction automatique. Suivent trois exemples parmi d’autres. Rattaché à l’USC/ISI (University of Southern California / Information Sciences Institute), le Natural Language Group traite de plusieurs aspects du traitement de la langue naturelle: traduction automatique, résumé automatique de texte, gestion multilingue des verbes, développement de taxinomies de concepts (ontologies), génération de texte, élaboration de gros lexiques multilingues, communication multimédia. Au sein du laboratoire CLIPS (Communication langagière et interaction personne-système) de l’Institut d’informatique et mathématiques appliquées (IMAG) de Grenoble, le GETA (Groupe d’étude pour la traduction automatique) est une équipe pluridisciplinaire formée d’informaticiens et de linguistes. Ses thèmes de recherche concernent tous les aspects théoriques, méthodologiques et pratiques de la traduction assistée par ordinateur (TAO), et plus généralement de l’informatique multilingue. Le GETA participe entre autres à l’élaboration de l’UNL (universal networking language), un métalangage numérique destiné à l’encodage, au stockage, à la recherche et à la communication d’informations multilingues indépendamment d’une langue source donnée. Ce métalangage est développé par l’UNL Program, un programme international rassemblant de nombreux partenaires dans toutes les communautés linguistiques. Créé dans le cadre de l’UNU/IAS (United Nations University / Institute of Advanced Studies), ce programme se poursuit désormais sous l’égide de l’UNDL Foundation (UNDL: universal networking digital language). Comme le souligne en février 2001 Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D, «les recherches sur la traduction automatique devraient permettre une traduction automatique dans les langues souhaitées, mais avec des applications pour toutes les langues et non les seules dominantes (ex.: diffusion de documents en japonais, si l’émetteur est de langue japonaise, et lecture en breton, si le récepteur est de langue bretonne...). Il y a donc beaucoup de travaux à faire dans le domaine de la traduction automatique et écrite de toutes les langues.» 11.5. Chronologie * Cette chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité. 1963: ASCII (American standard code for information interchange). 1991 (janvier): Fondation de l’Unicode Consortium. 1997: Outils professionnels de Logos en accès libre. 1999: yourDictionary.com, cofondé par Robert Beard. 2001 (mars): WebSphere Translation Server, lancé par IBM. 2001 (juin): Wordfast, logiciel de traduction de Logos et Champollion. 12. DE NOMBREUX DEFIS [12.1. L’internet, espace de liberté // 12.2. Domaine public versus copyright // 12.3. La convergence multimédia // 12.4. La relation information-utilisateur // 12.5. Ecriture et édition en ligne // 12.6. Numérique versus imprimé] «L’internet pose une foule de questions et il faudra des années pour organiser des réponses, imaginer des solutions», écrit en janvier 2001 Pierre Schweitzer, inventeur du projet @folio, une tablette numérique de lecture nomade. «L’état d’excitation et les soubresauts autour de la dite "nouvelle" économie sont sans importance, c’est l’époque qui est passionnante.» 12.1. L’internet, espace de liberté Apparu en 1974, l'internet se développe à partir de 1983 et prend son essor avec l’avènement du web en 1990 et l’apparition du premier navigateur en 1993. Quelque trente ans après les débuts de l'internet, «ses trois pouvoirs - l'ubiquité, la variété et l'interactivité - rendent son potentiel d'usages quasi infini», lit-on dans le quotidien Le Monde du 19 août 2005. Nous sommes un milliard à utiliser l’internet à la fin 2006. Mais comment définir l'internet autrement que par ses composantes techniques? Sur le site de l’Internet Society (ISOC), organisme international coordonnant le développement du réseau, A Brief History of the Internet propose une triple définition. L’internet est: a) un instrument de diffusion internationale, b) un mécanisme de diffusion de l’information, c) un moyen de collaboration et d’interaction entre les individus et les ordinateurs, indépendamment de leur situation géographique. Selon ce document, bien plus que toute autre invention (télégraphe, téléphone, radio, ordinateur), l’internet révolutionne de fond en comble le monde des communications. Il représente l'un des exemples les plus réussis d’interaction entre un investissement soutenu dans la recherche et le développement d’une infrastructure de l’information, dans le cadre d’un réel partenariat entre les gouvernements, les entreprises et les universités. Sur le site du World Wide Web Consortium (W3C), organisme international de normalisation du web, Bruce Sterling décrit le développement spectaculaire de l’internet dans Short History of the Internet. L’internet se développe plus vite que les téléphones cellulaires et les télécopieurs. En 1996, sa croissance est de 20% par mois. Le nombre de machines ayant une connexion directe TCP/IP (transmission control protocol / internet protocol) a doublé depuis 1988. D’abord présent dans l’armée et dans les instituts de recherche, l’internet déferle dans les écoles, les universités et les bibliothèques, et il est également pris d’assaut par le secteur commercial. Bruce Sterling s’intéresse aux raisons pour lesquelles on se connecte à l’internet. Une raison majeure lui semble être la liberté. L’internet est un exemple d’«anarchie réelle, moderne et fonctionnelle». Il n’y a pas de société régissant l’internet. Il n’y a pas non plus de censeurs officiels, de patrons, de comités de direction ou d’actionnaires. Toute personne peut parler d’égale à égale avec une autre, du moment qu’elle se conforme aux protocoles TCP/IP, des protocoles qui ne sont pas sociaux ni politiques mais strictement techniques. Malgré tous les efforts des «dinosaures» politiques et commerciaux, il est difficile à quelque organisme que ce soit de mettre la main sur l’internet. C’est ce qui fait sa force. On y voit aussi une réelle solidarité. Christiane Jadelot, ingénieur d’études à l’INaLF-Nancy (INaLF: Institut national de la langue française), relate en juin 1998: «J’ai commencé à utiliser vraiment l’internet en 1994, je crois, avec un logiciel qui s’appelait Mosaic. J’ai alors découvert un outil précieux pour progresser dans ses connaissances en informatique et linguistique, littérature... Tous les domaines sont couverts. Il y a le pire et le meilleur, mais en consommateur averti, il faut faire le tri de ce que l’on trouve. J’ai surtout apprécié les logiciels de courrier, de transfert de fichiers, de connexion à distance. J’avais à cette époque des problèmes avec un logiciel qui s’appelait Paradox et des polices de caractères inadaptées à ce que je voulais faire. J’ai tenté ma chance et posé la question dans un groupe de News approprié. J’ai reçu des réponses du monde entier, comme si chacun était soucieux de trouver une solution à mon problème!» Quelles sont les relations entre l’internet et les autres médias? En janvier 1998, lors d’un entretien avec Annick Rivoire, journaliste du quotidien Libération, Pierre Lévy, philosophe, explique que l’internet va contribuer à la fin des monopoles: «Le réseau désenclave, donne plus de chance aux petits. On crie "ah! le monopole de Microsoft", mais on oublie de dire que l’internet sonne la fin du monopole de la presse, de la radio et de la télévision et de tous les intermédiaires.» D'après lui, l'internet ouve la voie à une intelligence collective: «Les réseaux permettent de mettre en commun nos mémoires, nos compétences, nos imaginations, nos projets, nos idées, et de faire en sorte que toutes les différences, les singularités se relancent les unes les autres, entrent en complémentarité, en synergie.» D’après Timothy Leary, philosophe adepte du cyberespace dès ses débuts, le 21e siècle verrait l’émergence d’un nouvel humanisme, dont les idées-force seraient la contestation de l’autorité, la liberté de pensée et la créativité personnelle, le tout soutenu et encouragé par la vulgarisation de l’ordinateur et des technologies de la communication. Dans son livre Chaos et cyberculture (éditions du Lézard, 1998), il écrit: «Jamais l’individu n’a eu à sa portée un tel pouvoir. Mais, à l’âge de l’information, il faut saisir les signaux. Populariser signifie "rendre accessible au peuple". Aujourd’hui, le rôle du philosophe est de personnaliser, de populariser et d’humaniser les concepts informatiques, de façon à ce que personne ne se sente exclu.» L’internet vient au secours de la liberté d’expression. Il permet de lire en ligne des titres difficiles ou impossibles à trouver en kiosque. Il permet aussi aux journaux interdits d’être publiés malgré tout. C’est le cas de l’hebdomadaire algérien La Nation, contraint de cesser ses activités en décembre 1996 parce qu’il dénonce les violations des droits humains en Algérie. Un an après, un numéro spécial de La Nation est disponible sur le site de Reporters sans frontières (RSF). «En mettant La Nation en ligne, notre but était de dire : cela n’a plus de sens de censurer les journaux en Algérie, parce que grâce à internet les gens peuvent récupérer les articles, les imprimer, et les distribuer autour d’eux», indique Malti Djallan, à l’origine de cette initiative. En décembre 1997, le journal électronique Nouvelles du bled est lancé dans la même optique à Paris par Mohamed Zaoui, journaliste algérien en exil, et Christian Debraisne, infographiste français responsable de la mise en page. L’équipe regroupe une douzaine de personnes qui se retrouvent le jeudi soir dans un café du 11e arrondissement. La revue de presse est faite à partir des journaux d’Alger. Dans Le Monde du 23 mars 1998, Mohamed Zaoui explique: «La rédaction d’El Watan (quotidien algérien, ndlr), par exemple, nous envoie des papiers qu’elle ne peut pas publier là-bas. C’est une façon de déjouer la censure. J’avais envie d’être utile et j’ai pensé que mon rôle en tant que journaliste était de saisir l’opportunité d’internet pour faire entendre une autre voix entre le gouvernement algérien et les intégristes.» Christian Debraisne ajoute : «Avec internet, nous avons trouvé un espace de libre expression et, en prime, pas de problème d’imprimerie ni de distribution. Je récupère tous les papiers et je les mets en ligne la nuit à partir de chez moi.» Nouvelles du bled paraît jusqu’en octobre 1998. Quant à El Watan, il est en ligne depuis octobre 1997. Redha Belkhat, son rédacteur en chef, explique: «Pour la diaspora algérienne, trouver dans un kiosque à Londres, New York ou Ottawa un numéro d’El Watan daté de moins d’une semaine relève de l’exploit. Maintenant, le journal tombe ici à 6 heures du matin, et à midi il est sur internet.» Outil de communication, l’internet est une passerelle au-dessus du gouffre séparant riches et pauvres, ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas, ceux qui ont leur place dans la société et ceux qui en sont exclus. Un encart de la revue Psychologies de mai 1998 relate: «Aux Etats-Unis, un mouvement voit le jour: la confiance en soi... par internet! Des milliers de sans-abri ont recours au réseau pour retrouver une place dans la société. Non seulement le net fournit une adresse à qui n’en a pas et ôte les inhibitions de qui redoute d’être jugé sur son apparence, mais c’est aussi une source d’informations et de contacts incomparable. Bibliothèques et associations d’aide au quart-monde l’ont bien compris: des salles informatiques, avec accès à internet, animées par des formateurs, sont ouvertes un peu partout et les mairies en publient la liste. A travers le e-mail (courrier électronique), les homeless (sans-abri) obtiennent les adresses des lieux d’accueil, des banques alimentaires et des centres de soins gratuits, ainsi qu’une pléthore de sites pour trouver un emploi. A 50 ans, Matthew B. a passé le quart de sa vie dans la rue et survit, depuis trois ans, d’une maigre subvention. Il hante la bibliothèque de San Francisco, les yeux rivés sur l’écran des ordinateurs. "C’est la première fois, dit-il, que j’ai le sentiment d’appartenir à une communauté. Il est moins intimidant d’être sur internet que de rencontrer les gens face à face."» 12.2. Domaine public versus copyright Si le débat relatif au droit d’auteur sur l’internet est vif dans les années 2000, Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique, ramène ce débat aux vrais problèmes. «Le débat sur le droit d’auteur sur le web me semble assez proche sur le fond de ce qu’il est dans les autres domaines où le droit d’auteur s’exerce, ou devrait s’exercer, écrit-il en mars 2001. Le producteur est en position de force par rapport à l’auteur dans pratiquement tous les cas de figure. Les pirates, voire la simple diffusion libre, ne menacent vraiment directement que les producteurs. Les auteurs ne sont menacés que par ricochet. Il est possible que l’on puisse légiférer sur la question, au moins en France où les corporations se revendiquant de l’exception culturelle sont actives et résistent encore un peu aux Américains, mais le mal est plus profond. En effet, en France comme ailleurs, les auteurs étaient toujours les derniers et les plus mal payés avant l’apparition d’internet, on constate qu’ils continuent d’être les derniers et les plus mal payés depuis. Il me semble nécessaire que l’on règle d’abord la question du respect des droits d’auteur en amont d’internet. Déjà dans le cadre général de l’édition ou du spectacle vivant, les sociétés d’auteurs - SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), SGDL (Société des gens de lettres), SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), etc. - faillissent dès lors que l’on sort de la routine ou du vedettariat, ou dès que les producteurs abusent de leur position de force, ou tout simplement ne payent pas les auteurs, ce qui est très fréquent.» Des auteurs et créateurs souhaitent respecter la vocation première du web, réseau de diffusion à l’échelon mondial. De ce fait, les adeptes de contrats flexibles - copyleft, GPL (general public license) et Creative Commons - sont de plus en plus nombreux. L'idée du copyleft est lancée en 1984 par Richard Stallman, programmeur et défenseur inlassable du logiciel libre au sein de la Free Software Foundation (FSF). Conçu à l’origine pour les logiciels, le copyleft est formalisé par la GPL (general public license) et étendu ensuite à toute oeuvre de création. Il contient la déclaration normale du copyright affirmant le droit d'auteur. Son originalité est de donner au lecteur le droit de librement redistribuer le document et de le modifier. Le lecteur s’engage toutefois à ne revendiquer ni le travail original, ni les changements effectués par d’autres personnes. De plus, tous les travaux dérivés de l’oeuvre originale sont eux-mêmes soumis au copyleft. Lancée en 2004 par Lawrence Lessig, professeur de droit en Californie, la licence Creative Commons a pour but de favoriser la diffusion d'oeuvres numériques tout en protégeant le droit d'auteur. L'organisme du même nom propose des licences-type, qui sont des contrats flexibles de droit d'auteur compatibles avec une diffusion sur l'internet. Simplement rédigées, ces autorisations non exclusives permettent aux titulaires des droits d'autoriser le public à utiliser leurs créations tout en ayant la possibilité de restreindre les exploitations commerciales et les oeuvres dérivées. L'auteur peut par exemple choisir d'autoriser ou non la reproduction et la rediffusion de ses oeuvres. Ces contrats peuvent être utilisés pour tout type de création : texte, film, photo, musique, site web, etc. Finalisée en février 2007, la version 3.0 de la Creative Commons instaure une licence internationale et la compatibilité avec d'autres licences similaires, dont le copyleft et la GPL. Chose inquiétante à l’heure d’une société dite de l’information, le domaine public se réduit comme peau de chagrin. A une époque qui n'est pas si lointaine, 50% des oeuvres appartenaient au domaine public, et pouvaient donc être librement utilisées par tous. D'ici 2100, 99% des oeuvres seraient régies par le droit d’auteur, avec un maigre 1% laissé au domaine public. Un problème épineux pour tous ceux qui gèrent des bibliothèques numériques, et qui affecte aussi bien le Projet Gutenberg que Google Livres. Si le Projet Gutenberg s’est donné pour mission de diffuser gratuitement par voie électronique le plus grand nombre possible d’oeuvres du domaine public, sa tâche n’est guère facilitée par les coups de boutoir portés au domaine public. Michael Hart, son fondateur, se penche sur la question depuis quelque trente ans, avec l’aide d’un groupe d’avocats spécialisés dans le droit d’auteur. Raison pour laquelle on expose ici ses réflexions, pour montrer combien le domaine public s'est dégradé au fil des siècles, et particulièrement au 20e siècle. Dans la section Copyright HowTo, le Projet Gutenberg détaille les calculs à faire pour déterminer si un titre publié aux Etats-Unis appartient ou non au domaine public. Les oeuvres publiées avant 1923 sont soumises au droit d’auteur pendant 75 ans à partir de leur date de publication (elles sont donc maintenant du domaine public). Les oeuvres publiées entre 1923 et 1977 sont soumises au droit d’auteur pendant 95 ans à partir de leur date de publication (rien ne tombera dans le domaine public avant 2019). Une oeuvre publiée en 1998 et les années suivantes est soumise au droit d’auteur pendant 70 ans à partir de la date du décès de l’auteur s’il s’agit d’un auteur personnel (rien dans le domaine public avant 2049), ou alors pendant 95 ans à partir de la date de publication - ou 120 ans à partir de la date de création - s’il s’agit d’un auteur collectif (rien dans le domaine public avant 2074). Tout ceci dans les grandes lignes. D’autres règles viennent s’ajouter à ces règles de base, et la loi sur le copyright est retouchée 11 fois au cours des 40 dernières années. Nettement plus contraignante que la précédente, la législation actuelle est entérinée par le Congrès le 27 octobre 1998 pour contrer le formidable véhicule de diffusion qu'est l'internet. Au fil des siècles, chaque avancée technique est accompagnée d'un durcissement du copyright, qui semble être la réponse des éditeurs à un accès plus facile au savoir, et la peur afférente de perdre des royalties. «Le copyright a été augmenté de 20 ans, explique Michael Hart en juillet 1999. Auparavant on devait attendre 75 ans, on est maintenant passé à 95 ans. Bien avant, le copyright durait 28 ans (plus une extension de 28 ans si on la demandait avant l’expiration du délai) et, avant cela, le copyright durait 14 ans (plus une extension de 14 ans si on la demandait avant l’expiration du délai). Comme on le voit, on assiste à une dégradation régulière et constante du domaine public.» Les dates évoquées sont les suivantes: (a) 1790 est la date de la main-mise de la Guilde des imprimeurs (les éditeurs de l’époque en Angleterre) sur les auteurs, qui entraîne la naissance du copyright. Le 1790 Copyright Act institue un copyright de 14 ans après la date de publication de l’oeuvre, plus une extension de 28 ans si celle-ci est demandée avant l’expiration du délai. Les oeuvres pouvant être légalement imprimées passent subitement de 6.000 à 600, et neuf titres sur dix disparaissent des librairies. Quelque 335 ans après les débuts de l'imprimerie, censée ouvrir les portes du savoir à tous, le monde du livre est désormais contrôlé par les éditeurs et non plus par les auteurs. Cette nouvelle législation est également effective aux Etats-Unis et en France. (b) 1831 est la date d'un premier renforcement du copyright pour contrer la réédition de vastes collections du domaine public sur les nouvelles presses à vapeur. Le 1831 Copyright Act institue un copyright de 28 ans après la date de publication de l’oeuvre, plus une extension de 14 ans si celle-ci est demandée avant l’expiration du délai, à savoir un total de 42 ans. (c) 1909 est la date d'un deuxième renforcement du copyright pour contrer une réédition des collections du domaine public sur les nouvelles presses électriques. Le 1909 Copyright Act double la période de l’extension, qui passe à 28 ans, le tout représentant un total de 56 ans. (d) 1976 est la date d’un nouveau durcissement du copyright suite l’apparition de la photocopieuse lancée par Xerox. Le 1976 Copyright Act institue un copyright de 50 ans après le décès de l’auteur. De ce fait, tout copyright en cours avant le 19 septembre 1962 n’expire pas avant le 31 décembre 1976. (e) 1998 est la date d’un durcissement supplémentaire du copyright suite au développement rapide des technologies numériques et aux centaines de milliers d'oeuvres désormais disponibles sur CD et DVD et sur le web, gratuitement ou à un prix très bas. Le 1998 Copyright Act allonge la durée du copyright qui est désormais de 70 ans après le décès de l’auteur, pour protéger l'empire Disney (raison pour laquelle on parle souvent de Mickey Mouse Copyright Act) et nombre de multinationales culturelles. Pour ne prendre qu'un exemple, le classique mondial Autant en emporte le vent (Gone With the Wind), publié en 1939, aurait dû tomber dans le domaine public au bout de 56 ans, en 1995, conformément à la législation de l'époque, libérant ainsi les droits pour les adaptations en tous genres. Suite aux législations de 1976 et 1998, ce classique ne devrait désormais tomber dans le domaine public qu'en 2035. La législation de 1998 porte un coup très rude aux bibliothèques numériques, en plein essor avec le développement du web, et scandalisent ceux qui les gèrent, à commencer par Michael Hart et John Mark Ockerbloom, créateur de l'Online Books Page en 1993. Nombre de titres doivent être retirés des collections. Mais comment faire le poids vis-à-vis des majors de l’édition? Michael Hart raconte en juillet 1999: «J’ai été le principal opposant aux extensions du copyright, mais Hollywood et les grands éditeurs ont fait en sorte que le Congrès ne mentionne pas mon action en public. Les débats actuels sont totalement irréalistes. Ils sont menés par “l’aristocratie terrienne de l’âge de l’information” et servent uniquement ses intérêts. Un âge de l’information? Et pour qui?» John Mark Ockerbloom écrit en août 1999: «Il est important que les internautes comprennent que le copyright est un contrat social conçu pour le bien public - incluant à la fois les auteurs et les lecteurs. Ceci signifie que les auteurs devraient avoir le droit d'utiliser de manière exclusive et pour un temps limité les oeuvres qu'ils ont créées, comme ceci est spécifié dans la loi actuelle sur le copyright. Mais ceci signifie également que leurs lecteurs ont le droit de copier et de réutiliser ce travail autant qu'ils le veulent à l'expiration de ce copyright. Aux Etats-Unis, on voit maintenant diverses tentatives visant à retirer ces droits aux lecteurs, en limitant les règles relatives à l'utilisation de ces oeuvres, en prolongeant la durée du copyright (y compris avec certaines propositions visant à le rendre permanent) et en étendant la propriété intellectuelle à des travaux distincts des oeuvres de création (comme on en trouve dans les propositions de copyright pour les bases de données). Il existe même des propositions visant à entièrement remplacer la loi sur le copyright par une loi instituant un contrat beaucoup plus lourd. Je trouve beaucoup plus difficile de soutenir la requête de Jack Valenti, directeur de la MPAA (Motion Picture Association of America), qui demande d'arrêter de copier les films sous copyright, quand je sais que, si ceci était accepté, aucun film n'entrerait jamais dans le domaine public (Mary Bono a fait mention des vues de Jack Valenti au Congrès l'année dernière). Si on voit les sociétés de médias tenter de bloquer tout ce qu'elles peuvent, je ne trouve pas surprenant que certains usagers réagissent en mettant en ligne tout ce qu'ils peuvent. Malheureusement, cette attitude est à son tour contraire aux droits légitimes des auteurs. Comment résoudre cela pratiquement? Ceux qui ont des enjeux dans ce débat doivent faire face à la réalité, et reconnaître que les producteurs d'oeuvres et leurs usagers ont tous deux des intérêts légitimes dans l'utilisation de celles-ci. Si la propriété intellectuelle était négociée au moyen d'un équilibre des principes plutôt que par le jeu du pouvoir et de l'argent que nous voyons souvent, il serait peut-être possible d'arriver à un compromis raisonnable.» En effet. Les instances politiques ne cessent de parler d’âge de l’information alors que, en parallèle, elles durcissent la réglementation relative à la mise à disposition de cette information. La contradiction est flagrante. Le copyright est passé d'une durée de 30 ans en moyenne en 1909 à une durée de 95 ans en moyenne en 1998, explique Michael Hart sur son blog. En 89 ans, de 1909 à 1998, le copyright a subi une extension de 65 ans qui affecte les trois quarts de la production du 20e siècle. Seul un livre publié avant 1923 peut être considéré avec certitude comme du domaine public. Un durcissement similaire touche les pays de l'Union européenne. La règle générale est désormais un copyright de 70 ans après le décès de l’auteur, alors qu’il était auparavant de 50 ans. Ceci suite aux pressions exercées par les éditeurs de contenu, sous le prétexte d’«harmoniser» les lois nationales relatives au copyright pour répondre à la mondialisation du marché. A ceci s'ajoute la législation sur le copyright des éditions numériques en application des traités internationaux de l'OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) signés en 1996 dans l'optique du contrôle de la gestion des droits numériques. Le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) est entériné en octobre 1998 aux Etats-Unis. La directive EUCD (European Union Copyright Directive) est entérinée en mai 2001 par la Communauté européenne. En français, cette directive s'intitule très précisément «Directive 2001/29/EC du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information». Elle fait suite à la directive de février 1993 (Directive 93/98/EEC) qui visait à harmoniser les législations des différents pays en matière de protection du droit d'auteur. La directive EUCD entre peu à peu en vigueur dans tous les pays de l'Union européenne, avec mise en place de législations nationales, le but officiel étant de renforcer le respect du droit d'auteur sur l'internet et de contrer ainsi le piratage. En France, par exemple, la loi DADVSI (droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information) est promulguée en août 2006, et n'est pas sans susciter de nombreux remous. Mais revenons aux bibliothèques numériques. Pour éviter les poursuites judiciaires, le Projet Gutenberg se lance régulièrement dans des recherches pouvant durer des années pour déterminer si tel ou tel livre est du domaine public ou non. A ce jour, il peut s’enorgueillir d’un résultat exact à 99,9% pour l’ensemble de ses collections, ce qui signifie que 20 livres seulement sur les 20.000 livres que comptent les collections (chiffres de décembre 2006) pourraient poser problème. Sur le site du Project Gutenberg Consortia Center (PGCC), Michael Hart raconte que la version originale en tchèque de Universal Robots de Rossum lui a demandé des années de recherches dans le monde entier pour avoir l’assurance que cette version était du domaine public aux Etats-Unis. Quant au discours I Have a Dream de Martin Luther King, tombé pendant un temps court dans le domaine public, il a dû être retiré des collections suite au passage d'une législation plus contraignante sur le copyright. Une lueur d'espoir existe toutefois pour les livres parus après 1923. D’après Greg Newby, directeur de la Project Gutenberg Literary Archive Foundation (PGLAF), un million de livres publiés aux Etats-Unis entre 1923 et 1963 appartiendrait en fait au domaine public, puisque seuls 10% des copyrights sont effectivement renouvelés - avec renouvellement demandé entre 1950 et 1993. Les livres dont le copyright n’a pas été renouvelé peuvent donc légalement intégrer les collections du Projet Gutenberg. Pourquoi la période 1923-1963? Parce que les livres parus avant le 1er janvier 1923 sont du domaine public et que les livres parus à compter du 1er janvier 1964 ont vu leur copyright automatiquement renouvelé suite à l'adoption du 1976 Copyright Act. Pour un titre donné, comment savoir si le copyright a été renouvelé ou non? Pour les livres aux copyrights renouvelés en 1978 et après, on dispose de la base de données en ligne du US Copyright Office. Pour les livres aux copyrights renouvelés entre 1950 et 1977, on ne disposait que des publications imprimées bisannuelles (deux fois par an) du même Copyright Office. En 2004, ces listes sont numérisées par Distributed Proofreaders et mises en ligne sur le site du Projet Gutenberg. Si un livre publié entre 1923 et 1963 ne figure sur aucune de ces listes, cela signifie que son copyright n'a pas été renouvelé, qu'il est tombé dans le domaine public et qu'on peut donc le traiter. En avril 2007, l’Université de Stanford (Californie) convertit les listes numérisées du Projet Gutenberg en base de données (Copyright Renewal Database), avec recherche possible par titre, auteur, date du copyright et date de renouvellement du copyright. 12.3. La convergence multimédia Depuis plus de trente ans, la chaîne de l’édition est soumise à de nombreux bouleversements. Dans les années 1970, l’imprimerie traditionnelle est d’abord ébranlée par l’apparition des machines de photocomposition. Le coût de l’impression continue ensuite de baisser avec les procédés d’impression assistée par ordinateur, les photocopieurs, les photocopieurs couleur et le matériel d’impression numérique. Dans les années 1990, l’impression est souvent assurée à bas prix par des ateliers de PAO (publication assistée par ordinateur). Tout contenu est désormais systématiquement numérisé pour permettre son transfert par voie électronique. La numérisation permet de créer, d’enregistrer, de combiner, de stocker, de rechercher et de transmettre des textes, des sons et des images par des moyens simples et rapides. Des procédés similaires permettent le traitement de l’écriture, de la musique et du cinéma alors que, par le passé, ce traitement était assuré par des procédés différents sur des supports différents (papier pour l’écriture, bande magnétique pour la musique, celluloïd pour le cinéma). De plus, des secteurs distincts comme l’édition (qui produit des livres) et l’industrie musicale (qui produit des disques) travaillent de concert pour produire des CD-Rom. La numérisation accélère considérablement le processus matériel de production. Dans la presse, alors qu’auparavant le personnel de production devait dactylographier les textes du personnel de rédaction, les journalistes envoient désormais directement leurs textes pour mise en page. Dans l’édition, le rédacteur, le concepteur artistique et l'infographiste travaillent souvent simultanément sur le même ouvrage. On assiste progressivement à la convergence de tous les secteurs liés à l’information: imprimerie, édition, presse, conception graphique, enregistrements sonores, films, radiodiffusion, etc. La convergence multimédia peut être définie comme la convergence de l’informatique, du téléphone, de la radio et de la télévision dans une industrie de la communication et de la distribution utilisant les mêmes inforoutes. Si certains secteurs voient l’apparition de nouveaux emplois, par exemple ceux liés à la production audio-visuelle, d’autres secteurs sont soumis à d’inquiétantes restructurations. La convergence multimédia a d’autres revers, à savoir des contrats occasionnels et précaires pour les salariés, l’absence de syndicats pour les télétravailleurs, le droit d’auteur souvent mis à mal pour les auteurs, etc. Et, à l’exception du droit d’auteur, vu l’enjeu financier qu’il représente, il est rare que ces problèmes fassent la Une des journaux. La convergence multimédia amène-t-elle des emplois nouveaux, comme l’assurent les employeurs, ou bien est-elle source de chômage, comme l’affirment les syndicats? Ce sujet est débattu dès 1997 lors du Colloque sur la convergence multimédia organisé par le Bureau international du travail (BIT) à Genève. Si elle accélère le processus de production, l’automatisation des méthodes de travail entraîne une diminution de l’intervention humaine et donc un accroissement du chômage. Dans la presse comme dans l'édition, la mise en page automatique permet de combiner rédaction et composition. Dans les services publicitaires aussi, la conception graphique et les tâches commerciales sont maintenant intégrées. L’informatique permet à certains professionnels de s’installer à leur compte, une solution choisie par 30% des salariés ayant perdu leur emploi. Professeur associé d’études sociales à l’Université d’Utrecht (Pays-Bas), Peter Leisink précise que la rédaction des textes et la correction d’épreuves se font désormais à domicile, le plus souvent par des travailleurs ayant pris le statut d’indépendants à la suite de licenciements, délocalisations ou fusions d’entreprises. «Or cette forme d’emploi tient plus du travail précaire que du travail indépendant, car ces personnes n’ont que peu d’autonomie et sont généralement tributaires d’une seule maison d’édition.» A part quelques cas particuliers mis en avant par les organisations d’employeurs, la convergence multimédia entraîne des suppressions massives d’emplois. Selon Michel Muller, secrétaire général de la FILPAC (Fédération des industries du livre, du papier et de la communication), les industries graphiques françaises perdent 20.000 emplois en dix ans. Entre 1987 et 1996, les effectifs passent de de 110.000 à 90.000 salariés. Les entreprises doivent mettre sur pied des plans sociaux coûteux pour favoriser le reclassement des personnes licenciées, en créant des emplois souvent artificiels, alors qu’il aurait été préférable de financer des études fiables sur la manière d’équilibrer créations et suppressions d’emplois quand il était encore temps. Partout dans le monde, de nombreux postes à faible qualification technique sont remplacés par des postes exigeant des qualifications techniques élevées. Les personnes peu qualifiées sont licenciées. D’autres suivent une formation professionnelle complémentaire, parfois auto-financée et prise sur leur temps libre, et cette formation professionnelle ne garantit pas pour autant le réemploi. Directeur de AT&T, géant des télécommunications aux Etats-Unis, Walter Durling insiste sur le fait que les nouvelles technologies ne changeront pas fondamentalement la situation des salariés au sein de l'entreprise. L’invention du film n’a pas tué le théâtre et celle de la télévision n’a pas fait disparaître le cinéma. Les entreprises devraient créer des emplois liés aux nouvelles technologies et les proposer à ceux qui sont obligés de quitter d’autres postes devenus obsolètes. Des arguments bien théoriques alors que le problème est plutôt celui du pourcentage. Combien de créations de postes pour combien de licenciements? De leur côté, les syndicats préconisent la création d’emplois par l’investissement, l’innovation, la formation professionnelle aux nouvelles technologies, la reconversion des travailleurs dont les emplois sont supprimés, des conditions équitables pour les contrats et les conventions collectives, la défense du droit d’auteur, une meilleure protection des travailleurs dans le secteur artistique et enfin la défense des télétravailleurs en tant que travailleurs à part entière. Malgré tous les efforts des syndicats, la situation deviendra-elle aussi dramatique que celle décrite dans une note du rapport de ce colloque, demandant si «les individus seront forcés de lutter pour survivre dans une jungle électronique avec les mécanismes de survie qui ont été mis au point au cours des précédentes décennies?» A ceci s’ajoutent la sous-traitance et la délocalisation. Pour la numérisation de catalogues par exemple, certaines bibliothèques font appel à des sociétés employant un personnel temporaire avec de bas salaires et la rapidité pour seul critère, quand les fichiers papier ne sont pas tout simplement envoyés en Asie et les informations saisies par des opérateurs ne connaissant pas la langue et faisant l’impasse sur les accents. Certains catalogues sont ensuite passés au crible et vérifiés sinon corrigés, d’autres non. La distinction traditionnelle entre maison d’édition, éditeur de presse, librairie, bibliothèque, etc., sera-t-elle encore de mise dans quelques années? Le développement de l’édition électronique amène des changements substantiels dans les relations entre les auteurs, les éditeurs et les lecteurs. Les catégories professionnelles forgées au fil des siècles - éditeurs, journalistes, bibliothécaires, etc. - s'adapteront-elles à la convergence multimédia, comme c’est le cas avec les premiers cyberéditeurs, cyberjournalistes, cyberthécaires, etc., ou bien toutes ces activités seront-elles progressivement restructurées pour donner naissance à de nouveaux métiers? L’internet offre aussi de réels avantages en matière d’emploi, notamment la possibilité de chercher du travail en ligne et de recruter du personnel par le même biais. Changer d’emploi devient plus facile, tout comme le télétravail. Créatrice du site littéraire Zazieweb, Isabelle Aveline raconte en juin 1998: «Grâce à internet les choses sont plus souples, on peut très facilement passer d’une société à une autre (la concurrence!), le télétravail pointe le bout de son nez (en France c’est encore un peu tabou...), il n’y a plus forcément de grande séparation entre espace pro et personnel.» Claire Le Parco, de la société Webnet, qui gère le site Poésie française, précise à la même date: «En matière de recrutement, internet a changé radicalement notre façon de travailler, puisque nous passons maintenant toutes nos offres d’emploi (gratuitement) dans le newsgroup "emploi". Nous utilisons un intranet pour échanger nombre d’informations internes à l’entreprise: formulaires de gestion courante, archivage des documents émis, suivi des déplacements, etc. La demande des entreprises est très forte, et je crois que nous avons de beaux jours devant nous!» Rédacteur et webmestre du Biblio On Line, un portail destiné aux bibliothèques, Jean-Baptiste Rey relate en juin 1998: «Personnellement internet a complètement modifié ma vie professionnelle puisque je suis devenu webmestre de site internet et responsable du secteur nouvelles technologies d’une entreprise informatique parisienne (Quick Soft Ingénierie, ndlr). Il semble que l’essor d’internet en France commence (enfin) et que les demandes tant en matière d’informations, de formations que de réalisations soient en grande augmentation.» Fabrice Lhomme, webmestre d’Une Autre Terre, site consacré à la science-fiction, raconte à la même date: «Une Autre Terre est un serveur personnel hébergé gratuitement par la société dans laquelle je travaille. Je l’ai créé uniquement par passion pour la SF et non dans un but professionnel même si son audience peut laisser envisager des débouchés dans ce sens. Par contre internet a bel et bien changé ma vie professionnelle. Après une expérience de responsable de service informatique, j’ai connu le chômage et j’ai eu plusieurs expériences dans le commercial. Le poste le plus proche de mon domaine d’activité que j’ai pu trouver était vendeur en micro-informatique en grande surface. Je dois préciser quand même que je suis attaché à ma région (la Bretagne, ndlr) et que je refusais de m’"expatrier". Jusqu’au jour donc où j’ai trouvé le poste que j’occupe depuis deux ans. S’il n’y avait pas eu internet, je travaillerais peut-être encore en grande surface. Actuellement, l’essentiel de mon activité tourne autour d’internet (réalisation de serveurs web, intranet/extranet,...) mais ne se limite pas à cela. Je suis technicien informatique au sens large du terme puisque je m’occupe aussi de maintenance, d’installation de matériel, de réseaux, d’audits, de formations, de programmation... (...) J’ai trouvé dans internet un domaine de travail très attrayant et j’espère fortement continuer dans ce segment de marché. La société dans laquelle je travaille est une petite société en cours de développement. Pour l’instant je suis seul à la technique (ce qui explique mes nombreuses casquettes) mais nous devrions à moyen terme embaucher d’autres personnes qui seront sous ma responsabilité.» Des professionnels du livre décident de rejoindre des sociétés informatiques ou alors de se spécialiser au sein de la structure dans laquelle ils travaillent, en devenant par exemple les webmestres de leur librairie, de leur maison d’édition ou de leur bibliothèque. Malgré cela, de nombreux postes disparaissent avec l’introduction des nouvelles technologies. Ces salariés peuvent-ils vraiment tous se recycler grâce à des formations professionnelles adaptées? A ceci s’ajoutent les contrats précaires et les salaires au rabais. Pour ne prendre que l’exemple le plus connu, en 2000, cinq ans après son lancement, la librairie en ligne Amazon ne fait plus seulement la Une pour son modèle économique mais aussi pour les conditions de travail de son personnel. Malgré la discrétion d’Amazon sur le sujet et les courriers internes adressés aux salariés sur l’inutilité des syndicats au sein de l’entreprise, les problèmes commencent à filtrer. Ils attirent l’attention de l’organisation internationale Prewitt Organizing Fund et du syndicat français SUD PTT Loire Atlantique (SUD signifiant : solidaires unitaires démocratiques, et PTT signifiant: poste, télégraphe et téléphone). En novembre 2000, ces deux organisations débutent une action de sensibilisation commune auprès du personnel d’Amazon France pour les inciter à demander de meilleures conditions de travail et des salaires plus élevés. Des représentants des deux organisations rencontrent une cinquantaine de salariés du centre de distribution de Boigny-sur-Bionne, situé dans la banlieue d’Orléans, au sud de Paris. Dans le communiqué qui suit cette rencontre, SUD PTT dénonce chez Amazon France «des conditions de travail dégradées, la flexibilité des horaires, le recours aux contrats précaires dans les périodes de flux, des salaires au rabais, et des garanties sociales minimales». Le Prewitt Organizing Fund mène ensuite une action similaire dans les deux autres filiales européennes d’Amazon, en Allemagne et au Royaume-Uni. Les problèmes auxquels la nouvelle économie est confrontée dans les années 2000 n’arrangent rien. On assiste à l’effondrement des valeurs internet en bourse. Les recettes publicitaires sont moins importantes que prévu, alors qu’elles représentent souvent la principale source de revenus. Dans tous les secteurs, y compris l’industrie du livre, le ralentissement de l’économie entraîne la fermeture d’entreprises ou bien le licenciement d’une partie de leur personnel. C’est le cas par exemple de Britannica.com en 2000, d’Amazon.com et BOL.fr en 2001, de Cytale, Vivendi et Bertelsmann en 2002, et enfin de Gemstar et 00h00 en 2003. En novembre 2000, la société Britannica.com, qui gère la version web de l’Encyclopædia Britannica, annonce sa restructuration dans l’optique d’une meilleure rentabilité. 25% du personnel est licencié, soit 75 personnes. L’équipe de la version imprimée n’est pas affectée. En janvier 2001, la librairie Amazon.com, qui emploie 1 800 personnes en Europe, annonce une réduction de 15% de ses effectifs et la restructuration du service clientèle européen, qui était basé à La Haye (Pays-Bas). Les 240 personnes qu’emploie ce service sont transférées dans les centres de Slough (Royaume-Uni) et Regensberg (Allemagne). Aux Etats-Unis, dans la maison-mère, suite à un quatrième trimestre 2000 déficitaire, les effectifs sont eux aussi réduits de 15%, ce qui entraîne 1 300 licenciements. En juillet 2001, après deux ans d’activité, la librairie en ligne française BOL.fr ferme définitivement ses portes. Créée par deux géants des médias, l’allemand Bertelsmann et le français Vivendi, BOL.fr faisait partie du réseau de librairies BOL.com (BOL: Bertelsmann on line). En avril 2002, la société française Cytale, qui avait lancé en janvier 2001 le Cybook, une tablette électronique de lecture, doit se déclarer en cessation de paiement, suite à des ventes très inférieures aux pronostics. L’administrateur ne parvenant pas à trouver un repreneur, Cytale est mis en liquidation judiciaire en juillet 2002 et cesse ses activités. En juillet 2002, la démission forcée de Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi Universal, une multinationale basée à Paris et à New York, marque l’arrêt des activités fortement déficitaires de Vivendi liées à l’internet et au multimédia, et la restructuration de la société vers des activités plus traditionnelles. En août 2002, la multinationale allemande Bertelsmann décide de mettre un frein à ses activités internet et multimédias afin de réduire son endettement. Bertelsmann se recentre lui aussi sur le développement de ses activités traditionnelles, notamment sa maison d’édition Random House et l’opérateur européen de télévision RTL. En juin 2003, Gemstar, une société américaine spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias, décide de cesser son activité eBook, à savoir la vente de ses tablettes de lecture Gemstar eBook, puis celle des livres numériques le mois suivant. Cette cessation d’activité sonne également le glas de 00h00, pionnier de l’édition en ligne commerciale, fondé à Paris en mai 1998 et racheté par Gemstar en septembre 2000. Toutefois, pendant la même période, les ventes d’assistants personnels (PDA) sont en forte progression, tout comme le nombre de livres numériques disponibles pour PDA. Un beau démenti au scepticisme de certains professionnels du livre qui jugent leur écran beaucoup trop petit et voient mal l’activité noble qu’est la lecture voisiner avec l’utilisation d’un agenda, d’un dictaphone ou d’un lecteur de MP3. 12.4. La relation information-utilisateur L'internet offre un nouvel outil (relativement) économique abolissant les frontières. Une encyclopédie multilingue est désormais disponible à un prix défiant toute concurrence, une fois l’ordinateur payé. Le courriel, les forums, les chats et les blogs favorisent l’aide mutuelle et le débat d’idées. Dans The World Wide Web: A Very Short Personal History, Tim Berners-Lee, inventeur du web, écrit en avril 1998: «Le rêve derrière le web est un espace d’information commun dans lequel nous communiquons en partageant l’information. Son universalité est essentielle, à savoir le fait qu’un lien hypertexte puisse pointer sur quoi que ce soit, quelque chose de personnel, de local ou de global, aussi bien une ébauche qu’une réalisation très sophistiquée.» Un auteur peut désormais faire connaître ses oeuvres en créant un site web, sans attendre de trouver un éditeur ou en se passant tout simplement d’éditeur, et il peut facilement échanger avec ses lecteurs. Nombreux sont les écrivains, journalistes, bibliothécaires, enseignants, etc. qui participent à l’enrichissement d’une toile littéraire, artistique et scientifique. La presse en ligne est bien assise à côté des journaux et magazines imprimés. Les libraires en ligne peuvent vendre des livres étrangers ou bien vendre à l’étranger des livres publiés dans leur pays. Les lecteurs ont à leur disposition des extraits ou parfois même le texte intégral des nouveautés, qu’ils peuvent feuilleter tout à loisir à l’écran. Outre les éditeurs traditionnels utilisant le web comme vitrine, on voit apparaître les éditeurs électroniques, qui utilisent l’internet pour la découverte des oeuvres, leur publication, leur promotion et leur diffusion. Les éditeurs universitaires et spécialisés peuvent largement diffuser leurs publications électroniques sans passer par des publications imprimées devenues trop coûteuses sinon inutiles. Les bibliothèques traditionnelles disposent elles aussi d’une vitrine pour faire connaître leurs collections. Les bibliothèques numériques se développent rapidement. Grâce à elles, on dispose du texte intégral de dizaines de milliers d’oeuvres du domaine public. A ceci s’ajoutent les collections d’images, de musique, de vidéos et de films. Outre ce changement radical dans la relation information-utilisateur, on assiste à une transformation radicale de la nature même de l’information. En 1974, Vinton Cerf co-invente avec Bob Kahn le protocole TCP/IP, à la base de tout échange de données sur le réseau. Sur le site de l'Internet Society (ISOC), qu'il fonde en 1992 pour promouvoir le développement de l’internet, il explique: «Le réseau fait deux choses (...): comme les livres, il permet d’accumuler de la connaissance. Mais, surtout, il la présente sous une forme qui la met en relation avec d’autres informations. Alors que, dans un livre, l’information est maintenue isolée.» De plus, l’information contenue dans les livres reste la même, au moins pendant une période donnée, alors que l'internet privilégie l’information la plus récente qui, elle, est en constante mutation. Il s'ensuit un changement dans la manière d'enseigner. Dès septembre 1996, dans Creativity and the Computer Education Industry, une communication de la 14e conférence mondiale de l’International Federation of Information Processing (IFIP), Dale Spender, professeur à l’Université de Queensland (Australie), tente d’analyser ce changement. Voici son argumentation résumée en deux paragraphes. Depuis plus de cinq siècles, l’enseignement est essentiellement basé sur l’information procurée par les livres. Or les habitudes liées à l’imprimé ne peuvent être transférées dans l’univers numérique. L’enseignement en ligne offre des possibilités tellement nouvelles qu’il n’est guère possible d’effectuer les distinctions traditionnelles entre enseignant et enseigné. Le passage de la culture imprimée à la culture numérique exige donc d’entièrement repenser le processus d’acquisition du savoir, puisqu'on a maintenant l’opportunité sans précédent de pouvoir influer sur le type d’enseignement qu'on souhaite recevoir. Dans la culture imprimée, l’information contenue dans les livres reste la même un certain temps, ce qui encourage à penser que l’information est stable. La nature même de l’imprimé est liée à la notion de vérité, stable elle aussi. Cette stabilité et l’ordre qu’elle engendre sont un des fondements de l’âge industriel et de l’ère des sciences et techniques. Les notions de vérité, de loi, d’objectivité et de preuve sont le fondement de nos croyances et de nos cultures. Mais l’avènement du numérique change tout ceci. Soudain l’information en ligne supplante l’information imprimée pour devenir la plus fiable et la plus utile, et l’usager est prêt à la payer en conséquence. Cette transformation radicale de la nature même de l’information doit être au cœur du débat relatif aux nouvelles méthodes d’enseignement. En juillet 1998, Patrick Rebollar, professeur de français et d’informatique dans des universités japonaises, analyse l’impact de l’internet sur sa vie professionnelle: «Mon travail de recherche est différent, mon travail d’enseignant est différent, mon image en tant qu’enseignant-chercheur de langue et de littérature est totalement liée à l’ordinateur, ce qui a ses bons et ses mauvais côtés (surtout vers le haut de la hiérarchie universitaire, plutôt constituée de gens âgés et technologiquement récalcitrants). J’ai cessé de m’intéresser à certains collègues proches géographiquement mais qui n’ont rien de commun avec mes idées, pour entrer en contact avec des personnes inconnues et réparties dans différents pays (et que je rencontre parfois, à Paris ou à Tokyo, selon les vacances ou les colloques des uns ou des autres). La différence est d’abord un gain de temps, pour tout, puis un changement de méthode de documentation, puis de méthode d’enseignement privilégiant l’acquisition des méthodes de recherche par mes étudiants, au détriment des contenus (mais cela dépend des cours). Progressivement, le paradigme réticulaire l’emporte sur le paradigme hiérarchique - et je sais que certains enseignants m’en veulent à mort d’enseigner ça, et de le dire d’une façon aussi crue. Cependant ils sont obligés de s’y mettre...» Professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, Russon Wooldridge relate en mai 2001: «Mes activités de recherche, autrefois menées dans une tour d'ivoire, se font maintenant presque uniquement par des collaborations locales ou à distance. (...) Tout mon enseignement exploite au maximum les ressources d'internet (le web et le courriel): les deux lieux communs d'un cours sont la salle de classe et le site du cours, sur lequel je mets tous les matériaux des cours. Je mets toutes les données de mes recherches des vingt dernières années sur le web (réédition de livres, articles, textes intégraux de dictionnaires anciens en bases de données interactives, de traités du 16e siècle, etc.). Je publie des actes de colloques, j'édite un journal, je collabore avec des collègues français, mettant en ligne à Toronto ce qu'ils ne peuvent pas publier en ligne chez eux.» L’internet permet une information en profondeur qu’aucun organe de presse, éditeur ou bibliothèque ne pouvait donner jusqu’ici: rapidité de propagation des informations, accès immédiat à de nombreux sites d’information, liens vers des articles et sources connexes, énormes capacités documentaires allant du général au spécialisé et réciproquement (cartes géographiques, notices biographiques, textes officiels, informations d’ordre politique, économique, social, culturel, etc.), grande variété d’illustrations (photos, graphiques, tableaux, vidéos, etc.), possibilité d’archivage avec moteur de recherche, etc. Certains s'inquiètent des dérives commerciales du réseau. Lucie de Boutiny, romancière multimédia, relate en juin 2000: «Des stratégies utopistes avaient été mises en place mais je crains qu’internet ne soit plus aux mains d’internautes comme c’était le cas. L’intelligence collective virtuelle pourtant se défend bien dans divers forums ou listes de discussions, et ça, à défaut d’être souvent efficace, c’est beau. Dans l’utopie originelle, on aurait aimé profiter de ce nouveau média, notamment de communication, pour sortir de cette tarte à la crème qu’on se reçoit chaque jour, merci à la société du spectacle, et ne pas répéter les erreurs de la télévision qui n’est, du point de vue de l’art, jamais devenue un média de création ambitieux.» Xavier Malbreil, auteur hypermédia, est plus optimiste. «Concernant l’avenir de l’internet, je le crois illimité, explique-t-il en mars 2001. Il ne faut pas confondre les gamelles que se prennent certaines start-up trop gourmandes, ou dont l’objectif était mal défini, et la réalité du net. Mettre des gens éloignés en contact, leur permettre d’interagir, et que chacun, s’il le désire, devienne son propre fournisseur de contenu, c’est une révolution dont nous n’avons pas encore pris toute la mesure.» Cet optimisme est partagé par Christian Vandendorpe, professeur à l’Université d’Ottawa, qui écrit à la même date: «Cet outil fabuleux qu’est le web peut accélérer les échanges entre les êtres, permettant des collaborations à distance et un épanouissement culturel sans précédent. Mais cet espace est encore fragile. (...) Il existe cependant des signes encourageants, notamment dans le développement des liaisons de personne à personne et surtout dans l’immense effort accompli par des millions d’internautes partout au monde pour en faire une zone riche et vivante.» 12.5. Ecriture et édition en ligne De l’avis de Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l’Université Paris 8, interviewé en février 2002, «les technologies numériques sont une chance extraordinaire du renouvellement du littéraire». Depuis 1998, de nombreux genres ont vu le jour: sites d’écriture hypermédia, oeuvres de fiction hypertexte, romans multimédias, hyper-romans, mail-romans, etc. Le texte fusionne avec l’image et le son en intégrant dessins, graphiques, photos, chansons, musique ou vidéos. Lucie de Boutiny, qui participe à ce vaste mouvement, écrit en juin 2000: «Depuis l’archaïque minitel si décevant en matière de création télématique, c’est bien la première fois que, via le web, dans une civilisation de l’image, l’on voit de l’écrit partout présent 24 h / 24, 7 jours / 7. Je suis d’avis que si l’on réconcilie le texte avec l’image, l’écrit avec l’écran, le verbe se fera plus éloquent, le goût pour la langue plus raffiné et communément partagé.» L’internet renouvelle aussi la manière d’écrire. Webmestre du site hypermédia cotres.net, Jean-Paul relate en juin 2000: «L’internet n’a pas changé ma vie, mais mon rapport à l’écriture. On n’écrit pas de la même manière pour un site que pour un scénario, une pièce de théâtre, etc. (...) Depuis, j’écris (compose, mets en page, en scène) directement à l’écran.» Chose qu’on oublie trop souvent, il rappelle que toutes les fonctionnalités de l’internet étaient déjà en gestation dans le Macintosh - couramment appelé Mac - lancé en 1984 par Apple. Premier ordinateur personnel à disposer d’une interface graphique intuitive facilement utilisable par le non spécialiste, le Mac remporte un succès colossal parce qu’il facilite le rapport entre l’utilisateur et l’information. «En fait, ce n'est pas sur la toile, c'est dans le premier Mac que j'ai découvert l'hypermédia à travers l'auto-apprentissage d'Hypercard, écrit Jean-Paul. Je me souviens encore de la stupeur dans laquelle j'ai été plongé, durant le mois qu'a duré mon apprentissage des notions de boutons, liens, navigation par analogies, par images, par objets. L'idée qu'un simple clic sur une zone de l'écran permettait d'ouvrir un éventail de piles de cartes dont chacune pouvait offrir de nouveaux boutons dont chacun ouvrait un nouvel éventail dont... bref l'apprentissage de tout ce qui aujourd'hui sur la toile est d'une banalité de base, cela m'a fait l'effet d'un coup de foudre (il paraît que Steve Jobs et son équipe eurent le même choc lorsqu'ils découvrirent l'ancêtre du Mac dans les laboratoires de Rank Xerox). Depuis, j'écris (compose, mets en page, en scène) directement à l'écran. L'état "imprimé" de mon travail n'est pas le stade final, le but; mais une forme parmi d'autres, qui privilégie la linéarité et l'image, et qui exclut le son et les images animées.» Quelles sont les perspectives quelques années après? En janvier 2007, «l’hypermédia est maintenant une évidence. (...) La partie du public formée à cette école et s’intéressant à la littérature demandera de nouvelles formes de récit. Entre-temps, les juristes auront remplacé le "droit d’auteur" par un "droit d’entoileur", libérant mes ayant-droits de tout souci de royautés. L’argent commencera à circuler. Et les "auteurs" (?) pourront enfin prendre au corps la seule vraie question de cette histoire : le remplacement de la linéarité par la simultanéité, l’ubiquité. Ce que font déjà les jeux de stratégie, dans leur domaine. Et ce sera banzaï pour un siècle au moins de littérature hypermédiatique, avant de souffler un peu pour se regarder dans le rétroviseur.» De même que la littérature numérique contribue au renouvellement du littéraire, l’édition électronique contribue au renouvellement de l’édition. Nombre d'auteurs mettent leurs espoirs dans l’édition électronique, commerciale ou non, pour bousculer une édition traditionnelle qui aurait fort besoin d’une cure de rajeunissement. Selon Lucie de Boutiny, interviewée en juin 2000, la littérature hypertextuelle, «qui passe par le savoir-faire technologique, rapproche donc le techno-écrivain du scénariste, du dessinateur BD, du plasticien, du réalisateur de cinéma. Quelles en sont les conséquences au niveau éditorial? Faut-il prévoir un budget de production en amont? Qui est l’auteur multimédia? Qu’en est-il des droits d’auteur? Va-t-on conserver le copyright à la française? L’HTX (hypertext literature) sera publiée par des éditeurs papier ayant un département multimédia? De nouveaux éditeurs vont émerger et ils feront un métier proche de la production? Est-ce que nous n’allons pas assister à un nouveau type d’oeuvre collective? Bientôt le sampling littéraire protégé par le copyleft?» Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditant ses oeuvres, écrit en mai 2001: «Certains éditeurs on line tendent à se comporter comme de véritables éditeurs en intégrant des risques éditoriaux comme le faisaient au début du siècle dernier certains éditeurs classiques. Il est à ma connaissance absolument inimaginable de demander à des éditeurs traditionnels d’éditer un livre en cinquante exemplaires. L’édition numérique offre cette possibilité, avec en plus réédition à la demande, presque à l’unité. (...) Je suis ravie que des techniques (internet, édition numérique, ebook...) offrent à des auteurs des moyens de communication leur permettant d’avoir accès à de plus en plus de lecteurs.» Pour les documentaires également, on commence à utiliser les formes d’écriture et de lecture devenues courantes dans le domaine de l’hyperfiction. Outre plusieurs possibilités de lecture, linéaire, non linéaire, par thèmes, etc., le documentaire hypermédia offre de réels avantages par rapport au documentaire imprimé. Il permet l’accès immédiat aux documents cités. Les erreurs peuvent être aussitôt corrigées. Le livre peut être régulièrement actualisé, en y incluant par exemple les développements les plus récents sur tel sujet ou les derniers chiffres et statistiques. Ces horripilants index en fin d’ouvrage - mais combien pratiques, au moins quand ils existent - sont remplacés par un moteur de recherche ou une base interactive. Tout comme pour l’hyperfiction, il reste à inventer un nouveau type de maison d’édition spécialisée dans ce type de documentaire, avec actualisation immédiate. Si ceci vaut pour tous les sujets, cela paraît d’autant plus indispensable pour les nouvelles technologies, l’internet et le web. La place des livres traitant du web n’est-elle pas sur le web? L’auteur pourrait choisir de mettre son livre en consultation payante ou gratuite. La question du droit d’auteur serait également entièrement à revoir. Copyright ou copyleft? Paiement à la source ou paiement à la consultation? Et comment l’éditeur serait-il rémunéré? A l’heure de l’internet, pour les documentaires comme pour la fiction, il s'avère peut-être nécessaire de créer de toutes pièces une structure éditoriale entièrement numérique se démarquant des schémas traditionnels. De nombreux auteurs seraient certainement heureux d’expérimenter un nouveau système, au lieu de se plier à un système traditionnel très contraignant, qui n’est peut-être plus de mise maintenant qu’on dispose d’un moyen de diffusion à moindres frais échappant aux frontières. Ces nouveaux éditeurs seraient différents des éditeurs en ligne, électroniques ou numériques apparus ces dernières années, qui sont souvent issus de l’édition traditionnelle et la copient encore. Il s’agirait d’éditeurs qui repenseraient la chaîne éditoriale de fond en comble tout en faisant un véritable travail d’éditeur (découverte, sélection, diffusion et promotion). Ces nouveaux éditeurs pourraient adopter des méthodes originales spécifiques au réseau: envoi des manuscrits sous forme électronique, délais de réponse courts, critères de sélection transmis par courrier électronique, publication rapide, droits d’auteur plus élevés avec montant disponible en ligne, vente simultanée de la version imprimée (impression à la demande) et de la version numérique en plusieurs formats, véritable diffusion et véritable promotion de l’oeuvre selon une méthode qui reste à mettre au point et ne se limiterait pas à un descriptif avec un extrait en téléchargement libre, versions revues et corrigées facilement envisageables sinon encouragées dans le domaine des sciences et techniques, etc. Tous arguments bien théoriques peut-être, mais il existe certainement de nouvelles pistes à explorer. Journaliste et infographiste, Marc Autret a derrière lui dix ans de journalisme multi-tâches et d’hyper-formation dans le domaine de l’édition, du multimédia et du droit d’auteur. «C’est un "socle" irremplaçable pour mes activités d’aujourd’hui, qui en sont le prolongement technique, explique-t-il en décembre 2006. Je suis un "artisan" de l’information et je travaille essentiellement avec des éditeurs. Ils sont tellement en retard, tellement étrangers à la révolution numérique, que j’ai du pain sur la planche pour pas mal d’années. Aujourd’hui je me concentre sur le conseil, l’infographie, la typographie, le pré-presse et le webdesign, mais je sens que la part du logiciel va grandir. Des secteurs comme l’animation 3D, l’automatisation des tâches de production, l’intégration multi-supports, la base de données et toutes les technologies issues de XML vont s’ouvrir naturellement. Les éditeurs ont besoin de ces outils, soit pour mieux produire, soit pour mieux communiquer. C’est là que je vois l’évolution, ou plutôt l’intensification, de mon travail.» 12.6. Numérique versus imprimé Les documents imprimés récents sont issus d’une version électronique sur traitement de texte, tableur ou base de données. Il est fréquent qu’un même document soit disponible en deux versions, numérique et imprimée. Pour des raisons budgétaires, de plus en plus de publications n’existent qu’en version électronique. Outre sa facilité d’accès et son faible coût, le document électronique peut être régulièrement actualisé. Point n’est besoin d’attendre une nouvelle édition imprimée soumise aux contraintes commerciales ou aux exigences de l’éditeur, notamment pour les ouvrages et périodiques scientifiques et techniques, dans lesquels l’information récente est primordiale. Document électronique? Document numérique? Livre électronique? Livre numérique? Un vocabulaire adapté reste à définir. Comme expliqué en 1995 par Jean-Gabriel Ganascia, directeur du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Sciences de la cognition, dans un compte-rendu du cycle de « réflexion de prospective » consacré au livre électronique, le terme «livre électronique», souvent utilisé en français, est «à la fois restrictif et inopportun». Ce terme est restrictif parce que le livre désigne «un support particulier de l’écrit qui est advenu à un moment donné dans l’histoire» alors que le document électronique comporte à la fois de l’écrit, de l’image et du son. Ce terme est également inopportun parce qu’on ne peut guère juxtaposer au terme «livre» le terme «électronique», «un nouvel objet immatériel défini par un ensemble de procédures d’accès et une structuration logique». De plus, qu’il s’agisse de sa forme exacte ou de sa fonction exacte, le statut même de ce qu’on appelle «livre électronique» n'est pas encore déterminé. C’est aussi l’avis de Pierre Schweitzer, inventeur du projet @folio, une tablette numérique de lecture nomade, qui écrit en juillet 2002: «J’ai toujours trouvé l’expression "livre électronique" très trompeuse, piégeuse même. Car quand on dit "livre", on voit un objet trivial en papier, tellement courant qu’il est devenu anodin et invisible... alors qu’il s’agit en fait d’un summum technologique à l’échelle d’une civilisation. Donc le terme "livre" renvoie sans s’en rendre compte à la dimension éditoriale - le contenu -, puisque "l’objet technique", génial, n’est pas vraiment vu, réalisé... Et de ce point de vue, cette dimension-là du livre, comme objet technique permettant la mise en page, le feuilletage, la conservation, la distribution, la commercialisation, la diffusion, l’échange, etc., des oeuvres et des savoirs, est absolument indépassable. Quand on lui colle "électronique" ou "numérique" derrière, cela renvoie à tout autre chose: il ne s’agit pas de la dimension indépassable du codex, mais de l’exploit inouï du flux qui permet de transmettre à distance, de recharger une mémoire, etc., et tout ça n’a rien à voir avec le génie originel du codex! C’est autre chose, autour d’internet, de l’histoire du télégraphe, du téléphone, des réseaux...» Nous vivons une période transitoire quelque peu inconfortable, marquée par la généralisation des documents numériques et la numérisation à grande échelle des documents imprimés, mais qui reste encore fidèle au papier. Pour des raisons aussi bien pratiques que sentimentales, les amoureux du livre peuvent difficilement se passer du livre imprimé et de ce matériau qu'est le papier, dont certains nous prédisent régulièrement la mort prochaine mais dont la longévité risque de nous surprendre. Il ne semble d’ailleurs pas opportun d’opposer livre numérique et livre imprimé, comme le rappelle Olivier Pujol, promoteur du Cybook, une tablette électronique de lecture. «Le livre électronique, permettant la lecture numérique, ne concurrence pas le papier, écrit-il en décembre 2000. C’est un complément de lecture, qui ouvre de nouvelles perspectives pour la diffusion de l’écrit et des oeuvres mêlant le mot et d’autres médias (image, son, image animée...). Les projections montrent une stabilité de l’usage du papier pour la lecture, mais une croissance de l’industrie de l’édition, tirée par la lecture numérique, et le livre électronique. De la même façon que la musique numérique a permis aux mélomanes d’accéder plus facilement à la musique, la lecture numérique supprime, pour les jeunes générations comme pour les autres, beaucoup de freins à l’accès à l’écrit.» Après avoir sonné un peu vite le glas du papier, on ne parle plus du «tout numérique» pour le proche avenir, mais plutôt de la juxtaposition «papier et pixel», et de la publication simultanée d’un livre en deux versions. Il reste au livre numérique à faire ses preuves face au livre imprimé, un modèle économique qui a plus de cinq cents ans et qui est parfaitement rôdé. Le travail est gigantesque et comprend entre autres la constitution des collections, la mise en place d’un réseau de distribution, l’amélioration des supports de lecture et la baisse de leur prix. Plus important encore, les lecteurs doivent s’habituer à lire des livres à l’écran. Si elle offre des avantages certains (recherche textuelle, sommaire affiché en permanence, etc.), de l'avis général, l’utilisation d’une machine - ordinateur, assistant personnel, téléphone portable, smartphone ou tablette électronique - n'égale pas encore le confort procuré par le livre imprimé. Toutefois, malgré les difficultés rencontrées, les adeptes de la lecture numérique sont de plus en plus nombreux. Ils attendent patiemment des appareils de lecture plus satisfaisants, ou encore des livres et journaux électroniques sur support souple. Pour les livres et revues scientifiques et techniques, qu'il est nécessaire d'actualiser régulièrement, les technologies numériques conduisent à repenser complètement la signification même de publication, et à s’orienter vers une diffusion en ligne. Les tirages papier restent toujours possibles à titre ponctuel. Des universités diffusent désormais des manuels « sur mesure » composés d’un choix de chapitres et d’articles sélectionnés dans une base de données, auxquels s’ajoutent les commentaires des professeurs. Pour un séminaire, un très petit tirage peut être fait à la demande à partir de documents transmis par voie électronique à un imprimeur. Quant aux revues en ligne, elles passent souvent un partenariat avec une société spécialisée dans l'impression à la demande. Enseignante-chercheuse à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE, Paris-Sorbonne), Marie-Joseph Pierre écrit en février 2003: «Il me paraît évident que la publication des articles et ouvrages au moins scientifiques se fera de plus en plus sous forme numérique, ce qui permettra aux chercheurs d’avoir accès à d’énormes banques de données, constamment et immédiatement évolutives, permettant en outre le contact direct et le dialogue entre les auteurs. Nos organismes de tutelle, comme le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) par exemple, ont déjà commencé à contraindre les chercheurs à publier sous ce mode, et incitent fortement les laboratoires à diffuser ainsi leurs recherches pour qu’elles soient rapidement disponibles. Nos rapports d’activité à deux et à quatre ans – ces énormes dossiers peineux résumant nos labeurs – devraient prochainement se faire sous cette forme. Le papier ne disparaîtra pas pour autant, et je crois même que la consommation ne diminuera pas… Car lorsque l’on veut travailler sur un texte, le livre est beaucoup plus maniable. Je m’aperçois dans mon domaine que les revues qui ont commencé récemment sous forme numérique commencent à être aussi imprimées et diffusées sur papier dignement relié. Le passage de l’un à l’autre peut permettre des révisions et du recul, et cela me paraît très intéressant.» Editeur puis consultant en édition électronique, Nicolas Pewny écrit en février 2003: «Je vois le livre numérique du futur comme un “ouvrage total” réunissant textes, sons, images, vidéo, interactivité: une nouvelle manière de concevoir et d’écrire et de lire, peut-être sur un livre unique, sans cesse renouvelable, qui contiendrait tout ce que l’on a lu, unique et multiple compagnon.» Marc Autret, journaliste et infographiste, écrit pour sa part en décembre 2006 : «Sans vouloir faire dans la divination, je suis convaincu que l’e-book (ou "ebook": impossible de trancher!) a un grand avenir dans tous les secteurs de la non-fiction. Je parle ici de livre numérique en termes de "logiciel", pas en terme de support physique dédié (les conjectures étant plus incertaines sur ce dernier point). Les éditeurs de guides, d’encyclopédies et d’ouvrages informatifs en général considèrent encore l’e-book comme une déclinaison très secondaire du livre imprimé, sans doute parce que le modèle commercial et la sécurité de cette exploitation ne leur semblent pas tout à fait stabilisés aujourd’hui. Mais c’est une question de temps. Les e-books non commerciaux émergent déjà un peu partout et opèrent d’une certaine façon un défrichage des possibles. Il y a au moins deux axes qui émergent: 1) une interface de lecture/consultation de plus en plus attractive et fonctionnelle (navigation, recherche, restructuration à la volée, annotations de l’utilisateur, quizz interactif...); 2) une intégration multimédia (vidéo, son, infographie animée, base de données, etc.) désormais fortement couplée au web. Aucun livre physique n’offre de telles fonctionnalités. J’imagine donc l’e-book de demain comme une sorte de wiki cristallisé, empaqueté dans un format. Quelle sera alors sa valeur propre? Celle d’un livre: l’unité et la qualité du travail éditorial!» Pierre Schweitzer, inventeur du projet @folio, fait à nouveau le point en janvier 2007: «La lecture numérique dépasse de loin, de très loin même, la seule question du "livre" ou de la presse, Le livre et le journal restent et resteront encore, pour longtemps, des supports de lecture techniquement indépassables pour les contenus de valeur ou pour ceux dépassant un seuil critique de diffusion. Bien que leur modèle économique puisse encore évoluer (comme pour les "gratuits" la presse grand public), je ne vois pas de bouleversement radical à l’échelle d’une seule génération. Au-delà de cette génération, l’avenir nous le dira. On verra bien. Pour autant, d’autres types de contenus se développent sur les réseaux. Internet défie l’imprimé sur ce terrain-là : celui de la diffusion en réseau (dématérialisée = coût marginal nul) des oeuvres et des savoirs. Là où l’imprimé ne parvient pas à équilibrer ses coûts. Là où de nouveaux acteurs peuvent venir prendre leur place. Or, dans ce domaine nouveau, les équilibres économiques et les logiques d’adoption sont radicalement différents de ceux que l’on connaît dans l’empire du papier - voir par exemple l’évolution des systèmes de validation pour les archives ouvertes dans la publication scientifique. Ou les modèles économiques émergents de la presse en ligne. Il est donc vain, dangereux même, de vouloir transformer au forceps l’écologie du papier - on la ruinerait à vouloir le faire! À la marge, certains contenus très spécifiques, certaines niches éditoriales, pourraient être transformées - l’encyclopédie ou la publication scientifique le sont déjà: de la même façon, les guides pratiques, les livres d’actualité quasi-jetables et quelques autres segments qui envahissent les tables des librairies pourraient l’être, pour le plus grand bonheur des libraires. Mais il n’y a là rien de massif ou brutal selon moi: nos habitudes de lecture ne seront pas bouleversées du jour au lendemain, elles font partie de nos habitudes culturelles, elles évoluent lentement, au fur et à mesure de leur adoption (= acceptation) par les générations nouvelles.» 13. CONCLUSION Une conclusion est difficile pour un tel sujet. On parlera plutôt de perspectives. Trois termes paraissent essentiels : stockage, organisation et diffusion. Dans un proche avenir, on devrait disposer de l’ensemble du patrimoine mondial stocké sous forme numérique, d’une organisation effective de l’information et du réseau internet adapté pour y accéder. Au milieu des années 1990, le texte est omniprésent sur le web, par défaut peut-être, à cause des problèmes de bande passante. Il est ensuite mis de côté au profit de l’image et du son. Dix ans après, le texte revient en force, avec le livre numérique dans son sillage. On n’a jamais tant écrit, y compris dans les wikis et les blogs. Confidentiel en 2000, puis parent pauvre des fichiers musicaux et vidéo, le livre numérique est désormais en bonne place à côté de la musique et des films. Signe des temps, en 2005, il devient un objet convoité par les géants de l'internet pour la constitution de leurs bibliothèques planétaires. Le futur sera-t-il le cyberespace décrit par Timothy Leary, philosophe, dans son livre Chaos et cyberculture (éditions du Lézard, 1998)? «Toute l’information du monde est à l’intérieur (de gigantesques bases de données, ndlr). Et grâce au cyberespace, tout le monde peut y avoir accès. Tous les signaux humains contenus jusque-là dans les livres ont été numérisés. Ils sont enregistrés et disponibles dans ces banques de données, sans compter tous les tableaux, tous les films, toutes les émissions de télé, tout, absolument tout.» On n’en est pas encore là. Mais, en quelques années seulement, on ne court plus désespérément après l’information dont on a besoin. Cette information est à notre portée, disponible à l’écran, et souvent en accès libre. Un million de livres est disponible sur le web en janvier 2006, et 2,5 millions de livres en mai 2007, en ne comptant que les livres lisibles et téléchargeables gratuitement sans restriction aucune. Il existerait au moins 25 millions de livres appartenant au domaine public, toutes éditions confondues. Il reste donc beaucoup à faire. Fondateur du Projet Gutenberg en 1971, Michael Hart précise souvent dans ses écrits que, si Gutenberg a permis à chacun d'avoir ses propres livres, jusque-là réservés à une élite, le Projet Gutenberg permet à chacun d'avoir une bibliothèque complète, jusque-là réservée à la collectivité, sur un support qu'on peut glisser dans sa poche, le support optimal actuel étant la clé USB. Apparue en 2000, la première clé USB a une capacité de 32 mégaoctets, et elle est toujours disponible au prix de 5 dollars US. En 2006, une clé USB de 4 gigaoctets - le standard à un prix abordable - permet de stocker 10.000 livres zippés. Apparue en 2006, la clé USB de 32 gigaoctets devrait devenir le standard d'ici 2010. En décembre 2006, la capacité maximale d'une clé USB est 64 gigaoctets (à 5.000 dollars l’unité). On devrait disposer en 2020 d’une clé USB de 32 téraoctets permettant de stocker l'intégralité du patrimoine écrit de l’humanité. Tim Berners-Lee est l'inventeur du web en 1990. A la question de Pierre Ruetschi, journaliste à la Tribune de Genève: «Sept ans plus tard, êtes-vous satisfait de la façon dont le web a évolué?», il répond en décembre 1997 que, s’il est heureux de la richesse et de la variété de l’information disponible, le web n’a pas encore la puissance prévue dans sa conception d’origine. Il aimerait «que le web soit plus interactif, que les gens puissent créer de l’information ensemble», et pas seulement consommer celle qui leur est proposée. Le web doit devenir un véritable «média de collaboration, un monde de connaissance que nous partageons». C’est chose faite quelques années plus tard. Si, à l'origine, le web ressemble un peu à un grand livre composé de pages reliées entre elles par des liens hypertextes, et reproduisant les modèles connus de l’édition papier, le concept de web 2.0, lancé en 2004, met en avant les notions de communauté et de participation, avec un contenu alimenté par les utilisateurs, y compris une nouvelle génération de sites interactifs, par exemple les blogs et les wikis. Le web ne vise plus seulement à utiliser l’information, mais il incite les usagers à échanger et collaborer en ligne, par exemple sur Wikipedia, grande encyclopédie coopérative en ligne. La paternité du terme «web 2.0» revient d’ailleurs à un éditeur, Tim O’Reilly, qui utilise cette expression comme titre pour une série de conférences. Certains parlent de World Live Web au lieu de World Wide Web, le nom d’origine du web. En 2007, on parle déjà d'un possible web 3.0. Ce web du futur serait un web sémantique capable d’apporter une réponse complète à une requête exprimée en langage courant, en faisant appel à des procédés d’intelligence artificielle qui seraient appliqués à large échelle. D’après la société Radar Networks, il s’agirait d’«un web doté d'une forme d'intelligence artificielle globale et collective». Des données pourraient être rassemblées sur les nombreux réseaux sociaux et participatifs existant sur le web. Elles pourraient être traitées automatiquement après avoir été structurées sur la base du langage descriptif RDF (resource description framework) développé par le W3C (World Wide Web Consortium), l'organisme international chargé du développement du web. Cette définition du web 3.0 est d’ailleurs loin de faire l’unanimité. En ce qui concerne l'infrastructure, la connexion au réseau sera permanente, les technologies WiFi (wireless fidelity) et WiMAX (worldwide interoperability for microwave access) n’étant que des étapes intermédiaires. La prochaine génération de l’internet serait un réseau pervasif permettant de se connecter en tout lieu et à tout moment sur tout type d’appareil à travers un réseau unique et omniprésent. Le concept de réseau pervasif est développé depuis plusieurs années par Rafi Haladjian, fondateur de la société Ozone. «La nouvelle vague touchera notre monde physique, notre environnement réel, notre vie quotidienne dans tous les instants, explique-t-il sur le site de la société. Nous n’accéderons plus au réseau, nous l’habiterons.» Les composantes futures de ce réseau (parties filiaires, parties non filiaires, opérateurs) seront transparentes à l’utilisateur final. Il sera toujours ouvert, assurant une permanence de la connexion en tout lieu. Il sera également agnostique en terme d’application(s), puisque fondé sur les protocoles mêmes de l’internet. Webmestre du site hypermédia cotres.net, Jean-Paul résume la situation en janvier 2007: «J’ai l’impression que nous vivons une période "flottante", entre les temps héroïques, où il s’agissait d’avancer en attendant que la technologie nous rattrape, et le futur, où le très haut débit va libérer les forces qui commencent à bouger, pour l’instant dans les seuls jeux.» «La chance qu’on a tous est de vivre là, ici et maintenant cette transformation fantastique», écrit à la même date Pierre Schweitzer, inventeur du projet @folio, une tablette numérique de lecture nomade. «Quand je suis né en 1963, les ordinateurs avaient comme mémoire quelques pages de caractères à peine. Aujourd’hui, mon baladeur de musique pourrait contenir des milliards de pages, une vraie bibliothèque de quartier. Demain, par l’effet conjugué de la loi de Moore et de l’omniprésence des réseaux, l’accès instantané aux oeuvres et aux savoirs sera de mise. Le support de stockage lui-même n’aura plus beaucoup d’intérêt. Seules importeront les commodités fonctionnelles d’usage et la poétique de ces objets.» Selon Denis Zwirn, président de la librairie numérique Numilog, interviewé en août 2007, «2008 pourrait sans doute marquer un premier point d'inflexion dans la courbe de croissance du marché des livres numériques. Plusieurs facteurs sont réunis pour cela: (1) le développement de vastes catalogues en ligne utilisant pleinement les fonctionnalités de la recherche plein texte dans les livres numérisés, comme ceux de la future Bibliothèque numérique européenne, de VolltextSuche Online, de Google et d'Amazon. Une fois le contenu trouvé dans un des ouvrages ainsi "sondé" par ce type de recherche révolutionnaire pour le grand public, il est naturel de vouloir accéder à la totalité de l'ouvrage... dans sa version numérique. (2) Des progrès techniques cruciaux tels que la proposition commerciale d'appareils de lecture à base d'encre électronique améliorant radicalement l'expérience de lecture finale pour l'usager en la rapprochant de celle du papier. Par exemple l'iLiad d'Irex ou le Sony Reader, mais bien d'autres appareils s'annoncent. Le progrès concerne toutefois tout autant le développement des nouveaux smartphones multifonctions comme les BlackBerry ou l'iPhone, ou la proposition de logiciels de lecture à l'interface fortement améliorée et pensée pour les ebooks sur PC, comme Adobe Digital Edition. (3) Enfin, le changement important d'attitude de la part des professionnels du secteur, éditeurs, et probablement bientôt aussi libraires. Les éditeurs anglo-saxons universitaires ont massivement tracé une route que tous les autres sont en train de suivre, en tout cas aux Etats-Unis, en Europe du Nord et en France : proposer une version numérique de tous les ouvrages. Même pour les plus réticents encore il y a quelques années, ce n'est plus une question de "pourquoi?", c'est simplement devenu une question de "comment?". Les libraires ne vont pas tarder à considérer que vendre un livre numérique fait partie de leur métier normal. Le livre numérique n'est plus une question de colloque, de définition conceptuelle ou de divination par certains "experts": c'est un produit commercial et un outil au service de la lecture. Il n'est pas besoin d'attendre je ne sais quel nouveau mode de lecture hypermoderne et hypertextuel enrichi de multimédias orchestrant savamment sa spécificité par rapport au papier, il suffit de proposer des textes lisibles facilement sur les supports de lecture électronique variés qu'utilisent les gens, l'encre électronique pouvant progressivement envahir tous ces supports. Et de les proposer de manière industrielle. Ce n'est pas et ne sera jamais un produit de niche (les dictionnaires, les guides de voyage, les non voyants...): c'est en train de devenir un produit de masse, riche de formes multiples comme l'est le livre traditionnel.» Volume imprimé ou fichier numérique, le livre est d’abord un ensemble de mots émanant d’une personne voulant communiquer ses pensées, ses sentiments ou son savoir à large échelle. Souvent appelé le père de l'internet parce que co-fondateur en 1974 des protocoles du réseau, Vinton Cerf aime à rappeler que l'internet relie moins des ordinateurs que des personnes et des idées. Ce fut le cas pour la préparation du présent livre. Merci à tous - professionnels du livre et apparentés - pour leur participation, pour leur temps et pour leur amitié. 14. CHRONOLOGIE COMMENTEE [14.1. Les étapes essentielles // 14.2. En résumé] Si le livre numérique naît en juillet 1971, il ne prend son essor qu’au milieu des années 1990, parallèlement à celui du web, avec une accélération sensible à partir de l’an 2000. Cette chronologie détaille une cinquantaine d’étapes, de 1971 à 2007. 14.1. Les étapes essentielles Juillet 1971 - Genèse du Projet Gutenberg, première bibliothèque numérique au monde Fondé par Michael Hart en juillet 1971 alors qu’il était étudiant à l’Université d’Illinois (Etats-Unis), le Projet Gutenberg a pour but de diffuser gratuitement par voie électronique le plus grand nombre possible d’oeuvres du domaine public. Il est le premier site d’information sur un internet encore embryonnaire, qui débute véritablement en 1974 et prend son essor en 1983. Vient ensuite le web (sous-ensemble de l’internet), opérationnel en 1991, puis le premier navigateur, qui apparaît en novembre 1993. Lorsque l’utilisation du web se généralise, le Projet Gutenberg trouve un second souffle et un rayonnement international. Au fil des ans, des centaines d’oeuvres sont patiemment numérisées en mode texte par des milliers de volontaires. D’abord essentiellement anglophones, les collections deviennent peu à peu multilingues. Le Projet Gutenberg Europe débute en janvier 2004*. Le Projet Gutenberg franchit la barre des 20.000 titres en décembre 2006. Janvier 1991 - Création de l’Unicode, système d’encodage permettant de traiter toutes les langues de la planète Créé en janvier 1991, l’Unicode Consortium a pour tâche de développer l’Unicode, un système d’encodage «universel» sur 16 bits spécifiant un nombre unique pour chaque caractère. Ce nombre est lisible quels que soient la plateforme, le logiciel et la langue utilisés. L’Unicode peut traiter 65.000 caractères uniques et prendre en compte tous les systèmes d’écriture de la planète. A la grande satisfaction des linguistes, il remplace progressivement l’ASCII (American standard code for information interchange), un système d’encodage sur 7 bits ne pouvant traiter que 128 caractères, et donc uniquement l’anglais, avec des extensions prenant en compte les lettres accentuées de quelques langues européennes. Janvier 1993 - Lancement de The Online Books Page, un répertoire d'oeuvres anglophones en accès libre The Online Books Page est créée en janvier 1993 par John Mark Ockerbloom pour répertorier les textes électroniques de langue anglaise en accès libre sur le web. A cette date, John Mark Ockerbloom est doctorant à l’Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie). En 1999, il rejoint l’Université de Pennsylvanie pour travailler à la R&D (recherche et développement) de la bibliothèque numérique de l'université. A la même époque, il y transfère The Online Books Page, tout en gardant la même présentation, très sobre, et il poursuit son travail d’inventaire dans le même esprit. En 2003, ce répertoire fête ses dix ans et recense plus de 20.000 textes électroniques, dont 4.000 textes publiés par des femmes, à savoir 20% de sa liste de liens. En décembre 2006, il recense 25.000 titres, dont 6.300 titres du Projet Gutenberg. Avril 1993 - Création d’ABU: la bibliothèque universelle, première bibliothèque numérique francophone Créée en avril 1993, ABU: la bibliothèque universelle (ABU signifiant: Association des bibliophiles universels) est la première bibliothèque numérique francophone à voir le jour, à l’initiative de l’association du même nom, basée à Paris. Ses membres bénévoles scannent ou dactylographient eux-mêmes des oeuvres francophones du domaine public. En janvier 2002, les collections comprennent 288 textes de 101 auteurs. Il ne semble pas que d’autres textes aient été ajoutés depuis. Juin 1993 - Lancement par Adobe de l’Acrobat Reader, premier logiciel de lecture En juin 1993, la société Adobe lance l’Acrobat Reader, premier logiciel de lecture du marché, qui permet de lire des documents au format PDF (portable document format). L’attrait de ce format est de conserver la présentation du document source, quelle que soit la plateforme utilisée pour le créer (au moyen du logiciel Adobe Acrobat) et pour le lire. Le format PDF devient la norme internationale de diffusion des documents électroniques. L’Acrobat Reader est disponible en plusieurs langues et pour diverses plateformes (Windows, Macintosh, Linux, Unix). En 2001, Adobe lance un Acrobat Reader pour assistant personnel (PDA), utilisable sur le Palm Pilot (en mai 2001) puis sur le Pocket PC (en décembre 2001). En mai 2003, l’Acrobat Reader devient l’Adobe Reader. Novembre 1994 - Naissance des Chroniques de Cybérie, première lettre d’information électronique francophone En novembre 1994, Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, crée Les Chroniques de Cybérie, une chronique hebdomadaire des actualités de l’internet, sous la forme d’une lettre envoyée par courrier électronique. A partir d’avril 1995, sa chronique est présente sur le web. Au fil des ans, elle devient une référence dans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre. En 2002, les Chroniques comptent 5.600 abonnés. Faute de financement, elles cessent en avril 2003 pour laisser place au blogue de Jean-Pierre Cloutier. Février 1995 - Lancement du site web du Monde diplomatique, premier site d’un périodique imprimé français En février 1995 est mis en ligne le site web du mensuel Le Monde diplomatique, premier site d’un périodique imprimé français. Monté dans le cadre d’un projet expérimental avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA), ce site est inauguré lors du forum des images Imagina. Quelques mois après, plusieurs quotidiens imprimés mettent en ligne un site web: Libération à la fin de 1995, Le Monde et L’Humanité en 1996, etc. Avril 1995 - Création d’Editel, site pionnier de l’édition littéraire francophone En avril 1995, Pierre François Gagnon, poète et essayiste québécois, crée Editel, site pionnier de l’édition littéraire francophone. Après avoir été le premier site web d’auto-édition collective de langue française, Editel devient un site de cyberédition non commerciale, en partenariat avec quelques auteurs maison, ainsi qu’un webzine littéraire. Juillet 1995 - Création de la librairie en ligne Amazon.com, futur géant du commerce électronique En juillet 1995, Jeff Bezos fonde à Seattle (Etat de Washington, Etats-Unis) la librairie en ligne Amazon.com, futur géant du commerce électronique. Suite à une étude de marché démontrant que les livres sont les meilleurs «produits» à vendre sur l’internet, Amazon.com débute avec dix salariés et trois millions d’articles. Cinq ans plus tard, en novembre 2000, la société compte 7.500 salariés, 28 millions d’articles, 23 millions de clients et quatre filiales (Royaume-Uni, Allemagne, France, Japon), auxquelles s’ajoute une cinquième filiale au Canada en juin 2002 puis une sixième filiale en Chine en septembre 2004. Février 1996 - Lancement de la lettre d’information électronique LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu) En février 1996, François Vadrot, directeur des systèmes d’information du CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France), crée LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu), une lettre d’information hebdomadaire consacrée à l’actualité de l’internet et des nouvelles technologies. En août 1999, il fonde la société de cyberpresse FTPress (French Touch Press), basée à Paris. En septembre 1999, il lance Internet Actu, qui remplace LMB Actu. D’autres publications suivent, ainsi que des réalisations multimédias et des émissions de télévision, dont certaines suivent de près l’actualité du livre. En avril 2002, Internet Actu est racheté par INIST Diffusion (INIST: Institut de l’information scientifique et technique). FTPress cesse ses activités en mai 2003. Avril 1996 - Fondation de l’Internet Archive pour archiver la totalité du web tous les deux mois Fondée en avril 1996 par Brewster Kahle à San Francisco (Californie), l’Internet Archive a pour but de constituer, stocker, préserver et gérer une bibliothèque de l’internet, en archivant la totalité du web tous les deux mois. L’objectif est d’offrir un outil de travail aux universitaires, chercheurs et historiens, et de préserver un historique de l’internet pour les générations futures. En octobre 2001*, l’Internet Archive met ses archives en accès libre sur le web grâce à la Wayback Machine. En 2004, les archives du web représentent plus de 300 téraoctets de données, avec une croissance de 12 téraoctets par mois. Les archives du web représentent 30 millions de pages web en 1996, 65 milliards de pages web (provenant de 50 millions de sites web) en décembre 2006 et 85 milliards de pages web en mai 2007. Mai 1996 - Création du DAISY Consortium pour définir un standard de livre audionumérique Fondé en mai 1996, le DAISY Consortium (DAISY signifiant d'abord «digital audio information system» puis «digital accessible information system») est un consortium international chargé d’assurer la transition entre le livre audio analogique (sur bande magnétique ou sur cassette) et le livre audionumérique. Sa tâche est de définir une norme internationale, déterminer les conditions de production, d’échange et d’utilisation du livre audionumérique, et organiser la numérisation du matériel audio à l’échelle mondiale. La norme DAISY se base sur le format DTB (digital talking book), qui permet l’indexation du livre audio et l’ajout de signets pour une navigation facile au niveau du paragraphe, de la page et du chapitre. En août 2003, près de 41.000 livres audionumériques répondent à cette norme. En août 2005, ils sont au nombre de 129 650. Juin 1996 - Lancement de Zazieweb, site indépendant suivant l’actualité du livre Fondé en juin 1996 par Isabelle Aveline, Zazieweb est un site indépendant conçu pour tous les amoureux du livre, professionnels et amateurs. Le succès est immédiat. Suivant de près l’actualité du livre sur le réseau, le site devient peu à peu un portail avec un espace de documentation, d’orientation et de ressources internet. L’annuaire de Zazieweb recense plus de 5.000 sites littéraires. Zazieweb offre aussi «des espaces d’échanges et de rencontres pour lecteurs communicants et actifs». Y participe une communauté active de plus de 10.000 membres ou e-lecteurs. «Qu’est-ce qu’un e-lecteur? Un e-lecteur est un lecteur actif et communicant qui souhaite échanger, discuter, polémiquer avec d’autres lecteurs.» Août 1996 - Création de CyLibris, pionnier francophone de l’édition électronique commerciale Fondé en août 1996 à Paris par Olivier Gainon, CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre) est le pionnier francophone de l’édition électronique commerciale. CyLibris est la première maison d’édition à utiliser l’internet et le numérique pour publier de nouveaux auteurs littéraires. Vendus uniquement sur le web, les livres sont imprimés à la commande et envoyés directement au client, ce qui permet d’éviter le stock et les intermédiaires. Au printemps 2000, CyLibris devient membre du Syndicat national de l’édition (SNE). En 2001, certains titres sont également distribués par un réseau de librairies traditionnelles et numériques. En 2003, le catalogue de CyLibris comprend une cinquantaine de titres. Octobre 1996 - Genèse d’@folio, défini comme un baladeur de texte ou un support de lecture nomade Architecte designer, Pierre Schweitzer crée en octobre 1996 le concept d’@folio (qui se prononce: a-folio) dans le cadre d’un projet de design déposé à l’Ecole d’architecture de Strasbourg. Défini comme un baladeur de textes ou encore comme un support de lecture nomade, @folio permet de lire des textes glanés sur l’internet. De petite taille, il cherche à mimer, sous forme électronique, le dispositif technique du livre, afin d’offrir une mémoire de fac-similés reliés en hypertexte pour faciliter le feuilletage. En juillet 2002, Pierre Schweitzer fonde la start-up iCodex pour promouvoir son projet. En 2007, la commercialisation d’@folio est encore du domaine de l’avenir. Avril 1997 - Création de la société E Ink pour développer une technologie d’encre électronique En avril 1997, des chercheurs du Media Lab du MIT (Massachusetts Institute of Technology) créent la société E Ink afin de développer et commercialiser une technologie d’encre électronique. Très schématiquement, la technologie est la suivante : prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de microcapsules contiennent chacune des particules noires et blanches en suspension dans un fluide clair. Un champ électrique positif ou négatif permet de faire apparaître le groupe de particules souhaité à la surface du support, afin d’afficher, de modifier ou d’effacer les données. En juillet 2002, E Ink présente le prototype du premier écran utilisant cette technologie. Développé en partenariat avec les sociétés Toppan et Philips, cet écran est commercialisé en 2004. Suivent d’autres écrans pour diverses tablettes électroniques de lecture, puis les premiers écrans souples (papier électronique) en noir et blanc. En mai 2007, E Ink annonce sa nouvelle technologie d’encre électronique, le Vizplex. Octobre 1997 - Mise en ligne de Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France En octobre 1997, la Bibliothèque nationale de France (BnF) met en ligne sa bibliothèque numérique Gallica. En accès libre, elle devient rapidement l’une des plus importantes bibliothèques numériques du réseau. On y trouve les documents libres de droits du fonds numérisé de la BnF, qui vont du Moyen-Age au début du 20e siècle. Pour des raisons de coût, les documents sont essentiellement numérisés en mode image. En décembre 2006, ces collections comprennent 90.000 ouvrages (fascicules de presse compris), 80.000 images et des dizaines d’heures de ressources sonores. Gallica débute la conversion en mode texte des livres numérisés en mode image pour favoriser l'accès à leur contenu. Mai 1998 - Lancement des éditions 00h00, premier éditeur au monde à vendre des livres numériques En mai 1998 sont lancées à Paris les éditions 00h00, premier éditeur au monde à vendre des livres numériques. Les deux fondateurs de 00h00 (qui se prononce : zéro heure), Jean-Pierre Arbon et Bruno de Sa Moreira, choisissent ce nom à dessein pour évoquer «cette idée d’origine, de nouveau départ», en faisant le pari de concilier édition électronique et commerce. Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un très beau site, sur lequel on lit: «Internet est un lieu sans passé, où ce que l’on fait ne s’évalue pas par rapport à une tradition. Il y faut inventer de nouvelles manières de faire les choses.» En 2000, le catalogue comprend 600 titres, qui comprennent une centaine d’oeuvres originales et des rééditions électroniques d’ouvrages publiés par d’autres éditeurs. Les versions numériques représentent 85% des ventes, les 15% restants étant des versions imprimées à la demande du client. En septembre 2000*, 00h00 est racheté par la société américaine Gemstar. Septembre 1999 - Création du format Open eBook (OeB) pour offrir un standard de livre numérique En septembre 1999 est créé le format Open eBook (OeB), un standard de livre numérique basé sur le langage XML (extensible markup language) et défini par l’OeBPS (open ebook publication structure). Le format OeB est développé par l’Open eBook Forum (OeBF), un consortium industriel international fondé en janvier 2000 pour regrouper constructeurs, concepteurs de logiciels, éditeurs, libraires et spécialistes du numérique (85 participants en 2002). En avril 2005, l’Open eBook Forum change de nom pour devenir l’International Digital Publishing Forum (IDPF). Décembre 1999 - Mise en ligne de WebEncyclo, première encyclopédie francophone en accès libre En décembre 1999, les éditions Atlas mettent en ligne WebEncyclo, qui est la première grande encyclopédie francophone en accès libre. La recherche est possible par mots-clés, thèmes, médias (médias signifiant : cartes, liens internet, photos, illustrations) et idées. La section «WebEncyclo contributif» regroupe les articles régulièrement envoyés par des spécialistes. En 2002, l’accès est soumis à une inscription gratuite au préalable. Décembre 1999 - Mise en ligne de Britannica.com, première encyclopédie anglophone en accès libre En décembre 1999, Britannica.com propose l’équivalent numérique des 32 volumes de la 15e édition imprimée de l’Encyclopædia Britannica, qui devient ainsi la première grande encyclopédie anglophone en accès libre sur le web. L’encyclopédie en ligne est complétée par un choix d’articles provenant de 70 titres de presse, un guide des meilleurs sites web, une sélection de livres, etc., le tout étant accessible à partir d’un moteur de recherche unique. En septembre 2000, Britannica.com fait partie des cent sites les plus visités au monde. En juillet 2001, la consultation devient payante sur la base d’un abonnement mensuel ou annuel. Janvier 2000 - Lancement du Million Book Project dans le but de numériser un million de livres Lancé en janvier 2000 par cinq professeurs (Jaime Carbonnel, Raj Reddy, Michael Shamos, Gloriana St Clair et Robert Thibadeau) de la Carnegie Mellon University (Pennsylvanie, Etats-Unis), le Million Book Project a pour but de numériser un million de livres. Cette bibliothèque numérique est hébergée sur le site de l’Internet Archive. Les livres sont scannés puis convertis au format texte en utilisant la technologie OCR (optical character recognition). Les collections du Million Book Project comprennent 10 612 livres en avril 2005. Le projet cède ensuite la place à l’Open Content Alliance (OCA), lancée par l’Internet Archive en octobre 2005*. Mars 2000 - Lancement du concept du lyber par les éditions de l’Eclat Le concept du lyber est lancé en mars 2000 par Michel Valensi, directeur des éditions de l’Eclat. Le lyber est un terme «construit à partir du mot latin liber qui signifie à la fois: libre, livre, enfant, vin». Dans le Petit traité plié en dix sur le lyber, Michel Valensi définit le lyber comme un livre numérique disponible gratuitement sur l’internet dans son intégralité, selon le principe du shareware (partagiciel), avec invitation d’acheter un exemplaire pour soi ou ses amis, possibilité de signaler l’adresse de la librairie locale, et possibilité pour les lecteurs de laisser des commentaires sur le texte en ligne. En novembre 2001, sur les 180 titres que comprend le catalogue des éditions de l’Eclat, une vingtaine de titres est disponible sous forme de lyber. Mars 2000 - Création de la société Mobipocket, spécialisée dans les livres numériques pour assistant personnel Créée en mars 2000 par Thierry Brethes et Nathalie Ting, la société Mobipocket, basée à Paris, est spécialisée dans la lecture et la distribution sécurisée de livres numériques sur assistant personnel (PDA). Son logiciel de lecture, le Mobipocket Reader, est «universel», c’est-à-dire utilisable sur tout assistant personnel (Palm Pilot, Pocket PC, eBookMan, Psion, etc.). En avril 2002, la société lance un Mobipocket Reader pour ordinateur. Au printemps 2003, le Mobipocket Reader équipe les premiers smartphones de Nokia et Sony Ericsson. A la même date, le nombre de livres lisibles sur le Mobipocket Reader est de 6.000 titres dans plusieurs langues (français, anglais, allemand, espagnol), distribués soit sur le site de Mobipocket soit dans les librairies partenaires. En avril 2005, Mobipocket est racheté par la librairie en ligne Amazon.com. Mai 2000 - Création du Net des études françaises (NEF), réseau francophone de diffusion libre du savoir En mai 2000, Russon Wooldridge, professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto (Canada), crée le Net des études françaises (NEF), suite au colloque qu’il organise à la même date à Toronto (Colloque international sur les études françaises favorisées par les nouvelles technologies d’information et de communication). Le NEF se veut à la fois un site d’édition non commerciale et un réseau dont les auteurs partagent librement leur savoir et leurs produits avec autrui. «Le NEF est un site web consacré à divers aspects des études françaises, notamment les outils critiques, réflexions et autres ressources, ainsi que le World Wide Web comme répositoire de textes et de bases de données textuelles, en même temps qu'objet d'étude et d'analyse critique.» (Russon Wooldridge) Le NEF organise ensuite un deuxième colloque en mai 2002 à Lisieux (Normandie). Juillet 2000 - Auto-publication en ligne d’un roman de Stephen King, premier auteur de best-sellers à tenter l’expérience En juillet 2000 débute l’auto-publication électronique de The Plant, roman épistolaire de Stephen King. Premier auteur de best-sellers à se lancer dans un tel pari, Stephen King commence d’abord par distribuer en mars 2000 sa nouvelle Riding The Bullet uniquement en version numérique. 400.000 exemplaires sont téléchargés en vingt-quatre heures. Suite à ce succès à la fois médiatique et financier, il crée un site web spécifique pour auto-publier The Plant en épisodes. Les chapitres paraissent à intervalles réguliers et sont téléchargeables dans plusieurs formats (PDF, OeB, HTML, texte, etc.). En décembre 2000, après la parution du sixième chapitre, l’auteur décide d’interrompre cette expérience, le nombre de téléchargements et de paiements ayant régulièrement baissé au fil des chapitres. Août 2000 - Lancement du Microsoft Reader, logiciel de lecture pour plateforme Windows En août 2000, Microsoft aborde le marché naissant du livre numérique en lançant son propre logiciel de lecture, le Microsoft Reader, pour équiper le Pocket PC, l’assistant personnel de Microsoft lancé à la même date. Le Microsoft Reader est ensuite disponible pour toute plateforme Windows. Microsoft passe aussi des partenariats avec Barnes & Noble.com (en janvier 2000) et Amazon.com (en août 2000) pour débuter la vente de livres numériques lisibles sur le Microsoft Reader. Barnes & Noble.com ouvre son secteur numérique en août 2000, suivi par Amazon.com en novembre 2000. En octobre 2001, le Pocket PC troque le système d’exploitation Windows CE contre le Pocket PC 2002, qui permet la lecture de livres numériques sous droits. Septembre 2000 - Rachat des éditions 00h00 par Gemstar-TV Guide International En septembre 2000, les éditions 00h00 - fondées en mai 1998* - sont rachetées par Gemstar-TV Guide International, société américaine spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias. Cette acquisition fait suite au rachat par Gemstar en janvier 2000 des sociétés californiennes NuvoMedia et Softbook Press, à l’origine des premiers modèles de tablettes électroniques de lecture. Le rachat de 00h00 permet à Gemstar d’étendre ses activités à l’Europe et d’accéder à l’édition numérique francophone, dont 00h00 est le site de référence avec 600 titres. 00h00 cesse ses activités en juin 2003, tout comme la branche eBook de Gemstar. Septembre 2000 - Mise en ligne du Grand dictionnaire terminologique (GDT) par l’Office québécois de la langue française (OQLF) Mis en ligne en septembre 2000 et disponible en accès libre, le Grand dictionnaire terminologique (GDT) est un vaste dictionnaire bilingue français-anglais comprenant 3 millions de termes du vocabulaire industriel, scientifique et commercial. La taille du GDT équivaut à 3.000 ouvrages de référence imprimés. Cette mise en ligne est le résultat d’un partenariat entre l’Office québécois de la langue française (OQLF), auteur du dictionnaire, et de la société Semantix, spécialisée dans les solutions logicielles linguistiques. Dès le premier mois, le dictionnaire est consulté par 1,3 million de personnes, avec des pointes de 60.000 requêtes quotidiennes. En février 2003, les requêtes sont au nombre de 3,5 millions par mois. En mars 2003, une nouvelle version du GDT est mise en ligne, avec gestion par l’OQLF lui-même et non plus par une société prestataire. Septembre 2000 - Lancement de Numilog, première librairie francophone à vendre exclusivement des livres numériques Lancée en septembre 2000, la librairie Numilog est la première librairie francophone à vendre exclusivement des livres numériques, par téléchargement et dans plusieurs formats. Fondée à Paris en avril 2000 par Denis Zwirn, la société Numilog est à la fois une librairie en ligne, un studio de fabrication et un diffuseur de livres numériques. En 2003, le catalogue comprend 3.500 titres (livres et périodiques) en français et en anglais, aux formats PDF (pour lecture sur l’Acrobat Reader puis l’Adobe Reader), LIT (pour lecture sur le Microsoft Reader) et PRC (pour lecture sur le Mobipocket Reader), grâce à un partenariat avec une quarantaine d’éditeurs. En décembre 2006, le catalogue de Numilog comprend 35.000 livres numériques grâce à un partenariat avec 200 éditeurs, dont 60 éditeurs francophones. Septembre 2000 - Lancement du portail Handicapzéro, destiné aux personnes francophones ayant un problème visuel Mis en ligne en septembre 2000 par l’association du même nom, Handicapzéro devient en février 2003 un portail généraliste offrant un accès adapté à l’information (actualités, programmes de télévision, météo, services divers pour la santé, l’emploi, la consommation, les loisirs, les sports, la téléphonie, etc.) pour tous les Francophones ayant un problème visuel, à savoir plus de 10% de la population. Les personnes aveugles peuvent accéder au site au moyen d’une plage braille ou d’une synthèse vocale. Les personnes malvoyantes peuvent paramétrer sur la page d’accueil la taille et la police des caractères ainsi que la couleur du fond d’écran pour une navigation confortable. Les personnes voyantes peuvent correspondre en braille avec des aveugles par le biais du site. En octobre 2006, le portail enrichit encore son contenu et se dote de nouvelles fonctionnalités. Octobre 2000 - Fondation de la Public Library of Science (PLoS) dans le but de créer un service gratuit d’archives en ligne Fondée en octobre 2000 par un groupe de chercheurs des universités de Stanford et de Berkeley (Californie) pour contrer les pratiques des éditeurs spécialisés, la Public Library of Science (PLoS) propose de regrouper tous les articles scientifiques et médicaux au sein d’archives en ligne en accès libre, avec point d’accès unique, moteur de recherche multicritères et système d’hyperliens entre les articles. La réponse de la communauté scientifique internationale est remarquable. Au cours des deux années suivantes, la lettre ouverte de PLoS est signée par 34.000 chercheurs dans 180 pays. Le réponse des éditeurs est beaucoup moins enthousiaste, si bien que ce projet ne voit pas le jour. Mais PLoS décide de devenir lui-même éditeur de périodiques scientifiques et médicaux, et lance sa maison d’édition en janvier 2003*. Octobre 2000 - Création de Distributed Proofreaders pour aider à la numérisation des livres du domaine public Conçu en octobre 2000 par Charles Franks pour aider à la numérisation des livres du domaine public, Distributed Proofreaders (DP) est mis en ligne en mars 2001. Le concept est de permettre la correction partagée en fragmentant les livres en pages pouvant être relues par des correcteurs différents. Destiné à intensifier la production de livres pour le Projet Gutenberg, Distributed Proofreaders en devient rapidement la principale source. Il est officiellement affilié au Projet Gutenberg en 2002. Les volontaires n’ont aucun quota à respecter. A titre indicatif, il est suggéré de relire une page par jour. Distributed Proofreaders compte 10.000 livres numérisés par ses soins en décembre 2006. Distributed Proofreaders Europe (DP Europe) voit le jour en janvier 2004*, en même temps que le Projet Gutenberg Europe. Octobre 2000 - Lancement des tablettes électroniques de lecture Gemstar eBook En octobre 2000 sont lancés à New York les deux premiers modèles de Gemstar eBook, successeurs du Rocket eBook (créé par la société NuvoMedia) et du Softbook Reader (créé par la société Softbook Press), suite au rachat des deux sociétés par Gemstar-TV Guide International en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, ces deux modèles - le REB 1100 (écran noir et blanc, successeur du Rocket eBook) et le REB 1200 (écran couleur, successeur du Softbook Reader) - sont construits sous le label RCA, appartenant à Thomson Multimedia. Courant 2002, ces deux modèles sont remplacés par le GEB 1150 et le GEB 2150, construits sous le label Gemstar. En Europe, le GEB 2200 (proche du REB 1200) est lancé en octobre 2001 en commençant par l’Allemagne. Suite à des ventes très inférieures aux pronostics, la commercialisation de toutes ces tablettes de lecture cesse en juin 2003. Novembre 2000 - Mise en ligne de la version numérisée de la Bible de Gutenberg par la British Library En novembre 2000, la version numérique de la Bible de Gutenberg est mise en ligne sur le site de la British Library. Datée de 1454 ou 1455, cette Bible est le premier ouvrage imprimé par Gutenberg dans son atelier de Mayence, en Allemagne. Sur les 180 exemplaires d’origine, 48 exemplaires, dont certains incomplets, existeraient toujours. La British Library en possède deux versions complètes et une partielle. La numérisation est l’oeuvre de chercheurs et experts techniques de l’Université Keio de Tokyo et de NTT (Nippon Telegraph and Telephone Communications), venus travailler dans les locaux de la British Library pour numériser les deux versions complètes. Décembre 2000 - Création de la société Gyricon Media pour développer un modèle de papier électronique En décembre 2000, des chercheurs de PARC (Palo Alto Research Center), le centre Xerox de la Silicon Valley, créent la société Gyricon Media dans le but de commercialiser le SmartPaper, un modèle de papier électronique basé sur une technologie d’affichage dénommée gyricon (elle-même développée depuis 1997). Très schématiquement, la technologie est la suivante : prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de micro-alvéoles contiennent des microbilles bicolores en suspension dans un liquide clair. Chaque bille est pourvue d’une charge électrique. Une impulsion électrique extérieure permet la rotation des billes, et donc le changement de couleur, afin d’afficher, de modifier ou d’effacer des données. En 2004, le marché pressenti est d’abord celui de l’affichage commercial, avec vente d’affichettes fonctionnant sur piles. La société disparaît en 2005, et les activités de recherche et développement se poursuivent au sein de Xerox. Janvier 2001 - Création de Wikipedia, grande encyclopédie collaborative en ligne Créée en janvier 2001 à l’initiative de Jimmy Wales et de Larry Sanger, Wikipedia est une encyclopédie gratuite écrite collectivement et dont le contenu est librement réutilisable. Cette encyclopédie coopérative est rédigée par des milliers de volontaires, avec possibilité pour tout un chacun de corriger ou compléter les articles. Elle est financée par des dons et sans publicité. En décembre 2004, Wikipedia compte 1,3 million d’articles rédigés par 13.000 contributeurs dans une centaine de langues. Deux ans après, en décembre 2006, elle compte 5 millions d’articles dans 250 langues. Des centaines de milliers de visiteurs apportent quotidiennement des corrections et compléments. Les articles restent la propriété de leurs auteurs. La libre utilisation des articles est régie par la licence GFDL (GNU free documentation license). Janvier 2001 - Lancement par la société Cytale du Cybook, première tablette électronique de lecture européenne Première tablette électronique de lecture européenne, le Cybook est lancé en janvier 2001 par Cytale, une société française dirigée par Olivier Pujol. Le téléchargement des livres et journaux numériques s’effectue à partir d’une librairie en ligne propre à Cytale, suite à des partenariats passés avec des éditeurs. La société développe aussi le Cybook Pro, à destination des gros consommateurs de documents, et le Cybook Vision, à destination des personnes malvoyantes. Les ventes des trois modèles étant très inférieures aux pronostics, Cytale, mis en liquidation judiciaire, se voit contraint de cesser ses activités en juillet 2002. La commercialisation du Cybook est ensuite reprise par la société Bookeen, fondée en 2003. La deuxième génération de Cybook est disponible en juin 2004. La troisième génération de Cybook, disponible en octobre 2007, exploite la technologie d'encre électronique E Ink. Janvier 2001 - Lancement par Adobe de l’Acrobat eBook Reader, logiciel de lecture pour livres numériques sous droits En janvier 2001, Adobe lance deux nouveaux produits en complément de l’Acrobat Reader (qui permet de lire des documents au format PDF) et de l’Adobe Acrobat (qui permet de les créer). L’Acrobat eBook Reader, gratuit, est un logiciel de lecture pour les livres numériques sous droits, avec gestion des droits par l’Adobe Content Server. L’Adobe Content Server, payant, est un système de DRM destiné aux éditeurs et distributeurs pour la gestion des droits numériques, à savoir le conditionnement, la protection, la distribution et la vente sécurisée des livres numériques au format PDF. En mai 2003, l’Acrobat eBook Reader fusionne avec l’Acrobat Reader pour devenir l’Adobe Reader. Mars 2001 - Lancement du Palm Reader, logiciel de lecture destiné au Palm Pilot En mars 2001, la société Palm fait l’acquisition de Peanutpress.com, éditeur et distributeur de livres numériques pour assistant personnel (PDA), qui appartenait jusque-là à la société netLibrary. Le Peanut Reader devient le Palm Reader, utilisable aussi bien sur le Palm Pilot que sur le Pocket PC, et les 2.000 titres de Peanutpress.com sont transférés dans la librairie numérique Palm Digital Media. En juillet 2002, le Palm Reader est utilisable sur ordinateur. A la même date, Palm Digital Media distribue 5.500 titres dans plusieurs langues. En 2003, le catalogue approche les 10.000 titres. Octobre 2001 - Lancement par l’Internet Archive de la Wayback Machine, qui permet de voir l'historique d'un site web à différentes dates En octobre 2001, l’Internet Archive met ses archives en accès libre grâce à la Wayback Machine, qui permet à tout un chacun de voir l’historique d’un site web, à savoir la présentation et le contenu d’un site web donné à différentes dates, en général tous les deux mois, à partir de 1996. Fondée en avril 1996* par Brewster Kahle à San Francisco (Californie), l’Internet Archive a pour but de constituer, stocker, préserver et gérer une bibliothèque de l’internet, en archivant régulièrement la totalité du web. En 2004, les archives du web représentent plus de 300 téraoctets (To) de données, avec une croissance de 12 téraoctets par mois. Le nombre de pages web visibles avec la Wayback Machine est de 65 milliards en décembre 2006 et 85 milliards en mai 2007. Février 2002 - Mise en ligne de Bookshare.org, grande bibliothèque numérique pour personnes aveugles et malvoyantes En février 2002 est mis en ligne Bookshare.org, grande bibliothèque numérique à l’intention des personnes aveugles et malvoyantes résidant aux Etats-Unis. Bookshare.org est créé et financé par Benetech, une société de la Silicon Valley ayant pour objectif de mettre la technologie au service de tous les êtres humains, et pas seulement de quelques-uns. Scannés par une centaine de volontaires, 7 620 titres sont disponibles en deux formats : le format BRF (braille format), destiné à une lecture sur plage braille ou une impression sur imprimante braille, et le format DAISY (digital accessible information system), qui permet l’écoute du texte sur synthèse vocale. Le nombre de livres et de volontaires augmente rapidement. En février 2003, un an après l’ouverture, Bookshare.org compte 11.500 titres et 200 volontaires. Fin 2006, la bibliothèque propose 30.000 livres et 150 quotidiens à 5.000 adhérents. En mai 2007, Bookshare.org lance un service international. Janvier 2003 - Débuts des activités d’édition de la Public Library of Science (PLoS) pour lancer des périodiques scientifiques et médicaux en ligne En janvier 2003, la Public Library of Science (PLoS) - fondée en octobre 2000* - devient un éditeur non commercial de périodiques scientifiques et médicaux en ligne. Une équipe éditoriale de haut niveau est constituée pour lancer des périodiques de qualité (PLoS Biology en octobre 2003 puis PLoS Medicine en 2004) selon un nouveau modèle d’édition en ligne basé sur la diffusion libre du savoir. Trois nouveaux titres voient le jour en 2005: PLoS Genetics, PLoS Computational Biology et PLoS Pathogens. PLoS Clinical Trials est lancé en mai 2006. PLoS Neglected Tropical Diseases est lancé en automne 2007. Librement accessibles en ligne, tous les articles peuvent être diffusés et réutilisés ailleurs, y compris pour des traductions, selon les termes de la licence Creative Commons, la seule contrainte étant la mention des auteurs et de la source. Septembre 2003 - Mise en ligne gratuite du MIT OpenCourseWare, un ensemble de cours du Massachusetts Institute of Technology Le MIT (Massachusetts Institute of Technology) décide de publier ses cours en ligne, avec accès libre et gratuit, pour les mettre à la disposition de tous. Disponible en septembre 2002, la version pilote du MIT OpenCourseWare (MIT OCW) offre en accès libre le matériel d’enseignement de 32 cours représentatifs des cinq départements du MIT: textes des conférences, travaux pratiques, exercices et corrigés, bibliographies, documents audio et vidéo, etc. Le lancement officiel du site a lieu en septembre 2003, avec accès à quelques centaines de cours. En mai 2006, 1 400 cours émanent de 34 départements appartenant aux cinq écoles du MIT. La totalité des cours dispensés par le MIT, soit 1.800 cours, est disponible en 2008. En décembre 2005 est lancé en parallèle l'OpenCourseWare Consortium (OCW Consortium), qui propose les cours en accès libre de nombreuses universités. Janvier 2004 - Lancement du Projet Gutenberg Europe et de Distributed Proofreaders Europe En janvier 2004, le Projet Rastko, basé à Belgrade (Serbie), lance le Projet Gutenberg Europe et Distributed Proofreaders Europe (DP Europe), calqué sur Distributed Proofreaders (DP), qui opère aux Etats-Unis depuis octobre 2000*. Le concept est de permettre la correction partagée en fragmentant les livres en pages pouvant être relues par des correcteurs différents. La présence de plusieurs langues reflète la diversité linguistique prévalant en Europe. En juin 2005, 100 livres sont numérisés. En décembre 2006, ce nombre s’élève à 400. Quand il aura atteint sa vitesse de croisière, le Projet Gutenberg Europe devrait se répartir en plusieurs bibliothèques numériques nationales et/ou linguistiques, avec respect du copyright en vigueur dans le pays donné. Octobre 2004 - Lancement de Google Print, le projet de bibliothèque numérique mondiale de Google En octobre 2004, Google lance la première partie de son programme Google Print, établi en partenariat avec les éditeurs pour consulter à l’écran des extraits de livres, puis commander les livres auprès d’une librairie en ligne. La version bêta de Google Print est mise en ligne en mai 2005. En décembre 2004, Google lance la deuxième partie de son programme Google Print, cette fois à destination des bibliothèques, le but étant de numériser 15 millions de livres, à commencer par ceux des bibliothèques de plusieurs universités (Harvard, Stanford, Michigan, Oxford) et de la ville de New York. En août 2005, le programme est suspendu pour cause de conflit avec les éditeurs de livres sous droits. Il reprend en août 2006* sous le nom de Google Book Search (Google Livres). Octobre 2005 - Lancement de l’Open Content Alliance (OCA), projet public et coopératif de bibliothèque numérique mondiale Lancé en octobre 2005 à l’instigation de l’Internet Archive, l’Open Content Alliance (OCA) est un projet public et coopératif de bibliothèque numérique mondiale. L’OCA regroupe de nombreux partenaires: bibliothèques, universités, organisations gouvernementales, associations à but non lucratif, organismes culturels, sociétés informatiques. Les premiers participants sont les bibliothèques des Universités de Californie et de Toronto, l’European Archive, les Archives nationales du Royaume-Uni, O’Reilly Media et Prelinger Archives. L’OCA souhaite s’inspirer de l’initiative de Google en évitant ses travers, à savoir la numérisation des livres sous droits sans l’accord préalable des éditeurs, tout comme la consultation et le téléchargement impossibles sur un autre moteur de recherche. Janvier 2006 - Lancement de la Bibliothèque numérique pour le Handicap (BnH) à destination de toutes les personnes en situation de handicap En janvier 2006 est lancée la Bibliothèque numérique pour le Handicap (BnH) à l’initiative de la ville de Boulogne-Billancourt (région parisienne) et sous l'égide d'Alain Patez, bibliothécaire numérique chargé de mission pour la BnH. «Projet à vocation nationale, la BnH repose sur la conviction que l'édition numérique est le moyen d'accès à l'information et à la culture le mieux adapté aux personnes en situation de handicap. L'objectif de la BnH est de permettre à toute personne confrontée à un handicap de télécharger à distance des livres numériques. Ces documents sont commercialisés dans le public, donc non libres de droit de reproduction.» (Alain Patez) La plateforme technique est entièrement gérée par la société Numilog. En septembre 2007, l'accès de la BnH est généralisé à toute personne en situation de handicap. Août 2006 - Lancement de Google Book Search (Google Livres) en remplacement de Google Print En août 2006, Google lance Google Book Search (Google Livres) pour remplacer le très controversé Google Print, lancé en octobre 2004* et suspendu en août 2005 pour cause de conflit avec les éditeurs de livres sous droits. Google souhaite repartir sur de nouvelles bases. La numérisation des fonds de grandes bibliothèques se poursuit, tout comme le développement de partenariats avec les éditeurs qui le souhaitent. Le conflit avec les éditeurs se poursuit lui aussi, puisque Google continue de numériser des livres sous droits sans l’autorisation préalable des éditeurs en invoquant le droit de citation pour présenter des extraits sur le web. L’Authors Guild et l’Association of American Publishers (AAP) invoquent pour leur part le non respect de la législation relative au copyright pour attaquer Google en justice. Décembre 2006 - Lancement de Live Search Books, le projet de bibliothèque numérique mondiale de Microsoft En décembre 2006 est lancée la version bêta de Live Search Books, qui permet de faire des recherches par mots-clés dans les livres du domaine public scannés par Microsoft. Les premiers fonds scannés sont la British Library et les bibliothèques des Universités de Californie et de Toronto, suivies en janvier 2007 par la New York Public Library et par la bibliothèque de l’Université Cornell. Microsoft compte ajouter des livres sous droits avec l’accord préalable des éditeurs. Microsoft participe aussi à l’Open Content Alliance (OCA), une initiative lancée en octobre 2005* par l’Internet Archive pour créer un répertoire libre et multilingue de livres numérisés et documents multimédias. Décembre 2006 - Développement d'une bibliothèque numérique planétaire dans la Text Archive, sous l'égide de l'Internet Archive Suite à la création de l’Open Content Alliance (OCA) en octobre 2005*, l’Internet Archive franchit la barre des 100.000 livres numérisés en décembre 2006, avec un rythme de 12.000 nouveaux livres par mois. Ces livres sont disponibles dans la collection Text Archive de l’Internet Archive. A la même date, l’Internet Archive reçoit une subvention importante de la Sloan Foundation pour numériser cinq collections historiques appartenant à des établissements réputés (Metropolitan Museum of Art, Boston Public Library, Getty Research Institute, John Hopkins University, Université de Californie à Berkeley). La barre des 200.000 livres numérisés est franchie en mai 2007. Mars 2007 - Lancement de Citizendium, grande encyclopédie collaborative en ligne Citizendium (qui se veut l’abrégé de: The Citizens’ Compendium) est une grande encyclopédie collaborative en ligne conçue en novembre 2006 et lancée en mars 2007 (en version bêta) par Larry Sanger, co-fondateur de Wikipedia en janvier 2001*, mais qui quitte ensuite l’équipe de Wikipedia suite à des problèmes de qualité de contenu. Citizendium est basé sur le même modèle que Wikipedia (collaborative et gratuite) tout en évitant ses travers (vandalisme et manque de rigueur). Les auteurs signent les articles de leur vrai nom et les articles sont édités par des experts («editors») titulaires d'une licence universitaire et âgés d'au moins 25 ans. De plus, des «constables» sont chargés de la bonne marche du projet et du respect du règlement. Le jour de son lancement (25 mars 2007), Citizendium comprend 820 auteurs et 180 experts. Mai 2007 - Lancement de l’Encyclopedia of Life, grande encyclopédie collaborative des sciences de la vie Projet débuté en mai 2007, l’Encyclopedia of Life est une vaste encyclopédie collaborative en ligne rassemblant les connaissances existantes sur toutes les espèces animales et végétales connues (1,8 million), y compris les espèces en voie d’extinction, avec l’ajout de nouvelles espèces au fur et à mesure de leur identification (il en existerait de 8 à 10 millions). Ce projet collaboratif est mené par plusieurs grandes institutions (Field Museum of Natural History, Harvard University, Marine Biological Laboratory, Missouri Botanical Garden, Smithsonian Institution, Biodiversity Heritage Library). Le financement initial est assuré par la MacArthur Foundation et la Sloan Foundation. La réalisation des pages web débute courant 2007. L’encyclopédie fait ses débuts à la mi-2008. Opérationnelle d'ici trois à cinq ans, elle devrait être complète - c'est-à-dire à jour - dans dix ans. 14.2. En résumé 1971 (juillet): Genèse du Projet Gutenberg, première bibliothèque numérique au monde. 1991 (janvier): Création de l’Unicode, système d’encodage permettant de traiter toutes les langues de la planète. 1993 (janvier): Lancement de The Online Books Page, un répertoire d'oeuvres anglophones en accès libre. 1993 (avril): Création d’ABU : la bibliothèque universelle, première bibliothèque numérique francophone. 1993 (juin): Lancement par Adobe de l’Acrobat Reader, premier logiciel de lecture. 1994 (novembre): Naissance des Chroniques de Cybérie, première lettre d’information électronique francophone. 1995 (février): Lancement du site web du Monde diplomatique, premier site d’un périodique imprimé français. 1995 (avril): Création d’Editel, site pionnier de l’édition littéraire francophone. 1995 (juillet): Création de la librairie en ligne Amazon.com, futur géant du commerce électronique. 1996 (février): Lancement de la lettre d’information électronique LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu). 1996 (avril): Fondation de l’Internet Archive pour archiver la totalité du web tous les deux mois. 1996 (mai): Création du DAISY Consortium pour définir un standard de livre audionumérique. 1996 (juin): Lancement de Zazieweb, site indépendant suivant l’actualité du livre. 1996 (août): Création de CyLibris, pionnier francophone de l’édition électronique commerciale. 1996 (octobre): Genèse d’@folio, défini comme un baladeur de texte ou un support de lecture nomade. 1997 (avril): Création de la société E Ink pour développer une technologie d’encre électronique. 1997 (octobre): Mise en ligne de Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France. 1998 (mai): Lancement des éditions 00h00, premier éditeur au monde à vendre des livres numériques. 1999 (septembre): Création du format Open eBook (OeB) pour offrir un standard de livre numérique. 1999 (décembre): Mise en ligne de WebEncyclo, première encyclopédie francophone en accès libre. 1999 (décembre): Mise en ligne de Britannica.com, première encyclopédie anglophone en accès libre. 2000 (janvier): Lancement du Million Book Project dans le but de numériser un million de livres. 2000 (mars): Lancement du concept du lyber par les éditions de l’Eclat. 2000 (mars): Création de la société Mobipocket, spécialisée dans les livres numériques pour assistant personnel. 2000 (mai): Création du Net des études françaises (NEF), réseau francophone de diffusion libre du savoir. 2000 (juillet): Auto-publication en ligne d’un roman de Stephen King, premier auteur de best-sellers à tenter l’expérience. 2000 (août): Lancement du Microsoft Reader, logiciel de lecture pour plateforme Windows. 2000 (septembre): Rachat des éditions 00h00 par Gemstar-TV Guide International. 2000 (septembre): Mise en ligne du Grand dictionnaire terminologique (GDT) par l’Office québécois de la langue française (OQLF). 2000 (septembre): Lancement de Numilog, première librairie francophone à vendre exclusivement des livres numériques. 2000 (septembre): Lancement du portail Handicapzéro, destiné aux personnes francophones ayant un problème visuel. 2000 (octobre): Fondation de la Public Library of Science (PLoS) dans le but de créer un service gratuit d’archives en ligne. 2000 (octobre): Création de Distributed Proofreaders pour aider à la numérisation des livres du domaine public. 2000 (octobre): Lancement des tablettes électroniques de lecture Gemstar eBook. 2000 (novembre): Mise en ligne de la version numérisée de la Bible de Gutenberg par la British Library. 2000 (décembre): Création de la société Gyricon Media pour développer un modèle de papier électronique. 2001 (janvier): Création de Wikipedia, grande encyclopédie collaborative en ligne. 2001 (janvier): Lancement par la société Cytale du Cybook, première tablette électronique de lecture européenne. 2001 (janvier): Lancement par Adobe de l’Acrobat eBook Reader, logiciel de lecture pour livres numériques sous droits. 2001 (mars): Lancement du Palm Reader, logiciel de lecture destiné au Palm Pilot. 2001 (octobre): Lancement par l’Internet Archive de la Wayback Machine, qui permet de voir l'historique d'un site web à différentes dates. 2002 (février): Mise en ligne de Bookshare.org, grande bibliothèque numérique pour personnes aveugles et malvoyantes. 2003 (janvier): Débuts des activités d’édition de la Public Library of Science (PLoS) pour lancer des périodiques scientifiques et médicaux en ligne. 2003 (septembre): Mise en ligne gratuite du MIT OpenCourseWare, une série de cours du Massachusetts Institute of Technology. 2004 (janvier): Lancement du Projet Gutenberg Europe et de Distributed Proofreaders Europe. 2004 (octobre): Lancement de Google Print, le projet de bibliothèque numérique mondiale de Google. 2005 (octobre): Lancement de l’Open Content Alliance (OCA), projet public et coopératif de bibliothèque numérique mondiale. 2006 (janvier): Lancement de la Bibliothèque numérique pour le Handicap (BnH) à destination de toutes les personnes en situation de handicap. 2006 (août): Lancement de Google Book Search (Google Livres) en remplacement de Google Print. 2006 (décembre): Lancement de Live Search Books, le projet de bibliothèque numérique mondiale de Microsoft. 2006 (décembre): Développement d'une bibliothèque numérique planétaire dans la Text Archive, sous l'égide de l'Internet Archive. 2007 (mars): Lancement de Citizendium, grande encyclopédie collaborative en ligne. 2007 (mai): Lancement de l’Encyclopedia of Life, grande encyclopédie collaborative des sciences de la vie. 15. REMERCIEMENTS Ce livre doit beaucoup à tous les professionnels du livre - et apparentés - ayant accepté de répondre par courriel à mes questions, dans certains pendant plusieurs années depuis 1998. La quasi-totalité des entretiens est publiée en ligne sur le Net des études françaises (www.etudes-francaises.net/entretiens/). - Nicolas Ancion (Madrid), écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique, le secteur numérique de l’éditeur belge Luc Pire. - Alex Andrachmes (Europe), producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d’hypertexte. - Guy Antoine (New Jersey), créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne. - Silvaine Arabo (Poitou-Charentes), poète et plasticienne, créatrice de la cyber-revue Poésie d’hier et d’aujourd’hui. - Arlette Attali (Paris), responsable de l’équipe "Recherche et projets internet" à l’Institut national de la langue française (INaLF). - Marc Autret (région parisienne), rédacteur en chef d'Ecrire&Editer, journaliste et infographiste. - Isabelle Aveline (Lyon), créatrice de Zazieweb, site consacré à l’actualité littéraire. - Jean-Pierre Balpe (Paris), directeur du département hypermédias de l’Université Paris 8, chercheur et écrivain. - Emmanuel Barthe (Paris), documentaliste juridique du cabinet d’avocats Coutrelis & Associés, et modérateur de la liste de discussion Juriconnexion. - Robert Beard (Lewisburg, Pennsylvanie), co-fondateur de yourDictionary.com, portail de référence pour les langues. - Michael Behrens (Bielefeld, Allemagne), responsable du secteur numérique de la Bibliothèque universitaire de Bielefeld. - Michel Benoît (Montréal), auteur de romans policiers, utilise l’internet comme outil de recherche, de communication et d’ouverture sur le monde. - Guy Bertrand (Montréal), directeur scientifique du Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL). - Olivier Bogros (Lisieux, Normandie), directeur de la Médiathèque municipale et créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux. - Christian Boitet (Grenoble), directeur du Groupe d'étude pour la traduction automatique (GETA). - Bernard Boudic (Rennes), responsable éditorial du site internet du quotidien Ouest-France. - Bakayoko Bourahima (Abidjan), documentaliste à l’Ecole nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (ENSEA). - Marie-Aude Bourson (Lyon), créatrice de la Grenouille Bleue et de Gloupsy, sites littéraires destinés aux nouveaux auteurs. - Lucie de Boutiny (Paris), écrivain papier et pixel, auteur de NON, roman multimédia publié en feuilleton sur le web. - Anne-Cécile Brandenbourger (Bruxelles), auteur de La malédiction du parasol, hyper-roman publié aux éditions 00h00. - Alain Bron (Paris), consultant en systèmes d'information et écrivain, met en scène l’internet dans son roman Sanguine sur toile. - Patrice Cailleaud (Paris), membre fondateur et directeur de la communication de l’association Handicapzéro, qui propose un portail destiné aux personnes aveugles et malvoyantes. - Tyler Chambers (Boston, Massachusetts), créateur de The Human-Languages Page et de The Internet Dictionary Project. - Pascal Chartier (Lyon), libraire d’ancien et créateur de Livre-rare-book, site professionnel de livres d’occasion. - Richard Chotin (Paris), professeur à l’Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille. - Alain Clavet (Ottawa), analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada. - Jean-Pierre Cloutier (Montréal), auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l’internet. - Jacques Coubard (Paris), responsable du site web du quotidien L’Humanité. - Luc Dall’Armellina (Paris), co-auteur et webmestre d’oVosite, espace d’écritures hypermédias. - Kushal Dave (Yale), étudiant puis professeur à l'Université de Yale. - Cynthia Delisle (Montréal), consultante au Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL). - Catherine Desbuquois (Paris), conservateur en chef des bibliothèques, chargée de mission à la Direction du livre et de la lecture (Ministère de la culture et de la communication), en mission auprès de l'association BrailleNet. - Emilie Devriendt (Paris), élève professeur à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Paris, doctorante à l’Université Paris 4-Sorbonne et responsable du site Translatio. - Bruno Didier (Paris), webmestre de la médiathèque de l’Institut Pasteur. - Catherine Domain (Paris), fondatrice de la librairie Ulysse, première librairie de voyage au monde. - Helen Dry (Michigan), modératrice de The Linguist List. - Bill Dunlap (Paris & San Francisco), fondateur de Global Reach, société spécialisée dans le marketing international en ligne. - Pierre-Noël Favennec (Paris & Lannion, Bretagne), expert à la direction scientifique de France Télécom R&D. - Gérard Fourestier (Nice), créateur de Rubriques à Bac, ensemble de bases de données destinées aux lycéens et aux étudiants. - Pierre François Gagnon (Montréal), créateur d’Editel, pionnier de l’édition littéraire francophone en ligne. - Olivier Gainon (Paris), fondateur et gérant de CyLibris, pionnier francophone de l’édition électronique commerciale. - Jacques Gauchey (San Francisco), journaliste, spécialiste en industrie des technologies de l'information et "facilitator" entre les Etats-Unis et l'Europe. - Raymond Godefroy (Valognes, Normandie), écrivain-paysan, diffuse son recueil Fables pour l’an 2000 sur le web avant la parution du recueil imprimé. - Muriel Goiran (Rhône-Alpes), libraire à la librairie Decitre. - Marcel Grangier (Berne, Suisse), responsable de la section française des services linguistiques centraux de l’Administration fédérale suisse. - Barbara Grimes (Hawaii), directrice de publication de l’Ethnologue: Languages of the World, grande encyclopédie des langues. - Michael Hart (Illinois), fondateur du Projet Gutenberg, première bibliothèque numérique au monde. - Roberto Hernández Montoya (Caracas), responsable de la bibliothèque numérique du magazine électronique Venezuela Analítica. - Randy Hobler (Dobbs Ferry, New York), consultant en marketing internet de produits et services de traduction. - Eduard Hovy (Marina del Rey, Californie), directeur du Natural Language Group de l’USC/ISI (University of Southern California / Information Sciences Institute), et spécialiste de la traduction automatique et du traitement naturel des langues. - Christiane Jadelot (Nancy), ingénieur d’études à l’Institut national de la langue française (INaLF). - Gérard Jean-François (Caen), directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen. - Jean-Paul (Paris), webmestre du site hypermédia cotres.net. - Anne-Bénédicte Joly (Antony, région parisienne), écrivain auto-éditant ses oeuvres et utilisant le web pour les faire connaître. - Brian King (monde), directeur du WorldWide Language Institute, à l'origine de NetGlos, un glossaire multilingue de la terminologie de l'internet. - Geoffrey Kingscott (Londres), co-directeur du magazine en ligne Language Today. - Steven Krauwer (Utrecht, Pays-Bas), coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies). - Gaëlle Lacaze (Paris), ethnologue et professeur d'écrit électronique dans un institut universitaire professionnalisé. - Michel Landaret (Strasbourg), responsable du site web des Dernières nouvelles d’Alsace. - Hélène Larroche (Paris), fondatrice de la librairie Itinéraires, spécialisée dans les voyages. - Pierre Le Loarer (Grenoble), directeur du centre de documentation de l'Institut d'études politiques de Grenoble et chargé de mission TICE. - Claire Le Parco (Paris), de la société Webnet, société qui crée le site Poésie française. - Annie Le Saux (Paris), rédactrice du Bulletin des bibliothèques de France (BBF). - Fabrice Lhomme (Bretagne), créateur d’Une Autre Terre, site consacré à la science-fiction. - Philippe Loubière (Paris), traducteur littéraire et dramatique, et spécialiste de la Roumanie. - Pierre Magnenat (Lausanne), responsable de la cellule «gestion et prospective» du centre informatique de l'Université de Lausanne. - Xavier Malbreil (Ariège, Midi-Pyrénées), auteur multimédia, créateur du site www.0m1.com et modérateur de la liste e-critures. - Alain Marchiset (Paris), libraire d’ancien et président du Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM). - Maria Victoria Marinetti (Annecy), professeur d’espagnol en entreprise et traductrice. - Michael Martin (Berkeley, Californie), créateur de Travlang, site consacré aux voyages et aux langues. - Tim McKenna (Genève), écrivain, s'interroge sur la notion complexe de «vérité» dans un monde en mutation constante. - Emmanuel Ménard (Paris), directeur des publications de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne. - Yoshi Mikami (Fujisawa, Japon), créateur du site The Languages of the World by Computers and the Internet, et co-auteur du livre Pour un web multilingue paru chez O'Reilly. - Jacky Minier (Orléans), créateur de Diamedit, site de promotion d’inédits artistiques et littéraires. - Jean-Philippe Mouton (Paris), fondateur et gérant de la société d'ingénierie Isayas. - John Mark Ockerbloom (Pennsylvanie), fondateur de The Online Books Page, répertoire d’oeuvres anglophones en accès libre sur le web. - Caoimhín Ó Donnaíle (Ile de Skye, Ecosse), webmestre du principal site d’information en gaélique écossais, avec une section consacrée aux langues européennes minoritaires. - Jacques Pataillot (Paris), conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young. - Alain Patez (Boulogne-Billancourt, région parisienne), responsable des éditions numériques à la Médiathèque Landowski de Boulogne-Billancourt, et chargé de mission pour la Bibliothèque numérique pour le Handicap (BnH). - Nicolas Pewny (Annecy), fondateur des éditions du Choucas, spécialisées dans les romans policiers, puis consultant en édition électronique. - Marie-Joseph Pierre (Argentan, Normandie), enseignante-chercheuse à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE, section Sciences religieuses, Paris-Sorbonne). - Hervé Ponsot (Toulouse), webmestre des éditions du Cerf, spécialisées en théologie. - Olivier Pujol (Paris), PDG de la société Cytale et promoteur du Cybook, première tablette électronique de lecture européenne. - Anissa Rachef (Londres), bibliothécaire et professeur de français langue étrangère à l’Institut français de Londres. - Peter Raggett (Paris), directeur du centre de documentation et d’information (CDI) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). - Patrick Rebollar (Tokyo), professeur de littérature française et d’informatique dans des universités japonaises, créateur d’un site web de recherches et activités littéraires, et modérateur de la liste de diffusion LITOR (littérature et ordinateur). - Philippe Renaut (Paris), gérant des éditions du Presse-Temps, et rédacteur en chef d'Edition-actu, la lettre d'information électronique de CyLibris. - Jean-Baptiste Rey (Aquitaine), webmestre et rédacteur de Biblio On Line, site web destiné aux bibliothèques. - Philippe Rivière (Paris), rédacteur au Monde diplomatique et responsable du site web. - Blaise Rosnay (Paris), webmestre du site du Club des Poètes. - Bruno de Sa Moreira (Paris), co-fondateur des éditions 00h00, premier éditeur au monde à vendre des livres numériques. - Pierre Schweitzer (Strasbourg), architecte designer, inventeur du projet @folio, une tablette numérique de lecture nomade, et de Mot@mot, un logiciel de remise en page de fac-similés numériques. - Henri Slettenhaar (Genève), professeur en technologies de la communication à la Webster University et directeur exécutif de la Silicon Valley Association (SVA) suisse. - Murray Suid (Palo Alto, Californie), écrivain spécialisé dans les logiciels éducatifs en ligne et le matériel pédagogique multimédia. - June Thompson (Hull, Royaume-Uni), directeur du C&IT (Communications & Information Technology) Centre, basé à l'Université de Hull. - Zina Tucsnak (Nancy), ingénieur d’études en informatique à l’ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française). - François Vadrot (Paris), fondateur et PDG de la société de cyberpresse FTPress (French Touch Press). - Christian Vandendorpe (Ottawa), professeur à l’Université d’Ottawa et spécialiste des théories de la lecture. - Robert Ware (Colorado), créateur de Onelook Dictionaries, un moteur de recherche pour les dictionnaires. - Russon Wooldridge (Toronto), professeur au département d’études françaises de l’Université de Toronto, créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne, et fondateur du Net des études françaises (NEF). - Denis Zwirn (Paris), président de la société Numilog, fondateur d'une grande librairie numérique francophone, spécialiste de la distribution de livres numériques, et prestataire de services auprès d'éditeurs et de bibliothèques. 16. COMMENTAIRES Ce travail de recherche a vu le jour dès 1995. Il s’est d’abord intitulé De l’imprimé à Internet, avec une première synthèse disponible en 1999 aux éditions 00h00 (version PDF et version imprimée) puis en 2001 sur le Net des études françaises (version web). Il s’est poursuivi au fil des ans avec deux nouveaux titres: Entretiens (1998-2001), qui regroupe une centaine d’entretiens avec des professionnels du livre et apparentés, et Le Livre 010101 (1993-2003), un ouvrage de synthèse en deux volumes. L'ensemble est publié en ligne sur le Net des études françaises (NEF), basé à l’Université de Toronto (Canada), tout comme nombre d’enquêtes et d’articles connexes. A la demande des adeptes du format PDF, Le Livre 010101 est également distribué par la librairie numérique Numilog. Quatre ans plus tard suit un nouveau livre de synthèse, Les mutations du livre à l'heure de l'internet, disponible en septembre 2007 au format PDF sur le NEF et chez Numilog. Marc Autret, journaliste et infographiste: «C’est tout naturellement chez Numilog que la journaliste Marie Lebert a mis en circulation sa remarquable enquête: Le Livre 010101 (version 2002, 158 pp., 1 Mo, ndlr). En quelque 158 pages, elle présente d’innombrables acteurs de l’édition numérique, leur démarche, leurs problèmes, leurs espoirs. Une somme d’entretiens et d’analyses qui, par sa densité et sa qualité, tient de la prouesse. A découvrir.» (Ecrire & Editer nº 41, décembre-janvier 2003) Anne-Bénédicte Joly, écrivain, qui auto-édite ses oeuvres et les promeut sur son site web: «J’ai collaboré à trois reprises avec Marie Lebert dans le cadre de ses travaux de recherche. Non seulement l’expérience s’est parfaitement déroulée grâce au très grand professionnalisme dont Marie Lebert a su faire preuve tout au long de nos travaux (tant durant la phase analyse que durant la phase restitution avant validation), mais aussi elle a accompagné ces démarches d’un soutien et d’une communication de tous les instants. Une fois les travaux effectués et les données rassemblées dans un ouvrage, dont la qualité et la pertinence font aujourd’hui référence (dans le monde de l’édition numérique), Marie Lebert a attaché une grande importance au retour d’information auprès des personnes interviewées. Participer dans ces conditions à de tels travaux d’analyse et collaborer de cette manière ont été des étapes particulièrement intéressantes à de nombreux égards.» (février 2005) Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas, puis consultant publishing et internet: «J’ai eu le plaisir de suivre les recherches de Marie Lebert. Elle s’est intéressée à l’internet et au télétravail à une époque où ils n’étaient connus que de quelques initiés. Elle a su voir très tôt les conséquences des bouleversements apportés dans le monde du livre par l’internet et les technologies numériques. Marie Lebert a fait un gigantesque travail de recherche, véritable travail de précurseur, pour en faire l’historique et la synthèse, dans ses ouvrages Le Livre 010101. Ces ouvrages sont et resteront des documents incontournables pour qui veut comprendre les mutations profondes que l’internet engendre.» (février 2005) Denis Zwirn, président de Numilog, grande librairie de livres numériques et prestataire de services: «Marie Lebert est entrée en contact avec la société Numilog en février 2001 à l’occasion de la rédaction de son livre d’entretiens avec des spécialistes du livre électronique Le Livre 010101. Cet ouvrage, qui porte sur deux périodes (1993-1998 et 1998-2003), fait un point extrêmement complet sur l’historique et les développements actuels des livres numériques dans le monde. Il recense, compare et classifie de manière très instructive les points de vue et expériences de la plupart des pionniers de l’édition numérique, en particulier francophone. Le travail d’interviews effectué par Marie Lebert témoigne d’une grande connaissance des enjeux et problématiques de ce secteur. Il invite les spécialistes de ces nouvelles manières d’écrire, d’éditer et de distribuer des livres à engager avec Marie Lebert une discussion constructive afin d’éclaircir leur propre contribution et leur propre analyse de ce secteur. L’édition numérique représente une innovation forte et profonde de la filière livre, qui comporte des aspects multidisciplinaires et concerne des acteurs de types très différents: auteurs, éditeurs, universitaires, entreprises de commerce électronique. Marie Lebert a accompli à cet égard à travers cet ouvrage un important travail de pionnier pour en effectuer la toute première synthèse francophone existant au monde et pour la communiquer à tous les publics intéressés par ces innovations, par l’unité qu’elles peuvent receler, les paris sur lesquels elles reposent et les interrogations qu’elles soulèvent quant à son avenir. Marie Lebert est devenue de ce fait une des meilleures spécialistes mondiales du sujet. Son travail lui a par ailleurs permis de créer un réseau de communication unique entre les spécialistes du livre électronique, utile à toute la filière dans la mesure où par son intermédiaire de nombreux et utiles échanges ont pu se nouer entre différents professionnels et donner naissance à des projets concrets de coopération. Marie Lebert accomplit avec une grande rigueur un travail indispensable et qui restera une référence pour l’étude de ce nouveau secteur, porteur d’une révolution potentiellement majeure pour l’édition et au-delà pour la diffusion de la connaissance et pour l’éducation. Elle le fait avec un grand sérieux dans l’analyse, dans l’utilisation des concepts, tant théoriques que techniques ou économiques, si tant est que tous ces plans d’analyse sont nécessaires pour comprendre de manière complémentaire et en profondeur les enjeux de l’édition numérique. Son approche très objective et complète des enjeux du secteur permet par ailleurs de présenter à la fois les modèles non commerciaux d’édition numérique, liés aux approches d’écrivains inventant de nouvelles formes de création et de diffusion littéraire ou aux tenants de l’internet libre et gratuit, et les modèles commerciaux, liés aux entreprises d’édition ou aux professionnels du commerce électronique. Elle invite à réfléchir sur les contradictions et/ou les complémentarités entre ces deux types de modèles, une question essentielle qui traverse aujourd’hui toute l’économie d’internet et des biens numériques culturels. Compte tenu de sa valeur, la librairie Numilog a choisi de diffuser le travail de Marie Lebert sur son site afin que ses visiteurs puissent librement le télécharger, le consulter et mieux s’informer sur les livres numériques qui représentent notre activité principale.» (février 2005) Olivier Bogros, directeur de la Médiathèque de Lisieux et créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: «Notre première collaboration avec Marie Lebert remonte à juin 1998, époque à laquelle elle s’était lancée dans sa série d’entretiens en ligne consacrés aux acteurs de l’internet littéraire, encore pionniers. La simplicité apparente de sa méthode faisait apparaître par la confrontation des opinions la richesse du sujet et du projet. Les mises à jour des entretiens permettent de suivre au fil des ans les modifications importantes des sites littéraires liées au développement de l’internet grand public.» (mars 2005) Peter Raggett, directeur du Centre de documentation et d’information (CDI) de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques): «J’ai participé aux Entretiens de Marie Lebert dans le cadre de son projet de recherche Le Livre 010101 et j’ai été impressionné par ses connaissances des derniers développements dans le domaine de l’édition électronique et par l’étude approfondie qu’elle a rédigée. Cette étude est l’une des oeuvres les plus importantes sur l’utilisation des nouvelles technologies dans l’édition.» (avril 2005) Philippe Renaut, rédacteur en chef d’Edition-actu, lettre d’information de CyLibris, et gérant des éditions du Presse-Temps: «J’ai eu l’occasion de collaborer avec Marie Lebert dans le cadre de ses recherches en ligne. Marie fait preuve d’un professionnalisme et d’une honnêteté intellectuelle sans faille qui apporte à tous ses travaux une crédibilité et une dynamique exceptionnelles. Sa recherche sur l’édition en ligne, fouillée et argumentée, a été diffusée logiquement sur le web par moyens numériques, apportant ainsi une preuve supplémentaire de la conviction de Marie pour l’avènement d’une ère numérique dans la lecture et la diffusion de la culture.» (avril 2005) Pierre Schweitzer, architecte designer, inventeur du projet @folio, une tablette numérique de lecture nomade: «J’ai participé en janvier 2001 aux Entretiens de Marie Lebert et découvert sa prodigieuse enquête sur le texte, le livre, l’imprimé et leurs mutations à l’heure des nouvelles technologies de l’information et d’internet. L’enquête réalisée par Marie est à ma connaissance une des plus approfondies et des mieux fouillées sur le sujet. Sortant des sentiers battus, son enquête agrège une somme impressionnante d’interviews, tout à fait remarquable par la diversité des éclairages offerts et par la variété des points de vue recueillis. Les Entretiens de Marie furent pour moi-même une source d’information passionnante et un document de référence vers lequel j’ai pris l’habitude de renvoyer mes interlocuteurs ou certains amateurs éclairés. Car son travail est aussi agréable et efficace dans sa forme : l’écriture hypertexte est investie avec passion, goût et malice : la mise en ligne et les traductions offertes en facilitent grandement l’accès. Voici en quelques mots succincts ma perception du travail patient et généreux de Marie, qui fait d’elle, à mes yeux, une des spécialistes les mieux avisés et les plus constants d’un domaine qui, malgré les soubresauts et certaines désillusions, n’a pas encore fini de nous dire ses derniers mots...» (avril 2005) Jean-Paul, webmestre du site hypermédia cotres.net: «C'était la dernière décennie de notre 2e millénaire. L'Histoire frappe à la porte, puis la fracasse: l'Internet (il porte encore une majuscule) fait irruption. C'est l'ère, l'erre et l'aire des pionniers de la Toile, des chemineaux de ce continent incertain que des banquiers terrorisés tentent de coloniser avant leurs concurrents, que des mohicans éblouis explorent dans le ravissement. Marie en est. Elle arpente le net (c'est encore possible pour un/e solitaire), va de l'un à l'autre, interviewe, noue des liens, suscite les rencontres, les échanges. Fidèle à l'esprit du temps, cela se fait dans la transparence, d'égal à égal, à la terrasse ouverte des cafés pas toujours virtuels. D'année en année, les mises à jour se font quasiment en direct, on peut suivre l'évolution (ultra-rapide) du bouleversement qu'opère l'impérialisme du réseau des réseaux sur toutes sortes d'activités humaines, tout particulièrement dans le royaume d'élection de Marie: l'écriture, et tout ce qui s'y rattache, de la plume (d'acier) à la presse (de plomb). Le Livre 010101 sera la somme de cette expérience: une mine d'infos et d'adresses indispensables à quiconque cherchait quelques amers dans le vaste océan du net.» (décembre 2005) Marc Autret, journaliste et infographiste: «En ligne depuis avant-hier [20 juillet 2007, ndlr] sur le Net des études françaises, un historique vertigineux des Mutations du livre à l'heure de l'internet (PDF, 215 p., 1,2 Mo), sous la loupe infaillible de Marie Lebert. Après De l'imprimé à Internet (00h00, 1999), Le Livre 010101 (NEF/Numilog, 1993-2003) et le Dictionnaire du NEF (2003-2007), la journaliste la plus assidue de la sphère cyberbibliophile nous livre, gratuitement, un nouvel état des lieux de la révolution numérique engagée au milieu des années 90 dans le secteur du livre et de la culture. La chronologie méticuleuse et sourcée de Marie Lebert retend le fil d'Ariane que l'on croyait définitivement perdu avec le brouillage sémantique de ces dernières années. A côté des prospectivistes de la dernière pluie et des chantres du CAC40 éditorial, il est bon de consulter des historiens vaccinés contre le messianisme ambiant et capables de mettre en perspective cette laborieuse génétique où se croisent le texte électronique et ses éditeurs, les bibliothèques numériques, les webrairies, les encyclopédies en ligne, les hypermédias, les e-books (software et hardware), avec en tâche de fond la grande croisade de la numérisation du patrimoine mondial... Il manquait un(e) Homère à cette odyssée, la voici!» (juillet 2007) Olivier Gainon, fondateur et gérant des éditions CyLibris: «Signalons la publication d'un nouveau livre de Marie Lebert, figure historique de l'édition littéraire sur internet, Les mutations du livre à l'heure de l'internet. Ce livre – librement téléchargeable en format PDF – est la bible indispensable pour tous ceux qui s'intéressent (encore ou à nouveau) au livre électronique : forte de son expérience et de son implication sur le sujet depuis plusieurs années, Marie Lebert balaie tous les sujets et les replace dans une perspective historique. Retraçant avec précision l'histoire déjà mouvementée du livre électronique, elle ouvre également des pistes de réflexions, des axes de travail et souligne les ambiguités actuelles des différents acteurs. Bref, un must, on vous dit!» (juillet 2007) Jean-Paul, webmestre du site hypermédia cotres.net: «Le texte de Mutations est comme d'habitude chez Marie Lebert: clair, exhaustif, méthodique. C'est une synthèse exemplaire du dernier demi-siècle (ou presque, déjà!) de la longue histoire du livre, et de sa confrontation au numérique et à l'internet. (...) Par exemple (...) l'apparition successive des copyleft, Creative Commons et autres GPL permet de souligner que le statut de la littérature numérique reste instable, et que le temps n'est pas encore venu où les usagers auront fait le choix de ce qui répond le mieux aux besoins. Et c'est justement ce que je trouve le plus passionnant dans les Mutations que j'ai lu comme un roman "à suivre", contant les tribulations tectoniques d'une révolution, un feuilleton dont la dernière livraison s'écrit sous nos yeux. On y voit des idées, projets, entreprises apparaître, évoluer, grandir ou couler, ou tout bêtement se vendre (juste à temps, dans le cas de 00h00). De belles légendes roses (Amazon, Yahoo!) se transformer en polars balzaciens impitoyables, où les fantassins et petites mains découvrent vite qu'ils ne sont pas dans la tourelle, mais sous les chenilles du char de l'histoire... (...) Une Comédie Humaine, où je me suis amusé à me retrouver en figurant microscopique. Et le moins séduisant n'est pas le bouquet final, une explosion de 18 pages encyclopédiques bourrées d'adresses internet pour dessiner plein de cartes imaginaires des courses folles qui nous attendent derrière l'horizon. Bref, une fois de plus, merci Marie d'avoir empli nos cales et ciselé cette boussole indispensable.» (octobre 2007) 17. SITES ET PAGES WEB Etant donné le sujet, plutôt que la bibliographie d’usage, on préfère proposer une liste des principaux sites et pages web (880 références) consultés. @folio: http://atfolio.u-strasbg.fr/ 0m1.com: écrits et théories: http://www.0m1.com/ A9.com: http://a9.com/ AACR2 (Anglo-American cataloguing rules, version 2): http://www.aacr2.org/ AAP (Association of American Publishers): http://www.publishers.org/ ABF (Association des bibliothécaires français): http://www.abf.asso.fr/ ABU (Association des bibliophiles universels): http://abu.cnam.fr/ Académie française: http://www.academie-francaise.fr/ ACM (Association for Computing Machinery): http://portal.acm.org/ Acrobat Reader: http://www.adobe.com/products/acrobat/ ADBS (Association des professionnels de l’information et de la documentation): http://www.adbs.fr/ ADBS-info: http://listes.adbs.fr/sympa/info/adbs-info AddALL: http://www.addall.com/ Adobe: http://www.adobe.com/ Adobe Acrobat: http://www.adobe.com/products/acrobat/ Adobe Content Server: http://www.adobe.com/products/contentserver/ Adobe eBooks Central: http://www.adobe.com/epaper/ebooks/ Adobe Flash: http://www.adobe.com/products/flash/ Adobe Labs: http://labs.adobe.com/ Adobe LiveCycle Policy Server: http://www.adobe.com/products/server/policy/ Adobe Photoshop: http://www.adobe.fr/products/photoshop/ Adobe PostScript: http://www.adobe.com/products/postscript/ Adobe Reader: http://www.adobe.com/products/reader/ AFA (Association des fournisseurs d’accès et de services internet): http://www.afa-france.com/ AFNOR (Association française de normalisation): http://www.afnor.fr/ AFP (Agence France-Presse): http://www.afp.com/ AJR (American Journalism Review): http://ajr.org/ Alapage: http://www.alapage.com/ Alcatel-Lucent: http://www.alcatel-lucent.com/ Alexa: http://www.alexa.com/ Alice: http://www.alice.it/ Alis Technologies: http://www.alis.com/ AltaVista: http://www.altavista.com/ AltaVista: Babel Fish Translation: http://babel.altavista.com/ Amazon.com: http://www.amazon.com/ Amazon.fr: http://www.amazon.fr/ Ancion, Nicolas (site): http://ancion.hautetfort.com/ Andrachmes, Alex (site): http://homeusers.brutele.be/acmahaux/andrachmes/ ANSI (American National Standards Institute): http://www.ansi.org/ AOL (America OnLine): http://www.aol.com/ AOL Search: http://search.aol.com/ AP (Associated Press): http://www.ap.org/ APELSE (Association pour la promotion de l’écriture et de la lecture sur support électronique): http://www.apelse.asso.fr/ Apple: http://www.apple.com/ Apple: Accessibility: http://www.apple.com/accessibility/ Apple: iPhone: http://www.apple.com/iphone/ Apple: iTunes: http://www.apple.com/itunes/ Apple: Mac OS X: http://www.apple.com/macosx/ Apple: QuickTime: http://www.apple.com/quicktime/ Apple: Safari: http://www.apple.com/macosx/features/safari/ Arbon, Jean-Pierre (site): http://www.arbon-lesite.com/ Ariel: http://www4.infotrieve.com/products_services/ariel.asp ARL 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit http://pglaf.org While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: http://pglaf.org/donate Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Each eBook is in a subdirectory of the same number as the eBook's eBook number, often in several formats including plain vanilla ASCII, compressed (zipped), HTML and others. Corrected EDITIONS of our eBooks replace the old file and take over the old filename and etext number. The replaced older file is renamed. VERSIONS based on separate sources are treated as new eBooks receiving new filenames and etext numbers. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. EBooks posted prior to November 2003, with eBook numbers BELOW #10000, are filed in directories based on their release date. If you want to download any of these eBooks directly, rather than using the regular search system you may utilize the following addresses and just download by the etext year. http://www.ibiblio.org/gutenberg/etext06 (Or /etext 05, 04, 03, 02, 01, 00, 99, 98, 97, 96, 95, 94, 93, 92, 92, 91 or 90) EBooks posted since November 2003, with etext numbers OVER #10000, are filed in a different way. The year of a release date is no longer part of the directory path. The path is based on the etext number (which is identical to the filename). The path to the file is made up of single digits corresponding to all but the last digit in the filename. For example an eBook of filename 10234 would be found at: http://www.gutenberg.org/1/0/2/3/10234 or filename 24689 would be found at: http://www.gutenberg.org/2/4/6/8/24689 An alternative method of locating eBooks: http://www.gutenberg.org/GUTINDEX.ALL *** END: FULL LICENSE ***