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Brave GNU World - numéro 55
Le meilleur du GNOUveau monde
Copyright © 2003 Georg C. F. Greve <greve@gnu.org>
Traduction [FR] : Laurent Richard <laurent.richard@ael.be>, Dominique Delamarre <dominique.delamarre@free.fr>
Permission ci-dessous.

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Bienvenue dans ce nouveau numéro de Brave GNU World. Nous allons nous attarder ce mois-ci sur la documentation libre, les maisons d'édition de livres libres ainsi qu'une ébauche globale du secteur.

Documentation libre

Une partie de l'importance des Logiciels Libres a déjà été évoquée dans cette tribune. Mais la transmission de la connaissance ne peut être entièrement réalisée via le logiciel à lui seul étant donné que l'implémentation des concepts et de la connaissance dans le logiciel est un procédé qui engendre des pertes. Lors de la programmation, la partie de l'information qui ne peut pas être retrouvée à partir du seul code source est toujours perdue.

Selon la complexité du programme ou du problème, n'étudier que le code source est une tentative inefficace ou sans espoir pour comprendre la fonction ou savoir comment utiliser un programme. Cependant, les deux sont des libertés essentielles du Logiciel Libre.

La documentation technique est une bien meilleure manière de transmettre cette information avec beaucoup plus de fond qui est généralement perdu une fois intégré dans le logiciel. C'est donc en toute logique que les concepts du Logiciel Libre et de la Documentation Libre sont étroitement liés. [5]

En fait, la Documentation Libre est essentielle au Logiciel Libre. Même s'il est vrai que la plupart du savoir concernant l'utilisation et le fonctionnement des programmes peut également être appris au moyen de la documentation propriétaire, cela se fait au prix de la limitation de la liberté de redistribuer les modifications. Le logiciel ne peut être distribué que si on enlève la documentation. Cela engendre les désavantages sus-mentionnés pour le destinataire.

La liberté de modifier un programme est aussi limitée car la documentation non libre ne permet pas de la maintenir à jour par rapport au logiciel. Cela mène à des malentendus lors de l'utilisation par de futurs utilisateurs et pose également des limites aux améliorations futures étant donné que leurs auteurs devront d'abord chercher les différences entre un morceau de code et sa documentation en étudiant le code source.

Clairement, comme le logiciel non libre, la documentation non libre se déprécie rapidement dans son utilité à cause de son manque de capacité de maintenance.

De plus, la documentation propriétaire du Logiciel Libre met des limites à l'égalité des chances et à l'acquisition de connaissances car les droits de licence dans l'hémisphère nord sont souvent inabordables pour les étudiants des régions moins favorisées.

Ainsi, le Logiciel Libre joue un rôle clef dans le maintien des libertés non seulement sur papier mais aussi en réalité pour toutes les personnes dans les sociétés de l'information à venir.

GNU Press

GNU Press [6] est le projet d'édition de la Fondation pour le Logiciel Libre (FSF) en complément du Projet GNU, dans lequel vont les développements de GNU Press. L'objectif de GNU Press est de publier des livres d'informatique à des prix accessibles sous des Licences Libres pour la Documentation [7].

GNU Press est géré par Lisa "Opus" Goldstein, une activiste de longue date du Logiciel Libre, qui connaît la Free Software Foundation depuis ses débuts et gère le bureau de la FSF à Boston.

Green Tea Press

Une autre maison d'édition, pour le moment relativement petite, de Livres Libres est Green Tea Press [8] de Allen B. Downey et Lisa Cutler. Elle avait débuté en publiant le livre "How to Think Like a Computer Scientist: Learning with Python" dont la variante pour C++ et Java existe aussi.

Un autre titre au catalogue est "Learning Perl the Hard Way" et le futur nous fait entrevoir heureusement encore plus de Livres Libres de la part de Green Tea Press. Mais cela va dépendre des lecteurs.

Sur la page, Allan Downey décrit cinq façons très simples [9] avec lesquelles un lecteur peut encourager les Livres Libres, en premier en faisant des liens entre eux. Une autre manière est d'encourager la construction de canaux de distribution au travers des demandes à la librairie du coin et aux plus grandes librairies. Une dernière méthode est de les recommander aux libraires et aux professeurs afin de soutenir la documentation libre.

Network Theory

Et pour finir, mais il n'en est pas le moins important, Network Theory [10] de Brian Gough se devait d'être mentionné. Il est aussi à l'origine du thème de ce numéro de Brave GNU World car il a eu l'idée de parler de la documentation libre et des questions attenantes.

Network Theory a été fondé deux ans avant de se rendre compte que maintenir la liberté du Logiciel Libre nécessite aussi de la documentation libre et Brian Gough venait juste de finir d'écrire le "GNU Scientific Library Reference Manual."

Vu qu'il était trop volumineux pour être imprimé et que son bureau saturait déjà des impressions d'autres manuels, il décida d'utiliser la connaissance qu'il avait de la publication, acquise lors d'un emploi précédent, pour fonder Network Theory en vue de publier ces premiers livres.

Jusqu'à présent, sept titres ont été publiés parmi lesquels le manuel officiel de CVS. Cinq autres sont en préparation. Les bénéfices ne sont pas utilisés exclusivement à aider financièrement le Logiciel Libre et les organisations comme la Free Software Foundation. Ils servent également à engager des auteurs afin d'écrire encore plus de documentation libre.

Ainsi, deux nouveaux titres "An Introduction to GCC and G++" et "An Introduction to GNU Bash" ont tous deux été payés par Network Theory et devraient sortir vers novembre 2003 en version papier et sous la GNU Free Documentation License (GFDL).

Brian trouve que devenir un client fidèle et encourager les sociétés et les librairies à acheter ces livres est une des meilleures façons d'aider la documentation libre.

Brian aimerait aussi recevoir beaucoup de demandes pour de nouveaux livres ainsi qu'être contacté par les auteurs intéressés à publier des Livres Libres.

Les autres maisons d'édition

Dans les autres sociétés d'édition plus "traditionelles", la documentation libre devient aussi un sujet à la mode. Par exemple, O'Reilly Associates a maintenant plusieurs Livres Libres dans leur catalogue. Une liste est disponible en ligne. [12]

Même les maisons d'éditions comme le Springer Verlag allemand font quelques premiers pas dans cette direction. Peter Ganten a, par exemple, reçu l'autorisation de distribuer au moins son livre sur Debian GNU/Linux gratuitement sous forme numérique. Cela ne permet toujours pas les modifications et les ré-impressions, donc ce n'est clairement pas libre, mais c'est un premier pas dans la bonne direction.

En particulier l'autorisation de réimprimer est probablement rejetée de façon automatique par un éditeur traditionnel - pour des raisons compréhensibles.

Copier contre Créer ?

L'idée se pose en ces termes : si une maison d'édition peut réimprimer un livre sans devoir payer les auteurs, les éditeurs et les imprimeurs, ce livre sera considérablement moins cher que l'original et donc l'original pourra être retiré de la vente car trop cher.

Le résultat de cela serait une selection négative dans laquelle, si on pousse à l'extrême, seules les entreprises qui réimpriment les livres survivraient et donc dans une certaine mesure, plus aucun nouveau livre ne serait écrit.

Mais il y a plusieurs arguments pour dire que ce raisonnement est exagéré.

D'abord, les hommes ont toujours été créatifs et donc, il n'y a aucune raison que cela change fondamentalement. Bien sûr, l'incitation financière est un des facteurs motivants mais ce qui n'est réalisé que pour des raisons financières donne généralement ce que les gens ont l'habitude de citer comme exemple de la dégénérescence de la vie culturelle.

En fait, ces travaux n'étant pas destinés à un grand nombre de personnes mais étant valables au point de vue culturel et social ne permettent pas à leurs auteurs de gagner leur vie. En effet, ils mettent à mal le mythe du "il n'y a pas de création sans droit de paternité" tellement utilisé pour l'extension de la monopolisation du savoir.

De plus, grâce au réseau global et aux possibilités d'un réseau de distribution décentralisé et mondial au travers de canaux multiples, une réimpression ne saurait jamais remplacer l'original même s'il revenait à un coût moindre. Dans beaucoup de cas, les revendeurs de livres et les canaux de distribution devraient, à cause de leur connaissance de la situation, préférer l'original.

De même, la réimpression peut être une activité très utile socialement lorsque, par exemple, le livre est en rupture de stock et que l'éditeur a décidé de ne pas le réimprimer pour diverses raisons. Dans ce cas, l'éditeur, ayant décidé librement d'ignorer la demande et de ne pas réimprimer, ne souffre d'aucun désavantage grave.

Considérons cependant que l'effet socialement néfaste de la réimpression n'est pas tout à fait sans fondement.

Pour parler de manière pragmatique, la solution optimale serait celle où la liberté des lecteurs n'est pas restreinte, la réimpression socialement utile est possible et la réimpression socialement dommageable reste un inconvénient.

Homogénéïsation : un Problème

De façon intéressante, ce sont des considérations de ce type -- quoi qu'à un niveau bien plus simple et dans un cadre différent -- qui ont amené à la création du Copyright (et plus tard aux droits d'auteur) autour de 1476.

Le copyright fut introduit comme un règlement purement industriel pour régler les problèmes de réimpression entre maisons d'édition. Les auteurs ont eu la possibilité d'acquérir des droits sur leurs oeuvres vers 1710, chose pour laquelle ce système n'avait pas été conçu et qui n'avait pas été prévue.

Nos jours sont, malheureusement, dominés par une idéologie qui remplace le sens originel du système -- promouvoir la créativité d'une façon socialement utile -- par une pure conception de droits et de propriété. La limitation d'accès et la monopolisation du savoir ont cessé d'être des moyens pour devenir des fins en elles-mêmes.

Cette attitude mentale est contenue et prolongée par l'expression "propriété intellectuelle" qui, malgré son évident non-sens -- que signifie posséder une pensée ? -- est largement acceptée sans question et fait un amalgame de sujets différents. Parmi eux, se trouvent les Copyright et Brevets ainsi que les Marques Déposées et les procédés industriels; chacun étant en soi un vaste domaine distinct et méritant d'être étudié en propre.

Il serait, en fait, utile socialement de regarder attentivement et individuellement chacun de ces domaines car -- pour revenir au Copyright/droits d'auteur -- pourquoi exactement le mode d'emploi de mon lave-linge est protégé pour 70 ans après la mort de son auteur ? Avec tout le respect pour l'ingénierie allemande (N.d.t. ou autre), je soupçonne qu'aucune machine à laver en usage aujourd'hui ne sera encore en état de marche dans 100 ans.

De plus, un mode d'emploi technique contient bien moins d'expression artistique que la poésie. C'est une faiblesse évidente du système que de traiter les deux de la même manière.

Cependant, aussi longtemps que nous ne changerons pas le système, la Documentation Libre doit être au fait de ses faiblesses. Les licences doivent viser à rétablir l'équilibre que le système lui-même a perdu.

GNU Free Documentation License (GFDL)

Une tentative pour trouver un meilleur équilibre est la Licence Gnu Free Documentation (GFDL) [11] de la Free Software Foundation.

Avec elle, une réimpression à l'identique peut être interdite au moyen d'un premier ou quatrième de couverture optionnel qui ne peut être reproduit à l'identique sans l'accord de l'éditeur originel et qui doit apparaître dans la section "historique" de toute réimpression.

Cela permet au lecteur d'identifier les réimpressions à cause des titres différents. Cela donne aussi des informations sur la version originale. En même temps, cela garantit la possibilité de construire avec et de distribuer la connaissance contenue dans un livre en incluant son historique.

De même, il est possible de spécifier des sections secondaires qui informent au sujet des relations entre l'auteur, l'éditeur et/ou le contexte général du livre. Elles peuvent aussi -- afin d'empêcher qu'une possible position artistique, personnelle ou politique de l'auteur puisse être présentée de façon erronée hors de son contexte -- être marquées invariantes et, donc, être privées de l'autorisation de modification.

Bien sûr, cette invariance peut poser des problèmes, en particulier pour les documentations techniques si elles sont utilisées de façon trop stricte ou excessive, puisqu'elles obligent à conserver ces sections sans changement dans toutes les versions ultérieures -- entre autres à ne pas les supprimer.

Comme débattu abondamment dans le projet Debian, cela peut conduire à de sérieuses difficultés pratiques puisque ces sections invariantes doivent aussi accompagner les courtes citations de manuels et si on fusionne deux guides en un seul, les sections invariantes de chacun doivent être présentes dans le résultat.

Parfois une restriction de la liberté absolue apporte un accroissement de la liberté pour la majorité -- c'est aussi un des principes directeurs de la Licence Publique Générale GNU (GPL) dans laquelle les droits sont accordés aussi longtemps que le bénéficiaire reconnaît ces droits aux autres.

Si un auteur pense sérieusement à rendre ses oeuvres disponibles à condition que la notice jointe soit conservée, c'est sans doute une part de sa liberté individuelle.

Mais les auteurs devraient choisir avec soin si ces informations doivent faire partie des sections invariantes. Une tentative de forcer l'opinion des autres donne rarement les effets attendus et comme les débats dans le projet Debian le montrent, l'acceptation de telles mesures est plutôt lent. Aussi le résultat immédiat pour une telle documentation est une moindre distribution.

Aussi, pour cette raison, la Licence de Documentation Libre de GNU ne définit aucun titre ni section invariante. Et, même si elle donne les moyens pour ça, la Network Theory, par exemple, renonce à les utiliser pour quelque livre que ce soit.

Semblable à la Licence Publique Générale de GNU et à la Licence Publique Générale Amoindrie GNU, la Licence de Documentation Libre de GNU signifie aussi pour ceux qui reçoivent un Document Libre qu'ils sont informés de leurs droits et que cela leur donne la possibilité de les exercer.

Même si ça doit sembler malcommode dans certains cas à cause du texte plutôt long de la licence, il est essentiel de protéger la liberté non seulement sur le papier mais aussi dans la réalité.

C'est assez sur la Documentation Libre pour cette fois et passons à une initiative d'un domaine plus traditionnel qui permet de promouvoir le Logiciel Libre en lisant des livres -- qu'ils soient libres ou non.

Bookzilla.de

La compagnie freiheit.com technologies gmbH de Hambourg a mis en place la boutique électronique de Libri.de, la filiale en ligne du LIBRI consortium. Le libraire grossiste LIBRI fournit en livres plus de 4000 librairies en allemagne ainsi que des boutiques virtuelles et des librairies Internet.

Toute librairie peut ouvrir un partenariat et profiter de commandes Internet par Libri.de. Le nouveau concept autorise aussi l'ouverture de sites dits "boutiques filiales". Elles permettent de changer les thèmes et des parties de la mise en page standard des sites pour créer des librairies en lignes personnalisées qui donnent accès à tout le choix de Libri.de.

Une de ces boutiques filiales a été ouverte par freiheit.com eux-mêmes sous le nom Bookzilla.de [13]. Elle a pour but de supporter le travail de la FSF Europe sur le logiciel libre. Un pourcentage est pris sur la vente des livres par Bookzilla.de (N.d.t. 5% du montant de la vente). La totalité de ce pourcentage est donnée à la FSF Europe[14].

En plus de l'idée de UKFSN (N.d.t. UK Free Software Network) d'aider davantage le logiciel Libre en choisissant le bon fournisseur d'accès Internet, c'est une autre possibilité intéressante pour supporter indirectement le Logiciel Libre.

C'en est assez

Cela devrait être suffisant pour ce numéro. On pourrait encore vous rapporter les nouvelles du Sommet Mondial sur la Société de l'Information (SMSI) mais cela excèderait mon temps de parole ainsi que l'espace disponible. Si vous êtes intéressé, vous pouvez trouver l'information sur la page du projet de la FSF Europe. [15]

Je n'ai plus qu'à vous souhaiter un bon mois et n'hésitez pas à poser de nombreuses questions, commentaires, idées, suggestions et recommandations sur des projets à l'adresse habituelle. [1]

Je voudrais également souligner que des listes de diffusions [16] ont été récemment créées pour faciliter l'implication des volontaires dans Brave GNU World, spécialement pour les traductions et les pages Internet. Sans l'aide de ces nombreuses personnes, Brave GNU World ne serait pas possible. (N.d.t. : merci Georg.)

Rendez-vous le mois prochain.

Info
[1] Envoyez vos idées, commentaires et questions à Brave GNU World <column@brave-gnu-world.org>
[2] Page d'accueil du projet GNU http://www.gnu.org/
[3] Page d'accueil du Brave GNU World de Georg http://brave-gnu-world.org
[4] Initiative "GNU c'est nous" http://www.gnu.org/brave-gnu-world/rungnu/rungnu.fr.html
[5] Logiciel Libre et Manuels Libres http://www.gnu.org/philosophy/free-doc.html
[6] GNU Press http://www.gnupress.org
[7] Licence de documentation libre http://www.gnu.org/philosophy/license-list.html#FreeDocumentationLicenses
[8] Green Tea Press http://www.greenteapress.com
[9] "Cinq choses faciles que vou pouvez faire pour aider à promouvoir les Livres Libres" (en anglais) http://www.greenteapress.com/easy.html
[10] Network Theory Ltd http://www.network-theory.co.uk
[11] GNU Free Documentation License http://www.gnu.org/licenses/fdl.html
[12] Non-GNU Free Books http://www.gnu.org/doc/other-free-books.html
[13] Bookzilla.de http://www.bookzilla.de
[14] Free Software Foundation Europe http://fsfeurope.org
[15] FSF Europe - WSIS: http://fsfeurope.org/projects/wsis/
[16] Liste de diffusion Brave GNU World : http://savannah.gnu.org/mail/?group=bravegw

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Copyright (C) 2003 Georg C. F. Greve
Traduction [FR] : Laurent Richard, Dominique Delamarre

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Last modified: Fri Jul 9 14:37:45 CEST 2004